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LES MULTIPLES FACETTES DE LA SÉPARATION DE BIENS


AVEC SOCIÉTÉ D'ACQUÊTS

(Analyse et formules) par Frédéric ROUVIÈRE, Docteur en droit, A.T.E.R. à l'Université Paul
Cézanne (Aix Marseille III).

1. La résurgence périodique du régime : pouvoir et propriété. - Comme le « jeune


homme vêtu de noir » qui revient sans cesse habiter la vie d'Alfred de Musset dans La
Nuit de Décembre, la séparation de biens avec société d'acquêts est ce spectre (1) qui
hante périodiquement les écrits de la doctrine en droit des régimes matrimoniaux. Les
relations de la doctrine avec ce régime conventionnel sont ambiguës : elle l'invoque pour
mieux le critiquer (2) ou finalement le valoriser (3).
Tout laisse penser que ce régime conventionnel possède de multiples facettes qui
ne sont pas encore toutes révélées (4). Pour comprendre que ce régime puisse répondre
aujourd'hui à un besoin spécifique des futurs époux, il faut d'abord mettre à jour en quoi
il ne peut plus être réellement utile à présent.
La majorité des auteurs s'accorde sur l'utilité surannée du régime sous l'angle du
pouvoir (5). En effet, avant la loi de 1965 (6), l'adjonction d'une société d'acquêts
permettait d'établir une égalité dans la gestion des biens des époux, notamment en
permettant à la femme d'avoir une autonomie sur ses biens propres tout en l'associant à
l'enrichissement de son conjoint au cours du mariage. L'égalité des époux dans la gestion
des biens, poursuivie et achevée par la loi de 1985, paraît rendre superflue l'adoption
d'un régime conventionnel qui reprend mutatis mutandis les avantages que procure le
régime légal (7).
Une autre facette du régime, à savoir celle de la propriété, n'est pourtant guère
explorée. Or, en répartissant harmonieusement les biens qui composent les différentes
masses, le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts pourrait se présenter
comme une correction de la rigueur du régime de la séparation pure ou simple (8) ou, si
l'on préfère, comme un infléchissement de l'association des intérêts organisée par le
régime légal.
2. Inadéquation partielle des solutions actuelles. - Il suffit de penser à un cas
précis pour se rendre compte que les régimes actuels ne répondent pas nécessairement
aux objectifs poursuivis par les conjoints. Ainsi, lorsqu'un des futurs époux exerce une
profession libérale et souhaite néanmoins associer son conjoint à son enrichissement tout
en lui garantissant une protection pour lui et sa famille, le régime de la séparation de
biens pure et simple, comme le régime légal, semblent inadaptés (9).
Le régime de la séparation répond effectivement au souci de ne pas faire subir au
conjoint les dettes résultant de la profession, ni de contraindre le conjoint survivant à
céder sa clientèle civile s'il ne peut apporter la moitié de sa valeur lors de la liquidation,
en supposant que le bien soit commun. C'est d'ailleurs pour cette dernière raison que le
régime légal paraît inapproprié. De ce fait, sous la séparation, les acquisitions communes
seront soumises au régime de l'indivision et la gratification du conjoint survivant ne
pourra être réalisée que par des libéralités et non par un avantage matrimonial.
Précisément, l'indivision n'est guère protectrice pour les époux et les libéralités sont
soumises, non seulement à la réserve héréditaire, mais aussi à un régime fiscal
nettement moins attrayant que celui de l'avantage matrimonial (10).
Il est vrai que le régime de la participation aux acquêts est censé concilier les buts
antagonistes d'indépendance et d'association des conjoints. Cependant, son application
demeure problématique en cas de profession libérale et mieux vaut alors stipuler une
exclusion des biens professionnels dans le calcul de la créance de participation (11).
Cette façon de procéder n'est, malgré tout, pas exempte de difficultés et d'incertitudes.

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L'interprétation par le juge des stipulations peut déjouer les prévisions des parties (12).
En outre, selon la fortune personnelle des intéressés, la créance de participation peut
devenir inéquitable (13) : il faut alors stipuler en prévision une nouvelle clause qui
plafonne son montant (14). Si la pratique notariale s'est montrée inventive, elle n'a pas
vaincu toutes les résistances afférentes à l'utilisation d'un tel régime.
La raison qui pourrait expliquer la difficulté à promouvoir ce régime serait le
cloisonnement trop strict entre indépendance et association des intérêts. En d'autres
termes, la césure chronologique paraît trop accusée, en ce sens que le régime est
séparatiste durant son fonctionnement et associatif au moment de la liquidation.
3. L'apport de la séparation de biens avec société d'acquêts. - L'idée que pourrait
permettre d'introduire le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts est une
dissociation des intérêts qui n'est pas chronologique mais qui relève de la nature des
biens en cause (15). Autrement dit, l'objectif est de prévoir des règles de composition des
masses propre et commune - étant précisé que les termes de propre et commun seront
ci-après utilisés de préférence à ceux de personnel et acquêt - de façon à ce que les
biens propres reflètent l'indépendance des conjoints et les biens communs l'association
des intérêts. Concrètement, les biens nécessaires à la profession devront être propres et
l'association des conjoints devra être réalisée en déterminant quels biens seront
considérés comme acquêts de communauté. Le régime permet « une réelle séparation et
une réelle communauté » (16).
Cette façon de procéder est confortée par le fait que le législateur a prévu un
régime en raison de la nature du bien. Le bien commun obéit à une gestion concurrente,
si ce n'est une cogestion, ce qui aboutit à l'égalité et à la protection des conjoints. En
outre, le bien commun, conformément à sa nature, est partagé au moment de la
liquidation du régime (17). Inversement, le bien propre est soumis à la gestion exclusive
et n'est pas partagé au moment de la liquidation. La jurisprudence relaie cette idée : « La
société d'acquêts adjointe à un régime principal de séparation de biens est soumise en
principe aux règles de la communauté » (18).
La ligne directrice de la présente étude sera de tenter de montrer que le régime
de la séparation de biens peut être tempéré lorsque les époux veulent associer leurs
intérêts pécuniaires, notamment en substituant au régime de l'indivision le régime de
bien commun. Ce dernier paraît indéniablement mieux adapté aux buts poursuivis, dans
la mesure où ce régime complète harmonieusement des règles de même nature qui ont
pour objectif commun l'organisation des relations pécuniaires entre époux. Cette dernière
remarque permet de devancer certaines objections : en créant un nouveau régime
conventionnel, non prévu par le Code civil, n'est-ce pas s'exposer aux incertitudes de
l'interprétation judiciaire ? Ne faut-il pas préférer user de régimes éprouvés par la
pratique et dont les acteurs du droit matrimonial ont une sûre connaissance ?
Le Code civil lui-même (art. 1387 et 1497) prévoit le principe de la liberté
contractuelle en la matière : rien ne s'oppose par principe à la promotion d'un nouveau
type de régime. La rançon de la liberté est le risque d'imprécision (19), pire, d'imprévision
des problèmes futurs. C'est de ce point de vue que le rôle du notaire est prépondérant :
son activité de conseil devrait permettre aux parties de ne pas faire des expérimentations
sauvages (20). En préparant soigneusement la convention, c'est-à-dire en anticipant les
difficultés, l'objectif recherché devrait pouvoir être mené à bien. D'autant plus que le
régime de la séparation de biens avec société d'acquêts n'est pas un régime strictement
original (comme celui du régime de la participation aux acquêts), au contraire, il est une
combinaison mesurée et équilibrée des règles régissant la communauté et la séparation.
Pour le dire autrement, il s'inscrit dans la continuité des règles du Code civil tout en
revendiquant une spécificité.

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Pour paraphraser des conclusions scientifiques célèbres à propos du cerveau, on
pourrait dire que la liberté contractuelle s'use si l'on ne s'en sert pas. Celle-ci peut se
concrétiser dans la détermination rigoureuse de la composition des masses de biens qui
décident de la liquidation et du fonctionnement du régime du point de vue du pouvoir. Ce
n'est qu'en raison de la composition de ces masses que la liquidation sera considérée
comme équitable (I) du point de vue des conjoints, tout en leur garantissant
indépendance et protection (II) au regard de la spécificité de leur situation, ce qui est une
autre façon de reprendre la distinction classique entre les questions de propriété et de
pouvoir.

I. L'ÉQUITÉ DE LA LIQUIDATION
4. La composition des masses de biens est le problème central : de la nature du
bien dépend son régime, c'est-à-dire, principalement, le fait de savoir s'il devra être
partagé ou non lors de la liquidation (A). Cette dernière pourra en outre être aménagée,
ce qui confère au régime de la séparation de biens avec société d'acquêts toute la
souplesse découlant de la richesse des clauses pouvant assortir la liquidation (B).

A. La composition des masses propre et commune


5. Séparation et communauté. - Le régime envisagé est celui de la séparation de
biens avec société d'acquêts et non celui de la communauté avec stipulation de propres
(21). Certes l'un renvoie à l'autre et la présentation semble n'avoir aucune incidence. En
réalité, dire qu'il s'agit d'un régime de séparation dans son principe est important du
point de vue de l'interprétation du contrat (22). Par défaut, les biens devraient être
considérés comme propres. Ils constituent une catégorie résiduelle (23) : tout bien qui
n'est pas commun est propre, car le caractère commun est l'exception. En revanche, en
supposant que le caractère commun est le principe, ce sont les règles de la communauté
qui devront s'appliquer par défaut.
L'objectif étant de contrôler les biens appelés à devenir communs, réalisant par là
le souhait d'association des intérêts des époux, c'est cette catégorie qui devra être
limitée. Cette démarche permet d'encadrer l'éventuelle interprétation judiciaire du
contrat : il ne s'agit pas d'un régime légal aménagé mais bien d'une séparation de biens
plus réduite (24).
6. Problématique de la composition des masses. - La question est désormais de
savoir comment définir les masses de telle sorte que les biens professionnels soient
propres et les autres biens soient communs. La première solution pourrait consister à
stipuler propres les biens professionnels, en raison du fait qu'ils sont « professionnels ».
Cette façon de procéder n'est pas satisfaisante pour plusieurs raisons. D'abord, elle
contrevient à l'idée précédemment dégagée que les biens communs doivent constituer
l'exception ; c'est donc l'exception qui doit être définie et non le principe (25). Ensuite, la
définition des biens professionnels n'est pas sans difficulté : elle peut être soumise à une
appréciation du juge, voire permettre à l'un des époux de détourner l'esprit de la clause
en se constituant un véritable patrimoine d'affectation (26). Il faudrait alors prouver la
fraude pour déjouer une telle manœuvre, ce qui n'est guère aisé.
Aussi, il faut que les biens professionnels soient propres, non en raison de leur
caractère professionnel, mais au regard d'un autre critère. Ce critère peut être emprunté
à une autre branche du droit, celle du droit des biens. En effet, la jurisprudence semble
avoir admis l'existence d'une clientèle civile pour les professions libérales (27),
construites sur le modèle des clientèles commerciales (28), soit du fonds de commerce.
Cette tendance vient renforcer l'idée déjà admise d'une patrimonialisation du droit de
présentation d'un successeur. En régime de communauté, la Cour de cassation déclare ce
droit commun (29). En adoptant par principe le régime de séparation de biens, ce droit de

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présentation devrait être alors considéré comme un propre. Pour être un élément du
patrimoine, ce droit de présentation, aujourd'hui renommé en clientèle civile, est donc un
bien meuble, à l'instar de la clientèle commerciale.
Ainsi, le critère de répartition des biens propres ou communs dans le régime de la
séparation de biens avec société d'acquêts pourrait résider dans la distinction entre les
biens meubles et immeubles (30). Ce critère a l'avantage d'être emprunté à la loi et, par
conséquent, d'être d'une grande stabilité. De surcroît, la catégorie de meuble étant elle-
même une catégorie résiduelle, l'opération de qualification de bien propre ou commun
coïnciderait avec celle du caractère meuble ou immeuble (31).
Une difficulté pourrait être signalée : la jurisprudence ne s'est pas expressément
prononcée sur le caractère mobilier des clientèles civiles. Cette réserve peut être
aisément minimisée. En premier lieu, il semble incohérent d'admettre que la clientèle
commerciale soit un bien meuble et la clientèle civile soit un bien immeuble. En
deuxième lieu, la cession des clientèles civiles n'est pas soumise à publicité, ce qui est
déjà prendre parti sur sa nature mobilière car seuls les immeubles, par principe, font
l'objet d'une mesure de publicité. En troisième lieu, en supposant que la qualification soit
vraiment contestée, s'agissant d'une détermination qui intéresse les régimes
matrimoniaux, il suffirait de stipuler que les biens incorporels sont réputés propres (32),
ce qui supprimerait la discussion, car il semble a priori extrêmement délicat de contester
le caractère incorporel des clientèles civiles (33). Bref, en désignant les biens meubles,
on entendra par là également les biens incorporels de façon à se prémunir contre
d'éventuelles remises en cause de cette qualification, même si tout semble indiquer
qu'elle ne fait guère difficulté.
7. Structure du régime. - En prenant appui sur la summa divisio des biens meubles
et immeubles, on aboutit à appliquer les règles de la communauté aux seuls biens
immeubles (34), excluant par là même tous les biens meubles de la masse commune.
Seront donc portés à l'actif commun tous les immeubles acquis pendant le
mariage, à l'exclusion des immeubles acquis avant le mariage ou reçus à titre gratuit
pendant le mariage, qui seront portés à l'actif propre. De même, seront propres les gains
et salaires et les fruits et revenus des immeubles propres car ils ont un caractère meuble.
Du point de vue du passif, toutes les dettes nées pendant le mariage seront
propres, car elles ont une nature mobilière ; a fortiori, les dettes nées avant le mariage
(qui présentent le critère de l'antériorité en sus) ainsi que toutes les dettes attachées
spécialement à la personne. Les dettes communes seront celles qui sont l'accessoire d'un
bien commun, par exemple les charges découlant de l'entretien d'un immeuble commun.
Les fruits et revenus des immeubles communs sont communs par application du principe
de l'accessoire. Pour le reste, il faudra faire jouer les règles habituelles des récompenses
si, par exemple, des deniers propres ont amélioré un bien commun (35). Ces différents
aspects peuvent être consolidés par des stipulations particulières dans le contrat de
mariage.
Le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts est en quelque sorte le
décalque inverse du régime de la communauté. Celui-ci comporte une présomption de
communauté. Or, le régime de la séparation de biens avec communauté d'acquêts étant
par principe un régime de séparation, il faut prouver le caractère immeuble du bien afin
que celui-ci soit considéré comme commun (36). Autrement dit, tout se passe comme si
le régime comportait une présomption sur le caractère propre des biens (37). C'est un
régime inversé de communauté.
L'avantage principal du régime considéré est d'éviter l'application du régime de
l'indivision pour les acquisitions en commun (38) ou mieux, si l'autre conjoint ne travaille
pas, de l'associer à l'enrichissement du ménage. Cette façon d'organiser les relations
pécuniaires est d'autant plus sûre qu'elle permet d'éviter la qualification de donation

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indirecte lorsque des époux séparés de biens sont co emprunteurs et que l'un d'eux
rembourse en réalité la totalité du prêt (39). Par ailleurs, en supposant que l'un des
conjoints n'ait aucune source de revenus, l'application du régime primaire permet de
garantir une participation minimale aux charges du mariage, l'article 214 du Code civil,
prévoyant que les époux « y contribuent à proportion de leurs facultés respectives ».
8. Difficulté d'interprétation : le remploi. - Le régime de la séparation de biens
avec société d'acquêts pourrait susciter une difficulté d'interprétation portant sur le point
très précis du remploi. Pour mettre cette difficulté en lumière, il faut d'abord supposer
que les époux stipulent une clause selon laquelle le remploi est présumé. Ainsi, les
revenus étant propres, l'acquisition d'un immeuble avec des revenus propres suffirait à
prouver le remploi. Pour le dire autrement, une telle stipulation empêcherait par principe
que la société d'acquêts soit alimentée par les immeubles acquis au cours du mariage. En
poursuivant cette perspective inversée, il faudrait alors admettre que seule la précision
dans l'acte de vente de l'absence de remploi permettrait d'écarter la présomption
conventionnelle et par là même de faire jouer la règle selon laquelle les immeubles
acquis au cours du mariage sont communs.
Ainsi, la combinaison d'une présomption de remploi et d'une société d'acquêts
limitée aux immeubles aboutit à faire dépendre la qualification de bien commun de la
volonté individuelle des époux. Cette conséquence paraît contrevenir au fait que seule la
loi permet de déterminer la nature du bien (40), conformément au principe de
l'immutabilité des régimes matrimoniaux.
Doit-on considérer que cette combinaison encourt en soi la nullité pour la raison
qui vient d'être évoquée ? Laisse-t-elle vraiment aux parties la possibilité de décider
uniquement selon leur vouloir de la nature des biens ? A y regarder de plus près, cette
combinaison n'est pas aussi incongrue qu'elle en a l'air.
D'une part, ce n'est pas vraiment une atteinte à l'immutabilité du régime
matrimonial. Pour qu'il y ait atteinte à l'immutabilité du régime matrimonial, il faudrait
que, par un procédé quelconque, les époux contournent la qualification des biens
naturellement dévolue au regard des règles du régime (41). Par exemple, en régime de
communauté, la vente d'un propre au conjoint permet de le transformer en acquêt de
communauté. C'est l'esprit des règles qui est détourné, l'on est proche de la fraude. Or,
dans le cas considéré, le bien est propre ou commun en raison de l'application des règles
du régime lui-même (42). Autrement dit, la liberté des époux dans l'aménagement des
différentes clauses conduirait à conférer à la masse commune une très grande flexibilité.
Cette raison tenant à la souplesse de la composition de la société d'acquêts ne semble
pas en elle-même suffire à condamner la possibilité de la combinaison de telles
stipulations.
D'autre part, l'apparente liberté découlant d'une influence effective de la volonté
individuelle sur les qualifications est limitée par le jeu même du régime. En effet, les
époux ne peuvent pas décider par leur seule volonté de la nature de chaque bien (ce qui
reviendrait à nier l'existence même d'un régime matrimonial). Dans l'hypothèse
envisagée, seul les biens immeubles pourraient être soustraits à la société d'acquêts,
puisqu'en raison de la nature même du régime, tous les autres biens (meubles) sont
propres, le régime étant avant tout un régime de séparation.
La combinaison d'une présomption de remploi et de la séparation de biens avec
société d'acquêts n'est, au demeurant, qu'un renversement de la charge de la preuve. En
effet, en supposant que cette clause ne soit pas stipulée, une question identique pourrait
être posée : l'accomplissement des formalités du remploi ne permet-il pas justement à
l'un des époux de faire échapper tout bien immeuble à la société d'acquêts (43) ? Les
revenus étant propres par nature, le remploi pourrait toujours être effectué. Pourtant,
cette situation ne doit pas étonner. Les époux adoptent un régime de séparation, qu'ils

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tempèrent par l'adjonction d'une société d'acquêts. Il est donc conforme à la nature du
régime initialement adopté que la majorité des biens ait une qualification de propre tout
comme il est également conforme à l'esprit du régime légal que la plupart des biens
tombent en communauté. Au fond, le remploi permet au bien de conserver sa nature de
propre telle que l'a définie le régime. Comme dans le régime légal, le remploi pourrait
être recensé comme exemple de l'influence relative de la volonté individuelle sur les
qualifications (44). Surtout, cette faculté ne peut pas constituer un détournement du
régime matrimonial, précisément parce qu'il s'agit d'un régime séparatiste avant tout.
L'intention d'associer le conjoint à l'enrichissement est ponctuelle, telle est la finalité
même du régime. La composition des masses n'est que le préalable d'une liquidation
équitable au sens entendu par les époux. L'adjonction d'une société d'acquêts permet
alors de prolonger l'idée d'équité selon les modalités de la liquidation.
B. Les modalités de la liquidation
9. Récompenses. - L'existence d'une masse commune ouvre la possibilité de
récompenses. Or, la composition même des masses de biens fait des récompenses un
réel instrument de l'achèvement de l'esprit équitable du régime. Deux types de
récompenses sont envisageables : celles que doit la communauté et celles qui sont dues
à la communauté.
Si la communauté a tiré profit des biens propres, elle doit récompense. En prenant
l'hypothèse type où les époux achètent, au moyen d'un prêt contracté en commun, un
immeuble servant au logement familial, la communauté devra récompense. Le prêt est
une dette propre à chaque époux (passif propre) ayant permis une acquisition figurant à
l'actif de communauté. Le bien commun sera forcément acquis à l'aide de biens propres.
Autrement dit, l'intégralité de la communauté sera financée par des propres et chaque
époux aura des droits dans la communauté strictement équivalents au montant de son
financement. C'est une égalité mathématique consacrée par la créance de valeur. En
effet, selon l'article 1469 du Code civil, « la récompense est, en général, égale à la plus
faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant ». Ce
premier alinéa ouvre la possibilité d'une perte pour l'époux (45), aussi l'alinéa 3 du même
article pose-t-il une exception : la récompense « ne peut être moindre que le profit
subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un
bien qui se trouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine
emprunteur ». Autrement dit, la récompense sera calculée sur la valeur de l'immeuble au
jour de la liquidation, qui constitue le profit subsistant (46).
En supposant qu'un immeuble commun soit vendu avant la liquidation, le produit
de la vente sera propre (il s'agit d'un meuble). L'époux qui, éventuellement, dépensera
dans son intérêt la totalité de la somme devra récompense à la communauté pour la
partie qui excédait ses droits dans ladite communauté : c'est alors une récompense due à
la communauté. Pour le dire autrement, il devra à la communauté la somme qu'aurait du
percevoir son conjoint en raison de son propre financement, si le bien s'était trouvé en
communauté au jour de la liquidation. Le seul tempérament est que « si le bien acquis,
conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de
l'aliénation » (art. 1469, al. 3, in fine, C. civ.) et non au jour de la liquidation.
Le calcul des récompenses aboutit ainsi à préserver l'égalité du financement des
époux. Le calcul comporte un inconvénient : si un époux finance en totalité l'acquisition
du bien commun, le jeu des récompenses « vide » la communauté. Aussi, le
fonctionnement des récompenses est-il utile lorsque la liquidation doit refléter la
contribution de chaque époux : ainsi, elle est particulièrement adaptée en cas de
dissolution du régime pour cause de divorce où il est rare qu'un conjoint veuille
avantager l'autre dans la liquidation ! En cas de dissolution par décès, la situation est
plus problématique, car elle laisse le conjoint survivant démuni s'il n'a pas contribué au

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financement des biens communs. La stipulation d'une clause d'attribution intégrale de la
communauté peut y remédier.
10. Attribution intégrale de la communauté. - Si les époux veulent protéger le
conjoint survivant, un avantage matrimonial pourra être stipulé : l'attribution intégrale de
la communauté. C'est avec cette clause que la séparation de biens avec société
d'acquêts prend tout son intérêt au point qu'il serait possible de suggérer qu'un tel
régime mette réellement en valeur la clause d'attribution intégrale (47). Celle-ci est
ordinairement stipulée dans le cas des communautés universelles. Utilisée comme
modalité de liquidation de la société d'acquêts, elle permet de gratifier le conjoint et
supprime le jeu des récompenses (48). Autrement dit, en prenant l'hypothèse type d'un
couple qui finance en commun un immeuble et le destine au logement familial, le conjoint
survivant recueille le logement familial au titre du fonctionnement du régime matrimonial
(49).
Ce mode de gratification du conjoint possède de nombreux avantages et se
présente comme une alternative très sérieuse à la donation « au dernier vivant ».
Premièrement, en tant qu'avantage matrimonial, la réserve héréditaire n'est pas prise en
compte. Deuxièmement, cet avantage matrimonial échappe à la fiscalité des donations
(50), ce qui est certainement un argument convaincant du point de vue des époux.
Troisièmement, la communauté étant nécessairement composée de biens immeubles, le
logement du conjoint survivant devrait être assuré. Quatrièmement, l'avantage
matrimonial ne joue pas en cas de dissolution du régime pour cause de divorce (51), ce
qui permet à chaque conjoint de reprendre ce qu'il a apporté par le jeu des récompenses.
11. Enrichissement sans cause. - La qualité de propre des biens professionnels
doit attirer l'attention sur la possibilité d'un recours au moment de la liquidation, sur le
fondement de l'enrichissement sans cause. Conformément à la jurisprudence en la
matière, si un époux a apporté une collaboration à l'activité de son conjoint et que cette
collaboration excède sa contribution aux charges du mariage, il pourra percevoir la plus
faible des deux sommes entre l'enrichissement de son conjoint et son appauvrissement
(52). Les auteurs enseignent que cette règle ne peut jouer qu'en présence d'une
séparation de biens, car en régime de communauté, le travail de chaque époux
augmente la masse commune (53). Conformément à l'idée que le régime de séparation
de biens avec société d'acquêts est avant tout un régime séparatiste (car l'exception est
la qualité de bien commun, strictement définie) (54), le travail d'un époux pour l'autre
n'enrichit pas la communauté qui n'a pas droit, en raison des stipulations du régime, aux
revenus des biens propres (55), contrairement au régime légal. Aussi, il ne semble pas
exclu qu'un recours puisse être intenté sur ce fondement (56).
Néanmoins, la cause de dissolution du régime peut avoir une influence sur
l'appréciation du juge, qui suit ordinairement le standard de l'équité (57). En cas de décès
et de stipulation d'une attribution intégrale de la communauté, il semble que le conjoint
survivant qui recueille l'intégralité de la communauté ne puisse être lésé. En effet,
l'admission de l'action de in rem verso vient corriger la rigueur de la séparation de biens
(58). Si cette rigueur est déjà infléchie par la structure du régime qui prévoit une
liquidation équitable, l'action de in rem verso a-t-elle encore une raison d'être ? En cas de
divorce, l'avantage matrimonial (à le supposer existant) ne joue pas. Chaque époux
pourrait alors prétendre, selon sa contribution, à une indemnité. Cette possibilité peut
déjouer les prévisions des parties. Aussi, il paraît souhaitable de prévoir dans le contrat
de mariage l'étendue et les modalités de la contribution aux charges du mariage.
Cet inconvénient apparent est, en réalité, une réelle opportunité laissée aux époux
de parfaire l'équilibre du régime. L'époux n'ayant pas de revenus pourrait ne pas être
associé au cours de la vie du régime à l'enrichissement du conjoint. Or, en prévoyant eux-
mêmes, par l'intermédiaire du régime primaire, les modalités de la contribution aux

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charges du mariage, les époux font pleinement pénétrer l'idée communautaire dans un
régime a priori séparatiste. Ils évitent ainsi un contentieux éventuel au moment du
divorce et garantissent à chacun un équilibre durant la vie du régime sur le fondement du
régime primaire et une équité au moment de la liquidation en raison de la qualité
commune ou propre des biens.
12. Meubles meublants. - Reste à savoir, pour la liquidation, si les meubles
meublants des immeubles communs doivent être reconnus propres en raison de leur
nature mobilière ou communs, du fait qu'ils constituent l'accessoire d'un bien commun.
La difficulté peut être supprimée en stipulant que les meubles meublants des immeubles
communs seront réputés communs en application du principe de l'accessoire, voire par la
seule force de la volonté des parties (59). Si la clause d'attribution intégrale est stipulée,
le conjoint survivant recueille alors un immeuble habitable comme tel. En l'absence d'une
telle clause, le régime étant par définition un régime de séparation, les meubles
devraient être regardés comme propres.
13. Bilan : comparaison avec la participation aux acquêts. - Le régime de la
séparation de biens avec société d'acquêts rempli son objectif d'association des intérêts
dans la mesure où une clause d'attribution intégrale de la communauté est stipulée. C'est
une telle possibilité qui distingue nettement un tel régime de celui de la participation aux
acquêts (60). Ce dernier est en effet censé associer de façon idéale l'indépendance et la
participation des conjoints. L'amélioration du sort du conjoint survivant peut toujours être
effectuée par une modification du calcul de la créance de participation. Toutefois, la
complexité des opérations de calcul rend ce régime peu attrayant. La séparation de biens
avec société d'acquêts reprend de façon distributive les principes du régime légal de
communauté et du régime de séparation, ce qui permet de revenir à une liquidation
ordinaire d'un régime de communauté, simplifiée au besoin par l'attribution intégrale de
celle-ci. Autrement dit, même en supposant que les deux régimes soient strictement
équivalents du point de vue du résultat auxquels ils aboutissent, le régime de la
séparation de biens avec société d'acquêts devrait pourtant être préféré en raison de sa
simplicité. Surtout, le régime de la participation aux acquêts fonctionne durant sa vie
comme une séparation de biens, alors que l'adjonction d'une société d'acquêts permet
d'aboutir à une indépendance qui ne sacrifie pas la protection des conjoints.

II. L'INDÉPENDANCE ET LA PROTECTION DES CONJOINTS


14. L'indépendance et la protection des conjoints découlent de la qualification
commune ou propre des biens, qui détermine, corrélativement, les questions de pouvoirs
(61). L'indépendance résulte de la gestion exclusive des biens propres, ce qui comprend
notamment les gains et salaires dans l'hypothèse présente. L'indépendance se manifeste
en outre par le jeu de la gestion concurrente des biens communs. Enfin, le gage des
créanciers étant constitué par la masse propre et commune, chaque conjoint (à l'inverse
de la séparation pure et simple) peut offrir la totalité de l'immeuble en gage au créancier,
ce qui permet de faciliter l'obtention de crédits. La protection des conjoints passe
principalement par les différents cas de cogestion des biens communs qui assurent une
égalité dans l'interdépendance. Elle se manifeste de façon plus marginale dans l'étendue
du gage du créancier. Ainsi, l'indépendance et la protection se manifestent tant dans les
rapports entre époux (A) que dans ceux qu'ils entretiennent avec les tiers (B).

A. Les rapports entre époux


15. Gestion exclusive. - Le régime adopté étant à titre principal un régime de
séparation, les époux ont, sur leurs biens propres, un pouvoir de gestion exclusive. Cette

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répartition des pouvoirs assure l'indépendance des époux, pour autant que chacun d'eux
a une source de revenus. Les gains et salaires étant qualifiés de propres en raison de leur
nature mobilière, certaines difficultés de conciliation avec les dispositions du régime légal
disparaissent. Leur donation ne pourra plus être limitée par l'article 1422 du Code civil
qui impose la cogestion pour les biens communs et qui était difficilement conciliable avec
les dispositions du régime primaire (62), lesquelles prévoient que « chaque époux peut
librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après
s'être acquitté des charges du mariage ». Du fait que seul l'article 223 du même code soit
applicable, la seule limite à la libre disposition des époux de leurs gains et salaires réside
dans la contribution aux charges du mariage prévue à l'article 214.
Les biens professionnels (notamment la clientèle civile) étant propres, ils
échappent à la gestion concurrente.
16. Gestion concurrente. - Les immeubles composent la communauté d'acquêts et
sont, à ce titre, soumis à la gestion concurrente (63) qui est la règle pour les biens
communs. Chaque époux pourra ainsi opposer au conjoint les actes passés sans fraude
sur les immeubles. Ce mode de gestion des immeubles communs se signale par sa
souplesse en comparaison du régime de l'indivision qui aurait prévalu si le régime avait
été une séparation de biens pure et simple.
17. Cogestion. - La cogestion (ou gestion conjointe) protège chaque conjoint des
actes qui pourraient vider la communauté de sa substance, en exigeant l'addition des
consentements des époux pour certains actes. Dans le régime présentement envisagé, la
communauté est composée uniquement de biens immeubles : ils seront alors
nécessairement soumis à l'article 1422 du Code civil qui vise les donations (64), ainsi
qu'à l'article 1424 de ce code qui vise spécialement l'aliénation des immeubles ou la
constitution de droits réels.
En outre, en prenant l'hypothèse type où les époux financent ensemble un
immeuble qui sera alors le logement de la famille, celui-ci aura une protection renforcée.
En dehors de la cogestion spécialement prévue par l'article 215 du Code civil (65), la
cogestion des articles 1422 et 1424 s'applique de façon cumulative avec celle de l'article
215, ce qui présente un intérêt du point de vue des délais. Alors que le délai prévu par le
régime primaire pour demander la nullité est d'une année à compter de la connaissance
de l'acte, il est de deux ans pour les biens communs. La protection des acquêts s'en
trouve renforcée durant la vie du régime et contraste singulièrement avec la précarité de
l'indivision. En outre, certains cas ne rentrent pas dans l'hypothèse de l'article 215 (66) et
peuvent relever de la protection relative aux biens communs, principalement du point de
vue du gage des créanciers.
B. Les rapports entre les époux et les tiers
18. Gage des créanciers. - Les biens composant la société d'acquêts (telle que
précédemment définie) sont nécessairement des immeubles. Il est alors possible au
créancier de l'un des époux de saisir ces biens communs même si la dette n'a pas été
contractée dans l'intérêt commun. C'est précisément la différence établie entre le passif
provisoire et le passif définitif. Cette éventuelle distorsion pourra être corrigée au jour de
la liquidation par le jeu des récompenses (67). Le champ du gage du créancier facilite
l'éventuel crédit du conjoint, celui-ci pouvant offrir des garanties suffisantes de paiement.
Le risque d'insolvabilité est reporté sur l'autre conjoint au jour de la liquidation si le
patrimoine du conjoint ne possède pas de valeurs suffisantes pour payer les
récompenses. Ceci est une conséquence de la volonté d'associer les intérêts pécuniaires,
sinon le régime de la séparation pure et simple doit être préféré.
19. Le cautionnement et l'emprunt. - Le fait que la communauté se limite aux
immeubles jette une nouvelle lumière sur l'article 1415 du Code civil relatif au
cautionnement et à l'emprunt. D'une part, la controverse sur le fait de savoir si l'autre

9
époux, en donnant son consentement autorisation à l'acte, engage ses gains et salaires
est déjouée ab initio. En effet, les gains et salaires demeurant propres, ils ne peuvent être
saisis par le créancier du conjoint par le seul jeu de l'article 1415. Autrement dit, seul un
cautionnement conclu avec le créancier du conjoint permettrait à ce dernier
d'appréhender les gains et salaires de l'autre époux, ce qui est une application du droit
commun des obligations. D'autre part, les immeubles, étant des biens communs,
n'entrent pas dans le gage des créanciers lorsqu'un époux se porte caution ou emprunte
(68). Dans ce cas et conformément à l'article 1415, le conjoint doit donner son
autorisation afin de restituer au gage du créancier sa pleine portée. Cette autorisation est
un moyen efficace de protéger le logement familial si celui-ci est commun. En effet, la
nullité prévue par l'article 215, alinéa 3, ne s'applique pas à l'exécution d'un
cautionnement ou à l'inscription d'hypothèque judiciaire d'un créancier chirographaire
(69). Pour ces cas, la séparation de biens est moins protectrice. L'article 1415 vient donc
utilement compléter le dispositif de protection du logement familial institué par le régime
primaire.
20. Comparaison avec l'indivision. - A priori, le régime de l'indivision semble plus
protecteur que la qualité de bien commun, dans la mesure où les créanciers ne peuvent
appréhender dans l'indivision que la valeur de la fraction indivise et non le bien dans son
entier. Ce point, qui semble pouvoir faire préférer l'indivision, peut être largement
relativisé. En effet, la qualité de bien commun permet d'exclure du gage des créanciers
toutes les dettes résultant d'emprunts (70), ce qui représente, quantitativement, un
grand nombre de dettes dans les professions libérales. Surtout, si le véritable objectif
poursuivi est la protection du logement familial en le mettant à l'abri des poursuites des
créanciers professionnels, le législateur a prévu depuis peu une procédure spécifique
d'insaisissabilité, précisément établie par le notaire (71). Son domaine couvre tant les
commerçants que les personnes exerçant une profession libérale (art. L. 526-1, C. com.),
à l'exclusion des dirigeants de société pour lesquels la personne morale fait écran.
Toutefois, seul le conjoint exerçant l'activité professionnelle visée peut faire la déclaration
d'insaisissabilité.
21. Procédure collective : indivision et bien commun. - De façon paradoxale,
l'existence d'une société d'acquêts pourrait même être plus protectrice qu'une indivision.
L'hypothèse reste inchangée : deux époux mariés sous la séparation acquièrent un
immeuble en indivision ; si l'un des conjoints exerce une activité commerciale et qu'il est
mis en liquidation, sa fraction indivise pourra être saisie. Si l'immeuble est commun, la
jurisprudence décide que les formalités relatives aux procédures collectives doivent être
effectuées à l'égard du conjoint in bonis, ce qui le protège contre ses propres créanciers
qui ne peuvent ainsi avoir plus de droits que les créanciers de la procédure collective
(72). Une telle situation peut exister lorsqu'un époux s'est porté caution solidaire des
dettes du conjoint. En effet, s'il s'était agi d'une indivision, chaque fraction indivise étant
un propre, l'inscription d'hypothèque n'est pas soumise à la cogestion (73). Pire, si l'acte
d'inscription d'hypothèque est consenti par tous les indivisaires, le prêteur peut se payer
sur l'intégralité du prix de vente à l'égard de la caution (par définition, le conjoint in
bonis), alors qu'il n'aurait pu le faire si le bien était commun (74).
22. Conclusion. - Cette dernière remarque à propos des procédures collectives
achève de montrer la supériorité des règles du régime de la société d'acquêts pour
l'organisation des rapports pécuniaires, en comparaison de l'indivision qui est le lot des
acquisitions financées en commun par des époux en séparation de biens pure et simple,
voire des concubins ou des personnes liées par un pacte civil de solidarité. La souplesse
dans la composition de la société d'acquêts prolonge cette idée de supériorité, qui trouve
sa pleine expression dans la possibilité de gratifier le conjoint par la stipulation d'un
avantage matrimonial. Un tel régime possède, enfin, la caractéristique non négligeable

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d'être une composition subtile et équilibrée des règles de la séparation et de la
communauté, permettant au notaire comme au juge d'évoluer en terrain connu. A
l'inverse du régime de la participation aux acquêts, qui fonctionne selon des mécanismes
spécifiques, il s'agit dans le régime considéré d'une application distributive de deux corps
de règles suivant une distinction reconnue et éprouvée, celle des biens meubles et
immeubles. Ce rattachement à de telles catégories atténue la part d'incertitude que
comporte toute innovation. Ce régime valorise très certainement le rôle pratique du
notaire en exaltant son inventivité (75) et son devoir de conseil. Espérons que le régime
de la séparation de biens avec société d'acquêts ne soit plus délaissé au profit de la
séparation de biens pure et simple ou du régime légal et que ce « convive vêtu de noir
qui [leur ressemble] comme un frère » (76) sera bientôt invité à prendre place parmi
l'éventail des régimes conventionnels pour mieux dévoiler ses multiples facettes.

ANNEXES

Séparation de biens avec société d'acquêts Formules


Observation. - Les clauses ci-après, spécifiques à la séparation de biens avec
société d'acquêts, concrétisent les lignes directrices tracées dans l'article qui précède.
Ce régime étant une adaptation de la séparation de biens, il est fait renvoi à
toutes les clauses déjà proposées concernant ce régime matrimonial (77).

Formule 1

Séparation de biens avec société d'acquêts


Article 1

Les futurs époux adoptent le régime matrimonial de la séparation de biens régi


par les articles 1536 et suivants du Code civil, sauf les modifications résultant du présent
acte et notamment la constitution d'une société d'acquêts.
Article 2

Les futurs époux constituent une société d'acquêts composée selon les règles
énoncées ci-après :
- Activement, la société est composée des immeubles corporels acquis ou créés
par les époux, ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur
industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens
propres ou de deniers propres non remployés. Les fruits et revenus des biens communs
formeront des acquêts en raison de leur caractère accessoire au bien commun.
- Passivement, la société est composée exclusivement des dettes nées pendant le
régime et formant l'accessoire d'un bien commun. Sont notamment réputées avoir un
caractère commun les dettes liées à l'entretien, à la conservation et aux charges
afférentes aux biens communs.
Sont exclus de la société d'acquêts et restent propres à chaque époux, sauf
récompense s'il y a lieu, tous les biens suivants, quand bien même ils auraient été acquis
pendant le mariage :
a) Les biens meubles corporels et incorporels, acquis et/ou créés par les époux
durant le mariage.
b) Les vêtements et linge à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en
réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, les

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clientèles civiles et commerciales et, plus généralement, tous les biens qui ont un
caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
c) Les biens meubles et immeubles dont les époux avaient la propriété ou la
possession au jour de la célébration du mariage ou qu'ils acquièrent, pendant le mariage
par succession, donation ou legs et, plus généralement, tous les biens dont le caractère
propre résulte d'une règle applicable à la communauté légale de biens.
Article 3

La présomption de communauté prévue à l'article 1402 du Code civil ne


s'applique, conformément à l'article 2 du présent acte, qu'aux immeubles corporels.
(Ajouter éventuellement : les meubles meublants garnissant le logement de la
famille au jour de la dissolution du régime, à condition que celui-ci soit commun, sont
réputés être, à titre d'accessoire, des acquêts de communauté si l'on ne prouve qu'ils
sont propres en raison d'une succession, donation ou legs).

Article 4
Administration et disposition des biens
(Cf. supra, note 77).

Article 5
Remploi
(Cf. supra, note 77).

Formule 2

Attribution intégrale de la société d'acquêts


Article...

Attribution de la société d'acquêts

En cas de dissolution du mariage par le décès de l'un des époux, et dans ce cas
seulement, tous les biens meubles et immeubles qui composeront la société d'acquêts
appartiendront en pleine propriété au conjoint survivant.
Cette stipulation s'appliquera en présence ou en l'absence d'enfants du mariage
et le conjoint survivant sera tenu seul de toutes les dettes de la société d'acquêts.
(Stipuler selon les cas :)
a) Interdiction de reprise des apports et capitaux par les héritiers. - Les
héritiers du conjoint prédécédé ne pourront effectuer la reprise des apports et
capitaux tombés dans la société d'acquêts du chef de leur auteur, comme l'aurait
permis l'article 1525, alinéa 2, du Code civil.
b) Conformément à l'article 1525, alinéa 2, du Code civil, les héritiers du
conjoint prédécédé pourront faire la reprise des apports et capitaux tombés dans la
communauté du chef de leur auteur.
Formule 3
Clause conférant à l'époux sans ressources personnelles un droit à une
fraction des revenus du conjoint
Article...

L'époux travaillant au foyer ou collaborant à la profession de l'autre époux et


n'ayant pas de ressources personnelles a droit à (préciser la fraction : un quart, un

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2
tiers...) des revenus nets du conjoint déterminés après déduction des charges et impôts
ainsi que des dépenses du mariage.
L'époux créancier peut réclamer le versement de sa part de revenus chaque
année, à compter de la connaissance par le conjoint des charges et impôts de l'année
précédente.
Aucune demande n'est recevable au-delà des cinq dernières années.
______________________________________________________________________________________________

(1)A. de Musset, « La nuit de décembre », in : Poésies nouvelles, GF Flammarion, 2000, p. 90 :


« Qui donc es-tu spectre de ma jeunesse / « Pèlerin que rien n'a lassé ? / « Dis-moi pourquoi je te trouve
sans cesse / « Assis dans l'ombre où j'ai passé ».
(2)J.-L. Fillette, « A propos des récentes tentatives de résurrection de la séparation de biens avec société
d'acquêts », Defrénois 1996, art. 36389, p. 897 et s. J. Leroy, « Perspectives sur le devenir du régime de la
séparation de biens », RTD civ. 1983, 68.
(3)R. Savatier, « Les clauses pouvant, aujourd'hui, dans le contrat de mariage, accompagner le régime de
séparation de biens », RTD civ. 1973, 417 et s. B. Beignier, « Séparation de biens avec société d'acquêts : la
solution québécoise », Dr. famille 1997, chr. 1, p. 5 et s. H. Lécuyer, « Utilité, opportunités et actualité de la
séparation de biens avec société d'acquêts », RLDC 2004, no 4, p. 43 et s.
(4)B. Beignier, Manuel de droit des régimes matrimoniaux, PUF, 2003, no 105.
(5)C'est d'ailleurs le principal reproche adressé à ce régime : il ne serait plus d'actualité : v. F. Terré et Ph.
Simler, Les régimes matrimoniaux, Précis Dalloz, 4e éd., 2005, no 808 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Les régimes
matrimoniaux, éd. Defrénois 2004, no 817 ; le régime présenterait pour cette raison un « faible intérêt » : A.
Colomer, Régimes matrimoniaux, Litec, 12e éd., 2004, no 1217 ; il fait « double emploi avec la communauté
légale actuelle » : J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, A. Colin, 2e éd., 2001, no 752 ;
toutefois « cette stipulation, qui a perdu de son importance depuis que le régime légal assure indépendance et
égalité des époux dans la gestion de biens et depuis que le régime de participation aux acquêts figure parmi les
modèles conventionnels proposés aux époux, connaît aujourd'hui une certaine faveur doctrinale » : R. Cabrillac,
Les régimes matrimoniaux, Montchrestien, 5e éd., 2004, no 367.
(6)F.-L. Boussougou-Bou-Mbine, La pénétration des idées communautaires dans les régimes séparatistes,
thèse, LGDJ, Bibl. de droit privé, t. 324, 1999, p. 28, no 31.
(7)F. Terré et Ph. Simler, op. cit. ; Ph. Malaurie et L. Aynès, op. cit. ; A. Colomer, op. cit. ; J. Flour et G.
Champenois, op. cit.
(8)H. Lécuyer, art. préc. p. 46 : « Seraient ainsi harmonieusement combinées la séparation de biens, dans
son rôle protecteur, et la société d'acquêts dans son rôle modérateur ».
(9)V. B. Beignier, art. préc. no 105, qui expose cette hypothèse ; adde, dans le même sens, B. Beignier,
note sous Cass. civ. 1re, 25 novembre 2003, Dr. famille 2004, comm. no 8, p. 27.
(10)Ainsi, les avantages matrimoniaux « échappent aux droits de mutation par décès, étant seulement
soumis aux droits de partage » (R. Cabrillac, préc. no 347) ; F. Terré et Ph. Simler, préc. no 764 ; Ph. Malaurie et
L. Aynès, op. cit. no 706 ; J. Flour et G. Champenois, op. cit. no 719. Pour une étude exhaustive, v. A. Albarian, «
Les régimes matrimoniaux en droit français - Aspects de droit civil et de droit fiscal », in Les régimes
matrimoniaux en droit comparé, Actes du colloque du 30 septembre 2005, coll. Comparativa, Librairie Droz,
Genève, 2006.
(11)J.-F. Pillebout, « Une nouvelle formule de contrat de mariage : participation aux acquêts avec exclusion
des biens professionnels », JCP éd. N 1987, I, p. 93 et s.
(12)J.-F. Pillebout, « Formules particulières de contrat de mariage. Une séparation de biens limitée », JCP éd.
N 1993, I, p. 142, no 7.
(13)N. Duchange et J.-F. Pillebout, « La clause d'exclusion des biens professionnels de la participation aux
acquêts. Un correctif nécessaire », JCP éd. N 1995, I, p. 487.
(14)N. Duchange et J.-F. Pillebout, préc., p. 487 : « Pour protéger le patrimoine professionnel, il suffit de
prévoir que le paiement de la créance de participation résultant de l'application normale des règles de calcul
fixées par le Code civil ne pourra être exigé qu'à concurrence d'un montant déterminé par le contrat de mariage
».
(15)J.-L. Fillette, préc. p. 902, no 14 : « Les époux sont, en effet, libres de déroger aux règles supplétives
gouvernant tant la répartition des biens que le droit de la preuve. Le régime conventionnellement adopté ne
présente d'ailleurs d'intérêt théorique que si sa composition diffère de celle de la communauté légale ».
(16)B. Beignier, note préc. p. 27.
(17)Selon les mêmes modalités que tout bien commun ; ainsi, « le partage des biens dépendant d'une
société d'acquêts s'effectue conformément aux dispositions des articles 1476 et 826 du Code civil » : Cass. civ.
1re, 21 mars 2000, pourvoi no 98-14163, inédit.
(18)Cass. civ. 1re, 15 mai 1974, JCP éd. G 1975, II, 171910, note A. Ponsard. V. déjà, en ce sens, Cass. civ.
1re, 12 décembre 1962 (2e espèce), D. 1964, juris. p. 83, note P. Esmein.

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3
(19)Pour un régime de séparation de biens avec société d'acquêts définissant de façon ambiguë les masses
de biens : v. Cass. civ. 1re, 14 juin 2000, pourvoi no 98-15445, inédit : les juges du fond doivent interpréter la
clause.
(20)H. Lécuyer, art. préc. p. 45 : « cela emporte la nécessité d'une rédaction soigneuse et individualisée
des conventions matrimoniales ».
(21)La stipulation de propre a pour effet de rendre le bénéficiaire de la clause propriétaire dès l'acquisition
du bien visé : v. Cass. civ. 1re, 23 juillet 1979, Defrénois 1980, art. 32363, no 57, p. 963 ; ibid., art. 32278,
1980, p. 654, note M. Vion. En l'espèce, le mari avait renoncé au bénéfice de la clause : il s'agit alors d'une
donation indirecte.
(22)Ph. Malaurie et L. Aynès, préc. no 817 : « D'une manière générale, on se demande si en cas de doute,
les règles de la communauté doivent l'emporter, ou celles de la séparation de biens. Tout dépend des
stipulations du contrat ».
(23)J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, PUF, Thémis, 2001, p. 192.
(24)B. Beignier, note préc. p. 27 : « La société d'acquêts n'est pas une petite communauté légale ajoutée à
la séparation : elle est une communauté conventionnelle accessoire à un régime de séparation lui-même
conventionnel. Tout est dans le contrat ».
(25)C. Atias, Epistémologie juridique, Précis Dalloz, 2002, no 328.
(26)J.-L. Fillette, préc. p. 911, no 37.
(27)Cass. civ. 1re, 7 novembre 2000, Bull. civ. I, no 283 ; D. 2001, juris., 2400, note Auguet ; Defrénois
2001, art. 37338, p. 431, note R. Libchaber ; RTD civ. 2001, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP éd. G 2001, II,
10452, note F. Vialla ; Contrats, concur., consom., 2001, 431, note L. Leveneur ; L.P.A., 14 juin 2001, note
Koleck-Dosetel ; arrêt confirmatif : Cass. civ. 1re, 19 novembre 2002, Bull. civ. I, no 277.
(28)C'est-à-dire comme « la cause de l'attachement d'un ensemble de personnes à un service ou un bien
» : v. T. Revet, RTD civ. 2001, 168 ; v. également en ce sens, définissant la clientèle civile comme « un fonds
libéral » : M.-C. Chemtomb, « Cession de clientèle médicale : licéité sous réserve du respect de la liberté de
choix du patient », Contrats, concur., consom., 2001, chr., no 7, p. 10.
(29)V. la jurisprudence antérieure, admettant la cession d'« un droit de présentation » ; selon la Cour de
cassation, la clientèle civile d'un époux exerçant une profession libérale doit figurer dans l'actif de la
communauté pour sa valeur patrimoniale, comme constituant un acquêt provenant de l'industrie personnelle de
cet époux, et non comme un propre par nature à charge de récompense : Cass. civ. 1re, 12 janvier 1994, Bull.
civ. I, no 11 ; D. 1994, jur., p. 311, note R. Cabrillac ; RTD civ. 1996, 229, obs. B. Vareille ; JCP éd. G 1994, I,
3785, III, no 1, obs. Ph. Simler ; JCP éd. N 1994, II, p. 329, note J.-F. Pillebout.
(30)V. déjà, en ce sens, H. Lécuyer, art. préc., p. 43 : « [les époux] peuvent aussi convenir de ne rendre
commun que l'immeuble servant à leur habitation principale, voire les seuls acquêts immobiliers à l'exclusion
des acquêts mobiliers ».
(31)C. Atias, Les biens, Litec, 8e éd., 2005, no 45, p. 27 : « Toute chose qui ne remplit pas les conditions
pour être traitée comme immeuble est dite meuble. Des deux catégories, l'une - celle des immeubles - est
l'exception ; l'autre - celle des meubles - est le droit commun. La classe des biens meubles est résiduelle ; elle
est, par définition, prête à recevoir tout bien que le groupe des immeubles a refusé ou ignoré, notamment tout
bien nouvellement apparu ».
(32)B. Beignier, « Séparation de biens avec société d'acquêts : la solution québécoise », art. préc., p. 5 : «
les époux mettent en commun ce qu'ils veulent ».
(33)Par exemple : Ph. Malaurie et L. Aynès, Les biens, éd. Defrénois, 2e éd., 2005, no 212.
(34)La jurisprudence a déjà confirmé cette possibilité, appliquant aux biens compris dans la société
d'acquêts les règles de la communauté. Par exemple : pour l'application de l'article 1415 à un immeuble
compris dans la société d'acquêts, v. Cass. civ. 1re, 25 novembre 2003, Bull. civ. I, no 36 ; Defrénois 2004, art.
38043, no 87, p. 1467, obs. G. Champenois ; RTD civ. 2004, 335, obs. B. Vareille ; Dr. famille 2004, comm. no 8,
note B. Beignier. Sur ce point, v. infra, no 19.
(35)V. infra, no 9.
(36)Pour une illustration d'un raisonnement ayant la même structure mais portant sur les excédents et
revenus : Cass. civ. 1re, 12 décembre 1962 (1re espèce), D. 1964, juris., 83, note P. Esmein ; selon la Cour : «
interprétant souverainement les conventions matrimoniales des parties, l'arrêt attaqué relève également qu'en
l'espèce la société d'acquêts ne portait que sur les excédents de revenus et les bénéfices des époux, les règles
de la séparation de biens demeurant pour le surplus applicables aux rapports matrimoniaux des époux ».
(37)Pour une illustration où la société d'acquêts est composée outre des immeubles, des fonds de
commerce : v. Cass. civ. 1re, 28 novembre 1978, Bull. civ. I, no 365.
(38)Il n'y a aucune présomption d'indivision si le bien appartient à la communauté d'acquêts en vertu des
stipulations du régime : v. Cass. com., 8 mars 1994, pourvoi no 92-12827, inédit.
(39)Sur cette hypothèse, v. Cass. civ. 1re, 25 juin 2002, Bull. civ. I, no 173.
(40)F. Terré, L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications, thèse, Paris, LGDJ, Bibl. de droit
privé, t. 2, 1957, nos 4 et s., p. 3 et s.
(41)V. par exemple : F. Terré et Ph. Simler, préc., no 234 : « Pendant le mariage, les époux ne peuvent, par
simple convention, substituer un régime à un autre ou modifier, en tout ou partie, leur régime matrimonial, par
exemple décider de traiter comme acquêt de communauté un bien qui, en vertu du contrat de mariage, devait
être un propre, ou, à l'inverse, de traiter comme propre un bien normalement destiné à être un acquêt ».

1
4
(42)B. Vareille, obs. in RTD civ. 2004, 336 : « Se heurterait en revanche sans nul doute à l'immutabilité des
régimes matrimoniaux une clause qui abandonne à la fantaisie de chaque époux, voire des deux, l'entrée d'un
ou plusieurs biens dans la société d'acquêts pendant le cours du mariage, leur laissant ainsi indirectement toute
latitude pour choisir une séparation de biens avec ou sans société d'acquêts ».
(43)Si les formalités du remploi ne sont pas accomplies, le bien appartient alors à la société d'acquêts : v.
Cass. civ. 1re, 18 novembre 1992, pourvoi no 91-11723, inédit.
(44)F. Terré, thèse, op. cit.
(45)Exemple : immeuble acheté 1 000 000, financé intégralement par un époux, puis évalué 1 500 000 au
jour de la liquidation, l'époux ne serait censé recueillir que 1 000 000 et non les 1 500 000 qui représentent la
valeur actuelle du bien.
(46)Pour reprendre l'exemple précité en note, un immeuble acheté 1 000 000 (intégralement financé par
un époux) et évalué 1 500 000 ouvre un droit à récompense de 1 500 000. En revanche, en supposant que la
dépense faite soit de 400 000 par un époux et de 600 000 par l'autre époux pour un coût global de 1 000 000 et
que le bien ait une valeur de 1 500 000 au jour de la liquidation, alors on applique la formule habituelle de
calcul du profit subsistant soit : (valeur actuelle du bien) × (dépense faite par la masse propre) / (coût global de
l'investissement). Pour l'époux ayant dépensé 400 000, le résultat sera : 1 500 000 × 400 000/1 000 000 = 600
000 de profit subsistant et donc nécessairement 900 000 pour l'autre époux. L'égalité est donc mathématique
car proportionnelle au financement initial.
(47)F.-L. Boussougou-Bou-Mbine, thèse préc., no 52, p. 46.
(48)Cf. par exemple, Ph. Malaurie et L. Aynès, op. cit., no 761.
(49)Solution proposée par B. Beignier, note préc., p. 27.
(50)V. l'art. préc. d'A. Albarian.
(51)Art. 265, C. civ., issu de la réforme du 26 mai 2004. En tout état de cause, il reste possible de stipuler
expressément dans la clause que celle-ci ne joue qu'en cas de dissolution par décès.
(52)Sur le principe : Cass. civ. 1re, 9 janvier 1979, Defrénois 1980, art. 32174, p. 44, note A. Ponsard ; D.
1981, juris., 241, note A. Breton.
(53)Sur cette idée, en dehors des références aux manuels, v. J. Revel, « L'article 214 du Code civil et le
régime de la séparation de biens », D. 1983, chron., 21 et s.
(54)V. supra, no 6.
(55)Mais il en va autrement si la composition de la société d'acquêts comprend les revenus procurés par
l'activité, ainsi l'époux pharmacien qui a assumé seul, sans rémunération, la gestion de l'officine de pharmacie,
ne peut prétendre à une indemnité fondée sur l'enrichissement en cause si les revenus résultant de cette
activité tombent dans la société d'acquêts : v. Cass. civ. 1re, 10 mai 1984, Bull. civ. I, no 153.
(56)Sur ce point, v. P. Lipinski, La liquidation dans le régime de la séparation de biens, thèse, LGDJ, Bibl. de
droit privé, t. 367, 2002, nos 221 et s.
(57)Ph. Malaurie et L. Aynès, op. cit., no 58.
(58)J. Revel, op. cit., p. 25, no 17.
(59)Reconnaissant la validité d'une telle clause sous le régime de la séparation de biens avec société
d'acquêts : v. Cass. civ. 1re, 2 octobre 2001, pourvoi no 99-18771, inédit. En l'espèce la clause stipulait que les
effets personnels seraient communs et que les meubles meublants garnissant le logement occupé en commun
appartiendraient de plein droit au survivant des époux. V. également, en ce sens, une clause stipulant que les
meubles meublants qui se trouveront dans les lieux où les époux résideront en commun seront présumés
dépendre d'une société d'acquêts : Cass. civ. 1re, 9 octobre 1991, pourvoi no 90-14052, inédit.
(60)F.-L. Boussougou-Bou-Mbine, thèse préc., no 48, p. 41 et s.
(61)F.-L. Boussougou-Bou-Mbine, thèse préc., no 48, p. 44.
(62)V. par exemple : A. Colomer, op. cit., no 441.
(63)R. Cabrillac, op. cit., no 367.
(64)Pour une illustration d'une annulation d'une donation faite par un seul époux d'un bien appartenant à la
société d'acquêts : v. Cass. civ. 1re, 17 juin 1981, Bull. civ. I, no 222 ; JCP éd. G 1982, II, 19809, note J. Patarin.
(65)Par exemple, est nulle au regard de l'article 215 du Code civil l'hypothèque conclue par un seul époux
si le bien fait partie de la société d'acquêts : v. Cass. civ. 1re, 28 novembre 1978, Bull. civ. I, no 365.
(66)V. infra, no 19, sur le cautionnement du conjoint qui peut engager le logement familial sans le
consentement de l'autre époux au sens de l'article 215.
(67)Telle est l'hypothèse spécifiquement visée à l'article 1413 du Code civil.
(68)Cass. civ. 1re, 25 novembre 2003, Bull. civ. I, no 36, Defrénois 2004, art. 38043, no 87, p. 1467, obs. G.
Champenois ; ibid. art. 38003, note D. Gibirila ; RTD civ. 2004, 335, obs. B. Vareille ; Dr. famille 2004, comm. 8,
note B. Beignier. Selon la Cour de cassation, « les époux ayant adopté le régime de séparation de biens avec
société d'acquêts peuvent convenir de clauses relatives à la consistance de la masse commune et notamment
étendre la société d'acquêts par rapport à la communauté légale ; qu'elle en a exactement déduit qu'en
l'absence de consentement exprès du conjoint à l'aval des billets à ordre, les règles de l'article 1415 du Code
civil faisaient obstacle à une voie d'exécution sur l'immeuble commun ».
(69)Cass. civ. 1re, 8 janvier 1985, Bull. civ. I, no 7.
(70)Ainsi, l'époux peut se prévaloir de l'article 1415 du Code civil pour les biens compris dans la société
d'acquêts et non pour la part indivise qu'il détient sur un bien acquis avec son épouse : v. Cass. civ. 1re, 26 mai
1999, pourvoi no 97-14876, inédit.

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(71)Art. L. 562-2, C. com. V. F. Vauvillé, « La déclaration notariée d'insaisissabilité », Defrénois 2003, art.
37183 ; D. Autem, « L'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel », Defrénois 2004,
art. 37890 ; G. Daublon et B. Gelot, « La déclaration d'insaisissabilité, commentaires et formules », Defrénois
2004, art. 37966.
(72)Cass., ass. plén., 23 décembre 1994, Bull. civ. ass. plén., no 7 ; Bull. inf. C. cass., no 402, 1er février
1995, p. 1, concl. av. gén. J.-C. Roehrich, rapp. cons. Y. Chartier ; Defrénois 1995, art. 36045, note F. Derrida ; p.
444, obs. G. Champenois ; ibid., art. 36040, no 49 ; D. 1995, p. 145, rapp. cons. Y. Chartier et note F. Derrida ;
JCP éd. G 1995, II, 22401, note D. Randoux ; JCP éd. E II, 660, note Ph. Pétel ; RJ com. 1995, 55, note M. Storck ;
Droit et Patrimoine 1995, p. 65, note A. Bénabent.
(73)Cass. com., 20 juin 1995, Bull. civ. IV, no 183 ; D. 1997, 1, rapp. cons. J.-P. Rémery ; JCP éd. N 1996, p.
800, no 15, obs. M. Storck ; JCP éd. G 1996, I, 3896, no 8, obs. M. Cabrillac.
(74)Cass. civ. 1re, 14 juin 2000, Bull. civ. I, no 182 ; Defrénois 2001, art. 37320, no 2, p. 368, obs. J.-P.
Sénéchal ; D. 2001, somm., 696, obs. L. Aynès ; D. 2000, AJ, 318, obs. A. Lienhard ; JCP éd. G 2001, I, 309, no
11, note M. Storck.
(75)B. Vareille, obs. in RTD civ. 2004, 337 et s.
(76)A. de Musset, op. cit., p. 85.
(77)V. notamment, J.-Cl. Not. form., Vo Contrat de mariage, mai 1998, fasc. 35, Séparation de biens,
formules.

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