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Lorsque la parole divine se fit entendre, du temps où il n’y avait pas de temps, à
travers Son Fiat (Kun), il en résulta l’existence. Ainsi la première chose que la
création perçut de la Présence divine fut son Verbe. Cette perception de la
Parole originelle s’appelle en langage soufi le sama`, c'est à dire l'audition
spirituelle. En écho à l'ordre divin (Kun) l'univers fut créé pour louanger Dieu, le
célébrer et le chanter comme nous le rappelle, à maintes reprises, le Coran :
«Tout ce qui est sur la terre et dans les cieux célèbre les louanges de Dieu,
et les oiseaux aussi en étendant leurs ailes» (Cor.24, 41). Ailleurs, la parole
divine nous apprend que le tonnerre (Cor.13, 13), la terre et les cieux (Cor.17, 44)
chantent sa louange. Le Coran nous révèle également que les éléments de la
nature prenaient part aux chants sacrés du Prophète Dawûd. En effet, nous
instruit-il : «Nous avons contraint les montagnes et les oiseaux à se joindre
à David pour proclamer nos louanges, c’est Nous qui avons fait cela» (Cor. 21,
79).
Lors du sama', l’unité des voix est certes nécessaire, mais c’est plus que de cela
dont il s’agit. La voix, le son ne sont que des supports à l’unité des cœurs.
«Durant le sama’, le cœur du croyant est irradié par la lumière», c’est-à-dire que
c’est véritablement le cœur qui doit être à l’écoute, en éveil, et d’une certaine
façon prêt à recevoir les vérités qui le dépassent. Lorsque ces chants jaillissent
de cœurs purs, lustrés par la pratique quotidienne du dhikr, ils touchent
directement les profondeurs de l’être. Chargés de lumières, ils pénètrent dans
l’âme, grâce à une fluidité originelle, pour lui rappeler sa véritable origine, les
raisons de son existence.
Le sama` devient alors pour le cœur de l’aspirant une subsistance qui va le faire
mûrir et lui révéler ainsi les secrets, de la proximité, de l’amour divin et de sa
miséricorde.
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«Louange à Dieu qui nous a guidés vers cela. Certes, nous nous serions
égarés s’Il ne nous avait pas dirigés» (Cor. 7, 43).
Le sama’ «envoie» au disciple des allusions spirituelles qui le toucheront selon son
niveau de prédisposition. Comme le disait un saint soufi, le pouvoir du mot est au-
delà même de l’entendement humain.
L'allusion sert à guider le disciple dans cet univers spirituel subtil dont les mots
sont impuissants à rendre compte. La réceptivité à ces allusions pourra se
manifester sous la forme d’états spirituels (al hâl) ou voir d’extase (al hadra).
Ainsi le sama’ constitue un rappel, au même titre que le dhikr, et peut amener le
disciple dans un état de nostalgie spirituelle comme pour certains, lors de la
récitation du Coran : «Quand ils entendent ce qui a été révélé au Prophète,
tu vois leurs yeux déborder de larmes, car ils ont reconnu la Vérité » (Cor 5,
83)
«Nous avons tous entendu cette musique au Paradis» ajoutent les soufis. C'est
pourquoi le sama' a le pouvoir de toucher les âmes, là où les discours sont
impuissants à le faire, et de les aider à entrer dans cet espace d'Amour et de
Paix auquel convie le message divin.
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le bel-agir envers autrui. Autant de thèmes qui vont faire de cette poésie un
véritable trésor de l'enseignement spirituel dont chaque vers nous rappelle que
la connaissance spirituelle, la réalité divine, se trouvent au-delà des mots !
Cette poésie est inspirée car la plus part des poèmes soufis ont jailli - et
jaillissent encore - lors d’états spirituels, justement de cette dimension qui se
trouve au-delà des mots. Le répertoire des chants soufis est immense.
Il nous a été laissé par ces hommes et femmes de Dieu, ceux et celles qu’on a
appelé des saints, comme l’expression d’une quête, dont toute personne peut
faire l’expérience directe, pour peu qu’elle soit disposée à éveiller son cœur aux
sens divins.
En tant que genre poétique, la Qassida s’articule autour de deux pôles qui vont
perpétuellement s’opposer l’un à l’autre, à savoir, ce que l’on quitte et ce vers
quoi on se dirige. Les soufis vont transposer cette dialectique du voyage, si cher
dans l’imaginaire des bédouins du désert, à celle du voyage intérieur. Les vers du
poème (abyat) que l’on traduit par demeures seront autant de haltes que
l’aspirant sera invité à visiter avant de poursuivre son chemin.
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des gammes qui leur sont propres. Dans le cas du Moghrabi, par exemple, on
identifie onze nouba ou cycles. Chaque cycle a d’une part une durée de deux
heures et d’autre part correspond à un moment particulier du jour ou de la nuit.
Le rythme et l’harmonie de chaque nouba va tenter de refléter les différentes
humeurs des 11 différents moment de la journée.
Comme toute pratique spirituelle, le sama' est encadré par des règles. Le disciple
soufi doit se garder de pratiquer le sama’ dans un but de distraction ou
d’ostentation. Le soufi Dhû’l-Nûn l’Egyptien (m.246/861) prévient : «L’audition
(a-samâ’) est une influence divine qui incite le cœur à voir Dieu ; ceux qui
l’écoutent spirituellement atteignent Dieu et ceux qui l’écoutent sensuellement
(avec leur âme charnelle) tombent dans la mécréance». Hujwîri, un autre soufi,
(m. en 456/1063), dit dans son Kashf al-mahjûb li-arbâb al-qulûb :
«L’effervescence produite par le chant dans la substance humaine peut être soit
véridique, si cette substance est véridique, soit fausse, si cette substance est
fausse».
L'obstacle à l'audition spirituelle est l'effort déployé par an-nafs (l'ego) pour
distraire l'aspirant de son but. Pour y remédier, l'aspirant devra prendre
conscience de ses multiples tentatives de diversion et mener un combat vigilant
contre cet ego, soutenu par la confiance que Dieu, dans Sa Miséricorde infinie,
récompensera sa sincérité par la grâce d'une authentique audition spirituelle.
Tout le long de l’histoire de notre pays, les chants soufis ont été récités dans les
voies soufies. Ils sont également chantés dans la tarîqa al-qâdiriyya al-
budchîchiya qui, aujourd’hui, représente cette tradition soufie toujours
revivifiée. Parmi toutes les pratiques spirituelles (lecture du Coran, dhikr)
destinées à purifier l’ego du disciple, le concert, sama`, tient une place
importante. Contrairement à d’autres types de sama` soufis, celui de la tarîqa al-
qâdiriyya al-budchîchiya se fait a capella, donc sans instrument. Les réunions de
dhikr s’achèvent le plus souvent par l’exécution de plusieurs chants, composés
dans la voie mais empruntés également au répertoire universel de la poésie
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soufie, comme par exemple celle d’un Shustari, d’un Ibn al-Farid, d’un Hallaj,
d’une Rabi‘a al-Adawiyya etc.
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