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Introduction
Les alchimistes ont toujours affirmé que la seule partie de l'oeuvre philosophale qu'ils avaient à
coeur de dissimuler était la première. À commencer par notre vieux Fulcanelli dans un passage
emprunté aux Demeures philosophales, où le bon maître nous conduit savamment dans le
labyrinthe symbolique de l'imposant statuaire protégeant la tombe de François II de Bretagne en
la cathédrale de Nantes : « En alchimie pratique, ce que l’on sait le moins, c’est le
commencement. Aussi, est-ce la raison pour laquelle nous saisissons toutes les occasions qui
nous sont offertes de parler du début, préférablement à la fin de l’Œuvre. Nous suivons en cela
le conseil autorisé de Basile Valentin, lorsqu’il dit que « celui qui a la matière trouvera toujours
un pot pour la cuire, et qui a de la farine ne doit guère se soucier de pouvoir faire du pain ».
C'est dire l'importance de cette phase délicate qui se voit surtout compliquée par l'ignorance des
curieux à la recherche d'une matière que la Nature leur fournirait toute prête, et avec laquelle ils
débuteraient leurs travaux. Or, selon les meilleurs auteurs, cette matière n'existe pas sur Terre.
Elle est potentiellement partout, mais sa manifestation requiert l'aide d'une industrie secrète.
C'est ce que tente d'expliquer Fulcanelli en se servant des citations de ses pairs. « On doit
comprendre par là, écrit-il, que l'artiste ne trouvera jamais les parents de la pierre directement
préparés dans la nature, et qu'il devra former d'abord le soleil et la lune hermétique, s'il ne veut
être frustré du fruit précieux de leur alliance. »
Dans le Mystère des cathédrales, notre illustre adepte avait déjà enseigné que la réalisation de
la pierre philosophale relevait d'un processus de « génération », et que le vocable d'art attribué
au labeur hermétique trouvait sa justification dans le fait précis que le fruit du Grand-Œuvre naît
de la fécondation d'un principe mâle et d'un principe femelle. Les studieux reconnaîtront ici les
images des deux antagonistes philosophiques que sont le soufre et le mercure.
Et justement, c'est de ce mariage surnaturel entre deux principes universels - que Fulcanelli, à
la suite des grands auteurs intitule androgyne - que procèdera la naissance d'un embryon
physico-chimique introuvable en son état le plus pur dans la nature. C'est véritablement cette
matière que l'artiste extrait de ses appareils de laboratoire, qui est la materia prima du Grand-
Œuvre des Universels.
Avant d'élucider cette erreur, il faut préciser en quoi cette démarche malheureuse est contre
nature. En effet, le mélange d'éléments hétérogènes ne peut fournir que des monstruosités. Si
vous assemblez intimement des composants qui n'ont pas la même
nature, vous réaliserez au mieux des alliages (dont le mélange sera
d'ailleurs réversible), au pire une mélasse informe sans avenir. En
aucun cas vous ne procèderez à une génération comme on en
atteste tous les jours dans la nature, sans toutefois en comprendre
le fonctionnement. « Nature s'enjoint à nature » disaient les Anciens,
et c'est une maxime qui devra nous habiter constamment lorsque
nous réfléchirons à nos travaux.
Alors, quel est ce corps généré par la Nature et que seuls savent engendrer les protagonistes
du couple étrange et peu assorti que sont la vierge et le vieillard ? C'est ce que nous allons voir
ensemble dans ce septième cahier de formation consacré à l'alchimie soli-lunaire, dont les
arcanes, rappelons-le, constituaient un corpus opératoire réservé aux élèves de neuvième
année dans les vieilles confréries de la Rose-Croix d'Or originelle.
Nous allons avancer pas à pas vers une compréhension la plus claire possible du phénomène
alchimique nommé alkaest par les auteurs, qui représente à la fois le légendaire dissolvant
universel de la Nature, et aussi – mais c'est moins connu - la matière première de l'œuvre des
Universels ou voie des rayons. D'où son apparentée symbolique avec l'androgyne du mythe
hermétique.
S'il est un terme qui fut souvent bien mal compris par les chercheurs, c'est bien celui de
l'alkaest. Son origine étymologique, comme bon nombre de vocables alchimiques, reste
relativement nébuleuse.
On l'attribue généralement à Paracelse qui en serait l'inventeur sous la forme d'Alchahest. Son
écriture évolua avec le temps et connut de nombreux dérivés, telle par exemple la tournure
Alkahest attribuable à Van Helmont. De nos jours, on utilise plus couramment la contraction
Alkaest. Ceux qui ont suivi assidument le premier tome de cette formation auront surement
repéré, puis deviné, quelle cabale recèle le précieux terme. Alkaest, en effet, devient Al Ka Est,
c'est-à-dire, La Ka (cha ou ka signifiant lumière) Est, La Lumière est ; en d'autres termes, c’est
la Lumière !… (à suivre)