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La personne en Grèce ancienne* https://journals.openedition.

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Anthropologie & sciences humaines

Collection Ethnologie de la France


Cahiers d'ethnologie de la France

52 | mars 2009 :
Être une personne
Être une personne

La personne en Grèce ancienne*


F I
p. 64-77

Résumés
Français English
Le terme « prosôpon » qui signifiait tout d’abord « visage » et « masque » ne prend que
tardivement – à partir du IIe siècle de notre ère – le sens de « personne », il apparaît alors
comme personne grammaticale. Les analyses de Detienne, de Meyerson et de Vernant ont
souligné combien la complexité de la topologie psychologique présente dans les textes
littéraires et philosophiques, la prégnance des concepts de psukhè et de daimôn, tout comme
la spécificité de l’analyse de l’acte, allaient à l’encontre de l’idée d’un tout unifié de l’individu et
d’un rapport réflexif simple à soi-même. Poursuivant deux lignes de recherche indiquées par
Mauss, l’article entend montrer les modifications apportées par le stoïcisme impérial,
notamment par son injonction à l’unité, et clarifier les caractéristiques conceptuelles qui
accompagnent, chez le grammairien grec Apollonius Dyscole, l’émergence de la personne
grammaticale.

The person in ancient Greece


The term «prosôpon» which originally meant face or mask only acquires the meaning of
person at a late date, only from the second century A.D. does it appear in the grammatical
sense of person. The analyses by Detienne, Meyerson, and Vernant have emphasised how the
complexity of the psychological terminology that we find in the texts, the prominence of the
concepts psukhè and daimôn as well as the specificity of the analysis of action all went against
any idea of a unified individual and of a simple reflexive relation to the self. Following two
lines of analysis suggested by Mauss the paper attempts to show the changes brought about by
imperial stoicism and makes clear the conceptual characteristics that accompany the
emergence of the grammatical person in the work of the greek grammarian Apollonius
Dyscolus.

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La personne en Grèce ancienne* https://journals.openedition.org/terrain/13577

Thème : histoire, personne (notion de)


Lieu d'étude : Grèce
Mot-clé : altérité, âme, Grèce, masque, multiplicité, personne, unité, visage
Keyword : alterity, face, Greece, mask, multiplicity, person, soul, unity

Texte intégral
« L’individu contient beaucoup plus
de personnes qu’il ne croit.
"Personne" n’est qu’un accent mis,
un résumé de traits et de "qualités". »
(Friedrich Nietzsche, Fragments posthumes,
X, 25 [363].)

Prosôpon : masque, visage, personne


1 Dans son Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Pierre Chantraine
(1975) donne pour prosôpon différentes significations : « visage, devant, façade »,
« expression du visage, contenance », « masque », « personnage d’une pièce de
théâtre, caractère », « personne ». Il met en rapport métôpon, le front, l’espace entre
les deux yeux, qui se dit « d’hommes et d’animaux, [de la] façade d’une construction,
de remparts […], [du] front d’une armée », et prosôpon, « ce qui est face aux yeux »
– « ce qui est face aux yeux (d’autrui) », précise-t-il. De visage, prosôpon en vient par
synecdoque à désigner la « personne » tout entière porteuse du visage (Lallot 2004 :
23). L’acception, ou l’extension, « masque » de théâtre (voir Aristote 1980 : V, 1449a
36) entraîne à son tour celle de « personnage » d’un drame, puis d’un récit. Prosôpon
a pour équivalent le latin persona, qui « renvoie à son tour au masque qui fait
résonner (personare) la voix, avant de désigner le personnage, la personnalité et la
personne grammaticale » (Lallot 2004 : 23). Mais plutôt que de personare, persona
découlerait de l’étrusque Phersu, qui désigne « un démon infernal apparenté par son
nom à Perséphone, la souveraine des morts, et à Persée, le maître d’épouvante,
détenteurs l’un et l’autre de la tête de la Gorgone »1.
Pierre Hadot a montré combien l’introduction des termes « persona » et
« prosôpon » dans les controverses chrétiennes a influé sur leur évolution
sémantique, et combien celle du nouveau terme « hupostasis » a été décisive (Hadot
1973 : 123-124). Je ne tenterai pas de restituer l’évolution sémantique complexe qui,
de la réflexion philosophique aux débats juridiques, a mené jusqu’à la personne2. Ce
n’est que tardivement que prosôpon, qui signifie d’abord « visage » et « masque »,
prend le sens de « personne », à partir du e siècle avant notre ère, si l’on s’accorde à
dater ainsi la Tekhnи Grammatikи attribuée à Denys le Thrace, où il apparaît dans le
sens de « personne grammaticale ».
On ne trouve aux époques archaïque et classique aucun concept de personne – si l’on
cherche par là un équivalent à la notion d’un être humain singulier, conscient de soi,
défini par la conscience de sa singularité et de son unicité, et autonome. Là où le
moderne parle de personne, le grec parle d’être humain (anthrôpos en grec et homo
en latin). Il semble donc qu’il n’y ait pas place en Grèce ancienne pour un débat qui
sépare être humain et personne (Gill 1990 : 7). Marcel Mauss a suffisamment
contribué à défaire le présupposé que l’idée de personne était « naturelle » ou
« innée », « précise au fond de la conscience » de « tout le monde », « tout équipée
au fond de la morale qui s’en déduit » (Mauss 1991 : 333), et à nous engager dans une
« vue plus précise » de son histoire.
S’opposant à la tradition presque unanime qui accorde au masque un rôle décisif
dans l’évolution du terme prosôpon vers la notion de personne, Françoise Frontisi-
Ducroux (1995 : 60)

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insiste sur le fait que « le prosôpon équivaut très tôt а l’individu »3. Si, pour les
Latins, « le masque est une puissance surgie du séjour des ténèbres, de l’invisible et
de l’informe, du «monde où il n’y a plus de visages» » (ibid.), le prosôpon, à la fois
masque et visage4, est, comme l’écrit Vernant, « ce qu’on présente de soi au regard
d’autrui, cette figure individualisée offerte aux yeux de quiconque vous aborde de
front et qui est comme le sceau de votre identité » (Vernant 1996a : 118). Le
déplacement du visage à l’âme qu’opère Socrate dans l’Alcibiade est d’autant plus
frappant : « Ne convient-il pas […] de penser que, lorsque toi et moi nous conversons
ensemble, en usant de discours, c’est l’âme qui s’adresse à l’âme ? […] Lorsque
Socrate s’entretient avec Alcibiade au moyen du discours, ce n’est pas à ton visage,
comme il semble, qu’il adresse ses discours, mais à Alcibiade lui-même ; or ceci c’est
l’âme »5 (Platon 1999: 130d-131a).

Histoires d’âme et de corps


2 Jean-Pierre Vernant (1973) et Marcel Detienne (1973) ont établi qu’on ne pouvait
pas parler de « personne » aux âges archaïque et classique. Le concept platonicien
d’âme lui-même est apparu au terme d’un long cheminement. À l’âge archaïque,
particulièrement chez Homère, le terme « psukhи », qui allait avoir une fortune
considérable sous la signification d’« âme », désignait le souffle qui s’exhale au
moment de la mort, qui est l’image (eidôlon), comme le fantôme, de l’individu. Le
terme « sôma », qui devait connaître une célébrité corrélative comme « corps », ne
désignait que le cadavre, aucun terme ne venant rassembler, du vivant de l’individu,
la pluralité ouverte de ses fonctions et de ses modifications organiques,
psychologiques, affectives, qui ne pouvait comme telle être « le support d’un moi »
(Detienne 1973 : 48). Pour Vernant et Detienne, quelque chose de la personne
« s’ébauche » lorsque s’établit l’opposition entre âme et corps, dans le contexte de
sectes spirituelles, comme le pythagorisme : celles-ci développent, en marge du culte
public, des pratiques d’ascèse visant, par certains exercices respiratoires, comme la
contraction du diaphragme, à rassembler une instance séparée d’autres fonctions
considérées comme impures, à réaliser l’unité de la psukhи ; le Phédon de Platon
garde une étroite parenté avec ces pratiques. Dans le même temps où l’âme
« bénéficie » (ibid. : 47) de ce mouvement d’unification, quelque chose comme le
corps se trouve déterminé et aussitôt déprécié (ibid. : 49). D’autres exercices, des
exercices de mémoire, ont pu permettre une histoire de la psukhи, qui ne soit pas de
l’ordre d’un passé individuel, bien plutôt d’une âme immortelle, non personnelle,
permanente dans la série des incarnations successives (Vernant 1959 : 28). De fait,
lorsque Socrate dit ne pas s’adresser au visage d’Alcibiade mais à l’âme, ce n’est pas à
proprement parler à son âme qu’il s’adresse, mais à l’âme en lui (Vernant 1996b :
227-228). Cette âme est d’autant moins personnelle qu’elle n’est pas attachée à un
seul être vivant : le nombre des âmes étant fixé une fois pour toutes, chaque homme
trouve à sa naissance une âme qui lui préexistait, « qui ne lui est aucunement
particulière » et qui, après sa mort, se réincarnera dans un autre homme ou un autre
vivant.
Detienne et Vernant ont montré le rôle fondamental du daimôn dans l’instauration
de l’opposition âme / corps. C’est à partir du moment où certains sens du démonique
se sont trouvés rapprochés de certains sens de psukhи que l’âme a acquis les
contours conceptuels que nous lui connaissons. Encore faut-il souligner la topologie
complexe associée à cette instauration : « Devenue dans l’homme cet être démonique
avec lequel le sujet cherche à coïncider, la psukhи présente toute la consistance d’un
objet, d’un être réel pouvant exister au-dehors, d’un «double» ; mais elle fait en
même temps partie de l’homme lui-même, elle définit en lui une dimension nouvelle
qu’il lui faut conquérir et approfondir sans cesse en s’imposant une dure discipline

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spirituelle. À la fois réalité objective et expérience vécue dans l’intimité du sujet, la


psukhи constitue le premier cadre permettant au monde intérieur de s’objectiver et
de prendre forme, un point de départ pour l’édification progressive des structures du
moi » (Vernant 1973 : 93).
Certains termes, tels que « ébauche » ou « découverte »6, doivent être discutés,
comme la formulation selon laquelle, « à la fois réalité objective et expérience vécue
dans l’intimité du sujet, la psukhи constitue […] un point de départ pour l’édification
progressive des structures du moi ». Toute forme de soumission à l’idée d’une
préexistence des objets conceptuels (que sous-entend le terme « découverte ») ou à
une sorte de téléologie de fait, justifiée par l’histoire telle qu’elle s’est déroulée
(« ébauche » ou « édification progressive »), est discutable. Meyerson l’a nettement
exprimé : « M. Vernant nous a montré de façon frappante les différents chemins par
lesquels la pensée religieuse grecque aurait pu approcher notre conception de la
personne : l’historien d’aujourd’hui pourrait avoir l’impression qu’elle s’en était
effectivement rapprochée, pour reculer ensuite. En fait, les Grecs n’ont pas cherché à
construire la notion de personne, leur système d’idées et de valeurs était autrement
orienté»7 (Meyerson 1973a : 43).
Le plus étrange pour nous est que les lignes conceptuelles que viendra réinvestir la
problématisation de la personne « se situent au niveau du démonique, de cette
province de la pensée religieuse qui se caractérise par l’indéfini » (Detienne 1973 :
51) : « L’âme, étant divine, ne saurait exprimer la singularité des sujets humains ; par
destination, elle déborde, elle dépasse l’individuel » ; appartenant à la catégorie du
« démonique », elle appartient, « paradoxalement, à ce qu’il y a dans le divin de
moins individualisé, de moins «personnel» » (Vernant 1973 : 36).
« L’âme est devenue dans l’homme l’être démonique avec lequel le sujet cherche à
s’identifier et fait partie de l’homme lui-même » : le paradoxe qu’énonce Vernant est
l’indice d’une complexité qui excède ici encore notre représentation de la personne.
Présenter un intellect (noûs) séparable à l’intérieur de l’âme humaine « va à
l’encontre d’une image moderne prédominante de la personne, celle d’une unité
psychologique (et psychophysique) qui est valorisée en tant que tout unifié » (Gill
1991 : 16). Le concept de personne, s’il suppose l’idée d’un tout unifié de l’individu et
d’un rapport en soi-même qui est exclusivement un rapport à soi-même, ne saurait
qualifier une situation où l’individu abrite en lui-même une autre instance, comme
l’intellect ou le démon intérieur8. On peut bien noter la manière dont Aristote, dans
les Catégories, circonscrit l’individu sensible singulier, le tode ti9, et le définit comme
substance première. Cette circonscription logique et physique de la singularité n’a
pas de corrélat sur le plan éthique, à proportion de la tâche normative qui y domine :
l’important réside dans le fait de « chercher à s’identifier à », de « viser quelque
chose ».

Le héros n’est pas une personne


3 Vernant a montré que « les dieux grecs […] sont des pouvoirs, des puissances, non
des «personnes». Leur figuration témoigne de leur force, de leur excellence en tant
que grands pouvoirs non limités. Elle n’a pas pour objet de circonscrire,
d’individualiser leurs attributs » (Meyerson 1973b : 474-475). Le héros peut-il, par
son individualité, constituer une objection au constat d’absence de la personne ?
Meyerson a souligné combien « pour nous, tout naturellement l’action suppose
l’agent, et l’agent implique la personne ; l’agent est en quelque sorte extérieur à
l’action ; la qualité d’agent est un attribut important de la personne et
réciproquement ». Il précise encore que « c’est l’action qui intéresse » la pensée
grecque et la pensée indienne anciennes : elles « n’ont pas tendance à individualiser
l’agent, il est «intérieur» à l’action » (ibid. : 43). Ainsi, « les héros […] ne sont pas les

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auteurs de leurs exploits. Ils sont ces exploits mêmes » (ibid. : 475). Vernant le note
d’une autre manière : les exploits des héros « valent en eux-mêmes et pour eux-
mêmes, indépendamment en quelque sorte de celui qui les accomplit. […] L’exploit
n’est pas la mise en œuvre d’une vertu personnelle, mais le signe d’une grâce divine, la
manifestation d’une assistance surnaturelle. La légende héroïque ne dit pas l’homme
agent responsable, au centre de ses actes, assumant son destin. Elle définit des types
d’exploits, des modèles d’épreuves, où survit le souvenir d’anciennes initiations, et qui
stylisent, sous forme d’actes humains exemplaires, les conditions permettant
d’acquérir des qualifications religieuses, des prérogatives sociales exceptionnelles »
(Vernant 1973 : 34-35). Vernant est formel : « Rien dans tout cela qui évoque, même
de loin, la personne. »
Pour qu’apparaisse quelque chose comme la personne, la problématisation de l’acte
devra séparer l’agent de l’acte jusqu’à l’envisager comme auteur de son acte. Mais il
faudra que soit également démentie une caractéristique, commune à la littérature et à
la philosophie grecques dans une large extension, qui rejoint le rôle important que le
démon et le démonique ont joué dans l’établissement du concept d’âme comme dans
l’écart par rapport à un sujet intérieurement homogène. Je développerai volontiers
l’hypothèse selon laquelle la théorie de la causalité multiple, récurrente dans la
philosophie grecque, trouve sa provenance dans la permanence d’un schème d’analyse
causale hérité du polythéisme où l’être humain engagé dans une action ou une
situation ne prétend jamais être agent exclusif de l’action ou de la situation dans
lesquelles il se trouve engagé – ce que Catherine Darbo-Peschanski (2008) appelle
chez Homère « l’acte réparti ». Plutarque l’exprime au plus serré : « Homère aussi
témoigne en ma faveur10, qui admet que rien ne s’accomplit, pour ainsi dire, par l’effet
d’une cause «sans un dieu» » (Plutarque 2006: 22, 405A).

Un rapport immédiat à l’altérité, le « pli


vers l’extérieur »
4 Françoise Frontisi-Ducroux a montré combien, des trois fonctions qui, selon
Henry Pernet (1988), définissent le masque, représentation, identification,
dissimulation, seules les deux premières sont présentes dans le prosôpon grec
(Frontisi-Ducroux 1995 : 17). Le visage lui-même « ne dissimule rien », il « exprime
et révèle » : « Il n’est pas comme le nôtre cette enveloppe de peau qui préserve,
derrière la clôture des paupières, les secrets de la vie intérieure. » Les Grecs
archaïques et classiques ont bien une expérience d’eux-mêmes, mais c’est celle,
« autrement organisée que la nôtre », d’un « champ ouvert de forces multiples », et
non « d’un moi délimité ou unifié », une expérience « orientée vers le dehors, non
vers le dedans. […] Il n’y a pas d’introspection. Le sujet ne constitue pas un monde
intérieur clos, dans lequel il doit pénétrer pour […] se découvrir. Le sujet est
extraverti. De même que l’œil ne se voit pas lui-même, l’individu pour s’appréhender
regarde vers l’ailleurs, au-dehors » (Vernant 1996b : 224-225). C’est cette orientation
vers le dehors et le rapport particulier à l’altérité qu’elle enveloppe qui permettent
d’expliquer que les manières grecques n’évoquent que complexité et paradoxe si on
compare ce qu’elles décrivent à l’idée, communément admise et présupposée, d’un
sujet clos sur soi, assuré de lui-même par la médiation de la conscience qu’il a de lui-
même, l’intériorité venant dire cette alliance entre le fait et le lieu, tous deux privés,
de la conscience et de la certitude de soi.
L’expression « sous le masque » n’est pas attestée en grec, et sur la peinture des vases
attiques le masque en place n’est signalé sur le visage par aucune ligne de
démarcation (Frontisi-Ducroux 1995 : 40-41) : le visage de l’acteur n’existe pas,
l’acteur est désormais le personnage qu’il incarne. Il n’y a pas de mélange entre une
identité propre et une identité empruntée : l’une succède à l’autre, l’acteur ne fait pas

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un avec son personnage, pas plus que le possédé ne fait un avec le dieu qui l’envahit
dans l’enthousiasme. Il s’agit d’une perméabilité, d’un rapport immédiat à l’altérité,
et de la possibilité pour la singularité d’être suspendue, à la manière dont le masque
peut suspendre la visibilité du visage. Jean Sainte-Fare Garnot remarquait ainsi que
la pensée égyptienne antique « admet comme une chose toute naturelle qu’on peut
être soi et autre chose que soi. Cette façon de penser conduit à une notion de
personne bien différente de notre représentation actuelle » (Meyerson 1973a : 40).
Les modèles de l’action et de la vie engagent d’emblée l’altérité. Cette formulation
centre, à tort, l’action et la vie sur un seul, une seule (personne) – les parenthèses
indiquent que je n’introduis pas ici le terme de personne comme un concept, mais
comme un substantif d’accompagnement, ce qu’il a été longtemps (voir Hadot 1973 :
127) –, et non sur un collectif. Ce qui est, c’est le collectif, et parler d’un seul, par
exemple de soi-même, signifie prélever sur le collectif un point de vue unique
supporté par un seul corps et nommé par un nom ou un faisceau singulier de noms.
L’altérité ne s’entend pas comme le complémentaire d’un moi ou d’un soi, ce qui
condamne l’usage conceptuel de ces pronoms personnels dans ces contextes : le
collectif est un tissu de relations.

Les modifications apportées par le


stoïcisme
5 Que nous ayons à l’intérieur de nous une âme démonique indique que nous
sommes liés à la « mystérieuse puissance de vie qui anime et met en mouvement la
nature entière » (Vernant 1973 : 37). On n’a donc pas affaire à un « individu
singulier, dans ce qu’il a d’irremplaçable et d’unique, ni non plus [à] l’homme dans ce
qui le distingue du reste de la nature » (ibid.) ; cette problématisation « est orientée,
au contraire, vers la recherche d’une coïncidence, d’une fusion des particuliers avec le
tout » (ibid.). Ainsi, jusque dans les sectes en marge du culte officiel où se décide la
notion d’âme, ce qui domine en dernière instance n’est pas une affirmation de soi
comme « valeur singulière », mais le retour à un ordre, distinct de l’ordre social, « en
s’identifiant, autant qu’il est possible, avec le divin » (voir Platon 1994 : 176a).
Le stoïcisme poursuit cette « aspiration du sujet individuel à se fondre dans le tout, à
se réintégrer dans l’ordre cosmique général » (Vernant 1996b : 228). Mais il modifie
l’insertion cosmique tant en substituant à une phusis démonique une phusis
intégralement rationnelle qu’en envisageant la nature rationnelle singulière de
l’individu humain, lui-même intégralement naturel, comme la condition active de
son intégration au cosmos11 : pour la « qualité propre » qui, dans le stoïcisme, définit
l’individu physique singulier et que signifie son nom, il ne s’agit pas de « se fondre
dans le tout », mais de tenir sa place active dans l’économie de la nature qui est aussi
destin.
Chez Épictète, cette nature rationnelle singulière se dit également prohairesis, et celle-
ci joue un rôle important dans la délimitation de la notion de personne, quand la
réciprocité constitutive et la topologie complexe, liée au rôle du démonique dans
l’histoire qui a fondé l’âme, dessinaient un sujet ouvert, d’emblée inscrit dans la
relation, quand rien dans l’analyse de l’acte n’isolait un agent séparé. Le terme
perigraphи (« délimitation » ou « circonscription ») a d’ailleurs été l’une des
premières expressions qui ont servi à décrire ce qui a été ensuite appelé « personne »
(Daniélou 1973 : 115).
Le stoïcisme impérial en vient, avant la consolidation chrétienne, à servir cette
délimitation en reprenant l’opposition platonicienne entre âme et corps et en
durcissant l’opposition entre intérieur et extérieur qui est liée à elle. En découle une
circonscription de l’individu sur sa prohairesis, sa « faculté de choix », don divin :
parcelle en nous du dieu qui est logos, elle est elle-même rationalité. Certains

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traducteurs d’Épictète n’ont pas hésité à traduire prohairesis par « personne », ce


que facilite leur commun caractère d’inaliénabilité. Lorsque prosôpon apparaît dans
le stoïcisme impérial, il renvoie en revanche aux multiples rôles que nous pouvons
jouer, grâce à la liberté que nous donne notre prohairesis, grâce à la plasticité que
nous donne notre hegemonikon : « C’est par une décision volontaire que nous
adoptons le rôle que nous prétendons jouer » (Cicéron 1974: I, 115)12.
Le stoïcisme développe, contre les partitions précédentes, un monisme
psychologique qui exalte la « partie dominante » de l’âme. Or cet hegemonikon finit
par valoir comme objet d’identification du « que suis-je ? », sous-entendant un « ce
que je peux être » et un « ce qu’il est bien que je sois » en un simple « je suis ».
L’émergence d’un trait de la personne résiderait dans cette modification du rapport à
l’identité : d’une identité recherchée, dominée par le normatif, à un ancrage dans une
identité : « Es-tu donc un meuble, toi ? Non, mais une prohairesis » (Épictète 1993:
IV, 5, 6).
Or cet ancrage lui-même doit être motivé. Pour Pierre Hadot, « c’est avec Augustin
que l’homme se sépare du cosmos, s’identifie à son âme, commence à avoir en soi
non plus un «Il», mais un «Je» » (Hadot 1973 : 133 ; renvoie à Groethuysen 1980 :
114-122). Cette séparation est préparée lorsque Marc Aurèle présente l’hegemonikon
comme le point d’ancrage qui fait radeau quand la providence cosmique est menacée
par l’atomisme (Ildefonse 2004 : 60-62). Peut-être la délimitation de la qualité
propre faisait-elle d’emblée séparation13, alors même que tout le système stoïcien la
démentait : avec elle, et surtout avec la toute-présence du logos dont elle n’est qu’un
des effets, se serait trouvée défaite « l’emprise des valeurs religieuses qui a[vait]
empêché la construction de la notion du corps, et a[vait] donc empêché de délimiter
la personne, laquelle se continuait, en quelque sorte, dans la «nature», la phusis
ancienne : sans contours, la «personne» ne pouvait se fixer, et donc se séparer du
monde mythique » (Detienne 1973 : 4714). Elle le pouvait, dès lors que la phusis
devenait intégralement rationnelle, le logos détacheur se substituant à la continuité
de la nature démonique.
L’affaire est complexe. Lorsque Marc Aurèle décompose ce qu’il est – « un peu de
chair, un petit souffle et la partie dominante » (Marc Aurèle 1993 : II, 2) –, il met en
évidence qu’il n’est pas seulement l’hegemonikon. Dire que je suis ou que j’ai
l’hegemonikon, c’est normalement dire seulement que j’ai une possibilité plastique
de transformation, condition psychologique et pragmatique de toute visée normative.
« Où se trouvent «moi» et «mien», il est nécessaire que là penche l’être vivant ; si
c’est dans la chair, c’est là qu’est le maître ; si c’est dans la faculté de choix, c’est là qu’il
est ; si c’est dans les choses extérieures, c’est là qu’il est ; si donc je suis moi là où est
ma faculté de choix, c’est ainsi seulement que je serai l’ami, le fils et le père que je dois
être » (Épictète 1993 : II, 22, 30). L’emphase sur cette circonscription, la
circonscription sur l’hegemonikon, en viendraient à produire la tendance à une
identité stable. Comme le conclut aussi Jean-Baptiste Gourinat, « l’unité et la
constance des choix constituent donc malgré tout l’unité d’une «personne morale».
Mais la prohairesis elle-même n’est pas une «personne morale» : c’est une faculté de
choisir, qui doit s’exercer d’une certaine manière, pour constituer l’essence du bien.
[…] Elle peut avoir la continuité de l’hexis aristotélicienne, ce qui permet de la
constituer en «personne morale», en déterminant une âme vertueuse. Mais elle ne
devient personne morale qu’à cette condition : car il n’y a aucune nécessité
constitutive que la prohairesis s’exerce avec continuité et régularité dans l’identité à
soi, précisément parce qu’elle est par nature en notre pouvoir et non contrainte »
(Gourinat 2005 : 124).

L’injonction à l’unité

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6 Dans ce jeu entre éthique normative et assignation d’une identité, l’injonction à


l’unité a une influence capitale. Dans l’Anthropologie d’un point de vue
pragmatique, Kant liait personne et unité. Mauss l’avait signalé pour le
christianisme : « C’est à partir de la notion d’un que la notion de personne est créée
– je le crois pour longtemps – à propos des personnes divines, mais du même coup à
propos de la personne humaine, substance et mode, corps et âme, conscience et
acte » (Mauss 1991 : 358). Cette injonction est déjà présente dans le stoïcisme
impérial: « Alors que nous pouvons nous appliquer à un seul objet, nous attacher à
un seul objet, nous préférons nous appliquer à plusieurs, nous enchaîner à plusieurs,
à notre corps, à nos biens, à notre frère, à notre ami, à notre enfant, à notre esclave.
Ainsi donc, enchaînés à plusieurs objets, nous sommes alourdis et entraînés par
eux » (Épictète 1993: I, 1, 14). Épictète recommande les investissements de l’unité et
de la totalité de l’âme en place de notre versatilité et de notre variété enfantines :
« Tantôt ils jouent aux athlètes, tantôt aux gladiateurs, tantôt ils sonnent de la
trompette, puis ils jouent toutes les scènes qu’ils ont vues et qui les ont frappés ; toi
aussi, de même, tu es tantôt athlète, tantôt gladiateur, ensuite philosophe et rhéteur,
mais, avec ton âme tout entière, rien du tout » (ibid. : III, 15, 5-6).
Cette injonction à l’unité s’articule à l’opposition entre soi-même et les choses
extérieures : « Il faut que tu sois un homme un, soit bon soit mauvais ; tu dois
travailler soit à la partie maîtresse de ton âme soit aux choses extérieures, consacrer
tes forces au soin soit de l’intérieur soit de l’extérieur, c’est-à-dire prendre l’état de
philosophe ou celui de profane » (ibid. : III, 15, 13). Ici se trouvent rassemblées des
valeurs – injonction à l’unité et à la totalité de son âme, opposition entre sa partie
dominante propre et les choses extérieures, opposition entre intérieur et extérieur –
qui collaborent à la fondation d’un concept dont la circonscription est celle du
concept de personne. Y concourt également la manière par laquelle le stoïcien
négocie son invulnérabilité : « — Quelqu’un est mort. En quoi cela te concerne-t-il ? »
(ibid. : III, 18). Par rapport au sujet ouvert des âges archaïque et classique, il s’agit
bien ici de couper jusqu’aux fils associatifs par lesquels une singularité se poursuit
dans les singularités auxquelles elle est initialement liée, de circonscrire un soi
identique à sa prohairesis droite.
Christopher Gill, aux fins d’un article intitulé « Is there a concept of person in Greek
philosophy? », qu’il concluait par la négative15, en venait à considérer la place de la
théorie stoïcienne de l’assentiment. De fait, elle rompt avec l’acte réparti, la non-
prétention d’un agent à l’exclusivité de son action, le sujet ouvert : le moment décisif
de l’éthique est celui où un agent scelle lui-même son action, soit qu’il confirme par
son assentiment le mouvement de la tendance qu’a immédiatement amorcée une
représentation, lui permettant d’aboutir à une action, soit qu’il arrête la tendance
première en lui refusant son assentiment. Par l’assentiment, une forme de réflexivité
se trouve produite, qui isole l’action comme celle d’un sujet séparé, alors même que
la causalité cosmique poursuit la coloration polythéiste interrompue dans l’action
singulière elle-même.
Le profane dit : « Malheur à moi à cause de mon enfant, de mon frère, de mon
père » ; le philosophe, si tant est qu’il soit contraint de le dire, énonce : « Malheur à
moi » ; et il ajoute après une pause : « «à cause de moi »» ; car rien ne peut empêcher
ou léser une faculté de choix [prohairesis] si ce n’est elle-même » (Épictète 1993 : III,
19, 1-3). La personne apparaît davantage issue du retour sur soi de l’assignation
causale qu’elle n’en est la condition.

La personne grammaticale
7 Mauss avait également indiqué à l’analyse la direction de la personne
grammaticale16. C’est tout d’abord en ce sens que prosôpon prend la signification de

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personne. Lallot souligne combien « l’acception dramatique de prosôpon a pesé d’un


poids particulier dans l’histoire du mot », à partir de l’exemple du composé prosôpo-
poiein, « composer en discours direct », c’est-à-dire en faisant parler les personnages
eux-mêmes. Ainsi, « lorsque les grammairiens adoptent prosôpon pour désigner la
«personne» grammaticale, ils ont en tête la situation d’interlocution, caractéristique
du texte théâtral, qui fait entrer en jeu l’alternance «je-tu» : c’est dans le face-à-face
des personn(ag)es que s’enracine la catégorie de la «personne» » (Lallot 2004 : 23 ;
voir Frontisi-Ducroux 1995 : 59-63).
À la différence d’autres termes comme khronos (« le temps ») ou ptôsis (« le cas »),
le terme « personne » comme « catégorie linguistique » n’apparaît que chez les
grammairiens. En revanche, comme le note Jean Lallot, « dès les textes
grammaticaux les plus anciens et de manière parfaitement stable par la suite,
prosôpon est adopté pour décrire à la fois les protagonistes de l’interlocution et les
marques, tant pronominales que verbales, de leur inscription dans le matériau
linguistique ». Certains datent du e siècle avant notre ère la fixation du terme
prosôpon au sens de « personne grammaticale » en raison des définitions du
chapitre 13 de la Tekhnи Grammatikи attribuée à Denys le Thrace : « Il y a trois
personnes : première, deuxième, troisième. La première, c’est celui de qui vient
l’énoncé, la deuxième, celui à qui il est adressé, la troisième, celui dont il parle. »
Pour Apollonius Dyscole, au e siècle de notre ère, on ne peut avoir d’impératif de
première personne parce qu’en raison de « l’indivision de la personne » on ne peut se
donner d’ordre à soi-même (Apollonius Dyscole 1997 : III, 105). Or l’existence d’une
première personne du subjonctif, attestée dans l’usage, amène le grammairien à
soutenir que, s’il n’y a pas de première personne de l’impératif, il y a une première
personne d’un mode suggestif : si l’on ne peut s’interpeller soi-même ni se donner
des ordres à soi-même, on peut en revanche s’adresser des suggestions à soi-même.
Ces analyses rejoignent des discussions aristotéliciennes sur l’injustice à l’égard de
soi-même, et déjà platoniciennes sur le contrôle de soi.
Le même Apollonius complétait ainsi les définitions de la Tekhnи : « La première
personne, c’est celui de qui vient l’énoncé parlant de moi qui suis l’allocuteur, la
deuxième, celui à qui est adressé l’énoncé parlant de l’allocutaire lui-même, la
troisième, celui dont parle l’énoncé et qui n’est ni l’allocuteur ni l’allocutaire»
(Chœroboscos 1894 : II, 20, 22, rapportant la position d’Apollonius). Dans cette
correction, « l’imbrication énonciation-énoncé est explicite ; il y a première personne
quand l’énoncé parle de l’énonciateur-source, deuxième quand il parle de
l’allocutaire, troisième quand il parle de quelqu’un d’autre (ou d’autre chose) ». Lallot
s’étonne du fait que cette révision « n’en laisse pas moins planer une ambiguïté » sur
ce que désigne prosôpon, entre « entités extra-linguistiques, «personnes»
dialoguantes ou non » et « entités linguistiques, accidents du verbe fléchi et
paradigme pronominal (pronoms personnels) » : cette ambiguïté reste « attachée au
terme de prosôpon ». Ainsi, « les personnes qui prennent part à l’acte [de marcher] se
sont distribuées en personnes : je marche, tu marches, il / elle marche » (Lallot 2004).
Or cette coïncidence entre personne de l’énonciation et personne-agent17 se reproduit
dans la coïncidence entre diathèse actantielle et diathèse de l’âme (ou modalité). Les
concepts de personne et de diathèse attestent combien la réflexion grammaticale est
sous-tendue par la présupposition d’un monde physique et du rapport particulier que
le locuteur entretient avec lui, la situation normative et normale étant celle où un
actant énonce lui-même la situation physique dans laquelle il est engagé par rapport
à un autre actant du monde physique18, dans la situation la plus traditionnelle, un
agent par rapport à un patient. Les deux registres apparaissent dans la définition de
la personne : « La dérivation dans les noms est appelée espèce, le changement [ou
passage] dans les verbes et les pronoms est appelé personne. Le terme est approprié
en ce qu’il manifeste une deixis corporelle et une disposition mentale » (Apollonius
Dyscole 1878b : 18, 16-17). La personne est inséparable de la variation personnelle.

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De fait, l’opposé du concept de personne n’est pas l’impersonnel, mais le


monopersonnel (monoprosôpon). Comme l’a remarqué Françoise Desbordes, le
terme grec aprosôpon (« impersonnel »), aussi rare que tardif, pourrait bien n’être
que la traduction grecque d’un concept latin, rendu nécessaire par l’existence massive
du passif impersonnel latin (Desbordes 1991 : 13).
Lorsque Apollonius Dyscole (1997 : III, 188) évoque les constructions que les
stoïciens caractérisaient comme « quasi-accidents » (« melei/metamelei Truphôni »
[« il y a souci pour Tryphon »], qui correspondent à nos tournures impersonnelles), il
explique la marginalité des verbes de troisième personne se construisant avec le datif
par le fait que les verbes se construisent d’ordinaire avec le seul cas direct, ou
admettent un oblique en plus du cas direct. La paraphrase qu’il donne de la tournure
rend visible l’économie des signifiés sous-tendant la phrase : « Le signifié, c’est
quelque chose comme : melei to philosophein Platôni [le philosopher fait souci à
Platon] »19 (ibid. : III, 188) ; l’absence de cas direct n’est qu’apparente, la tournure
admet un cas direct implicite qui est l’action sous-entendue (ibid. : III, 189).
S’il n’y a pas de conceptualisation de l’impersonnel, c’est qu’il est tout d’abord
impossible d’échapper à la distribution des personnes – dans les exemples étudiés, il
y a troisième personne. Apollonius identifie ailleurs khrи et dei (« il faut ») comme
des verbes de troisième personne et justifie leur « modification unique » par leur
construction avec l’infinitif, « qui est monopersonnel » (Apollonius Dyscole 1878a :
131, 5), et « qui, étant de troisième personne, est, pour la personnification,
indivisible » (ibid. : 131, 16). L’infinitif, littéralement le « dépourvu de connotation »
(aparemphaton), s’il ne marque pas la distinction personnelle, n’est pas pour autant
dépourvu de personne, il est monopersonnel : en tant que « nom de l’acte », il est de
troisième personne et ne se distribue pas selon la qualité personnelle. Si la propriété
de marquer la personne est liée à la possibilité, signalée dans sa définition, de passer
d’une personne à l’autre, il y a équivalence entre le fait d’être monopersonnel et celui
de ne pas admettre la variation personnelle.
La grammaire moderne appelle impersonnelles les tournures sans sujet au
nominatif, interprétant cette absence comme une absence d’agent. Or cette absence
d’agent est – seconde impossibilité – inenvisageable pour le grammairien : la théorie
de la causalité, qui sous-tend la diathèse grammaticale, interdit la conceptualisation
de l’impersonnel. Les grammairiens grecs, comme les stoïciens, conservent le
soubassement d’un monde physique dont l’animal humain, doué de logos, s’attache à
rendre compte : ils poursuivent le mouvement d’insertion dans le cosmos, dont
Vernant et Detienne avaient marqué l’impact sur les différences entre les manières
grecques et la personne moderne. Dans le stoïcisme, le logos, l’impersonnel osmique,
domine les problématisations physique, logique, psychologique, éthique, politique, et
les articule. Dans ce sillage, la coïncidence partagée entre personne et diathèse chez
Apollonius atteste une manière de témoigner de sa situation comme celle d’un agent
physique dans une situation causale à décrire.

Conclusion
8 Dans cette histoire où les analyses antérieures ont si souvent employé la
métaphore du pas supplémentaire à franchir, et où tant de pas, de fait, ont dû être
croisés, un autre moment décisif, avant même que la pensée chrétienne ait consolidé
la donne, ou lui ait assuré, comme dit Mauss, un fondement métaphysique20, a été
celui où la singularité rationnelle, mise en place par le stoïcisme et qui anime encore
la définition de Boèce – « On appelle personne au sens propre une substance
individuelle de nature rationnelle » –, s’est trouvée scindée : j’entends où, en religion
et en philosophie, une singularité humaine a été mise en évidence, et valorisée,
indépendamment de sa rationalité. Les stoïciens peuvent bien concevoir le

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développement moral en termes de « première personne » : ce processus, qui engage


un individu déterminé, n’est pas pour autant essentiellement subjectif, il marque
plutôt le mouvement d’une conception subjective de soi-même et du monde vers une
vue objective, dans laquelle le caractère limité de la vue précédente se trouve
reconnu21. Le tournant, que Vernant situe entre le e et le e siècle de notre ère,
dont Augustin est le témoin, lui paraît dépendant de la disparition du modèle de la
parité « qui faisait les citoyens égaux entre eux et les hommes égaux face aux dieux »
et du « surgissement du saint homme, de l’homme de Dieu, de l’ascète, de
l’anachorète » – de l’importance chez lui de la « conscience de soi », de
l’« introspection implacable et prolongée » à laquelle il se soumet, pour savoir si ses
inclinations et son vouloir sont ou non « devenus transparents à la présence divine
[…]. Une nouvelle forme de l’identité prend corps à ce moment : elle définit l’individu
humain par ses pensées les plus intimes, ses imaginations secrètes, ses rêves
nocturnes, ses pulsions pleines de péché, la présence constante, obsédante, dans son
for intérieur, de toutes les formes de tentation. Là se trouve le point de départ de la
personne et de l’individu modernes » (Vernant 1996b : 231). Reste à savoir comment
s’opère cette modification du « souci de soi » et si la déliaison du rapport de
l’individu au cosmos qui a produit l’investissement du sujet sur sa partie dominante
en vient aussi bien à détacher la rationalité de la singularité.
La certitude de soi enfin, qui accompagne la personne moderne, n’est pas thématisée
comme telle dans l’Antiquité grecque. La conscience de soi n’y est pas « réflexive,
repli sur soi, enfermement intérieur, face à face avec sa propre personne. […] Jamais
je ne pense mon existence à travers la conscience que j’en ai. Ma conscience est
toujours accrochée à l’extérieur : j’ai conscience de voir tel objet, d’entendre tel son,
de souffrir telle douleur. Le monde de l’individu n’a pas pris la forme d’une
conscience de soi, d’un univers intérieur définissant, dans son originalité radicale, la
personne de chacun. Bernard Groethuysen [1980 : 61] résume ce statut particulier de
la personne antique […] en disant que la conscience de soi est l’appréhension en soi
d’un il, pas encore d’un je » (Vernant 1996b : 226-227). Différentes de l’acte pur de
Dieu, qui se pense lui-même, la sensation ou la connaissance de l’homme sont
« toujours d’un autre » et « de soi-même par surcroît » (Aristote 1991 : Lambda 9,
1074b36). L’âme « se saisit donc elle-même en plus, par-dessus le marché si l’on peut
dire » (Romeyer Dherbey 1999 : 269). La réflexivité est effet, non-principe, notre
sentiment de nous-mêmes est une cosensation de nous-mêmes qui s’ajoute à nos
affections : « Celui qui voit sent qu’il voit, celui qui entend qu’il entend, celui qui
marche qu’il marche et de même dans tous les autres cas il y a quelque chose qui sent
que nous exerçons une activité, qui sent, par conséquent, si nous sentons, que nous
sentons et, si nous pensons, que nous pensons. Mais sentir que nous sentons ou
pensons, c’est sentir que nous sommes » (Aristote 1994 : IX, 9, 1170a, 29-32).
Aristote poursuit : « Car être c’est sentir ou penser. » C’est certainement une défiance
introduite dans le rapport à nos sens qui modifiera ce caractère second de notre
conscience, supplément immanent à l’exercice de nos sens. C’est bien dans le cadre
d’une opposition aux objections sceptiques qu’Épictète exprime cette confiance
matricielle dans les sens, cette réflexivité-effet qui dispense d’un sens intime : « Que
toi et moi ne soyons pas les mêmes, je le sais très précisément. Comment ? Jamais,
quand je veux avaler quelque chose, je ne le porte à ta bouche, mais à la
mienne ; jamais, quand je veux prendre du pain, je ne prends un balai, mais toujours
je vais droit au pain comme au but. Et vous-mêmes, qui détruisez les sensations, que
faites-vous d’autre ? Lequel d’entre vous, voulant aller au bain, va au moulin ? »
(Épictète 1993 : I, 27 ; voir Fine 2003).
9 #Notes Asterisques#
10 * Je remercie vivement François Lissarrague pour l’aide qu’il m’a apportée.

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Notes
1 Françoise Frontisi-Ducroux (1995 : 17) renvoie à Milan Kundera (1990 : 228). Voir déjà
Mauss (1991 : 350-351). « Phersu » lui-même pourrait venir de prosôpon.
2 Voir Mauss (1991), Nédoncelle (1948) et Frontisi-Ducroux (1995 : 57-63).
3 Elle renvoie pour cela à Sophocle (Œdipe roi : v. 448), Euripide (Iphigénie en Tauride : v.
1075) et Aristophane (Les Cavaliers : v. 396).
4 Voir Aristote (1990 : III, 1, 662b 19).
5 Traduction de Jean-François Pradeau modifiée par l’auteur.
6 « La notion de corps ne pouvait donc fonder la «personnalité”, puisqu’elle n’était pas
découverte » (Detienne 1973 : 48).
7 En cela, je suis en parfait accord avec Carine Mercier (2008).
8 Voir Vernant (1973 : 54), qui renvoie à Maurice Halbwachs (1930) : « Comme Halbwachs l’a
bien vu, l’âme, pour le Grec, ne se confond pas avec ce que nous appelons le sujet psychique
individuel. À l’origine "double" du corps, la psukhè devient ensuite […] un "double" spirituel :
une réalité intérieure à l’homme certes, mais qui lui demeure pourtant étrangère, qui le
dépasse, qui ne cesse pas de comporter un élément mystérieux et surnaturel. »
9 Tout comme Maurice Nédoncelle (1948 : 277), Françoise Frontisi-Ducroux (1995 : 58)
rappelle que, depuis les textes homériques, la notion d’être humain est exprimée par le mot
anthrôpos ou par les pronoms indéfinis : tis, hekastos, autos, oudeis, soit "quelqu’un, chacun,
lui, personne" ».
10 Voir Homère (2004 : II, 372 et XV, 531).
11 Voir la manière dont Gill (2002 : 11-12) oppose la conception qu’il nomme « subjective-

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individualiste » à celle qu’il appelle « objective-participante ».


12 Voir Mauss (1991 : 355-356) et Gourinat (2005 : 114-120).
13 Pour ce détachement caractéristique, voir Mauss (1991 : 340).
14 Detienne renvoyait ainsi à l’intervention de Vernant.
15 « De ce que nous avons vu jusqu’à présent, il découle qu’il n’y a probablement pas de
concept (post-cartésien) de «personne» en philosophie grecque. Mais il y a un concept
d’animal rationnel, au moins chez Aristote et les stoïciens » (Gill 2002 : 193) (traduction de
l’auteur).
16 « De même, la notion grammaticale de «personne» que nous employons encore, persona
(grec prosôpon grammairiens), devrait être considérée » (Mauss 1991 : 352, note 1).
17 Voir la manière, concordante, dont Frontisi-Ducroux (1995 : 62-63) analyse le témoignage
de Lucien.
18 Les grammairiens grecs réinterprètent le concept stoïcien de l’assentiment dans le concept
d’homologein (« attester »). Voir Ildefonse (1997 : 353-358).
19 Traduction de Jean Lallot modifiée par l’auteur.
20 « Mais la notion de personne manquait encore de base métaphysique sûre. Ce fondement,
c’est au christianisme qu’elle le doit » (Mauss 1991 : 356).

Pour citer cet article


Référence papier
Ildefonse F., 2009, « La personne en Grèce ancienne », Terrain, n° 52, pp. 64-77.

Référence électronique
Frédérique Ildefonse, « La personne en Grèce ancienne* », Terrain [En ligne], 52 | mars 2009,
mis en ligne le 10 mars 2012, consulté le 31 décembre 2018. URL :
http://journals.openedition.org/terrain/13577 ; DOI : 10.4000/terrain.13577

Auteur
Frédérique Ildefonse
cnrs, centre Jean-Pépin, Villejuif

Droits d’auteur

Terrain est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution -
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