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ANATOMIE DU CHYMISTE SCEPTIQUE

ROBERT BOYLE ET LE SECRET DE SES PREMIÈRES


SOURCES SUR LA CROISSANCE DES MÉTAUX'

Pour comprendre la pensée d'un auteur dans son contexte


philosophique et historique. il est important de saisir les sources à partir
desquelles cet auteur a élaboré ses propres idées. C'est par celle procédure
de Quellenforschung que l'on peUl vraiment mesurer sa delle envers ses
précurseurs et son originalité. Car toute reconstruction philosophique
risque d'être remise en cause par la découverte d'un simple fait historique:
par exemple, l'atomiste français Pierre Gassendi (1592-1655) est souvent
considéré comme un «mécaniste rationaliste»; la recherche récente a
pourtant démontré que sa théorie de la matière était étroitement liée à la
philosophie chymique de la Renaissance, notamment à celle du Paracelsien
danois Pierre Séverin (154011542-1602) et de ses successeurs dont la
tradition culmine chez le chymiste flamand Jean-Baptiste Van Helmont
(1577.1644), dit « mystique et irrationnel» J, Celte découverte nous
indique bien l'invalidité et l'anachronisme d'une polarisation simpliste
entre le mécanisme rationnel et la chymie irrationnelle. Elle appelle aussi

• Notre gratitude va lli L. Prindpe, M. Oellllehy el aux amis de la blbliolheca henneliea.


M.lwata, H. Ogawa, Y. Ohashî. A. Murase el Y. Kikuchi. qui nous ont aidé pour la réali·
sation dll présent article dont la version originale anglaise, ce Analomizing lite Sceptica1
Chymisl : Robert Boyle and lite Secrel of His Early Sources on lite Growlh of Metals ". a
été publiée dans Edrly Science and Medicine 10 (2005). p.453-477. Sans distblguer
atbitrairemenl et faussemcnlla chimie de l'alchimie. nous utilisons le tenne «mymie»
dans nOlredisc:ussion. Cf. W.R. Newman el LM. Principe,« Alchemy ver.lusCbemistry: The
Elymological Origins of a Hisloriographie MisJake D. Eorly Science and MMicine 3 (1998),
p.32~5.

1. Voir H. Hirai. ce Le concept de semellCe de Pierre Gassendi entre les théories de la


matière elles sciences de la vie au xvu c siècle ". Medieina nei Secoli 15 (2003), p. 205-226 el
Le coneepl de semence dans les Ihéorie.r de la malière à la Renaissance: de Marsile Flein à
Pierre Gassendi, Tumhcut. Brepols. 2005.
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à une réévaluation approfondie de la pensée globale de Gassendi, qui OBSERVATIONS ABOUT THE GROWTH OF METALS (1674)
modifiera certainement l' image reçue de ce philosophe.
Mais venons-en à notre sujet principaJ, Robert Boyle (1627-1691), le Boyle publie en 1674 un ouvrage intitulé Hidden Qualities ofthe Air,
chymiste sceptique. Une lecture même superficielle de ses écrits, récem- contenu dans le huitième volume de la nouvelle édition de son œuvre 1.
ment édités par Michael Hunter et Edward B. Davis, nous convainc de Dans ce traité. il évoque la croissance des métaux extraits des mines
l'impressionnante érudition qui se manifeste dès les premiers temps de et exposés à l'air comme une preuve de l'existence des qualités cachées
sa carrière scientifique '. Cette érudition ne comprend pas seulement les de l'air 2• Mais comme il ne trouve pas opportun d'y développer une
auteurs classiques, mais aussi ceux de la Renaissance et ses contemporains. longue discussion sur ce phénomène, il ajoute en annexe quelques pages
Boyle se souciait de rassembler des infonnations précises et détaillées au d'observations apparemment tirées de ses notes de lecture. Il s'agit des
moyen de ses propres expérimentations et par le réseau de ses amis et « Observations about the Growth of Metals in their Ore Exposed to the
coUègues. Fasciné par les phénomènes curieux et insolites, il en a avidement Ain)]. Boyle indique que ce texte est étroitement lié au traité sur la régé-
récolté des récits et des témoignages, se fondant en cela sur le programme nération du sel inclus dans Certain Phy.fiological Essa)'s (1661). Malgré
baconien de l'histoire naturelle expérimentaliste 2• Mais on a tellement quelques remaniements effectués sur ce texte pour la publication, son
insisté sur cet aspect qu'on oublie parfois le fait que Boyle était aussi enfant origine se situe donc dans les années 165()"1660, c'est-à-dire dans la
de la culture des livres. En fait, il semble avoir largement lu divers types de première phase de la carrière scientifique de Boyle.
littératures, comme des pharmacopées, des mémoires de grands voyageurs, Boyle précise que l'objet de ce texte n'est pas de détenniner si les
des histoires naturelles, des recettes médicales et chymiques, etc. Dans une métaux croissent au sein de la terre comme des plantes souterraines,
précédente étude sur l'une de ses premières publications scientifiques, question traditionnellement discutée par les chymistes, mais de montrer
Certain Ph)'siological Essa)'s (Londres, 1661), nous avons abordé le que les métaux extraits puis exposés à l'air augmentent de poids ou de
problème des sources de quelques thèmes chymiques qui intéressaient le volume et qu'une matière qui n'était pas un métal le devient. Mais comme il
jeune Boyle) : là aussi, il déployait un large éventail de connaissances. estime que les expériences nécessaires pour prouver ce point sont trop
Mais comment le jeune Boyle avait-t-il pu rassembler autant de difficiles, il se contente d' cc observer>} des témoignages cités dans les écrits
connaissances en si peu de temps après 1649? Aurait-il utilisé un guide ou des minéralogistes, des voyageurs et d'autres auteurs « dignes de crédit )}.
un compendium très utile comme une sorte de doxographie ou de recueil Boyle rapporte d'abord quelques témoignages sur la croissance d'un
de lieux communs 4 ? C'est dans cette direction que nous menons notre filon d'étain dont la mine, une fois vidée, s'est remplie au fil des années. Sa
recherche en collaboration. Dans le présent article, premier résultat de cette source d'infonnations reste inconnue 4 • Puis il aborde le cas du plomb: il lui
collaboration, nous allons aborder le problème des sources du jeune Boyle semble que la croissance du plomb est plus manifeste que celle des autres
sur un de ses sujets de prédilection, la cc croissance des métaux ». métaux, et il donne deux citations en latin. Cette fois-ci, il explicite sa
source. Pour la première citation, il précise même la pagination de l'exem-
1. M. Hunter el Ed.B. Davis (eds.), The W",b of R"bert B"yle. 14 vol.. London.
Pickering and Chatlo. 1999-2000. plaire du traité qu' i1 possède: il s'agit des Decas quaestionum physico-
2. Voir L. Daslon et K. Park. Wonders and Ihe Drder ofNamre. 1150·1750, New York. clrymicarum 1,0,] de metallis (Tübingen, 1643), composées par Johann
Zone Books. 1998. Sur son programme baconien. voir par exemple R.-M. Sargent. q Robert
Boyle's Baconian Inherilance ". Studies in Hisrory aM Philosophy of Science 17 (1986).
p.469-486 et The Dif/idtnr NalUrallsl: Roben Boyle lllId'M Philosophy of Experimmr. 1. HiJden Qunliriesofrlre Air. London. 1674.p. 1·71 (Works. Vlli.p.121.142).
Chicago. UniversityofChicago Press. 1995.
2. Hidden Qualities, p. 39 (Worlcs, vm. p. 132.133).
3. Voir H. Hirai, «Quelques remarques sur les sources de Robert Boyle en guise du 3.0bservatiotlSoboultlleGrowthofMetah.p.I·2S(Worb. Vlli.p.14S.IS2).
compte rendu de la nouveUe édition de son œuvre ", Archives in.ernationales d'hls.oire des 4. Edward Jorden (1569·1632) rapporte la crois!lllnee de l'étain à Cornwall dans son
sc/etlt:es 53 (2003). p. 303-318. ouvrage A. Di.rcour.re (1f Na/uraU Barhes and Minerall Walers. London. 1631. p.S2. Sur
4. Sur les recueils de lieux communs. voir F. Gayel. Le sublime du .. lieu commun,,: Jarden. vOIr A.G. Debus. q Edward Jotden and .he Fcnnentation of the Metals: An latroehe.
l'invention rhé.oriquedWlS l'anliquill el il la Renaissance. Paris, Champion, 1996; A. Mo.'IS. mical Study of Terreslrilll PhenomenalO. dans C.J. Schncer (ed.), Toward a Hi.rlory (1f
Printed Commonplace·Book.t and .he S.ruc.uring of Renaissance Though.. Oxford. Geology, Cambridge (MA). MIT. 1969. p. 100·121 : D.R. Oldroyd. "Some Neo·PllItonie and
Clarendon Press, 1996 (Les Recueils de lieux communs, milhode pour apprendre (} penser il Sioic IntJuences on Mineralogy in the Sixteenth and Sevenleenth Centuries •• Ambix 21
ln Renaissance. trad. fr. P. Eiehel·Lojkine etalii. Genève. Droz. 2002.
(I974).p. 128-156. ici p. 146-147; Hirai. Leconceprdesemence.p. 455.
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Gerhard (1598/99·1657), professeur de médecine pratique de l'universilé salis lare agere soleant tales autem angrutias sunt impediant.ln tales autem
de Tübingen, qui fut aussi plusieurs fois recteur de cette même université {assores, ne Imnsiruras at1dll{:tiprapteraccretio· Q1Igustias sumadducli
impediant. In talesautem nem materiM. ex qua lapis propteraccretionem mate·
protestante. À part cela, on connaît très peu de choses sur ce personnage 1. angusrias suntadducti estfactru. riae. ex qua lapis es,factus
En comparant les deux textes, nous pouvons affmner que la citation de propleraccretionem mate- 1...], Hactenus Agricola.
Boyle est fidèle et exacte : riae exQua la»is est(ae,us.

Boyle. Works. vm.". 147 ~hmù,Decas.i.p.22 Puis Boyle introduit le rapport d'un « gentleman », à la fois chymiste et
FessularumnwnsinHelruria,says Fessularum mans in Hetruria. Florentiae propriétaire des mines de plomb, qui n'a jamais constaté la croissance du
BoccatiusCertardus, who delivers il as a civitatiimminens, lopides plumbarios plomb. Uexprime alors son scepticisme envers ce phénomène et en propose
mosl approved InJth, Flot'elltiM cMtatt haber, quisi excidfJllJUr. brevitemporis
une explication mécanique: selon lui, l'eau environnant la mine imprègne
imminem.lJJpidesplumbo.rioshabet, qui spatio, novis iJl(;rementis instaurantur. ut
siexcidanturbrevi lempans spalionovis "adilBoccatiru Cenaidru. qui id la terre, augmente le volume et, en se congelant, fissure les filons, d'où
Incrementis instaurantur. J. Gemard, compenissimum esse scribit. résulte l'augmentation visible du filon en volume. Néanmoins, il précise
Decade Quaestionum,pa/t. Ill. 22. que cet argument ne prétend pas réfuter la croissance elle-même du filon
minier, mais approfondit ses considérations. Car il estime que cette preuve
Sans transition, Boyle passe au deuxième témoignage en faveur de la
est plus convaincante que celle que certains auteurs donnent par l'exemple
croissance du plomb, apporté par la plus grande autorité du XVIe siècle sur
de la toiture en plomb des bâtiments. Selon ce genre d'argument, il convient
la matière minière, Georg Agricola (1494-1555), dans son traité De ortu et
de remplacer la toiture de plomb par celle de cuivre, puisque les bâtiments
causis subterraneorum (Bâle, 1546)2. Mais nous constatons que cette
ne supportent pas l'augmentation du poids au fil du temps. Encore une fois,
citation se retrouve à l'identique chez Gerhard. En comparant les textes des
Boyle mentionne Johann Gerhard (toujours en précisant la pagination), en
trois auteurs, nous pouvons penser que Boyle se réfère à la citation faite par
affmnant que ce fait est utilisé par les minéralogistes, entre autres par le
Gerhard plutôt qu'au texte original d'Agricola).
« savant Johann Gerhard », en faveur de la croissance des métaux 1. Mais il
Boyle, Works, Agricola. De onu, Gerhard. Decas. estime que leur argument est fondé sur une mauvaise base. Car il a déjà eu
Vm,p.147 V.p.63 i,p.16 l'occasion de penser que l'augmentation du poids de la toiture ne serait pas
Tu subtilius ne quaerQS (say Atqueisti haecsubtiliusnon I...) At qui tu, subtiliusne
Agricola,speaking ofthe quaerant, sed referanl ani- quaeras, sedtantummodo
due à la réelle augmentation du métal lui-même. Selon lui, les particules
growthofmines in general) mumadcuniculoJ. &consi- referanimum adcuniculas, salines des poutres s'évaporent et, en s'attachant à la toiture. produisent une
sedranrummodortferani- derentltos adeo interdum ci considera eos. adeo espèce d'alliage comme la céruse, et augmentent le poids de la toiture. Il se
mum ad cuniculos. & consi· memoria Iwminum in interdum memoria hami· demande alors si le fameux témoignage de Galien, auquel ces auteurs
dera, easadeo interdum aIIgustum venisse, utallqua nUnt in angustum venisse, ut avaient souvent recours en faveur de l'augmentation du poids du plomb,
memoriahominum in suipanenullum autadmo- dliqua suipane nullum. aut
angustum wnisse, ut aliqua dumdifficilem praebeant admodum difficilem prae·
apporteun argument fiable pour prouverlacroissanceréelle des métaux. On
suiparte nullumaut trCUlSitum: cum eos satis beant transitum. cum eos remarquera que, dans la nouvelle édition de son œuvre. les éditeurs n'ont
admodum difficilem prae- lare so/eant agerefassores. satis lateagere soleant pas identifié les « plusieurs auteurs» auxquels Boyle fait allusion dans cc
beanttransjlJUll, cumeos ne transituros impediant, ln fossores. netransituro.r passage, ni le locus du rapport de Galien 2. En revenant au texte de Gerhard,
1. Texte utilisé: Johannes Gerhard, DecQ.S quaeslionum physico-chymicarum
nous retrouvons ses discussions sur le plomb: après le témoignage de Pline
selectiorum et graviorum, omnibru tam Hermelicoe quam Peripateticae phiiosophItJe l'Ancien surlacroissancedu filon du plomb, il cite celui de Galien sur l'aug-
srudiosis scilu necessariarum, LeclU jucJUU1nrum atque utilium de metollis, TObingell. mentation du volume des jointures en plomb des statuettes, tiré du traité Des
Philiben BlUnn, 1643. Sur Gerhard, voir J.Ferguson, Bibliol1leca chemiea, LI. Glasgow. facultés des médicaments simples, IX, 23 3• Selon Gerhard, le témoignage
MacLehose, 1906. p. 311-313; E. Conrad, Die Lehrstühle der UPliversitat TüblPlgen und jhre
Inhaber( 1477-1927), Tübingen, Is.e.J.1960,p. 29ct97. LGrowthofMetals,p.11 (Works, VIlLp.t48).
2. Sur ce traité. voir Hirai, Le concept de semence, p.llt-t34. Nous avons utilisé son 2. Growth ofMetals,p. 13 (Works. VIJI.p.148,n.a-b).
édition princeps. J. Galien, De simplicium medicamelltorum{aeultatibus, lX, 23 (Kühn, XII, p. 230-231).
3. Nous soulignons désonnaisdes différences notables dans les comparaisons des texles. Cf. L.Israelson, Die materia medica des Klaudios Galeno9, lhèse de docloral, Université de
Nous avons ajouté les guillemets quand les phrases sont en italiques dans le texte original. lllrjew, Schnakenbuts. Dorpal (Tartou), 1894, p. 167-168. Sur la phannacologie galénisle en
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de Galien semble tellement vraisemblable que plusieurs auteurs J'attestent Boyle. Works. Césalpin. De metallicis, III. Gerbard,Decas,
aussi à propos de la toiture en plomb des temples. Il y ajoute Thomas de Vm,p.149 vi.D.IS3 i.p.17
Cantimpré (ca. 1200-ca. 1270) et Vincent de Beauvais (1-1264), qui [...)the latterspeaks thus : VenaejllS Ife"i] copio- At.eslan.urwem multo
Venale"i copiosissimaest sissima esl in ltaUa: obeam lucu1enrius CaesalpinllS de
évoquent la croissance plus rapide du plomb à l'ex.térieur des mines qu'à in Italia. ob eam nobili.a.a nobilitata /II/a Tyrrheni metall. Lib. 3. ('ap. 6. :
l'intérieur des mines, ainsi que Jérôme Cardan (1501-1516) qui attribue Ill/a, Tyrreni marisin.fula, mari.f insuJa. incredibili " Vena, inqttiens,fe"i
l'augmentation du poids à la calcination du plomb 1. Et face à une objection incredibili copia. etiam copia etiam nostris tempo- copiosissima estiIlltalia,
opposée à Galien par Gabriel Fallope (1523-1562), il cite André Césalpin nostris lemporibus eam ribu$ cam gignens .. nam ob eam nobili'ala 111Ia,
(152411525-1603) qui lui semble s'accorder avec des chymistes tel que gignens .. Nam terra. quae terra quae eruilllr, dum Ty"heni marisinsulaincre-
eroiturdum venaeffodilllr vena effoditur. Iota proce· dibili copia, etiam nostris
Petrus Bonus, auteurdu célèbretraité Margaritapretiosa novella (ca. 1330), tata, procetknte .empore in dente tempore in venam temporibus/!amgignens :
qui concilie finement Aristote et Galien en faveur de la croissance du venam convertitur. convertitur. Nan! .erra, quae eroitur,
plomb 2. Selon Gerhard, dans les lieux humides, l'exhalaison humide entou- dum vena effodilllrlota,
rant le plomb produit une salinité qui augmente la substance du plomb. En procetkme tempore in
outre, le plomb attire une substance vaporeuse qui contribue àsa croissance. velltlm ccmvertilllr 1>.
Afin que ces deux causes se rencontrent dans la croissance du plomb, il faut Si cetle seule comparaison ne nous autorise pas encore à tirer de
qu'une certaine force végétative sise à l'intérieur même du plomb s'active. conclusion définitive. nous constatons néanmoins que Je texte est presque
Ainsi, n'y a-t-il pas lieu de supposer que Boyle avait en tête, pour ses« plu- identique chez les trois auteurs. Continuons donc de suivre la discussion
sieurs auteurs », tout cet enchaînement de citations données par Gerhard? de Boyle. Après Césalpin, il cite Agricola, sans signaler que Gerhard cite
Après le ca.o; du plomb vient celui du fer. Pour les mines de son pays, le même passage quelques lignes après la citation tirée de Césalpin 1.
Boyle avoue qu'il n'a rien trouvé de particulier qui confinnerait la L'omission identique d'une phrase montre le parallèle évident entre Boyle
croissance du fllon du fer. Mais il a reçu quelques témoignages étrangers, el Gerhard, au point que nous pourrions même supposer que Boyle utilise
notamment sur la célèbre mine de fer dans l'île d'Elbe. Selon lui, non seulement le texte de ce dernier.
seulement les Anciens comme Strabon ou Pline, mais aussi les minéra-
logistes modernes « dignes de crédit» comme Fallope et Césalpin. attestent Boyle. Works. Agricola, De ~eteribus e' Gerhard. Dec:as.
VID.p.149 nollismetaJlis.II, D. 413 i.D.17
ce phénomène 3. Il commence donc par citer Césalpin. Ici encore, nous And the experienc'd VeTUm in Lygiis ad Sagam Ipse {Agricolal enim e/Niem
comparons sa citation avec le texte de Gerhard: Agricola gives u.~ Ibe Iike oppidum epratis eroitur lib. 2 cap. J5 referl : « in
accountofaplace in his lerrum.fossi.radaltitu- Lygiis adSagamoppidum
country, Gennany,ln dinem bipedaneam actis. in pratis eTUiferrom.
général. voir A. Debru (ed.). Galen on Pha17llacology: Philosophy, History and Medicine, L)'giis. says be, ad Sagam Nec enim propter abundan- fossis adaltitudinem
Leiden, BrilI, 1997. Voir aussi H. Hirai. « Alter Galenus: Jean Femel et son interprétation oppidum inpratiseroitur tiam aquarum a1tius agi bipedlJneam actis. Id
platonico-cbrétienne de Galien ". Enrly Science andMedicine 10(2005), p. 1-35. ferrum,fossis ad possunt.lddecennio decennio renatum denuo
1. Gerhard, Decas. i. p.22-23. cr. Thomas de Cantimpré, Liber de naturis rerum. XV, altitudinem bipedaneam renatum denuofoditur, non fm6nonali'eracJ~e
vü. 9; Vincent de Beauvais, Speculum naturale. VII, xl; Cardan, De srdJtiUtate, V(éd. Lyon, actis. Iddecennio renatum aliterac IllIaeferrom. ferTllml>.
1580. p. 197). Sur la minéralogie pan-vitaliste de Cardan et sa source albertienne. voir Huai. denuolodilllr, non a/iterac
Leconceptdesemence,p.136-156. l~eJerrum.
2. Gerhard. Decas. i, p.24. Cf. Césalpin. De metallicis, DI. 7. Pour le De metllilicis de
Césalpin, nolIS avons utilisé la deuxième édition de Nuremberg, 16D2. Sur cet ouvrage, voir Enfin arrive la citation tirée du « savant Johann Gerhard» dont Boyle
désonnais Rirai, Le concept de semence. p.IS9-17S. Sur PelrUS Bonus. voir Dicrionary 0/ donne explicitement le nom. Il s'agit d'un extrait d'un ouvrage que Gerhard
Scientiftc Biography (désormais DSB), 10 (1974). p.554-S56j L. Thorndike. A History
01 Magic and ExJnrimental Science. t.m. New York, Columbia UP, 1934. p.147-162; « F6c:ondité des mines et sexualité des pierres dans l'Antiquité gréco-romaine », Revue belge
Ch. Crisciani. « The Conception of A1cbemy as Expressed in the Pretiosa margarita no~ella de philologie etd'histoire 49 (1970). p. 16-24.
O(PetrusBODUS ",Ambix 20 (1973), p. 165-181. 1. Agricola, Dc veteribusel nOllismetallis, lI. Bâle. 1546, p.413 (=AllSgewdhlte Werlœ,
3. Cf. Strabon. Géographie. V, U. 6; Pline. Hi.ftnire noJurelle. DI. vi. 81 : XXXIV. xli. Berlin. VEB [Volks Eigener Betrieb] Deutscher Verlag der Wissenschafren, 1961. VI
142. Sur les croyances gréco-romaines concernant la fécondité des mines, voir R. Halleux. (Vermischte Schriften, 1). übers. und bearb. von Georg Fraustadt. p. 103).
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appelle Conciones metallicae, sans donner plus de précisions sur son Ensuite, après le cas du fer, Boyle aborde la croissance de l'argent, dont
auteur. Boyle se propose quant à lui d'identifier l'ouvrage comme les le témoignage concerne la mine de Potosi au Pérou. Ici, les éditeurs de la
« High-Dutch Sermons» du prédicateur luthérien Johann Mathesius nouvelle édition ont identifié sa source en la personne du voyageur français
(1504-1565) de St.-Joachimsthal, bien qu'il avoue ne pouvoir lire sa Melchisédech Thévenot (1620-1692) 1. Quant à la croissance du filon d'or.
langue, l'allemand. Nous n'avons pas encore pu localiser le passage U semble que Boyle ait cherché en vain à en recueillir des témoignages
original chez Mathesius dans son traité intitulé Sarepta oder Bergpostill satisfaisants dans la littérature des grands voyageurs, Il présente comme
(Nuremberg, 1562, suivi de nombreuses rééditions)'. Mais il est évident vraisemblable le témoignage du voyageur anglais Edward Brown (1644·
qu'ici encore Boyle utilise seulement le traité de Gerhard. 170S) qui avait visité les mines de Hongrie et publié ses mémoires en 1673.
Matheius, Sarepta" Gerhard,DeCD.f,i, p.18
Comme l'ont noté les éditeurs. ce détail indique que. bien que ce traité
Boyle. Works.
VID.D.149 provienne d'une note de lecture de sa jeunesse, Boyle y retravaillait
ReltJtum mihi est atnetallico (.•.JRelotum mihi quoque presque jusqu'à sa publication en 1674 2• Mais ce n'est pas tout. À la fin de
fossore, adferrarilU, quae esta metallieofossore ad cette section, Boyle insère un autre extrait en signalant que, «si un feu
non /ongeAmberga distant, ferrarw$, quaenon longe professeur allemand de médecine» apporte une information correcte,
terram inanem eumferri Amberga distant, te"am
l'Allemagne offre un témoignage éminent de la croissance ou régénération
minera erutam, quam inanem cumferri minera
vocant ft den Gummer ", erutam, qJUml voeant de l'or 3• Il ne précise pas que c'est encore une fois Gerhard qu'il utilise,
mixtam cum recremenlis «den Gummer"mixlam mais il évoque simplement «un feu professeur », ce qui donne aux lecteurs
ferri. quaeappel/atur«der cum recrementisferri, quae l'impression qu'il cite encore une autre source. Ici aussi, nous comparons
Sinder ". rongestam in appe/latur« rhr Simder " avec le texte de Gerhard.
c/emulos, instarmagnl' congestam incumulos.
cujusda", va/li solibw, I,ularmagnl cujusdam valU Bovle. Works, VIU, D. 151 Getbard.DeclU,i,D.19
pluviisque exponi, & so/ibus. pluviùque exponl, Nam Corbachi, says lie, quae est civitas Nam COTbachii. quaI! est c/viras
decimoquinto amrodernso & decimo quinto quoque Westphaliae subdiriool! Camilis de Wl!stpluJ/iae subditione Comltis de
excoqui, eliquariqueferrum annodenuo excoqui, /senborg & waldeck. aurum excoquitur /senburg & Waldeck, aurum excoquiturex
tantae~~taris,utwltJe eliquariqueferrum tanlal! excumu/is c:onge$l;s. ira ut singulù cumulis coogestù. itautsingu!is
laminae inde procudalllUr. tenacilatis, ut solat larninae quadrienllii$ ilerum elaborelurcumulus quadrienniis ilerum eJaborerurcumulus
inde procudantur. unus, semper se restaurante natura, etc. unus, semperse restaurante notura. ex
insita ootentia I!coeraliva.
Pour identifier le véritable auteur de cette citation, les clés se cachent
sans doute derrière les terntes techniques allemands « Gummer » et Cette comparaison suggère que Boyle se serait contenté de recopier le
« Sinder». Malheureusement aucun des divers lexiques spécialisés de texte de Gerhard. Mais il y a une information supplémentaire: car le fail
Mathesius ne nous a donné la solution 2• qu'il précise « feu professeur» laisse supposer qu'il était infonné du décès
assez récent de Gerhard, survenu en 1657. bien après la publication de son
1. Jorden. A Discour.se ofNaturall Bames. p. 52, attribuait déjà les Com:wnes meta/licae ouvrage Decas quaestionum en 1643. Quant à l'année 1637. parfois
à Mathesius. Sur Mathesius et son traité Sarepta, voir Allgemeine Demsche Biographie
(désonnais ADB) 20 (1884), p.586.589; Neue Deutsche Biogrophie (désormais NDB) 17
(1990). p. 369-370; E. Gllpfett. Die Bl!rgmannssprtU:he ln der Sarepta des Johann Mathes/us,
Stra.sbourg, 1902 (Zeitschriftfür Deutsche Worrjorschung. Bcihefl3] i F.O. Adams. The Binh Oldenburg, .. III, Madison, Wisconsin UP. 1966, p. 305, n. 1. Mais il n'y a pas de raison pani-
and Deve/opmentofthe GeoJogical Sciences, New York. Dover, 1938 1• 1954 2, p.196-198; culière pour la fixer de la sorte. Selon la 1etlre d'Oldenburg à. Boyle. datée du 25 novembre
F. Kimbauer. Jo/wnnes Mathesiu.r und der Bergbau: r.ur 450. WiederJœhr seines 1667. celui-ci semble avoir obtenu le Sarepta après celle date. Cf. Correspondence, In,
Geburtsrages, Vienne, Montan, 1954; J.R. Panington. A History ojChemistry, t. Il, London. p. 612. Agricola a enregistré «Sinder .., qui donne « Sinler .. en allemand moderne (<< crasses
Macmillan. 1961, p. 62-64. de fer» en français). comme recrementumjerrl dans son Jnterpretar;o rerum metallicarum
2. Les éditeurs de la nouvelle édition ont faussement rendu « Ambetga .. par Hambourg (éd. Bâle, 1546, p. 483 =Ausgewiihlte Werke. DI. p. 37).
au lieu d'Antberg en Bavière (Works. VIn. p.148 n.a). Les dates de naissance cl de monde 1. GrowthcifMetais. p. 17-18 (Works. VOl. p. ISO. n. a).
Gerhard sont égalemenl inexactes. Pour Sarl!pta, ils donnent l'édition de 1571 pour le litre ct 2. Voir l'introduction des éditeurs (Worb, vm,p.XVI}.
la date de publication suivant A.R. Hall et M.B. HaU (e<\s.), The Co"esponc1ence of Henry 3. GrowlhcifMelois.p. 20·21 (Works, VIn.p.15\).
100 HlRO HlM] ET H1DEYUKJ YOSHIMOTO ANATOMIE OU CHYMISTE SCEPTIQUE 101

avancée comme sa date de décès, elle vient d'une confusion avec le le Sceptical Chymi.çt, et en particulier sa siltième et dernière partie intitulée
théologien luthérien du même nom, Johann Gerhard (1582.1637) l, «A Paradoxal Appendix » 1.
Quoi qu'il en soit, après avoir ajouté dans la section nommée postscript Afin de réfuter la croyance en un rôle des principes chymistes,
deux rapports supplémentaires tirés d'Edward Brown sur les mines de Carnéade, porte-parole de Boyle dans ce dialogue, commence par
Hongrie, Boyle affIrme avoir rassemblé encore bien plus de témoignages expliquer la constitution des végétaux et des animaux, puis se tourne vers
sur lacroissance des métaux que ceux qu'il vient de présenter. Mais comme les minéraux. Comme leur croissance requiert une durée très longue dans
son propos est simplement de montrer leur croissance à l'exposition de les entrailles de la terre, il propose d'avoir recours, non aux expériences,
l'air, il s'en tient là. Ainsi se termine cette annexe au traité des Hidden mais aux «observations», c'est-à-dire à l'étude des rapports et des témoi-
Qualities of tire Air. Bien qu'elle ait été remaniée pour la publication de gnages d'autres auteurs 2• Son propos consiste à montrer que les minérault
1674, son contenu révèle une profonde affinité avec les premiers écrits de n'ont pas été créés par Dieu une fois pour toutes au moment de la Création
sa carrière scientifique, publiés aux alentours de 1660, comme les Certain du monde mais qu'ils se produisent quotidiennement aujourd'hui encore,
Physiological Essays (1661) ou le Sceptical Chymist, ainsi qu'avec ses Boyle rapporte d'abord l'histoire de la croissance des stalactites dans les
manuscrits minéralogiques datés des années 1660 et publiés pour la cavernes appelées «Goutieres» en France. Puis, en s'appuyant sur les
première fois dans le treizième volume de la nouvelle édition de son œuvre. mémoires des voyages en Inde de l'explorateur hollandais Jan Van
Nous allons donc pourchasser l'ombre de Gerhard dans les productions de Linschoten (l563-1633) et surun autre « bon auteur», dont il ne précise pas
Boyle de cette période. Ce qui nous paraît frappant, c'est que nous avons le nom mais en qui nous pouvons reconnaître le botaniste portugais Garcia
tout lieu de croire que, quand Boyle cite en latin des traités des minéra- da Orta (ca. 1500-ca. 1568), il traite de la croissance des diamants. Selon
logistes continentaux tels qu'Agricola, Césalpin ou Fallope, il ne consulte ces auteurs, les mines des diamants qui avaient déjà été épuisées ont par la
sans doute pas directement leurs écrits, mais se réfère très probablement suite produit à nouveau des diamants au même endroit 3•
aux extraits joliment réunis par les soins de Gerhard. Si ces deux témoignages suffisent pour donner plausibilité à la
croyance en la croissance des minéraux, Carnéade argumente ensuite en
faveur de la croissance des métaux proprement dits, en citant successi-
GERHARD DANS LE SCEPTICAL CHYMIST DE BOYLE
vement huit témoignages d'auteurs continentaux qu'il juge dignes de
crédit La plupart de ces références sont en latin et donnent à ce passage Une
Pour déceler l'ombre de Gerhard dans l'œuvre du jeune Boyle, il
tournure très particulière par rapport au reste de l'ouvrage, qui en nul autre
convient de recenser non seulement les passages où il le mentionne
endroit ne concentre autant de citations latines. Ces témoignages dans leur
explicitement, mais aussi les passages où il l'utilise comme source sans
ensemble tendent à prouver que les métaux n'ont pas été formés au
le nommer, ce qui est naturellement plus difficile, Dans un premier
commencement du monde mais qu'ils continuent de croître quotidien-
temps, nous réduirons notre champ d'investigation aux passages où Boyle
nement, ce qui suppose que quelque chose qui à l'origine n'était pas un
parle de Gerhard ou, au moins, des minéralogistes continentaux de
métal peutie devenir par la suite. Carnéade trouve certes chez des chymistes
l'époque moderne comme Agricola, Fallope, Césalpin et Mathesius.
expérimentés plusieurs témoignages qui vont dans ce sens; mais il préfère
Ce sera forcément là où il lrclite de la génération et de la croissance des
se référer à des minéralogistes savants, dignes de crédit ou proches des
métaux et des minéraux. Nous pouvons ainsi cibler les textes plus perti-
mineurs de profession, plutôt que de se fier aux propos des chymistes,
nents pour notre propos, comme Certain Physioiogical Essays (1661), The
Sceptical Chymist (l661), the Usefulness of Natural Philosoplry (l663),
ainsi que les manuscrits minéralogiques. Parmi ces premières productions
scientifiques du jeune Boyle, celle qui cite expressément Gerhard en 1. SceplÎl:al Chymisr, vi, p. 347·426 (Works. n. p. 344-372).
2. Sceplical Chymisr. Vi, p. 356 (Works, Il. p. 347).
présence d'autres minéralogistes continentaux est l'œuvre emblématique 3. Sceplical Chymisr. vi. p. 357 (Works, D. p. 347). Cette histoire a tellement plu à Boyle
qu'il l'utilisera avec plus de détails dans son Usefuilleu, 1. iv, p. 80 (Works.lD, p. 254). Nous
y reviendrons plus tard. Sur le traité de Garcia da ana, voir Thomdike, A Hislory ofMagic
1. Suree théologien, voirADB.8(1878),p. 767-771 :NDB, 6 (1971), p. 281. and Experimental Science, t. VI, p. 313-315.
102 RlRO H1RAJ ET lDDEYUKI YOSHIMOTO ANATOMIE DU CHYMISTE SCEPTIQUE 103

parfois trop crédules 1. Sans doute considère-t-il que ces « unsuspected n'était donc pas facile pour Boyle de se rendre compte que la première
writers »ont plus d'autorité que ces chymistes aux yeux de ses lecteurs. partie ne venait pas de Fallope. En effet, l'idée manifestement paracel-
Le premier de ces témoignages continentaux est tiré de Fallope. Boyle sienne des «ouvriers souterrains », appelés «archées des sources et des
ne précise pas l'ouvrage ni le passage auquel il se réfère. Ce qui est minéraux» (archaei fontium et mineralium), n ' apparaît probablement
étonnant, c'est que la première partie de la citation ne semble pas provenir pas chez le minéralogiste italien. Elle provient du traité paracelsien De
de Fallope lui-même. Compte tenu de ce que nous venons de voir, nous mineralibus ou plutôt du traité pseudo-paracelsien De natura rerum 1.
pouvons légitimement soupçonner qu'il recopie la citation donnée dans le Visiblement, le jeune Boyle, qui ne se montre pas assez scrupuleux vis·
texte de Gerhard. Effectivement. ce dernier cite le même passage. à-vis de sa source, ne pouvait détecter ce piège parce qu'il n'avait sans
Comparons donc les trois auteurs 2 : doute pas le texte de Fallope sous les yeux.
Boyle, WorU, Fallope, De themullibus Gerhard, Decas, Aussitôt après, Carnéade reprend le témoignage de Pline. Ce passage
II,p.348 a4uis, v,f.16b i,p.I4-IS est ambigu car il ne précise pas s'il le cite directement ou s'il continue la
Sulphuris mineram (as the Quia sulphur citissime « Sulfuris minerum. quae citation de Fallope qui rapporte le témoignage de Pline et de Strabon. En
inquisitive P. Fallopius regeneralur :ila ul inter- nUlri:ceSlcaloris subrer· réalité, Fallope ne signale pas, dans son propre texte, qu'il tire de Pline le
notes) quae nUlru est missa effosslone ipsius in rane/Jobri seuarchae/
témoignage de Strabon. Si nous regardons le texte de Gerhard, il s'avère que
caloris subltrrtllieifabri UIlO loco, spalioquatuor fonlium &/mineraIium,
seuArr:/ureifonlium de annorum; cum redeunt infra terram citissime c'esl plutôt d'après sa compilation que Boyle présente ces témoignages:
mineraIium, infro terram fossore.r, omnia sulphure renasci, testal/lUrHisloriae
Boyle, Works, Fallope, De thermaiibus Gerhard,Decas,
cilissime reruasci, testantur plena inllenianr. mtlaUicae».«Sunrenbn 1I,p.348 aauis. v,f.16b i,p.I6-17
Hisroria(UfU!tallicae. Sunt loca, e quibus si hoc anrw
Pliny relates:« ln/rafioe Cito enim el sulphur, &: Plinius quidem lib. 34.
enim loca e quibus sihoe suifureffossumfuerit,
insu/a llva, gigniferri metalllca reliqua rege- cap. 14. seribit:« ln llaliae
onno sulphureffossum intermissa effosslone, per
metallum. Sirabo mu/ro nerantur : ul habemu...apud insula Ilvagigniferri
fuerit .. intennissa fossione qucuiriennium. redeunt
expressius: effossum ibi Strabonem, qui loquens de metallum : sedStrabomulto
perquadriennïum redeunr fossores, & omnia sulfure,
metallum semper regene- insula llva(ElvD nunc vulgo express/us efJoullm ibi
fossores, de omnid sulfure, 14' anlea, rursus inveniunl
raTi. Nam sie/fossio spolio dicta) dicit, quod inibi metallum semper regene·
141 antea, rursus inveniunt plena », quemadmodum
centum annorum intennitte- effodiebarurferrum. de rari. Nam si effossio .fpatio
pleTla. annotat Fallopius in i. de
hotur, & iterum ilille rever· semper regenerabatUT : c:entum an/lorum inlermiJle·
thermisc:.5.
tebanturfossores reperisse nam sieffossio inler· batur, de /terumillue rever·
La première partie « Sulfuris mineram [... JHistoriae metallicae) de la maximum copiamferri mirrereturspario eentum lebamurfossores, reperisse
phrase de Boyle ne figure pas dans le texte de Fallope mais se trouve bel et regeneraltlln ». Whleh annorum, C/lm irentm muc maxinuJmferricopiam
history not orny is rounte· reverlebantUTfouores, regeneratam ". cuihisto·
bien chez Gerhard Boyle suit donc ici fidèlement le texte de Gerhard plutôt nllllced by Fallopius, from reperiebanl maximamferri riae addir Fallopius lib. de
que celui de Fallope. Mais pourquoi Boyle se trompe-t-i1? C'est parce que the incarne which the iron of eop/am esse regeneratam. thenn. c. 5: /« Non solwn
le texte de Gerhard contient une quantité inhabituelle de phrases en that island yeilded the Duke temporeStrabonis, sed
italiques et qu'il n'y pas de marque de séparation entre les deux parties en ofFlorence in his lime. eliamnum hodie effodi
italiques (nous avons ajouté les guillemets pour la clarté de la discussion). Il metaUumferri tanta copia,
U1 SUD tempore DU}(
FlorenfÜle, maximum inde
I.Seeptica/ Chymist. vi,p. 357 (Worb,II,p. 348).
halmerit Droventum".
2. Pour le De thennalibus aquis de Fallope, nous avons utilisé comme texte la deuxième
édition (Venise, (569). Sur ce traité, voir Thomdike, A History ofMagie and Experimental Chez Gerhard, la citation de Pline est suivie d'une autre citation de
Science, t. VI, p.311-313; G.lanier, Medieina efilosofia Ira '500 e '600, Milan, Franco
Fallope sur l'ile d'Elbe, que Boyle paraphrase en anglais. Puis, estimant
Angeli, 1983, p.5-19; Panington, A History ofChemislTJ, t.II, p.lOO-IOI; R.Palmer,
«Phannacy in the Republic ofVeDice ln the Sixteenth Century ", dans A. Wear el aUi (cds.), que le propos de Césalpin sur cette île convient mieux à l'objectifqu'il s'est
17Ie MedicalRenaissanee oftheSiJeJeenth Century, Cambridge, Cambridge UP,1985, p. 100-
117; G.E.Ferrari, «L'opera idro-tennaJe di Gabriele FalIoppio: le sue edlzioni e la sua I.Sur une analyse de ces deu'l traités, voir Hirai, U! coneept de semence, p.183-195
fortuna ,., Quademi perla sioria dell'Università di Padova 18 (1985), p. 1-41. et21D-2J3.
104 HIRO lDRA1 ET lDDEYUKI YOSIDMOTO ANATOMIE DU CHYMlSTE SCEPTIQUE 105

fIXé, Boyle le cite. Mais il s'avère que cette citation se calque elle aussi sur Boyle, Works, U, p. 348 Agricola, Deveteribuset Gerhard, Decas, i, p. 17
la suite du texte de Gerhard. novis metal/is 0, D.413
ln L,giis, adSagom Verom in LygiisadSagam Ipse 1Agricolnlenim eodem
Boyle. Works, U, p. 348 Césalpin. De mewllis. DI, Gerhard. Decas. i. p. 17 opidum; inpratiseruilUT oppidum epratis eruitUT lib. 2 cap. J5 refert: « in
vi,n.183 fermm,fossis adaltilU- ferrum,foss;.s adalJitu· LygUsadSagum oppim.m in
[..•] butismention'd more Vena ejus U'eTTi} copio- Altestontur idem multo dÏJIem bipedaneam aclis. Id dinem bipedaneam actis. pratis eruilerrum,fo.uis
epressely 10 ourporpose, by sissimaest in ltalia: ob eam luculentius Caesalpinus de decennio renatum denuo Nec enim propterabundnn- adaltitudinem bipedancam
the lcamed Cesalpinus : nobilitala Ilva TYn'heni metalL lib. 1. cap. 6. : jOdùurnonaUreracRvae tiam aquatUm allius agi acris. Iddecennio renatum
« Vena (sayeshe)ferri mo.ris insula, incredibili « Vena. inquiens,ferri ferrum. possunt.ld decennio reno- denuolodi nonalilerac
copiosissimaestin Ita/ia; copia eriam nostris tempo- copiosissimaest inltalia, tumdenuofoditur. non Ilvaeferrom ».
ob eam nobilitata Ilva ribus earn gignens : IIam ob eamnobilitaw Ilva, aliterac Ilvae ferrum.
Tirrheni marisinsula incre- terra qUQe entitUT, dum Tyrr1teni maris insu/a incre-
dibili copia, etiam nouris vena effoditur, Iota proce· dibili copia, etiarn rw.stris Pour ce qui est du plomb, Boyle paraphrase le témoignage de Galien sur
temporibus tom gignens : dente tempore in venam temporibus eam gignens : la croissance en volume et en poids de ce métal utilisé pour la toiture des
Namlerraqllaeemiturdum convenitur. Nam lerra, quae eroitur, bâtiments ou pour la jointure des statuettes. C'est le même récit que nous
vena effoditur tota, proce- dum vella ef/oditurtola,
dente tempore in venom procedenle tempore in avons pu lire dans la «Growth of Metals »_À cela, il ajoute le témoigne de
convenitur D. vellam convenitllr l>. Boccace (1313-1375)qu'il a trouvé cité par un « diligent wriler» :
Nous avons déjà rencontré ce même passage dans la «Growth of Boyle. Works. II. D. 349 Boccace, De montibur rr. 9r J Gerhard, Decas. i, p. 22
Fe.ssulruum mons (sayes he) Fesulae monsest biceps .. Fessularummons in
Metals », ce qui nous laisse penser que cette partie du Sceptical Chymist est in Hetruria, Florentiae Florentiae inc!ilae Tusciae HetrurÙ1. Florentiae civitati
inspirée de la note de lecture qui sera publiée avec quelques remaniements civitati illlntinens, lapides civitati supereminens. imminens, lapides plumba-
treize ans plus tard, et que ces deux textes sont intimement liés aux thèmes plumbarios habet.. qui si oIivetüplenus. ex quo si rios habet, quisiexcidan-
qui préoccupaient lejeune Boyle. Quoi qu'il en soit, il utilise ce témoignage exâdontur, brevi temporis lapides quipÛlmbei sunt tur, brevilemporis spatio,
comme pièce à conviction pour continner qu'une certaine terre peut au spatio, novi., incrementis excidantur, brevi temporis novis incrementis instau-
instauranrur. ut (annexes sporionovüincrememis rantur, ultradit Boccatius
cours du temps se transfonner en métal par un «principe plastique myautbor) tradil &ccatius reslaumri comper1issimum Cenaldus. quiidcomper-
métallique» qui se cache en elle '. Certaldus, qui idcomper- esl. tis:rimum esse scribit ».
Carnéade a ensuite recours à l'autorité de la minéralogie renaissanle, tissimum essescribi/. Nihil Nihil hocnovi est. sed
hocnovieu: sedde eadem Pline, Histoire naturelle,
Agricola. Il précise que, si les chynùstes reprochaient à Agricola d'être leur de eodem Plinius lib. 34.
PliniJIs, /ih14. His!. Natur. XXXIV,49(l64):
adversaire, celui-ci admettait néanmoins la croissance des métaux et Mirum in his solismetallis,
Historia llaturalis cap. /7.
cap. /7. dudum prodidit. dudumprodidit. inquiens ..
affmnait que dans la ville de Sagan en Allemagne les fosses d'où avait été inquiens. mimminhissolis quodderelictafenilius
« Mirum in hissalis plumbi
extrait du fer s'étaient abondamment régénérées en fer dix ans plus tard, plumbi melaJ1is, quoddere- rel·;vescllnt.
metallis. quodderelicta
comme sur l'île d'Elbe. Boyle cite en marge le texte latin, qui est exacte- liclafenilius reviviscullt. feniliJIs reviviscunt ». .. ln
ment identique à celui de la «Growth of Metals » 2• Ici encore, il reproduit ln plumbariis secundo plumbaTÜSsecundo lapide
même l'omission de la phrase faite parGerhard : lapide ab Amberga dictis ad ab Ambergadictis ad
Asylum recrementa Asy/um zu der Freyhung
congesta in cumulol. recrememacO/Igesta in
exposita solibus pluvilsque cumulos. exposita solibus
1. Sm la notion de principe séminal, voir Hirai, Le concept de semence. Chez Boyle, voit pauâs OMis, reddunr suum pluvilsque. pouâs annis
A. Clericuzio.« A Redefinition of Boylc's Chemislt'y andCorpuscular Philosophy », Annals merallum cumfenore. reddunt suum metal/um cum
ofScrence47 (1990), p. 561-589, ici p. 583-587; H. YOshimOIO,« Chemical Studies of Young (oenore».
Boyle: 1beit Helmonlian Phase and the Semînal Principles », Kagakushi 19 (1992),
p.233-246; P.R.Anstey. «Boyle on Seminal Prim:iplcs», Studills in the History and
PhilosophyofBiology 33 (2002), p. 597-630.
2.leli éditeurs doMent faussement comme référence le DII re melallica (1530 [sic!]) libri XII (Bâle, 1556) mais du De veteribus et novis meta/lis (Bâle. 1546) que ce passage est
d ' Agriœla. Ce n'esl ni de Bermannussive de re melallica (Bâle, 1530) ni du De re metallica tiré. Nous avons utilisécomme texte son édition princeps.
106 InRa JURAI ET IUDEYUK.J YOSHIMOTO ANATOMIE DU CHYMISTE SCEPTIQUE 107

Nous avons pu localiser la citation de Boccace dans son traité De attentif». Quoi qu'il en soit, il est une fois de plus évident qu'il reprend
montibus. sylvis. jontibus, et nous avons déjà vu que Boyle utilisait le fidèlement le traité de Gerhard 1.
même témoignage dans la «Growlh of Metals »). en donnant pour source Après cell témoignages d'auteurs latins « dignes de crédit », Boyle tient
Gerhard avec la pagination 1. Par contre. la dernière phrase « In plumbariis à en ajouter encore deux qui ont été écrits en allemand. Le premier vient du
[...J fenore») est plus obscure. puisqu'elle ne figure pas chez Pline: mais commentaire de Johann W alch (ca. 1551-apr. 1620) surie traité alchimique
en regardant le texte de Gerhard. nous comprenons aisément d'où elle Der kleine Bauer, très populaire au xvne siècle. de Johann Grasse ou
vient En fait, dans son traité qui contient, comme nous l'avons signalé. Grasshoff (ca. 1560-1618), conseiller d'Ernest de Bavière (1554-1612),
une quantité inhabituelle de phrases en italiques. ce passage est mis en prince-évêque de Cologne et de Liège et cousin de l'empereur Rodolphe II
italiques non seulement pour la citation de Pline mais aussi pour celle (1516-1612) de Prague 2• L'autre est tiré de Johann Agricola (ca. 1589-
qui traite des mines de plomb en Allemagne, à Freyhung près d' Amberg ca. 1610). auteur de commentaires sur la Chymische Medicin (Franefon,
en Bavière. Donc, une fois la source identifiée, nous pouvons dire que 1617) duchymiste allemand Johann Poppius (l571- ?)3.
cette partie ne provient ni de Boccace ni de Pline, mais de cct «auteur Enfin, en s'appuyant sur tous ces témoignages. Carnéade affinne que
attentif), c'est-à-dire de Gerhard. bien que la raison pour laquelle les trois principes des chymistes ne sont pas nécessaires à la génération des
l'inscription en allemand «zu der Freyhung» a été éliminée reste métaux dans les mines, et la discussion continue dans ce sens sur une
incertaine 2• vingtaine de pages jusqu'à la fin du dialogue. Ce qu'il nous importe de
Puis, pour ne pas s'attarder davantage, Carnéade propose de donner souligner, c'est que cet enchaînement de témoignages d'auteurs conti-
seulement deux ou trois témoignages supplémentaires. Le premier a été nentaux sur la croissance des métaux et des minéraux constitue le cœur du
rapporté par «Gerhardus the Physick Professor», qui est explicitement discours de la dernière partie du Sceptical Chymist. En dissimulant ses
nommé. sources, Boyle donne aux lecteurs l'impression qu'il connait parfaitement
une large panoplie d' auteurs crédibles. En réalité, il n'utilise pratiquement
Bovle. Works. n. P. 349 Gerhard. DeclU, i, P. 20
" ln valle Joachimica argentum graminis
que le traité de Gerhard pour les auteurs latins et ne vérifie même pas si les
ln vallr (sayes he) Joaehimica argentum
graminis modo & more e lapidibus minilrtJe modo & more il Ülpidibus minilrtJe. velut e citations qu'en donne celui-ci sont exactes ou, du moins, authentiques. Il
velut e radiee excrevisse digiti longitudine. radice excretJwe, digiJi longimdine n, testis est vrai que l'accent sera mis sur une explication plus mécaniste dans la
testis e.,t Dr. Sehreterus, qui ejusmodi venas est DortorSchroerenu, qui ejusmodi venas cc Growth of Metals» de la période ultérieure. Cependant. nous pouvons
aspectujucundas & admirabiles domi s/llJe a"pectujr.r:undtU & admirabiles domi suae dire que cette partie du Sceptical Chymi.ft se fonde sur la même note
aliis .raepemonstravit & donavit.ltem oqlla allis saepe monsrnlvil.& dOM"ir. /rem.
de lecture.
caerulea inventa estAnnaebergae, /lb; fi aqua caeruJea ÎnvenùJ estAnnaebergae,

argentum erat adhuc in primo ente, quae /lb; argenJum erat adhuc in primo ente,
cotJgulata redtu:ta est in calcemfvci & boni quaecoagulata. redaeta ur in falcemfvci &
ar.enti. bonia11!enJi ».

C'est là la première occurrence du nom de Gerhard. bien que Boyle ait 1. AiJui. la nOie des édilcurs est doublement faus.'léc par le nom de Johann Conrad
Gerbanl et par Ie.~ dates de naissance et décèli (1582-1637), qui sont celles du théologien
puisé dans son œuvre chymico-minéralogique tout au long de la luthérien et non de dCIIA chymisles.
discussion 3• fi est surprenant que Boyle présente Gerhard comme s'il ne 2. Sur Gra.~se. voir Th. Lederer, Der KOiner Kurfiim Henog Ems. von Bayem (1554.
s'agissait pas de la même personne qu'il vient de nommer comme «auteur 1612) und sein Rat Johann Grane (um J56Q-1618) ab Alchemiker derfrühen Nell1.t!it: Ein
Seitrag zur Geschichte des Pdracelsimlus, thèse de doctoral. Université de Heidelberg. 1992
et «Leben, Werke und Wirkung des Stralsunder Fachscbrifl.~lellers Johann Grasse {nach
1560-1618)1>, dans W.KOhlmann et n.Langer (eds.), Pommem in der friihen Neu1.eit:
1. Giovanni Boccace de CertaJdo. De IIWlItibw. sylvis.fonlibw {... J, Venise, 1473. sans Uterlllur und Kultur in Stad' und Region, Tübingen, Niemeyer, 1994, p. 227·237. Sur Ernest
pagination If. 9rl. Tutte le operedi Giovanni Boccoccio. V. Branca(ed.),1. VIl·VIlI·I. Milan. de Bavière, voir aussi R. Halleux et A.oC. Bemès, oc La cour savante d'Ernest de Bavière ..,
Mondadori.I998,p.184S. Archivesintematiollolesd'hisroire des sciences45 (1995). p. 3.29.
2. Boyle o'a sans doute pas compris laraisondcccUc iJlsçriptioncn allemand. 3.Sur Johann Agricola, voir sa lenre à Boyle, datée du 6 avrill66S (Correspondence,
3. Nous n'avons pas pu identilierce .. Schroeterus ... IV,p.S9).
108 JURO HIRAJ ET HIDEYUKl YOSJUMOTO ANATOMIE DU CHYMISTE SCEPTIQUE 109

JOHANN GERHARD ET SON ŒUVRE sans doute des sources directes contemporaines, comme cela était alors
CHYMICO-MINÉRALOGlQUE (1643) habituel). Panni les nombreux auteurs qu'il utilise, ses favoris sont chez les
Anciens Aristote, Galien et Pline l'Ancien, et Avicenne et Albert le Grand
Nous allons maintenant nous pencher sur l'œuvre elle-même de chez les médiévaux. Quant aux auteurs de la Renaissance, il utilise souvent
Gerhard, Dixquestionsphysico-chymiqueslesplus connue.ç .furles métaux. Agricola, Cardan, Fallope et Césalpin. Jusqu'ici, on pourrait dire que
Cet ouvrage d'environ cent trente pages in-octavo se divise en dix parties son choix des sources est typique d'un minéralogiste aristotélicien de la
dont chacune est consacrée à une question« chymique» précise, Renaissance comme Césalpin. En outre, il s'appuie fréquemment sur
des philosophes aristotéliciens du XVIC siècle tels que Joseph Scaliger,
1. La nature fait-elle naître el renaître encore les métaux? (29 p.)
2. Les métaux sont-ils composés de mercure et de soufre? (21 p,) Giacomo ZabareUa et Jacob Schegk (1511-1587) de Tübingen. Mais ce qui
3. Le ciel est-il la cause efficiente des métaux el la force aurifique est particulièrement remarquable chez lui, et qui le distingue des autres
réside-elledanslescieux ?(31 p.) minéralogistes de la Renaissance, c'est son usage abondant des alchimistes
4. Où faut-il chercher la semence, le nutriment et la propagation de médiévaux comme Petrus Bonus, Arnaud de Villeneuve et surtout le
l'oretdes métaux ? (14 p.) Pseudo-Geber l . Il faut y ajouter les traités alchimiques de la Renaissance
5. Peut-on diviser les métaux en imparfaits eten parfaits ?(6p.) attribués à Marsile Ficin, Jean-François Pic de la Mirandole, Bernard le
6. La nature tend-elle toujours vers l'or dans la génération des Trévisan, Denys Zecaire, Basile Valentin et Jean d'EspagneL Il utilise aussi
métaux? (4p.) abondement les ouvrages de Paracelse, non seulement les authentiques
7. L'art peut-il imiter la nature dans la génération de l'or? (7 p.) mais même ceux dont l'authenticité est aujourd'hui mise en doute par les
8. L'art peut-il rendre l'orplus parfait ? (tOp.) historiens, comme le De natura rerum et la Philosophie aux Athéniens.
9. Les différentes espèces de métaux peuvent-elles se transformer de
Signàlons que, panni les écrits attribués à ce médecin suisse, ces deux
l'une à l'autre? (lI p.)
10. La séparation de la fonne et du corps de l'or produit-elle la teinture derniers textes marquent une affinité particulière avec l'alchimie
des philosophes? (5 p.) médiévale.
Par la densité de ces citations, Gerhard cherche à établir la défense de
Les développements les plus longs sont dévolus aux trois premières l'art transmutatoire contre les «anti-chymistes» et à hannoniser les
questions. Dans les discussions que nous avons vues jusqu'ici, Boyle ne opinions divergentes non seulement parmi les chymistes eux-mêmes mais
cite explicitement que le premier chapitre. Mais afm de saisir l'approche de aussi entre ces chymistes et les minéralogistes de la Renaissance. Or,
Gerhard et la nature de son traité, nous analyserons ici quelques thèmes comme nous l'avons montré par ailleurs, la minéralogie dans la lignée
majeurs de ses discussions. d'Agricola est confrontée à la chymie paracelsienne, au début du
En fait,la méthode de Gerhard est une fusion de celle des humanistes de XVU" siècle, dans le traité Gemmanun et lapidum historia (Hanau, 1609)
la Renaissance, qui se consacraient à la philologie, et de celle des alchi- d'Anselme Boèce de Boodt (1550-1632), minéralogiste de l'empereur
mistes médiévaux auteurs de textes doxographiques comme le Rosarium Rodolphe JI. Ce traité est considéré comme l'ouvrage minéralogique le
philosophorum (Francfort, 1550) 1. Ainsi son texte est-il inondé de citations plus important du XVIIC siècle 2• Il faut signaler que, tout en apportant des
de divers auteurs: chaque chapitre rassemble des idées des Anciens, des
Médiévaux et des Modernes sur une question définie, ce qui fait que I. Cf. W.R. Newman. The Summa perfectionis o/Pseudo·Geber. Leiden. Drill. 1991 cl
r ensemble du traité se présente comme une doxographie crès utile, ou " L'influence de la Summa peifectionis du pseudo-Geber ». dans J.-Cl. Margolin et S. Matton
comme une sorte de florilège ou recueil de lieux communs. Comme (éds.), Alchimie el philosophie li la Renaissance. Paris, Vrin. 1993. p. 65-77. Sur Le pseudo-
plusieurs humanistes de la Renaissance, Gerhard est explicite dans ses Geber chez. Boyle. voir L.M. Principe. The Aspiring Adept : Robert Boyle and 'wAlchemical
Quest, Princeton, Princeton UP, 1998, p. 153-155.
références à des auteurs dont la réputation est établie (bien qu'il dissimule 2. Boyle qualifie de Boodl du "meilleur auteur,. sur les vertus des gemmes.
Cf. Usefulness, 11·1 (Wnrks. ID. p, 418 et 422-423); Clayton 's Diamolu/ (W/Jrlcs, IV. p. 189 et
1. Voir surtout J. Telle et ,,1/1 (cds.), Rosarium philosophomm: Ein alcllemisches 194-195); Origin and Virfues 0/ Gem.r (WoTb. VU. p.1 et 19). Sur de Boodl, voir Himi,
FlorUegium des Spiitmittelalters: Faksimile der illustrierten Erst"usgabe Franlrfurt 1550, Le concept de semence. p.375-399; «Les Parado.l:es d'Étienne de Clave et le concept de
2 vol., Weinheim, VCH.I992.
110 HlRO HIRAI ET HIDF.VUXI YOSHIMOTO ANATOMIE DU CHYMJSTE SŒPT1QUE III

explications naturalistes aux vertus, traditionnellement conçues comme de la minéralogie. Parmi ces thèmes, on relèverd la notion du suc minéral
occultes, des pierres précieuses, de Boodt explique la fonnation des pierres spécial appelé « Gur », « Ghur » ou « Guhr». Boyle affinne que cette notion
par les théories du «spiritus architectonique» et de sa «force séminale» n'a été décrite que dans un ou deux écrits allemands, dont l'un est la Sarepta
manifestement inspirée des Paracelsiens Pierre Séverin (1540/42-1602) et de Mathesius. Il n'avait pourtant pas pu lire ce traité puisqu'il avoue ne pas
Joseph Du Chesne alias Quercetanus (1546-1609)1. Plusieurs auteurs savoir l'allemand', Mais Boyle le cite une fois par l'intennédiaire de
comme Daniel Sennert (1572-1637) et Gassendi suivront sa démarche. Gerhard, ce qui nous autorise à suggérer que sa source devrait être
Ainsi pouvoDS-nous situer l'ouvrage de Gerhard dans le contexte histo- l'ouvrage de celui-ci. Cependant, nous avons parcouru ce traité entier en
rique de cette tradition. Mais ce qui est caractéristique de son ouvrage, c'est vain: il n'évoque ni le Our ni le suc lapidifiant (succus lapidescens), notion
qu'il radicalise cette fusion en cherchant à accorder les idées, non des congénère avancée par Agricola. Dans cette situation, nous avons trouvé un
Paracelsiens, mais de Paracelse lui-même, avec le courant dominant de indice qui pointe vers la source de Boyle, d'abord dans la Metallographia
l'alchimie médiévale tardive, c'est-à·dire avec la tradition du ps,.Geber 2. (Londres, 1671) de John Webster (1611-1682), puis dans A Philosophical
Essay (Londres, 1672) de Thomas Sherley (1638-1678). Ces minéra-
logistes, suivant de très près l'œuvre de Boyle, expliquent la voie de
COMMENT BOYLE A-T-IL EU CONNAISSANCE transmission de l'idée du Our 2• En fait, cette notion est reprise dans un
DE L'ŒUVRE DE GERHARD? traité latin intitulé Arca arcani arrijiciosissimi de summis naturae
mysteriis, recueilli dans le sixième volume du n,eatrum chemicum publié
Aujourd'hui encore, l'ouvrage de Gerhard est très peu disponible, el par Zetzner (Strasbourg, 1661)3_ En réalité, ce traité est une traduction
nous disposons de très peu d'infonnations sur sa vie et sur l'influence de remaniée du Der gros.'ie Oauer et du Der kleine Bauer de Johann Grasse.
son œuvre. Comment Boyle a-t-il pris connaissance du traité Dix questions Quant à Boyle, il a vraisemblablement eu connaissance de la réputation de
physico-chymiques et comment a-t-il pu se le procurer? Notre enquête dans l'œuvre de Grasse au plus tard en 1659. puisque dans deux leltres Samuel
sa correspondance et dans ses manuscrits dits « Boyle Papers » n'a relevé Hartlib (ca. 1600-1662) lui apprend qu'un « jeune Clodius ». proche de lui,
aucune trace de Gerhard. La correspondance de Henry Oldenburg ne nous est en lrain de la lui traduire 4 , Le cercle de Hartlib semble donc avoir joué
fournit elle non plus aucun indice.
En étudiant Certain Physiological Essays (166l), où il est question de
I.Certu;n Physiologira/ Essays (1661) (Work.s, Il, p.197); Generation of Mineraiis
la régénération des minéraux, et notamment des sels, nous avons retrouvé (Work.s; XDI. p. 368). Dans un anicle sur les mines, publié duns les Philosophica/ Transac-
quelques thèmes majeurs qui préoccupaient le jeune Boyle dans le domaine nOIlJ du 19 novembre 1666 (Work.s, V, p. 529·540). Boyle cite un rapport de MathesillS qu'il
semble avoir connu à travers Gerhard (p. 536. n. b). Là où il parle du .. Ghur" (p. 539). dam sa
semence dans sa minéralogie", Corpw 39 (2001), p.4S.71; DSS. 2 (1970), p.292-293; deuxième version de 1692, il renvoie à Van Helmonl. Sur .. Gur .., voir Mathesius. Sarepta.
Thomdike, A History of Mag;c and Experimemal Science, 1. VI. p.318-324; R.HallelU, iü.dansAltSge...ahlre Werke,t.IV,Prague, Tempsky,1904,p. 168,179.19geI210.
.. L' œuvre minéralogique d'Anselme Bllke de Boodl (1550-1632) ... Histoire et Na",re 14 2. Voir John Webster, Metallographia. London, 1671, p.SO; Thomas Sherley. A
(1979), p. 63-78. Philosophical Es:roy, London. 1672, p. S0-52. Sur Websler. voir OSS, 14 (1976), p. 209-210;
1. Sur Du Chesne, voir H. HUai, .. PlIracelsisme. néoplatonisme el m6decine herm61ique A.G.Oebus, The Chemical Philosophy, New York, Dover. 1977',2002 2, p. 393-400, 402-
dans la Ihéoric de la matière de Joseph Du Chesne: il travers son Ad l1eritatem hermeticae 409,457-458 et SI4-517; A.Clericuzio, .. Alchimie. philosophie corpusculaire et minéra-
mec/iCÎnae (1604) .., Archives internatiowes d'histoire des sciences 51 (2001), p. 9-37; logie dans la Metal/ogrophia de John Webster ... Revue d'histoire des sciences 49 (1996),
D. Kahn, .. L' inœrpretalion alchimique de la Genèse chez Joseph Du Chesne dans le contexte p.287-304. Sur Sherley, voir A.G. Debus, «Thomas Sherley's Philosophical Es5ay(1672):
de ses doctrines alchimiques et cosmologiques ", dans B. Mahlmann-Bauer (ed.), Scientiae et Helmonlian Mechanism as the Basis of a New Philosophy", Ambix 27 (1980). p.I24-13S;
artes: Die Venniu/rutg a/ten und neuen Wis.ren.r in Literarur, KUllJt und Musi/(. Wiesbaden, D.R. Oldroyd, " Sorne Neo-Pla1onic and Stoic Innuenccs on Mincralogy in the Sixleenth and
Harrassowilz, 2004, p. 641-692. SevcnleenlhCenturies ..,Ambix21 (1974),p.128-156cI143-146.
2. Gerhard, DeCtlS, III, p.46-50. Sur la Ihéorie du "mercure seul '", voir Thorndike, 3.Johann Grll.~se, Arca arcani artificiosisnmi, dans 'Thealrum chemicum, t. VI.
A HisroryofMagic and Experimenra/ Science. t.IU, p. 58; Newman, The Somma perfeclionis Strasbourg, 1661, p. 294·381, ici p. 306 et 318 sur Gur. Cf Ferguson. Bibiliotheca chemica,
ofPseudo·Geber, p. 204-208 el Gehennical Fire: The Lives ofGeorge Starkey, an AmericQIl t. 1.p. 338-341 ; Lederer, Der KiJ/ner Kurfiirst Her<.og Emst von Bayem, p. 252·256.
Alchemist in the Scîenlific Revolution, Cambridge (MA), Harvard UP. 1994. p.86 el 99; 4, Voir ses lettres dat6es du 30 avril el du 10 mai 1659 (Cornspondence, I, p. 345 el 350).
Hirai,Leconceptdescmence,p.30-31 el 342-34S. HartIib parle aussi du Kleine Bauerdans sa lettre à Oldenburg (2 d6œmbre 1658). Cf Hall et
112 mRO HTRAI ET mDEYUKI YOSIDMOTO ANATOMIE DU CHYMISTE SCEPTIQUE 113

le rôle d'intennédiaire pour l'idée du Gur. Est-ce aussi le cas pour Linschoten et de Garcia da Orta sur la croissance des diamants que nous
l'ouvrage de Gerhard? Notre recherche dans les « Hartlib Papers» n'a venons de voir dans le Sceptical Chymist. D'après les habitudes de citation
malheureusement apporté aucun élément probant à ce sujet. 'chez Boyle, nous pouvons penser qu'il se référait ici seulement au texte de
Or il se trouve que dans le quatrième essai, ajout postérieur daté des Sennert, et probablement pas à celui de Conrad Gerhard.
environs de 1660 au traité Usefu/T1ess of Natural Philosophy (l, 1663), Examinons maintenanlle leXIe de Sennert. Les édileurs de la nouvelle
rédigé originellement dès 1649, Boyle évoque le médecin «Jo. Conradus édition ont suggéré pour source le traité De chymicorum cum Aristotelicis
Gerhardus», auteur d'un petit ouvrage intitulé «Physico-chymical et Galenici.f consensu et dissensu (Wittenberg. 1619), ct bien que Boyle ne
Questions» contenant des témoignages sur la croissance quotidienne des donne guère d'informations permeltant de localiser le passage en question,
métaux: nous avons heureusement réussi à l'identifier_ Il s'agit du chapitre où
Scnnert interprète le concept de semence du Paracelsien danois Pierre
Ta prove thal melalline bodies were not a1l made at the beginning of the
Séverin 1. Dans sa discussion sur l'origine des formes, après avoir expliqué
world, bUI have some of them a power, though slowly to propagate their
nature when they mcel with a disposed matter; you may findc many toute une série de théories avancées par des philosophes et des chymistes, il
notable testimonies and relalions in a lilllc book of Physico-chymical aborde la formation des minéraux. Suit une série de récits sur la régé-
Queslions, written by Jo, Conradu.'l Gerhardus. a Gennane doclor, and nération des mélaux que Sennen tire de «Joh. Conradus Gerhardus » 2. El
most of them recited (logether with sorne of bis own) by the leamed nous retrouvons là une partie des témoignages des auteurs que nous venons
Senncnus J • de voir comme Boccace, Pline, Césalpin, Fallope et Garcia da Orta, Les
éléments composant ce passage se retrouvent également, avec des rema-
Il s'agissait là probablement de Johann Conrad Gerhard (1561-
nicments, en italiques dans le texte de Gerhard le fils. Après le passage tiré
apr. 1623), le père de notre Gerhard. II était médecin chymiste du prince
de Gerhard le père, Sennert poursuit sa discussion en évoquant les théories
Wolfgang Il de Hohenlohe (1546-1610) et auteur du traité Extrac:tum
de Boèce de Boodt sur le spiritus architectonique et sur sa force séminale
c:hymic:arum quae.ftionum de lapide philosophorum (Strasbourg, 1616),
pour la formation des minéraux. Manifestement, Sennert accepte ces
mais non des Decas quaestionum physico-chymicarum 2. Ici Boyle
théories, et ainsi se termine le chapitre en question).
confondait peut-être ces deux hommes, comme l'avait fait Pierre Borel
Cette dernière découvcrte nous amène à penser que le jeune Boyle a
(ca.1620-1671) dans son célèbre inventaire des traités chymiques
d'abord pris connaissance du nom de «Conrad Gerhard» et de J'existence
Bibliotheca chimica (Paris, 1654)3. Mais il précise que les témoignages de
de son traité à travers sa lecture de Sennert, Comme il se passionnait pour
Conrad Gerhard ont été cités par Sennert. Puis il ajoute les observations de
les récits de la croissance des métaux, il a cherché à se procurer ce traité,
Sennert avait correctement cité le nom de l'auteur ellc titre de l'ouvrage:
mais quand Boyle a eu par erreur entre les mains l'ouvrage du fils et y a
trouvé ce qu'il cherchait, malgré la légère différence du litre et du nom
Hall (cd,.), The CorrtspondelluofHenry Oldenburg, t l. 1965, p.192-197.11 semble avoir
connu ce traité au moin., depuis 1648-1649. Cf. Hartlib Papers. 281116A. de l'auleur, il s'cn est sans doute satisfait. Nous ignorons encore s'il a
J. UseJUlness, J, iv, p. 79-80 (Worb, DI, p. 254). également ulilisé l'ouvrage de Gerhard le père, ou s'il s'cst aperçu qu'il
2.Sur Johann Conrad Gerhard, voir Ferguson. Bibliotlreca chemica, t.I, p.312·313; avail confondu ces dcux hommes et leurs livres.
C.Gilly, Johann Valentin Andreae, /586-/986, Amsterdam, Bibliotheca philosophica
hermetica, 1986, p.47; J. Weyer, Graf Wolfgang II. VOII Hohenlohe und die Alcllemie:
Alchemistisehe Strulien in Seh/oss Weiursheim, Sigmaringen. Thofbeçkc, 1992. p. 393-394;
J.Paulus, .. Alchemie und Parncelsismus um 1600: Sic:bzig Pottriits .., dans J.Telle (00.),
Analecta Pararelsica: Studien l.IInt Nochleben 71reophrast "om Hohenheims im deuuchen
Kultur"ebiet derfrUhen Neuzeit, Stuttgart, Steiner, t994, p. 335-406, ici p, 357. 1. Sennert. De ch)W1icorum consensu el dissensu, ix, p. 85·114. NoU$ avons utilisé
3. Borel confond manifestement le pùc: et le fils en attribuant inversement leurs ouvrages l'édilion <Paris. 1633) que Boyle a probablemenl utilisée. Pour une analyse de: ce chapilre.
dans sa 8ibliorheca chemica (Heidelberg, 1656, ~imp. Hildesheim.OIms, (969). p.98-99. voir Hirai, Le concept Je semence, p.401-406.
Sur Borel. voirP.Chabbert,,, Pierre Borel (16201-1671) ... Revue d'histoire des sciences 21 2. SenneTt. De chymicorum consensu et Jissensu, p. 112·113.
(1 968). p. 303-343. 3. Voir plus ba.~ notre annexe pour le Iexte deSennert.
114 HlRO HIRAI ET flIDEYUKI YOSHJMOTO ANATOMIE DU CHYMTSm SCEPTIQUE 115

CONCLUSIONS ANNEXE
Daniel Sennert, De chymicorom cum aristote!icis et galenicis
Dans la présente étude, nous avons analysé en détail quelques consensu et dissensu. cap. 9 (Paris. 1633 3)
témoignages clés sur la croissance des métaux que le jeune Boyle cite à
partir des ouvrages d'auteurs continentaux. Cet examen « anatomique» (p. 112 b) [marge: Historiae metallorum renascentium]
nous a pennis d'identifier sa source principale pour une série de citations Qua de re doctorum virorum observationes collegit. in Extracto quaestionum
et d'éclaircir la manière dont il utilisait cette source pour augmenter la chymicarum de lapide philosophorum Joh. Conradus Gcrhardus, M. D. contra eos.
crédibilité de son discours. Malgré les nombreuses citations destinées à qui statuunt, omnia metalla, quae hactcnus e terra effossa sunt, et posthac effa-
impressionner favorablement ses lecteurs, le jeune Boyle n'avait pas lu dientur. simul in prima creatione condita esse. et nulla ampli us crescere. Aurum
tous les ouvrages qu'il utilise, surtout ceux qui étaient écrits en latin ou Corbachiae in Westpbalia crescit et recrescit in cumulis singulis quadrienniis. Sic
argenturn in cumulis plumbi cinerei, ubi prius nullum inerat argentum, certo
en allemand, Mais il puisait largement dans un petit livre doxographique,
lempore maturatur et perfieitur. Item vena plumbi in Sclavonia quadragesimo anno
un compendium. Cette découverte nous incite à penser que Boyle devait transit in argentum. Squama aeris arena sicca anno trigesimo in aurum. Ferrum in
aussi exploiter des outils semblables dans d'autres domaines, comme la Silesia ad Saganum oppidum decimo renatum anno denuo fodilOr; non aliter ae
pharmacologie, les histoires naturelles, la chymie et même la philosophie in Dva ferrum, quae est Italiae Insula in Thyrreno mari. In Misnia limus ruber
en général'. palustris quiquennio; ln Svecia similis limus uno anno Soli expositus, in bonum
Outre le cas de Gerhard, nous avons remarqué que le jeune Boyle fenum abit. Idem in cumulis ex lapide fissili usu venit, cirea aurifodinas
s'intéressait aussi au Sarepta de Mathesius et au commentaire de Johann Mansfeldiae, ubi aes similitermaturaturet renascitur. Fessularum mons in HetnIria
Wald sur le Der kkine Bauer. Notre enquête a également abordé le lapides plumbarios habet, qui si exscindantur, brcvi tcmporis spatio novis instau-
problème de la similarité du contenu des textes de Gerhard le père et rantur incrementis, ut lradit Bocarius (p. 113 a) Certaldus, qui id compertissimum
de Gerhard le fils. Nous n'avons pu approfondir tous ces points dans le esse scribit. Plinius etiam, lib. 34. cap. 17. scribit: Mirum in his salis plumbi
metallis, quod derelicta fertilius reviviscant. SOO id non in solis plumbi, verum in
cadre de la présente étude, mais ils ne manqueront pas de constituer les
omnibus metallis usu venit; imo et mineralibus. De ferro, quod in Ilva Thyrreni
prochaines cibles de nos recherches. En guise de conclusion, on soulignera
maris Insula effoditur, refert Andreas Caesalpinus, Iib.3. De metallicis cap 6.
le rôle qu'a joué l'ouvrage de Sennert; sa discussion du concept de terram inanem metalli. quae eruitur. dum vena effoditur, tolam precedente lempore
semence touche également la génération spontanée, la formation des in venam converti. Sulphuris vena quadriennio reparatur, ut refert Fallopius, De
minéraux et les théories de Boèce de Boodt SUT le spiritus architectonique et lhennis cap 5. Terra detracta halonitro in cumulum redacta post S. aut 6. annos
saforce séminale-et tous ces sujets fascinaient l'esprit dujeune Boyle2. nitrum reddit, ut scribit Cardanus, lib. De subti/itale. In India montem esse
Oromenum appel1atum salis nativi, in quo lapidicinatum modo cedatur sai
renascens, refert Caesalpinus, De melallicis.lib. 1 cap. 16.
1. Sur la manière de l'organisation du savoir chez Boyle, voir par exemple H. Knigh., Neque est, ut quis hic subterfugium aliquod quaeral et obtendat; forsan lapides
Organising NatUTal Knowledge in the Sevenreenth Centll1)'; The Works of Roben Boyle, iIlos vcjectos in cumulos metalla jam olim in se continuisse. Aliud enim explotalio
thèse de doctorat, Université de Londres. 2003. Nous remercions H. Knight d'avoir bien exactissima probatorum docet. qui ne minimum Cere granum in scoriis relinquunl.
voulu nous monlrer l'exemplaire de sa thèse.
Et plane in signe ae notatu dignum est. quod Garcias ab Horto, Simple. in Inti. nase.
2. Sur la théorie de la génération spontanée d'Athanase Kirchcr à laquelle Boyle
s'intéressait, voir H. Hirai, «Interprétation chymique de la création et origine corpusculaire lib. 1. cap. 47. de adamante i'a scribit: « Adamantes. qui altissime in lerrae visce-
de la vie chez Athanasius Kirther ", Annals ofSch!nce, 64 (2007), p. 217.234. Sur la géné- ribus, multisque anois perfici debebant. in summo fere solo generantur, et duorum
ration spontanée li la Renaissance, voir aussi H.Hirai, .. Eanb's Sou1 and Spontaneous aUI trium annorum spacio perficiuntur. Nam si in ipsa fadina hoc anno ad cubiti
Generation: Fortunio Liceti's Criticism against Ficino's ldeas on the Origin of Life ", dans altitudincm fodinas, adamantes reperies. Post biennium, cursus iUic (p. 113 b)
S. Clucas et aUi (eds.), Ums Platonici Philosophi : Marsilio Ficino andhis Influence. Leiden. excavata, ibidem invenies adamantcs ».
Brill, à pann"lre. Surla théorie de la force plastique. voir H. airai,« Semence, vertu fonnallic:e Neque absurdum videtur, in mineris spiritum aurificum vel argentificum cum
ct intellect agent chez Nicolb Leoniceno entre la lradition arabo-Iatine et la renaissance des maleria idonea coalescere et aurum vel argentum fieri: aUJllDlque et argentum hoc,
commentateurs grecs". Early Science and Medicine 12 (2007), p. 134-165 et« The Invisible anlequam solidescat. et exeoqualur, iternm ft se passe spiritus argentificos et
Hand ofGnd in Seed: Jacob Schegk'sTheoryofPlasticFaculty ».EarlyScienceandMedicine aurificos emittere. qui materiam dispositam in aurum vel argentum convertant; el
12(2007), p. 377-404.
hoc modo perpetuari metallorum rodinas. Quod cene ipsi ductus et tluxus venarum
116 HIRO HJRAl ET HlDEYUKI YOSHIMOTO

metallicarom monstrare videnlur, in quibus ava).oyov quid naturae vegelabili


apparel Idemque et hoc confmnare videtur, quod a medico quodam experien-
lissimo, qui diu Fribergae, fodinis metallicis nohili Misniae oppido, medicinam
Cecil, relalUm scio. Is enim curn ariquos ex fossoribus metaIlicis mortuos
apervisset, in pulmonibus ca ipsa melalla concreta reperit. in quibus effodiendis
vivi laboraverant.
An lamen proprie crescere dici passim, dubitatur. le. Scaliger, in lib. 1. De
plantis, lapides crescere negat: «Lapides, inquil, crescunt, sed augescunt Sic
obtinebit augmenlUm generis proportioncm ad incrementum. Ut iIIud sit apposita
cujuseumque modi quantitate: incrementum fiat occupationum, quoquo versum
eapacioris loci ex promotione ambilus extimi, admissis intro partibus, mutatis
atque unitis n.
DEUXIÈME PARTIE
Unde semen meta1lis et mineralibus si non univocum, certe analogum nonnulli
tribuendum (p. 114 a) censent. Hoc certum esse putOt Cormas iSlas, seu semina seu
senûnarias rationes, ut a1iarum etiam rerum, a Dea primum creatas esse, ul rerum
sui generis sint principia. Et licet formac istac nc seminaria principia in animalibus LA PHILOSOPHIE NATURELLE
et plantis plerisque per certa corpora, quae semina dicuntur, propagentur, et
peculiari corpore spiritus ilIe architectonieus concludatur, in metallis lamen per
totum corpus dispergitur. Quod cnim in salice et aIiis plantis fieri videmus, ul per
ramum avulsum fiat propagatio, utP0le in quibus seminale principium per lotam
plantam, dispergitur; idem in metallis et gemmis accidit, in quibus formale mud,
aul si it8 libeat appellare, seminale principium, seu spiritus archilectonicus in
materia metallica seu lapideseenle occulta modo conclusus est. Qui piura hac de ce
cognoscere cupit, legat cap. 13. lib De lapidibus etgemmis, Anselmi Boetii, in quo
poslquam multis de figura sexangulari cristallorum cl a1iis gemmarum figuris
disputavit, tandem concludit: se autumare Nnturam, ut cristallus hac nota ab
aliis gemmis distingueretur, ipsi hexagonam figuram dedisse. non secus quam
arborum frondibus et herbarum Ooribus peculiares suas figura.<; dedit, quae ab
architeetonieo spiritu et formatrice facultate ignoto nobis modo fabricentur.

Hiro HIRAI et Hideyuki YOSHlMOTO

il
ANALYSE ET PHILOSOPHIE
DANS LA MÊME COLLECTION Directeur: Michel MALHERBE

BOURGEOIS-GIRONDE (S.), La reconstruction analytique du cogito, 2001,


304 pages,
CHAUVIER (S.), Dire "Je" - Essai sur /Qsubjeclivilé, 2001, 256 pages. LA PHILOSOPHIE NATURELLE
De la perception à l'action. Contenus perceptifs et perception de l'action, édité
par P. Livet, 2000, 240 pages. DE
DEBAISE (D.), Un empirisme spéculatif. Lecture de Procès et réalité de
Whitehead, 2006, 192 pages.
ROBERT BOYLE
Herhert Feig/. De la physique au mental, édité par B. Andrieu, 2006, 224 pages.
GOODMAN (N.), La structure de l'apparence, traduction coordonnée par
J.-B. Rauzy, 2004, 352 pages.
GANDON (S.), Logique et langage. Études sur le premier Wittgenstein, 2002,
272 pages.
La philosophie en Pologne. 1918-1939, sous la direction de R. Pouivet et Édité par
M. Rebuschi, 2006, 256 pages, Myriam DENNERY
LE Du (M.), La nature sociale de l'esprit. Wittgenstein, la psychologie et les
et
sciences humaines, 2004, 208 pages.
LEMAIRE (S.), Les désirs et les raisons. De la délibération à l'action, 2008, Charles RAMOND
256 pages.
PERRIN (D.), Le flux et l'instant. Wittgenstein aux prises avec le mythe du
présent, 2007, 256 pages.
REID (T.), Essais sur les pouvoir actifs de l'homme, traduction et notes de
O. Kervoas et E. Le Jallé, 2009, 384 pages.
RYLE (O.), L'itinéraire de Platon, suivi de En manière d'autobiographie,
traduction et notes de J. Follon, préface de M. Dixsaut, 2003, 256 pages. Ouvrage publié avec le concours
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du Centre national du /ivre
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préface de O. Durand, 2004, 208 pages. LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN
6 place de la Sorbonne, ve

2009
414 lNDEX DES OUVRAGES DE BOYLE

Mechanical Qualities (1675-1676) 83. Some Uncommon Observations about


150,151,243 Vi,;atedSighl (1688) 122
Mechanical QuaUties (1675~ 1676). [ 1J. Of SpeciftcMedicines(1685)76
the Mechankal Origin ofHeDI and Cold Spring of the Air (1660) 148, 172, 277,
(1675-1676) 150 280,295.307,308.312,314.315.382,
Medicina Hydrostatica (1690) 165 383.384.395
Spring. Jst Continuation (1669) 393, 397
Notion 01 Nalure (1686) 26. 29, 44. 129. Spring, lnd Continuation. trad. anglaise
135, 137. 170.333,337.350.351. 352. (1682) de Experimentorum novorum
physico-mechaniconun cont;nuQtio TABLE DES MATIÈRES
353.354,355.357
.ftcunda (t 680) 400, 401.402
Observations about the Growth ofMeta/s Strange Reports (1691) 227.228
;nthe;rOre Exposedto the Air( 1674) 93 Style ofthe Scriptures (1661) 208. 309
Occa.donal ReJ1eclÎons (1665) 31.34,35. Superiority 01 Theology over Natural
61.72,179 Phüosophy(166S}3S Avant Propos
0IAtoms(1650) 61 par Michel MALHERBE . 7
Tentamina Chimica (1667) 362. 373. 314.
0ICh)'mistryandChymists(1650)61
OfCold (1650) 61
376 Présentation Générale
The Mart)'rdomofTheodora (1648)46. 73 par Myriam DENNEHY et Charles RAMOND . 15
Of Natural Philosophy &: Philosophers
The RequisitesDIa Good Hypothe.fis 165
(1650)61
The Sceptical Chymist (1661) 27, 67. 68. Bibliographie. abréviations utilisées . 17
OfNaluraIl Philosophie 39
69.70.76.77,78.82,83.100.101.102.
Ofthl! Imperfection ofthe Chymins' Doc-
104.107.113.131,145, 196. 197. 198.
trineoIQualities(1575-1576) 151,243
209.243,244.245,246,295.296.299. PREMIÈRE PARTIE
OftheMechanicks(1650)61
313.361.363.366.367,370,372.376, SOURCES, CONTEXTE, FORMATION
OflheSludyolNalUre (avant 1650) 61
Ofthe Weapon-Salve (16S0) 61
377
ThingsaboveReason (1681)309 Boyle: motivations et incitations à l'étude de la philosophie naturelle .. 23
On Ihe Atomicall Philosophy 46
Tractatus de Ipsa Natura (1688) 344 par Catherine WILSON
Philosophical Transactions (1665-1667) Urefulness. t (1663) 61, 64.69, 100. JOJ.
16.163.167,349,350,397,400
Les débuts de ln carrière de Boyle. l'iatrochimie helmontienne et le cercle
112,181.182
Producibleness (1680) 145.205 de Hartlih .. 47
Usefulness. I. Essay l, «Of the Usefulnes5e
par Antonio CLERICUZIO
ofExperimenlal Philosophy, PrincipalJy
Reason and Religion (1675) 21,43.44,45. as it Relates to the Mind of Man " 181 Liens et influences chimiques entre Robert Boyle el la France . 71
141.227,348,353,354,355 Usefulness.1. Essay IV. «Containing a re-
Reflections upon the Hypothesis ofAlcali
parLawrence M. PRJNOPE
quisile DigRSSion conceming those thal
andAcidum (1675) 83 wou!d exclude the Deil}' (rom interme· Anatomie du chymiste sceptique: Robert Boyle et le secret de ses premières
Reflexions on E:cperiments Vulgarly dlingwithMatter D J 12.131.188.358 sources sur la croissance des métaux .. 91
Alleg'd 10 Evince the Four Peripate· Usefulness. n, scct.1 (1663)55,64,65.66. par Hiro HIRAI et Hideyuki YOSHIMOTO
lique or the Three Chemicall Principles 67,109
ofMued Bodies (env. 1655)67,68,69, Usefulness. n. sect. 2, Essai 3. «or the
77.84,370 Usefu1nesse of Mechanical Disciplines DEUXIÈME PARTIE
loNatural Philosophy» 149
Saltness ofthe Sea. «A Sceptical Dialogue LA PHILOSOPHIE NATURELLE
Usefulness. U. sect. 1. Essai V. « Proposing
about the Positive or Privative Nature of sorne Particulars wherein Naturnl Philo-
Cold» 245 sophy may be useful 10 the Thempeu-
Finalité et explication mécaniste des phénomène~ selon Boyle .. 119
Salubrity oflhe Air (1685) 219 lica.l pan ofPhysick »65.66 par François DUCHESNEAU
SeraphicLove30.4t. 72,182,184.309 n.
Usefu/ness. sect. 2 (1671) 38,306 Le cartésianisme de Boyle du point de vue de la chimie . 139
Some Physico·Theological Considerations
about the Possibility of Resurrection WonbiiariesI57.162.110.2l3.214,22I, par Bernard JOLY
(1675)46,353,354 229.230,232.233,235
416 TABLE DES MATIÈRES

Roben Boyle et l'organisation du savoir 157


par Harriet KNIGHT
Roben Boyle et la valeur de la science 175
par Philippe HAMOU
Doyleet les expériences contingentes 195
par Luc PETERSCHMITI
Boyle et le surnaturel..................... 213
par Michael HUNTER

TROISIÈME PARTIE
LECTURES, DÉBATS, INTERPRÉTATIONS

L'aporie de la « matière catholique » de Boyle à Berkeley............................. 239


par Geneviève BRYKMAN
Le corpuscularisme de Boyle et la distinction des qualités dans
l'épistémologie de Locke 259
par Cédric BRUN
Hobbes et Boyle: enjeux d'une polémique 277
parJean TERREL
Conception de l'expérience et méthodologie expérimentale selon Boyle et
Spinoza ;... 295
par Évelyne GUIllEMEAU et Charles RAMOND
Christiaan Huygens Icctcurde Boylc 311
par Fabien CHAREIX
Leibnizct Stunn lecteurs de Boyle 331
par Myriam DENNEHY
Du Clos, un chimiste post-Sceptical Chymist 361
par Rémi FRANCKOWIAK
Le ressort de l'air selon Boyle et Mariottc 379
par Peter R. ANSTEY

Index des noms 405


Index des ouvrages de Boyle 413
Table des matières 41 S

Imprimerie de la Manutention à MaYCMe (Fmnœ) - Janvier 2009 - N" 05-09


Dépôt légal: ." trimestte 2009

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