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Tatouages en Bosnie-Hercégovine
In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, IV° Série, tome 5, 1894. pp. 625-633.
Capus Guillaume. Tatouages en Bosnie-Hercégovine. In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, IV° Série, tome 5,
1894. pp. 625-633.
doi : 10.3406/bmsap.1894.5557
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1894_num_5_1_5557
CAPUSo — TATOUAGES EN BOSNIE-HERCEGOVINE 625
par M. G. Capus.
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de la Bosnie, de cette secte manichéenne qui fit, malgré
de sévères répressions et de puissantes entraves, des pro
grès rapides et étendus, résistant victorieusement à tous
les effets du ressentiment papal. Au seizième siècle, à l'
époque de l'introduction de l'islam, elle était florissante et
c'est au sein du bogoumilisme que le nouveau culte de Ma
homet recruta le plus grand nombre de ses premiers adeptes
renégats. Catholiques et orthodoxes, mais surtout les pre
miers, luttaient alors courageusement, non seulement
contre le schisme manichéen d'abord, mais contre l'islam
ensuite. Le joug des nouveaux maîtres musulmans ne fut
pas toujours tel que les récalcitrants durent opter entre la
nouvelle foi et la mort et bien qu'il y eût des périodes de
persécution intense, le christianisme ne fut jamais banni
entièrement de l'empire. Les chrétiens passaient volontiers
à la condition sociale inférieure de Khmet, d'attaché à la
glèbe plutôt que de passer à l'islamisme et le maître mu
sulman ne les empêchait point ainsi de vivre selon leur loi
religieuse ni de professer leur foi.
Il y a donc eu, à deux époques marquantes de l'histoire
politique et religieuse de la Bosnie-Hercégovine, une oppos
ition acuminée entre le culte ancien chrétien (catholi
cisme et orthodoxie) et le schisme manichéen à partir du
douzième siècle et l'islam à partir du quinzième siècle.
En vertu du fait que l'opposition créée par. un schisme
est plus ardente, plus profonde et plus fanatique que celle
créée par un culte différent du premier jusqu'au dernier
dogme, je suis porté à croire que le tatouage des chrétiens
fut, dans l'origine, un signe extérieur distinctif d'entre eux
et les bogoumiles et qu'il s'est transmis avec le môme sens
afïirmatif de la foi intacte à travers la période islamique.
Je ne sais si un chrétien se serait avisé de propos délibéré
d'impétrer auprès d'un bogoumile l'honorifiante parenté de
la coupe des cheveux (sisano Koumtsïvo). mais le fait de la
recherche de ce parrainage auprès d'un musulman n'était
pas trop rare : ce qui prouve que la cohabitation pacifique
630 SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 1894
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