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Marion RHODES

TS3
Dissertation de philosophie :
Sujet n°1 : La libération passe-t-elle par le refus de l’inconscient ?

Chaque être humain semble aspirer à la conquête de la liberté, à la libération.


Effectivement, chaque Homme est un sujet, c'est-à-dire qu’il est considéré comme une
personne consciente de soi et raisonnable du fait qu’il possède la conscience. Mais la liberté
lui est-elle acquise de ce fait ? Il est très difficile de déterminer ce qu’est la libération, bien
qu’elle constitue une représentation personnelle et familière pour chacun d’entre nous. La
liberté est un terme venant du latin « liber ». Aux sources de notre civilisation, la liberté
désigne un statut, une condition garantie par un ensemble de droits et de devoirs. Ce terme
désigne la libre condition de l’homme qui n’est ni esclave, ni prisonnier, à disposer de sa
propre personne. Par la suite, les philosophes et les théologiens l’ont défini telle une
caractéristique individuelle purement psychologique et morale. Habituellement, on conçoit
la liberté comme l’absence de toute contrainte étrangère, mais de nombreux philosophes ont
apporté à cette définition leur pensée personnelle. Prenons l’exemple de Voltaire qui énonce
que « la liberté consiste à ne dépendre que des lois », ou bien Raymond Aron selon lequel la
seule liberté fondamentale est celle « de ne pas être empêché de ». Ou encore, selon les
stoïciens, qui la conçoivent comme l’état idéal de l’être humain, qui atteint la sérénité par la
maîtrise de ses passions. Ce serait donc l’indépendance intérieure et la capacité morale de se
déterminer en suivant les seuls conseils de la raison et de l’intelligence non corrompue par la
passion. Ainsi, la libération serait le fait de devenir totalement maître de soi même en sortant
de l’esclavage et du rôle de prisonnier, en se dérobant à la servitude pour disposer librement
de sa personne. C’est se donner les moyens de ne pas être empêché de faire ce que l’on veut,
cela s’oppose donc à l’aliénation. On constate donc que la libération est bien plus
compliquée qu’il n’y parait. Elle serait en partie rattachée au lien entre la conscience et
l’inconscient. Ce dernier peut avoir plusieurs définitions, ce peut être tout ce qui n’est pas
conscient, l’ensemble des forces irrationnelles naturelles,voire cosmiques, qui mènent le
monde et l’existence à leur insu selon Nietzsche (1844 -1900), Schopenhauer (1788-1860),ou
encore E. von Hartmann (1842-1906). L’inconscient est aussi défini par le concept
psychanalytique énoncé par Freud (1856-1939). Cette seconde idée est celle qui nous
intéresse ici, nous la développeront durant la dissertation.
On pourrait donc se demander si le refoulement de l’inconscient est une condition nécessaire
mais pas forcément suffisante pour se rapprocher de la conquête de la liberté ? La solution
parait évidente, et pourtant…

Tout d’abord, l’esprit de chaque être humain implique sa conscience et son


inconscient. Ces deux concepts semblent ne pas s’accorder. Pourrait-on en partie devenir
seul maître de ses actes si on se détachait l’idée d’un inconscient? Dans ce cas, l’exclusion de
l’inconscient serait nécessaire pour parvenir à la libération. Il faudrait avant tout définir plus
en profondeur ce qu’est le concept de l’inconscient, puis se pencher sur ses manifestations
pour enfin montrer que l’inconscient semble dominer et aliéner l’Homme.

Avant tout, l’inconscient est un concept bien abstrait. Nous allons donc tenter de le
définir du mieux possible. Ce terme désigne tout processus psychique dont l’existence nous
est démontrée par ses manifestations mais dont nous ignorons tout, bien qu’il se déroule en
nous.
Bien qu’avant lui certains philosophes effleurèrent cette idée, Sigmund Freud, ce grand
philosophe, fut le premier à vraiment s’y intéresser et à réellement formuler l’hypothèse de
l’inconscient. Il créa une technique d'investigation psychologique destinée à rendre compte
de l’inconscient, de ses mécanismes et de ses effets, fondée sur la libre association des idées
du sujet. C’est ainsi qu’apparut le Psychanalyse Freudienne qui nous en a appris beaucoup
sur l’être humain.

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Cependant, durant une longue période, l’existence de l’inconscient fut abondamment remise
en question. De nombreuses personnes refusaient cette idée qui ne semblait pas concevable.
Effectivement, Bergson explique que pour l’être humain, nos états psychologiques sont
forcément conscients, donc si un état psychologique ne l'est pas alors il n'existe pas. Un
certain nombre de philosophes pensaient initialement de cette manière, comme par exemple
Descartes qui dit que "toute pensée est consciente», Alain qui ramène l’inconscient à la partie
animale de l’homme, ou bien encore Sartre qui pense que l'inconscient est une "mauvaise
foi".
Malgré tout, la psychanalyse freudienne a fini par nous faire appréhender l’idée
d’inconscient en montrant qu’il peut y avoir des états psychiques sans conscience. Selon
Freud, chaque être humain porte en lui, en son inconscient, un « double obscur », une entité
différente du sujet conscient. Ce serait selon lui une entité dotée de pensée et de désirs
semblables à ceux de l’esprit conscient, qui agirait donc sur celui-ci, le dominant. Elle serait
guidée par l’instinct et se traduirait par des pulsions aveugles.
Ainsi, en ce sens l’inconscient serait un autre moi, un moi subliminal, telle une région
inexplorée. Certain assimile aussi l’inconscient au corps lui-même, ou alors au refus de
penser.
Bergson s’est lui aussi penché sur la théorie de l’inconscient qu’il justifie par le fait que la
conscience agit seulement dans le temps du présent ainsi lorsqu'elle n'agit pas dans le
présent elle n'est pas. Par ce fait, il arrive à prouver l'existence d'un état psychologique
inconscient car ce qui ne fait pas partie du présent est alors considéré comme inconscient, les
souvenirs en sont un exemple. De ce fait, dans La pensée et le mouvant, il déclare que la
psychanalyse nous fait « constater que l'inconscient est là, contre la stricte logique elle
affirme que le psychologique a beau être du conscient, il y a néanmoins un inconscient
psychologique. »
Le psychisme ne se limiterait donc pas à la conscience, il inclurait une autre partie moins
connue: l’inconscient.

Pour Freud, l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire car elle seule permet de comprendre
des "états de conscience" ne relevant pas de la conscience claire et immédiate, ne dépendant
pas de la volonté ou de la pensée.
L’inconscient se manifeste donc par divers phénomènes, "états de conscience", comme par
exemple les lapsus qui sont des mots ou expressions dites à la place d'une autre, ou bien les
actes manqués désignants des actes qu’étrangement on ne réussit pas à un moment donné
alors qu’ils sont habituellement réussit. Il y a aussi les comportements aberrants qui
semblent révéler l’inconscient, par exemple lorsque au lieu de traverser une place, on en suit
les frontières, suivant un comportement illogique et inexpliqué. De même, les rêves sont des
manifestations de l’inconscient, à travers eux s’expriment un désir, une envie, un manque ou
une pensée inconsciente. L’inconscient exprime aussi le souvenir, le passé, tandis que la
conscience se base sur le présent. L’idée de « rêve éveillé » s’oriente dans cette même
optique, révélant aussi un désir ou quelque chose que la conscience refoule et qui ne
parvient à s’exprimer qu’à travers l’inconscient. Les associations libres sont aussi un
exemple révélateur de l’inconscient. Le terme « associations libres » désigne l’associations au
hasard des représentations mentales, libre de ce que « je pense » et de ce que « je veux »,
sans réflexion préalable. Ces associations ne dépendent donc pas de la raison, de la volonté,
de la conscience. Mais elles s’orientent pourtant dans une direction qui semble due au
hasard…ou plutôt à l’inconscient. Ce qui révèle l’existence de ce dernier, tel un pouvoir en
nous même que nous ne pouvons pas contrôler. C’est l’inconscient qui nous domine donc
d’une certaine manière.
Freud a basé toute sa théorie de l'inconscient sur ces manifestations incompréhensibles et
inexplicables par la conscience, remettant en cause la conception de l'homme chez qui le
psychisme serait uniquement constitué de la conscience.

Toutes ces manifestations s’imposent à l’être humain, qui est finalement contraint
d’agir différemment que l’aurait fait sa conscience. L’esprit ne se range donc pas entièrement
au volontaire, parfois ses pensées lui échappent, il se trouve alors gouverné par une entité
obscure et inconnue, qu’il ne peut pas maîtriser, l’inconscient.
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Ainsi, Nietzsche énonce en 1995 dans La volonté de puissance que "C'est que la conscience n'est
qu'un « Instrument »; et en égard à toutes les grandes choses qui s'opèrent dans
l'inconscient, elle n'est, parmi les instruments, ni le plus nécessaire ni le plus admirable.".
L’être humain serait donc esclave de son inconscient, sa conscience enchaînée par ce dernier
qui soumet parfois l’Homme tel un outil inanimé privé de droits. Il entrave ses pensées,
contrôlant ses actes,… comme par exemple lorsque nous sommes parfois gouverné à notre
insu par notre sexualité,…
L’être humain est donc totalement prisonnier de ses désirs et ses envies, même ses pensées
ne lui appartiendraient pas. Or il essentiel d'avoir la maîtrise de nos pensées et de nos actes
pour être des sujets et non des êtres manipulés. L’Homme est donc manipulé, son esprit
étant aliéné par l’inconscient, c'est-à-dire qu’il est sous la domination de ce dernier, qu’il
n’est donc pas libre. Il n’est que est le jouet d’une force qu’il ne peut appréhender
consciemment. La souveraineté du sujet sur ses pensées, ses sentiments ou ses actes semble
mise en cause .Ce serait l’inconscient qui mènerait la danse.
D’ailleurs, dans le texte «une difficulté à la psychanalyse» publié en 1917, Freud constate que la
recherche scientifique à démontrée que « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison ».
Ce qui montre que c’est l’inconscient qui domine le corps. La souveraineté du sujet est donc
contestée.
De plus, selon Nietzsche "toute action exige l'oubli", or l'inconscient est ce qui permet à la
conscience de se souvenir des états passés. Ce serait donc une forme de malheur pour
l'humain selon Nietzsche car ainsi nous sommes prisonnier de notre passé, nous ne
sommes donc pas libres.
De ce fait, la liberté de l’être humain ne serait donc qu’une illusion.
L’idée d’inconscient implique donc nécessairement l’exclusion de la liberté. Pour se libérer, il
faudrait donc se soustraire à l’autorité de l’inconscient. Mais comment ? En niant son
existence peut-être, en opposant aux pulsions une ferme volonté, comme le propose Alain.
Ce dernier que l'inconscient soit de l'esprit, pour lui ces pulsions sont des forces, des besoins
du corps. Il sépare le corps et l’esprit, le moi conscient et la volonté. L’esprit est donc dès lors
libéré de l'inconscient en niant, en refusant qu'il soit un autre moi. Le moi conscient doit par
conséquent être souverain.

Ainsi, l’inconscient dont Freud a prouvé l’existence serait la cause de l’absence de


maîtrise du moi, qui remettrait en question l’autonomie du sujet. La conscience ne serait
donc qu’un instrument de l’inconscient. Ce dernier aliénerait donc notre conscience en nous
barrant la route menant à la liberté.
Mais pour accéder à la liberté, le refus de l’inconscient est il la bonne solution ?

A la réflexion, on se rend compte que l’idée de liberté n’exclu pas forcement celle
d’inconscient. La question semble plus complexe, dans la mesure où les deux idées ne sont
pas nécessairement antithétiques. L’hypothèse de l’inconscient n’est effectivement pas
incompatible avec l’affirmation de la liberté car la libération, c’est ne dépendre que de soi
même, or l’inconscient fait parti de nous et il nous est nécessaire.
De plus, est-il vraiment possible de refuser l’inconscient ?

Pour commencer, l’inconscient et la conscience ne sont finalement pas incompatibles,


bien au contraire. La conscience a besoin de l’inconscient et inversement, ils sont donc
nécessaires l’un à l’autre.
Effectivement, chaque être humain est un sujet qui se compose en partie du « Moi ». Ce
dernier comprend une partie consciente et une partie inconsciente proche du « ça ». Le « ça »
est le psychisme qui est chargé de réaliser nos pulsions, les forces profondes qui agissent à
l’arrière plan, qui représentent les exigences d’ordre somatique comme la faim, les désirs,
l’agressivité,… et qui cherchent à se réaliser. Ce psychisme entièrement inconscient est inné
et nous est très mal inconnu. La mauvaise connaissance de l’inconscient s’explique par le fait
que la conscience ne nous donne qu’une vision partielle et très lacunaire sur nos processus

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psychiques. C’est ce qu’implique la phrase « ce sont deux choses différentes que quelque
chose se passe dans ton âme et que tu en sois par ailleurs informé » prononcée par Freud.
Ainsi, la conscience a beau être très importante et essentielle, elle ne fait pas tout, le « ça » est
nécessaire.
L’inconscient est une part de l’esprit et est donc essentiel et légitime, c’est ce qu’énonce
Freud dans son ouvrage nommé Métapsychologie.
Malgré cela, la conscience revêt aussi une importance. Chacune de ces deux parties du Moi a
ses limites. Si la conscience, le « moi-réalité » selon Freud, ne peut que tendre vers l’utile et
s’assurer contre les dommages, de même, l’inconscient, le « moi-plaisir » selon Freud, ne
peut que désirer, travailler à gagner le plaisir et éviter le déplaisir. Le moi-plaisir et le moi-
réalité ont donc tous deux des actions restreintes mais très différentes. La conscience et
l’inconscient ont donc réciproquement besoin l’un de l’autre.

Par ailleurs, l’interrogation « est-il vraiment possible de refuser l’idée


d’inconscient ? » est essentielle, car très vite on arrive à la conclusion qu’on ne pourra jamais
le refouler totalement.
Effectivement, si le moi conscient refuse de tenir compte de l'inconscient, les pulsions
refoulées tenteront toujours de s’exprimer par un autre biais, il y aura un retour du refoulé.
Par exemple lorsque parfois les exigences des pulsions débordent largement l’individu, elles
apparaissent au Moi tel un danger qui menace son autoconservation ou l’estime qu’il a de
soi. Le Moi se met donc sur la défensive, se défendant en évitant ou en refusant les pulsions
de l’inconscient. Ce déni ou cette méconnaissance entraîne une vie d’illusion, de souffrance
et de passivité, car l'inconscient est un réservoir d'énergie et la résistance de l’être face à
l’inconscient entraînerait une absence de désirs donc l’être serait comme en une profonde
dépression
Les pulsions refoulées sont donc contraintes aux détours d’une satisfaction de substitution,
elles tentent toujours d’échapper à la répression et réapparaissent alors sous forme de
symptômes, ou bien sous forme d’autres rêves, lapsus ou actes manqués,… De ce fait, la
négation de l’inconscient n’apporte pas la libération et la conscience se trouve une nouvelle
fois maîtrisée et dominé par l’inconscient.
Ainsi, la conscience ne fait que subir ces mécanismes de substitution, elle ne contrôle rien et
en souffre. Il lui est donc impossible de se libérer de l'inconscient en le refusant.
Toutefois, certaines pulsions sont refusées, mais il est impossible de toutes les censurer.
On en conclut que le refoulement n’est pas une solution car une partie de ce qui est refoulé
s’exprimera toujours par un autre moyen.
Le fait qu’on ne puisse donc vraisemblablement pas échapper aux causes intérieures qui
agissent sur nous, emmène à penser que le Moi doit donc obligatoirement tenir compte des
exigences de l'inconscient. Mais dans ce cas, n’y a-t-il pas une aucune possibilité d’accéder à
la libération ?

D’autre part, on remarquera que l’on ne semble pas toujours chercher la libération.
De nos jours, on reconnaît facilement cette idée d’inconscient car elle nous est bien utile.
On se sert en effet du mot inconscient et de ce qu’il implique pour se justifier, se trouver des
excuses à tout, … car si l’homme est gouverné par son inconscient et que même sa pensée ne
lui appartient pas, que peut il faire pour échapper aux désirs de l’inconscient ? On assimile
donc l’idée que c’est notre inconscient qui nous pousse à agir ou penser ainsi et on s’enlève
de ce fait une part de responsabilité. C’est une solution de facilitée que d’accuser son
inconscient.
Finalement on admet donc ne pas être libre et on s’en accommode car cela permet aisément
de se déresponsabiliser en appuyant l’idée d’un inconscient qui domine nos actes et nos
pensées, que ce n’est donc pas notre faute. Mais prétendre que l'inconscient nous détermine,
ne serais-ce pas du même coup refuser, par un stratagème de mauvaise foi, la liberté ? En
définitive, indirectement, on ne semble pas forcement toujours désirer la libération.
Mais de même que pour la négation, la soumission de l’être à l’inconscient n’est pas une
solution, ce n’est qu’un refus de la réalité, de la vérité.

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Au contraire, accéder à la libération, cessation de la servitude, n’impliquerai-il pas au
contraire la reconnaissance de l’inconscient ?

Finalement, l’inconscient serait donc nécessaire à l’être humain et nous serait


impossible de nous en dissocier. De plus, certains semblent se soumettre à l’inconscient, ce
qui n’est pas une solution car cela ne mène à rien.
Si certains refusent l’inconscient en le niant pour se donner l’illusion d’un contrôle suprême
de la conscience, le fait de s’y soumettre est aussi une façon de se mentir à soi-même en se
donnant l’illusion que nous sommes libre de toute responsabilité.
Ainsi, l’inconscient est nécessaire au sujet, ce dernier doit donc faire cohabiter l’inconscient
et la conscience. Mais ne serait-ce pas cela la clé de la libération ?

Finalement, l’accès à la libération passerait non pas par le refus de l’inconscient mais
par la connaissance de ce dernier, donc par le contraire de la négation. Cela résulte du fait
que la liberté se caractérise par la connaissance des causes qui me déterminent. L'existence
d'un inconscient psychique serait un moyen d’accéder à la liberté humaine.

Pour accéder à la libération, une prise de conscience est tout d’ abord nécessaire,
mais dans quelle mesure l’idée d’inconscient peut-il être à l’origine d’une prise conscience ?
En premier lieu, il faut partir de l’idée que l’être humain aspire au Bien, au bonheur. Or un
bon usage de la liberté est important car il entre en jeu dans la possibilité du bonheur. En
effet, pour parvenir un certain bonheur, nous devons nous impliquer en participant à son
advenue car c’est en partie de nos actes que dépend notre bonheur. Il faut donc parvenir à la
libération de tous nos possibles. La libération est donc un fondement essentiel car nul n’est
heureux s’il est asservi, si sa vie ne dépend pas de lui-même.
De plus, il faut prendre conscience que la libération n’est pas envisageable si on ne
commence pas par abandonner l’idée que l’on se contrôle et que l’on se maîtrise par la seule
conscience, refusant l’existence des autres instances du psychisme ,« comme un souverain
absolu, qui se contente des renseignements que lui apportent les hauts fonctionnaires de sa
cour qui trient les informations en les censurant et qui ne descend pas dans la rue pour
écouter la voix du peuple », n’écoutant pas la voix de l’inconscient, ses pulsions.
A l’inverse, il ne faut tout de même pas considérer l’inconscient comme une entité toute
puissante, il ne faut pas lui donner trop de pouvoir. L’inconscient cohabite avec la
conscience, d’où le dualisme de l’homme qu’a mis en évidence Kant. En effet, l’homme est
à la fois un être empirique, sensible, au mécanisme naturel et il est aussi un être
raisonnable détenant en lui les conditions de possibilité d’une autonomie morale. Ainsi,
cette importante distinction permet d’affirmer que la voix de la raison prouve que nous ne
sommes pas simplement soumis aux lois de la nature, mais qu’aucune de nos actions ne
jamais sera entièrement libre et morale car elles sont aussi en partie explicables par les lois
de la nature puisque elles ont lieu dans le monde sensible. Nous devons donc prendre
conscience que la libération est entièrement basée sur un équilibre entre la moralité de la
conscience et les pulsions de l’inconscient.
En dernier lieu, il est nécessaire de se rendre compte que l’aliénation n’est pas une fatalité,
l’inconscient n’est pas le nom d’un destin écrit d’avance et sans recours. On peut
effectivement s’en libérer, ce qui consiste en la « réappropriation par le sujet de sa propre
histoire » comme l’a dit le psychanalyste Jacques Lacan. Il s’agit donc de se façonner soi-
même car la vie de chaque être humain est comme un livre ouvert et il ne tient qu’a lui-
même de prendre la plume pour écrire la suite. Pour cela, Kant a divulgué que l’être humain
a le pouvoir d’être autonome et la capacité de se donner à soi-même sa loi. L’Homme doit
donc chercher son aspiration véritable, découvrir la vérité sur lui-même pour ainsi parvenir
à la libération.
Mais la difficulté réside aussi dans le fait de déterminer comment réaliser cela…

Dans le but de se libérer de l’aliénation, l’acceptation de l’inconscient puis


l’interprétation des manifestations de ce dernier sont nécessaires.

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Freud a proclamé que le cheminement vers la libération, celui qui mène du fond de la
caverne à la surface par rapport à l’Allégorie de la caverne de Platon, est long et douloureux.
Mais il peut permettre de chercher la vérité sur nous-même et de ce fait de nous désaliéner.
Ce cheminement se fait par l’exploration de l’inconscient et non par sa négation ou la
soumission, car les manifestations de l’inconscient demeureront toujours incohérentes et
incompréhensibles si nous nous obstinons à ne pas accepter l’inconscient ou à l’ignorer.
Nous devons donc apprendre à le connaître. De plus, l’inconscient résultant de l’histoire du
sujet, le sujet est le seul à pouvoir en ressaisir le sens et se l’approprier. Ainsi, Freud a
formulé que « Wo Es war, soll Ich werden », c'est-à-dire que « Là où le « ça » était, je doit
advenir », ce qui nous ramène à l’idée de la réappropriation.
Dans ce but, de nombreuses personnes se sont accordées sur le fait que tout passe par la
connaissance de soi-même, que ce soit les Grecs ou encore Freud.
Il requiert finalement d’accepter l’inconscient et d’analyser ses manifestations pour pouvoir
les interpréter et enfin réussir à exprimer librement son inconscient. Le Moi peut donc
parvenir à comprendre l’inconscient par l’exploration des profondeurs de l’être et la
connaissance de ce dernier.
Cela permettrait de dépasser ce simple état d’inconscient pour parvenir à l’harmonie et donc
à la libération. Malgré tout, bien qu’on comprenne qu’il faut tenir compte de l’inconscient et
l’interpréter pour accéder à la libération, on peut se demander par quel moyen cela est
possible et abandonner face à la difficulté de cette entreprise périlleuse.

C’est là que se révèle l’importance de la psychanalyse qui aide les individus à faire
cohabiter leur conscience.
La psychanalyse freudienne existe depuis 1900 environ et se base sur trois œuvres majeures :
L'interprétation des rêves, Psychopathologie de la vie quotidienne et enfin Le trait d'esprit dans ses
rapports avec l'inconscient. Elle peut permettre de mesurer en quoi l'inconscient et ses
manifestations ont toujours une structure langagière, c'est-à-dire que la psychanalyse agit
par la parole. Ainsi, elle permet à la l’être humain de se délivrer par la parole et d’analyser
cette parole pour l’interpréter.
Elle affirme bien que la liberté n’est pas totale, elle n’est que partielle, mais elle est possible et
la psychanalyse nous propose de tenter d’y accéder.
La psychanalyse regroupe trois axes de réflexions et d'études : un corpus de théories issues
de l'expérience analytique, une méthode d'investigation des processus psychiques dans leur
ensemble et des significations inconscientes de la parole, du comportement ou des
productions de l'imagination et enfin la cure psychanalytique par la méthode de la libre
association.
Cette dernière se base sur le fait qu’après été refoulées, les pulsions se sont manifestées à
nouveau sous la forme d’un symptôme névrotique, la maladie. C’est cette maladie que la
cure psychanalytique tentera de soigner. Dans ce but, elle propose donc un travail
d'interprétation à partir de ces mécanismes de l’inconscient. Elle consiste à démonter
patiemment chacun de ces mécanismes, comprendre que le psychisme est soumis à des lois,
remonter au souvenir traumatisant de notre enfance qui peuvent expliquer le refoulement.
Elle aide le sujet à prendre ses responsabilités en acceptant son inconscient pour parvenir à
accéder à reconnaître et à accepter nos pulsions refoulées, donc tout ce qui demeure obscur
au sein de notre âme. Cela peut permettre de se prendre en charge, d’affronter la réalité pour
se libérer et guérir par la vérité pour finalement parvenir à la récupération de la totalité des
facultés de l'existence de l’individu. Ainsi, le sujet peut parvenir à se connaître lui-même.
La cure psychanalytique produit donc des effets en profondeur sur le sujet, mais elle ne se
réduit pas seulement à une psychothérapie. En effet, dans Philosophie de la volonté, Ricœur
énonce que « Le sens profond de la cure psychanalytique n'est pas une explication de la
conscience par l'inconscient, mais un triomphe de la conscience sur ses propres interdits par
le détour d'une autre conscience déchiffreuse. L'analyste est l'accoucheur de la liberté, en
aidant le malade à former la pensée qui convient à son mal. » De ce fait, elle soigne l’esprit
pour que le moi conscient puisse développer un équilibre acceptable entre les exigences
pulsionnelles de l’inconscient et les exigences de la conscience. Au final, la cure
psychanalytique recherche donc à redonner à l’individu un équilibre personnel. C’est cet

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équilibre entre conscience et inconscient, entre moralité et pulsions, qui permet l’harmonie
de l’être et donc la libération.
Finalement, la psychanalyse a donc une fonction désaliénante et libératrice.
De plus si la psychanalyse est un moyen d’aide à la libération, la philosophie est aussi
entreprise de libération qui peut apporter beaucoup à l’individu par la réflexion et la prise
de conscience.

En définitive, la libération peut s’atteindre au moyen d’un important travail sur soi-
même. En effet, le cheminement vers la liberté s'effectuerait par la libération de tous nos
possibles. Cela peut s’effectuer par l’interprétation de l’inconscient et la connaissance de soi-
même dans le but de comprendre les causes et les enjeux de la « maladie » dont nous avons
parlé auparavant et peut être même de l’éviter. Si toutefois nous ne parvenons pas à
échapper à la maladie, ce n’est pas une si mauvaise chose. Freud affirme effectivement avec
force la nécessité de la maladie et en rend responsable le Moi parce qu’il subis un conflit
psychique entre ce qu’exige le principe de réalité et ce qu’exige le principe de plaisir. C’est
donc une « maladie » qui n’a pas pour but la nuisance, bien au contraire. De plus, elle se
soigne par le biais de la cure psychanalytique, qui a pour but ultime d’aider l’être à accéder à
sa propre libération.

Après réflexion, nous aboutissons donc à différentes certitudes quand à l’accès à la


libération.
Cette dernière dépendrait finalement de l’inconscient, non pas de la négation ou de la
soumission de l’esprit face à ce dernier, mais de la construction d’un équilibre durable entre
l’inconscient et la conscience. Ceux-ci doivent parvenir à cohabiter en harmonie, en « co-
domination » s’appuyant sur une nécessité réciproque. C’est en ce but que l’être humain doit
effectuer une remise en cause de lui-même et prendre conscience de l’importance de la
libération et du fait que le moyen d’y accéder est à notre portée. Grâce à cela, il est nécessaire
qu’il parvienne à comprendre qu’il doit accepter son inconscient et parvenir à l’interpréter
soit par lui-même, ou bien à l’aide de la cure psychanalytique. Ainsi, l’idée d’inconscient
peut le pousser à réaffirmer sa liberté effective en accédant à l’équilibre.
Par ailleurs, Platon a établit dans son célèbre ouvrage intitulé la République que l’âme de
l’être humain se divise en trois parties : l’intellect de la conscience, l’ardeur et le désir donc
l’inconscient. C’est la tripartition de l’âme. L’équilibre ne doit donc pas s’introduire qu’entre
la conscience et l’inconscience, il doit s’établir entre ces trois parties révélées par Platon. Cet
équilibre est essentiel pour parvenir à l’harmonie et donc à la libération.
Atteindre la libération et donc le bien consiste finalement pour l’être humain dans le
maintien d’une véritable harmonie entre ces trois fonctions de l’âme et surtout dans la
contemplation de l’intelligible par l’intellect.

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