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Face aux difficultés d’un Suivant le type de crise financière auquel on a affaire, les conséquences
emprunteur important, et les actions à entreprendre ne sont pas les mêmes. L'éclatement d'une
ses différents créanciers
essaient à tout prix bulle ou la dissipation du hasard moral améliorent théoriquement
d’être les premiers à l'allocation des ressources. Il faut donc laisser la crise assainir l'activité.
récupérer leur mise et, Par contre, la contraction injustifiée du crédit en cas de panique ou de
ce faisant, provoquent la
défaillance du débiteur, sauvetage catastrophique amène la nécessité d'une intervention publique.
d’où des problèmes Il semble que le FMI du moins dans un premier temps ait fait une erreur
pour tous et finalement de diagnostic, répondant à la situation par un programme d'ajustement
un assèchement relatif
des ressources structurel, comme s'il avait affaire à une crise du premier type (politique
disponibles. économique), ce qui n'est pas le cas.
Les entrées de capitaux Le ralentissement de la croissance voire, plus grave, la récession dans les
fournissent des devises
utiles pour, par exemple, pays émergents ont pour effet de réduire les importations de ces pays.
importer. […] Le Japon réalise un peu plus de 20% de ses exportations vers les
quatre "dragons" (Hongkong, Corée du Sud, Singapour, Taïwan), contre
11% pour les États-Unis et seulement 3% pour l’Union européenne. […]
Pris dans une acception large, l’effet-revenu peut désigner, dans le
contexte privilégié ici, l’ensemble des facteurs déterminant le pouvoir
d’achat et la demande solvable des pays émergents. Il faut alors regarder,
à côté de la croissance, l’évolution de leurs capacités financières, les
mouvements des prix du pétrole et des autres matières premières, etc. La
crise financière a provoqué une fuite des capitaux hors de nombreux
marchés émergents et un tarissement des flux d’investissement de
portefeuille. Juste une illustration fournie par l’Institut de Finance
Internationale (IIF) de Washington : ces flux nets, qui atteignaient 33,4
milliards de dollars au cours de l’année 1996 pour l’ensemble des pays
émergents, sont tombés à 10,7 milliards (estimation provisoire) pour 1998.
Ce changement traduit un durcissement de la contrainte externe et pèse
forcément sur la capacité d’importation. […] Quant à la perte de pouvoir
d’achat résultant de l’effondrement des prix du pétrole et de nombre de
matières premières, elle grève lourdement la demande solvable et la
capacité d’importation des pays producteurs. Il y a là une autre variété de
cercle vicieux : la crise internationale, en pesant sur la demande face à
une offre en abondance et en accentuant de ce fait les phénomènes de
surcapacité, accentue les pressions déflationnistes qui, à leur tour,
alimentent la surcapacité.
Voir aussi dans les autres thèmes :
- Le scénario catastrophe d'une crise mondiale (thème 5)
La transmission de la crise par les canaux
Thème 6 : Les crises financières
bancaires et financiers
par Christian de Boissieu, Les Cahiers
français n°289, La documentation
française, janvier-février 1999, pp. 28 à
31 (extrait)
La crise des pays émergents a eu à la fois comme l’une des causes mais
aussi l’une des conséquences, la détresse de leurs systèmes bancaires :
des banques fragilisées en Asie - y compris au Japon - par l’effondrement
de la bulle immobilière, le non respect des règles prudentielles
élémentaires […], le poids de la corruption, etc. Des causes voisines ont
provoqué les mêmes effets en Russie, avec en plus une dimension
particulière née de l’implication écrasante des banques russes dans le
marché des bons du Trésor (les GKO). La détresse de nombreux
systèmes bancaires émergents a pu provoquer, ici ou là, des phénomènes
La diminution de de tarissement du crédit (credit crunch), forme extrême des
l’investissement et de la
consommation des pays comportements de rationnement : dans cette configuration, les banques
en crise réduit leurs en viennent à refuser du crédit, y compris aux emprunteurs les moins
importation, donc leur risqués. Là où il existe, le credit crunch a forcément des conséquences
demande aux autres
pays dont la croissance négatives pour 1’économie réelle, en clair pour l’investissement, la
peut par conséquent se croissance et l’emploi. On comprend donc que la crise des systèmes
trouver affectée. bancaires dans nombre de pays d’Asie, d’Europe de l’Est puisse avoir des
implications non seulement pour la croissance chez eux, mais aussi, par
ricochet, pour la croissance mondiale. […] Quant à l’incidence des
engagements bancaires sur des pays émergents directement touchés par
la crise, elle n’est pas la même selon les systèmes bancaires considérés.
Les banques japonaises étaient déjà bien mal en point avant juillet 1997,
elles le sont davantage depuis. Le Japon aura été, en 1998, le seul pays à
connaître un credit crunch, au sens strict défini plus haut. Dans ce type de
configuration, la détresse du système bancaire contribue à la récession,
l’accentue et la prolonge … Le contexte est différent dans les autres pays
du G7. Pour les banques françaises, allemandes, américaines, les crédits
non performants accordés à certains pays émergents en difficulté ne sont
certes pas une bonne nouvelle, mais les pertes en question peuvent être
relativement bien digérées grâce à la bonne santé générale de ces
banques, aux profits qu’elles affichent et aux ajustements (y compris les
multiples restructurations) effectués. […]
A la recherche de la
sécurité, les capitaux
ont fui l’Asie et se sont Les marchés financiers, courroie de transmission privilégiée
reportés sur les
marchés occidentaux,
générant une forte
Avec la globalisation financière, les chocs sont susceptibles de se
pression de la demande transmettre en temps réel d’une place financière à l’autre. En pratique, la
de titres sus l’offre et crise des marchés émergents a exercé sur les marchés financiers des
donc un accroissement
des cours, d’où une
pays développés deux catégories d’effets jouant en sens inverse : un effet
diminution du de report, et un effet de contamination. De l’équilibre instable entre ces
rendement (la valeur du deux effets a dépendu l’incidence de la crise financière sur la demande
titre se trouve au
dénominateur du
intérieure, en particulier la consommation des ménages, dans les pays du
rendement). G7, via des effets de richesse plus ou moins délicats à définir et à
quantifier.
L’effet de report
Effet de contamination
Victime de l’amputation
de leur richesse par la Quant à l’effet de contamination, il exprime la solidarité entre les places
crise financière financières. […] Ce canal de transmission suscite des effets de richesse
asiatique, les agents négatifs nés des corrections boursières. […] Vu le poids du financement
des autres pays peuvent
être tentés de réduire par actions, ils sont nettement plus forts aux Etats-Unis qu’en France ou
leurs propres dépenses en Allemagne. Mais, même aux Etats-Unis, la correction sensible à la
afin de reconstituer leur baisse de l’indice Dow Jones a eu un impact négatif limité sur la
patrimoine, d’où un
risque de propagation consommation des ménages, alors que celle-ci avait été très stimulée par
de la crise. les plus-values boursières enregistrées auparavant.
Voir aussi dans les autres thèmes :
- Le scénario catastrophe d'une crise mondiale (thème 5)
Comptant sur une Les manifestations
croissance économique
élevée et donc une plus-
value sur les titres, les Le terme de crise recouvre la baisse soudaine et marquée des indices
investisseurs
continuaient à acheter
boursiers et des taux de change dans plusieurs pays asiatiques.
des valeurs asiatiques
malgré le faible
rendement. Cette
pression de la demande
entraînait elle-même la Ainsi, un dollar vaut 3000 roupies indonésiennes au printemps 1997 et
hausse des cours, d’où 12000 un an plus tard. Il passe dans le même temps de 25 à 55 bahts
un phénomène
autoentretenu
thaïlandais, alors que le won coréen perd 35% et le ringgit malaisien 30%.
(anticipations La capitalisation boursière des places asiatiques baisse brutalement à
autoréalisatrices). l'automne 1997. la chute atteint 84% en Thaïlande, 70% en Corée, 63%
Lorsque les opérateurs
prennent conscience de
en Malaisie, 58% en Indonésie.
l’exagération du Les prix immobiliers s'effondrent aussi et les firmes immobilières cotées à
mouvement, ils Bangkok perdent 92% de leur valeur en un an.
commencent à vendre
et provoquent le
retournement. Les faillites d'intermédiaires financiers se multiplient. Plus problématique
encore est le fait que cette crise brutale n'a pas été suivie du rebond
rapide que beaucoup attendaient et que les deux premiers mois de 1998
permettaient d'espérer. La rechute des monnaies et, surtout, des marchés
La fuite des capitaux financiers a été assez générale.
provoque un surplus
d’offre de monnaie
domestique contre Cette crise financière s'étend à la sphère réelle. La croissance de la
devises, d’où une Malaisie, de l'Indonésie et de la Thaïlande était de 8 à 9% en 1995, 6 à
tendance à la diminution 8% en 1996. Elle est de 7% en Malaisie, 5% en Indonésie et nulle en
du taux de change que
les opérateurs anticipent Thaïlande pour 1997. En 1998, le ralentissement devrait être sensible
en vendant leurs avoirs dans ces trois pays, mais aussi aux Philippines et en Corée : Thaïlande et
en monnaie domestique Indonésie connaîtront une récession marquée, pour la première fois
(mouvement cumulatif).
depuis bien longtemps.
Pour apprécier ces données, il faut avoir à l'esprit le fait que ces
économies sont taillées pour une croissance rapide. Ainsi, le chômage qui
Les autorités peuvent commence à toucher les ouvriers javanais ou la région de Bangkok est
réagir de deux
manières : fort peu indemnisé, et les jeunes diplômés de Bangkok ne sont pas
- laisser diminuer le taux préparés à devoir se battre pour trouver un emploi.
de change mais les
intermédiaires financiers
ne pourront supporter le Le scénario
remboursement de leurs
dettes en devises (par
exemple, il leur faudra La crise s'est déroulée selon le scénario suivant :
beaucoup plus de
monnaie domestique
pour se procurer les Dans un premier temps, les marchés d'actifs se retournent. Les
dollars nécessaires) ;
- soutenir le taux de
arbres ne montant pas jusqu'au ciel, les bulles spéculatives qui se
change en attirant les sont développées sur divers marchés d'actifs depuis le début des
capitaux par des taux années 1990 se résorbent brutalement.
d’intérêt élevés mais les
entreprises, étouffées
Ce retournement a pour conséquences de freiner les ardeurs des
par le coût du crédit, investisseurs (qui acceptaient des taux d'intérêt réels de 5% sur la
n’honoreront plus leurs foi de perspectives de croissance élevées et d'un lien maintenu
dettes auprès des
intermédiaires financiers
avec le dollar) et de détériorer gravement la situation des
qui se verront banques, qui est aujourd'hui le principal obstacle à une reprise.
condamnés par Néanmoins, il est important de remarquer que le prix des actifs
l’insolvabilité de leurs
clients.
atteint son pic en Thaïlande en 1993. Il serait donc erroné
d'analyser la crise thaïlandaise comme l'explosion d'une bulle.
Cette interprétation est certainement plus juste pour la Malaisie.
La perte de confiance des prêteurs étrangers entraîne une
inversion des flux de capitaux dramatique. En Thaïlande, les
sorties de capitaux courts atteignent 12,6% du PIB en 1997.
Malgré la poursuite de l'investissement direct, la balance des
capitaux privés accuse un déficit de plus de 10 points de PIB. Le
baht ne peut donc plus rester accroché au dollar comme il l'était.
Malgré les efforts de la banque de Thaïlande et une aide des
autres banques centrales de la région, le baht chute. C'est la crise
des changes en Thaïlande. C'est là que la crise se joue : dès lors
que les prêteurs étrangers ont acquis la conviction que le taux de
change du baht est insoutenable, les sorties de capitaux
s'accélèrent et la crise est inévitable. La question est de savoir si
les anticipations s'inversent par un mouvement de panique ou par
suite de la dégradation des fondamentaux.
Un jeu de dominos fatal dans un troisième temps a étendu la
méfiance des prêteurs aux autres pays asiatiques pour deux
raisons :
o les exportations de ces pays étant concurrentes, ceux qui
ne dévaluent pas perdent leur compétitivité. Si le baht
perd 30% de sa valeur, il paraît impossible que les
exportations, malaisiennes puissent se maintenir.
o les engagements des banques japonaises, taïwanaises
ou coréennes en Asie du Sud Est sont très importants,
notamment en Indonésie. Ajoutons l'élément
psychologique qui empêche un temps les opérateurs de
voir que Singapour est solide et Taïwan à l’écart de la
crise. Enfin, le piège se referme. Puisque les
intermédiaires financiers sont endettés à court terme en
devises, les autorités sont prises dans un terrible
dilemme : si elles laissent la monnaie chuter, les, dettes
exprimées en monnaie locale explosent. Si elles
défendent leur monnaie en élevant fortement les taux
d'intérêt, les charges financières dérapent. Dans les deux
cas, les intermédiaires financiers sont condamnés par
leurs dettes et leurs créances douteuses. L’injection
d'argent frais fourni par le FMI ne peut évidemment pas
régler le problème, d'autant que de regrettables
tergiversations vont initialement marquer son action.
Voir aussi dans les autres thèmes :
- Le scénario catastrophe d'une crise mondiale (thème 5)
Les pays asiatiques en Presque un an jour pour jour après la dévaluation du baht thaïlandais, qui
crise réduisent leurs
importations en avait marqué le début de la crise monétaire et boursière en Asie du Sud-
provenance du Japon, Est, les marchés financiers internationaux traversent une nouvelle
d’où un ralentissement tempête dans laquelle la chute de la devise japonaise semble jouer un
supplémentaire de la
production de ce pays et rôle clef. La monnaie nippone a fortement baissé, cette semaine, pour
un solde de la balance tomber vendredi 12 juin jusqu'à 144,75 yens pour 1 dollar, son cours le
commerciale en plus faible depuis huit ans. Avec une baisse de 1,3% de son PIB au
régression qui entraîne
une tendance à la premier trimestre, le Japon est officiellement entré en récession. Ni les
diminution du taux de Américains, ni les Européens ne semblent décidés à intervenir pour
change. enrayer la chute du yen. Le mark a lui aussi cédé du terrain face au dollar
en raison des craintes croissantes d'une défaillance de Moscou sur sa
dette : l'Allemagne a des engagements financiers importants en Russie.
[…]
Un bas taux de change
du yen rend les Alors que le gouvernement japonais avait tenté jusqu'à présent de
exportations japonaises
minimiser l'ampleur de la crise économique dans l'archipel, les statistiques
de croissance du premier trimestre publiées vendredi ont au contraire
confirmé sa gravité. Le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 1,3% après
une baisse de 0,4% au cours des trois derniers mois de l'année 1997.
Même si le vice-ministre de l'Agence de planification économique (EPA),
Shimpei Nukaya, a préféré parlé de "stagnation sévère", la deuxième
puissance économique du monde se retrouve donc officiellement, pour la
première fois depuis vingt-trois ans, en récession, celle-ci se définissant
comme la contraction de l'activité durant deux trimestres consécutifs.
La chute du yen et les désordres financiers qui en résultent sur les places
émergentes (Russie, Brésil, Afrique du Sud) provoquent, comme cela
avait été déjà le cas à l'automne 1997, un afflux de capitaux sur les
marchés d'emprunts occidentaux, les investisseurs cherchant des
placements de protection. Ce mouvement se traduit par une nette détente
des taux d'intérêt à long terme, qui se situent à leur plus bas niveau de
l'année : 4,82% en France pour les rendements à 10 ans, 5,64% pour les
échéances à 30 ans aux Etats-Unis. Les obligations européennes
paraissent toutefois moins bien placées que leurs homologues
américaines pour profiter durablement de ce flight to quality. Les pays de
l'Euroland, en particulier l'Allemagne, se trouvent directement exposés au
risque de défaillance de la Russie sur sa dette. Les investisseurs semblent
d'ailleurs déjà le prendre en compte, à en juger par le recul cette semaine
des devises européennes face au dollar (1,8050 mark et 6,0550F vendredi
soir).
Thème 6 : Les crises financières
La propagation de la crise de l’automne 1998
par Pierre-Antoine Delhommais, Le
Monde, 10 Octobre 1998, p.20 (extrait)
Durant un semestre [le second de 1998], WaIl Street et les autres places
boursières du monde auront successivement connu une descente aux
enfers puis une renaissance qui les ramène en début d’année 1999 à des
niveaux proches, voire supérieurs, à ceux du début de l’été 1998.
Du milieu des années 90 jusqu’à la crise de l’été 1998, les cours boursiers
sur les grandes places mondiales ont connu un mouvement fortement
haussier, mouvement largement initié par New York. Les progressions de
cours, entre le 1er janvier 1995 et le point le plus haut atteint au cours de
l’été 1998, se sont échelonnées de 102% à Londres à 148% pour
Francfort, en passant par 120% à Paris et 143% à New York !
Dès la fin de 1996, face à cette envolée des cours aux Etats-Unis, le
président de la Banque centrale américaine, Alan Greenspan, avait
commencé à dénoncer "l’exubérance irrationnelle" des marchés, appelant
à des corrections. Pourquoi, malgré cette mise en garde, les marchés ont-
ils continué leur progression ? On ne peut répondre à cette question sans
brièvement rappeler comment se forme le cours d’une action ni rendre
compte des débats alors en cours aux Etats-Unis sur la "nouvelle
économie". Très schématiquement, le cours d’une action doit refléter la
valeur actualisée des bénéfices futurs d’une entreprise. Le taux
d’actualisation retenu est le plus souvent le taux d’intérêt à long terme.
Les anticipations sur l’activité économique, mais aussi sur l’inflation et les
orientations à venir de la politique monétaire, sont donc les matériaux qui
guident les prises de position des boursiers américains. C’est sur cette
base qu’Alan Greenspan avait fondé (et fonde toujours) son diagnostic.
Mais d’autres éléments plus structurels ou psychologiques peuvent venir
interférer avec ces mécanismes. A partir du milieu des années 90, les
acteurs économiques et financiers américains ont ainsi commencé à
prendre conscience que le cycle économique en cours ne ressemblait pas
aux précédents. Alors qu’une phase d’expansion de trois à quatre années
finit toujours pas dégénérer en surchauffe inflationniste, la hausse des prix
restait (et reste) toujours faible malgré la baisse du taux de chômage. On
en vint progressivement à considérer que les nouvelles technologies de
l’information et de la communication étaient en train de modifier
radicalement le mode de fonctionnement de l’économie américaine.
La forte croissance Associé à de faibles perspectives d’inflation, ce diagnostic a fini par
économique laisse
augurer de bons générer des anticipations de hausses des profits qui ne pouvaient que
résultats pour les soutenir les cours. Au total, et si l’on adopte ces points de vue, le
entreprises, donc des mouvement haussier passé de Wall Street était rationnel, sa vitesse et
dividendes élevés tandis
que l’absence d’inflation son ampleur traduisant l’optimisme des opérateurs.
permet d’anticiper une
politique monétaire de
taux d’intérêt modérés.
L’impact de la crise asiatique
Quoi qu’il en soit, près d’un an après le début de la crise asiatique (juillet
1997), les marchés boursiers occidentaux ont semblé découvrir que les
grandes valeurs de la cote, en particulier dans le secteur bancaire ou les
biens d’équipement, pourraient avoir à payer chèrement leurs
engagements dans ces pays. […]
Voir aussi dans les autres thèmes :
- Pourquoi la Bourse s’envole-t-elle ? (thème 4)
Incapables de recouvrer certaines créances sur les pays en crise, les banques occidentales pouvaient être conduites à réduire les
crédits consentis à leurs clients des pays développés afin d’afficher un meilleur rapport entre leurs fonds propres et les concours qu’elles
accordent.
Afin de ne pas asphyxier les établissements financiers en difficulté, les banques centrales ont pratiqué une politique monétaire
bienveillante (taux d’intérêt modéré, refinancement aisé).
S’il est commode de rapprocher la dernière crise de 1998 du krach de 1987, les évolutions
intervenues entre temps ont sensiblement modifié le contexte, en particulier dans le secteur financier.
Les derniers événements ont ainsi mis en exergue deux phénomènes nouveaux. Comme l’avaient
déjà souvent analysé les travaux de recherche sur les risques systémiques, le secteur bancaire est
apparu, dans les dernières secousses boursières, au cœur du mécanisme de transmission de la crise
financière vers la sphère réelle. Selon le scénario catastrophe le plus souvent évoqué, l’accumulation
de créances douteuses sur l’Asie aurait pu (pourrait ?) déboucher sur un credit crunch, les banques
faisant soit faillite, soit étant obligées. par les marchés de redresser très rapidement leurs ratios
d’exploitation. Cette contraction du crédit, à son tour, aurait induit une baisse de l’activité sur le
modèle des enchaînements à l’œuvre au Japon. De fait les valeurs bancaires ont bien été parmi les
plus touchées durant la dernière crise boursière, en Europe plus qu’aux Etats-Unis. Mais, si aucun
enchaînement infernal ne s’est finalement déclenché, en particulier après l’extension de la crise
asiatique à la Russie, c’est bien parce que les autorités monétaires ont été sensibles au risque
systémique et ont rapidement réagit, en particulier en infléchissant leur politique monétaire en un sens
plus accommodant Comme n’importe quelle entreprise cotée, les banques apparaissent désormais
soucieuses de leur valorisation boursière, ne serait-ce que parce que leur développement futur en
dépend. Les exigences du ratio Cooke peuvent en effet les conduire à lever des capitaux pour
accroître leur offre de crédits. Dans le cas de la France, on peut ajouter que la privatisation de la
plupart des grandes banques commerciales a changé la nature des relations du secteur avec les
marchés.
Un autre phénomène révélé par la crise boursière est l’ampleur des risques occasionnés par le
développement des marchés de produits dérivés depuis une décennie et par celui des hedge funds,
nouveaux acteurs majeurs sur les marchés. Par les effets de domino que la défaillance d’un opérateur
peut engendrer, par l’importance des effets de levier qu’offrent ces nouveaux produits, les scénarios
catastrophes ont soudainement gagné en crédibilité. La menace de faillite du fond américain LTCM à
la mi-septembre et la vitesse de réaction des autorités monétaires ont constitué une bonne illustration
de ces risques potentiels qui menacent désormais l’ensemble du système financier international.
Pour réduire [le] risque collectif, […] deux voies sont possibles. La
première consisterait à mettre, selon l’expression de James Tobin (prix
Nobel 1981) "un peu de sable dans les rouages", pour réduire la volatilité
excessive de ces fonds. On peut y parvenir en augmentant les dépôts de
garantie (deposits) exigés des intervenants qui achètent ou vendent sur les
marchés de produits dérivés. Ainsi, leur intervention deviendrait plus
coûteuse, puisqu’immobilisant des capitaux plus importants. Si le deposit
n’est que de 10% - cas le plus fréquent actuellement -, l’effet de levier est
de 10 : avec 1000F, je peux acheter ou vendre des contrats pour 10.000F.
Pour peu que j’effectue un aller-retour spéculatif réussi, me rapportant 1 ou
2% des contrats sur lesquels j’interviens, la rentabilité devient
exceptionnelle, puisque 1000 F effectivement déposés m’auront rapporté
100 ou 200 F en un ou deux jours.
C’est pourquoi James Tobin propose une taxe faible - 0,5% - mais qui,
prélevée sur chaque transaction en devise, pourrait augmenter
considérablement le coût de la spéculation : "Le montant de cette taxe
serait trop faible pour décourager les opérations commerciales ou les
mouvements de capitaux non spéculatifs", écrit-il dans le dernier Rapport
Si le marché des actions
devient moins rentable,
sur le développement humain (éd. Economica, 1994). Certes, cela ne
les opérateurs vendent supprimerait pas la spéculation interne, puisque seuls seraient concernés
pour acheter ailleurs, par les marchés dérivés en devises, cependant, la baisse des cours boursiers
exemple sur celui des
obligations qui, du fait de
(par exemple) se traduirait par une hausse des cours sur un autre marché,
la pression de la et non plus par une fuite des capitaux, puisque les fonds quittant un
demande, tendront à marché interne n’auraient pas intérêt à se placer sur un marché externe.
augmenter.
Le principal obstacle est qu’il faudrait qu’une telle taxe soit levée par tous
les pays. On en est loin et chacun attend que les autres commencent.
D’où la deuxième voie, celle dite de la réglementation prudentielle. Elle
Un ratio de solvabilité vise à imposer aux opérateurs, et notamment aux banques, le respect d’un
est un rapport minimal
que les banques doivent certain nombre de règles : ratio de solvabilité impliquant de proportionner
respecter entre les fonds les engagements au montant des capitaux propres (c’est-à-dire propriété
qu’elles possèdent en de l’institution financière), appels de marge (c’est-à-dire augmentation du
propre et les crédits
qu’elles ont consentis deposit toutes les fois que les variations de cours le font tomber en-
(qui comportent toujours dessous d’une proportion déterminée), surveillance des marchés,
un risque de non comptabilité transparente, etc. Force est de reconnaître que toutes ces
remboursement) ; voir
par exemple la définition mesures, déjà largement appliquées, n’ont pas empêché les choses de
du ratio Cooke. dégénérer.
Voir aussi dans les autres thèmes :
- Les nouveaux produits dérivés (thème 2)
- L’explosion des produits dérivés (thème 2)
- 2 000 milliards de dollars d'échanges quotidiens (thème 5)
- La crise de 1997 (thème 6)