F orum

JACQUES MOUSSAY, ACHETEUR CHEZ RHODIA

« Les contrats-cadres d’achat

80 % de nos besoins
▼
La mise en place de contrats-cadres d’achat est une politique affirmée du groupe
Rhodia. Ils répondent à un objectif de globalisation et de standardisation. Les équi-
pements pour le contrôle de production n’y échappent pas. Au sein de la direction
des Achats du groupe Rhodia, basée à Lyon, Jacques Moussay est en charge de
près de trente contrats-cadres d’achat dans le domaine de l’instrumentation, des
automatismes et des matériels électriques. Ils répondent actuellement à 50 % des
besoins des sites. Ils devraient couvrir à terme 80 %. Il restera toujours une part de
spécifique, hors contrat. Même si la standardisation des produits s’inscrit dans la
logique de ces contrats et de la mise en place de l’e-procurement.

Mesures. Comment définissez-vous un de ce qui est négocié. Il y a bien sûr une

contrat-cadre d’achat?
J. Moussay. Auparavant, et pendant des
dizaines d’années, il existait chez Rhône-Pou-
lenc des contrats de référencement. Nous tra-
vaillions avec un certain nombre de fournis-
seurs qui nous proposaient des tarifs et des
remises, ceci généralement pour l’ensemble
de leurs équipements.
Dans les contrats-cadres d’achat tels que nous
les établissons depuis environ six ans chez
Rhodia, nous nous engageons auprès d’un
fournisseur sur un seul produit à la fois, pour
lequel nous avons établi un cahier des charges
précis. Par ailleurs, nous garantissons l’exclu-
sivité pour deux fournisseurs par ligne de
produit. Nous évitons ainsi les rentes de situa-
tion et conservons la compétition entre les
deux. Ceci nous permet aussi de laisser le
choix à l’utilisateur final.
Enfin, nous nous engageons sur la
durée, généralement de trois ans, mais
non sur la quantité ni sur le volume
d’affaires.
Mesures.Et pour le fournisseur,quels sont
les engagements?
© Éric Frey J. Moussay. Tout dépend de nos besoins et
négociation tarifaire pour le coût global d’ac-
quisition des équipements. Celui-ci est fixe et
garanti pour toute la durée du contrat.
On prévoit cependant une clause pour
une éventuelle renégociation en cas
d’événement majeur, économique ou
autre. Cette renégociation peut aller dans
les deux sens. De plus, les fournisseurs
s’engagent sur des clauses de progrès
contractuelles.
Mesures. Quelles sont pour vous les avan-
tages de ces contrats?
J. Moussay. Les procédures d’approvisionne-
ment ou de commande sont simplifiées et nous
évitons les renégociations tarifaires à chaque
commande.
Grâce à cette simplification,nous pouvons libé-
rer du temps à nos acheteurs localisés en usine
pour travailler sur des actions spécifiques à for-
te valeur ajoutée.
Et puis il y a les prix d’achat. Les économies
réalisées dépendent de chaque contrat, de
chaque produit. Pour les capteurs de pres-
sion, par exemple, on a pu négocier une bais-
se de près de 20 % par rapport aux prix hors
contrat.

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Mesures.Quelle importance représente les
contrats-cadres pour le domaine du
contrôle de production?
J. Moussay. Au sein du service “achat fourni-
tures industrielles”,l’instrumentation,les auto-
matismes et le matériel électrique représentent
un budget de 61 millions d’euros ). Nous
avons actuellement 25 contrats en instrumen-
tation et 6 contrats pour les systèmes de sécu-
rité ou de conduite. Ils couvrent 50 % de nos
besoins.A terme, ils devraient couvrir 80 %.
couvriront à terme
en instrumentation »
Mesures. Comment s’établit un contrat-
cadre type?
J. Moussay. Nous constituons un groupe de
travail qui comprend généralement des ache-
teurs, des responsables d’instrumentation ou
d’automatisme ainsi qu’un spécialiste de notre
entité ingénierie Rhoditech. Nous établissons un
cahier des charges pour une ligne de produit
à partir duquel nous lançons un appel d’offre.
Après qualification des fournisseurs, nous en
retenons deux.
Nous définissons les conditions commerciales.
Nous cadrons toutes les remises, ainsi que
les délais de livraison avec des pénalités en
cas de dépassement. Auparavant, nous
demandions un stock d’équipements de
rechange sur les sites. De plus en plus, nous
négocions un stock de produits chez le four-
nisseur et nous imposons des conditions de
dépannage.
Mesures. Sur quels critères se justifie la
mise en place d’un contrat-cadre?
J. Moussay. Il faut évidemment que le volume
d’affaires du produit soit suffisant.Un autre cri-
tère est la répétitivité des achats.L’objectif est que
l’acheteur, au sein des usines, se concentre sur
des produits spécifiques, non sur les standards.
Mesures.Si pour l’instrumentation,la répé-
titivité des achats est évidente,elle l’est moins
pour les systèmes de conduite.Les usines ne
changent pas leurs SNCC tous les six mois…
J.Moussay. Pour les contrats qui touchent les
systèmes de sécurité ou de conduite, la par-
tie maintenance est très importante. Elle
couvre plus de 50 % du chiffre d’affaires du
contrat. Les prix sont définis pour des inter-
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ventions programmées. Mais nous sommes
plus souples au niveau des sites. Chaque
usine, en fonction de ses compétences, res-
te libre de faire appel au fournisseur ou
de réaliser en interne telle opération de
maintenance.
Par ailleurs, le fournisseur doit faire un
bilan de maintenance chaque année et
nous lui demandons d’apporter des
axes d’amélioration. Il sera aussi jugé
là-dessus.
Mesures. Comment sont perçus ces
contrats sur les sites par les acheteurs ou
les instrumentistes? N’y voient-ils pas une
perte de leur prérogative?
J. Moussay. Il y a longtemps que les ache-
teurs ont compris que ces contrats ne pou-
vaient que leur faciliter les tâches quoti-
diennes. Ils sont partie prenante dans les
groupes projet. Les instrumentistes, quant à
eux, ne peuvent qu’être satisfaits puisqu’ils
contribuent fortement à la réalisation des
cahiers des charges qui reprend l’ensemble
des caractéristiques techniques ou fonction-
nelles dont ils ont besoin.
Mesures.Certains fournisseurs se plaignent
que les groupes qui mettent en place des
contrats-cadres n’arrivent pas toujours à
les faire appliquer au niveau des usines?
J.Moussay. Nous avons effectivement consta-
té des difficultés d’application des contrats
dans nos usines, principalement en raison
de manque d’information.
Pour pallier ce handicap, nous avons mis en
place une structure de “responsables de pro-
ductivité contrat”, sur le terrain afin d’aider
au déploiement de ces contrats. D’autre part
la mise en ligne des catalogues contribue lar-
gement à leur utilisation.
Mesures.N’y a-t-il pas une tendance à favo-
riser les fournisseurs qui proposent diffé-
rentes technologies d’instrumentation ou
même les fournisseurs de systèmes qui sont
capables de proposer une solution com-
plète de contrôle de process, des capteurs
au système?
J. Moussay. Nous avons un moment cherché
Forum
à favoriser cette tendance. L’intérêt est de
n’avoir plus qu’un seul fournisseur “parte-
naire”. C’est une solution de facilité pour
des projets qui mettent en œuvre divers
équipements, comme c’est le cas par
exemple pour les bus de terrain. Cela peut
même aller bien au-delà. Certains fournis-
seurs de systèmes peuvent proposer d’as-
socier leurs solutions de contrôle de pro-
duction à des systèmes de gestion intégrés
d’ERP (Enterprise Ressources Planning), voire
même de supply chain.
Pour ce genre de solutions, il est également
bien plus aisé de n’avoir qu’un seul inter-
venant notamment dans le cadre d’un
contrat de maintenance.
Cela implique effectivement une sélection
rigoureuse de nos fournisseurs.
Nous étudions différentes opportunités mais
nous restons attachés pour l’instant au prin-
cipe de contrats par produits.
Mesures. On peut dire quand même que
les contrats-cadres incitent à une forte
standardisation du matériel…
J. Moussay. C’est en effet un des objectifs
de la politique des contrats-cadres d’achat.
Pour des raisons de prix, on a tout intérêt
à aller vers du non spécifique. Auparavant,
nous définissions un cahier des charges
en fonction des spécificités qui nous
paraissaient utiles à nos besoins. La ten-
dance aujourd’hui est d’imposer de moins
en moins nos spécifications techniques.
Pour un débitmètre, on ne va plus deman-
der une gamme de mesure ou une incer-
titude que nous aurions nous-mêmes
définie, on va chercher celles qu’on trou-
ve dans les catalogues. Pour cela, on s’ap-
puie sur les fiches techniques des pro-
duits. Cette logique de Rhodia
matériels standardisés
est d’autant plus pous-  Chimie de spécialités
sée qu’elle s’inscrit  27 000 personnes
désormais dans notre  Chiffres d’affaires : environ
concept d’e-procure- 7,2 milliards d’euros
ment.  85 sites dans le monde
 France : 34 sites, environ
Mesures. Comment 25 % du chiffre d’affaires
avez-vous mis en place du groupe
l’e-procurement chez  Au sein du service achat
Rhodia? fournitures industrielles,
J. Moussay. Ce sont des l’instrumentation, les
automatismes et le matériel
catalogues électroniques électrique représentent un
qui permettent aux budget de 61 millions d’euros
prescripteurs ou aux (pour l’ensemble des sites
approvisionneurs de français). La moitié de ce
passer une demande budget touche les services
associés (dépannage,
d’achat directement par maintenance…)
messagerie électro-
31
Forum
nique. L’utilisateur va chercher dans le cata-
logue le produit “standard” qui lui convient.
Les intérêts économiques sont donc évi-
dents, sans compter que les processus
achats sont largement accélérés.
On demande à chacun de nos fournisseurs
de saisir les spécifications des produits entrant
dans le périmètre d’un contrat-cadre. Ceux-
ci doivent utiliser un formatage propre à Rho-
dia.Tous les produits sont ensuite rassemblés
dans ce catalogue. L’approvisionneur ou le
prescripteur au niveau de l’usine rentre les
“attributs”, c’est-à-dire les spécifications qu’il
recherche pour un équipement. Le logiciel
lui proposera ensuite deux ou trois produits,
“L’objectif est que
au choix. La demande d’achat est envoyée au
service “Appro” par réseau Intranet. Après
accord, la commande est adressée au four-
nisseur, par messagerie électronique. Seules
les personnes habilitées à passer des com-
déchargé des produits
mandes peuvent avoir accès, par un code, à ce
catalogue, partiellement pour les instrumen-
tistes ou les automaticiens, en totalité pour
les approvisionneurs au magasin.
Ce système fonctionne depuis un an. Pour
l’ensemble des achats chez Rhodia, le volume
d’achat via l’e-procurement a représenté pour
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Jacques Moussay,acheteur cette première année 21 millions d’euros.
“Marché Fournitures 70 % des matériels en instrumentation ont
Industrielles”
déjà été mis sous la forme de ce catalogue
chez Rhodia
électronique. Notre objectif est d’atteindre
100 % d’ici 12 mois.
Mesures. Prévoyez-vous d’autres exten-
sions de ces contrats-cadres?
J. Moussay. Jusqu’à présent, les contrats-
cadres ne s’appliquaient qu’aux 34 sites
français, compte tenu du marché fournis-
seur et de leurs stratégies commerciales.
Nous sommes en train de les étendre à tous les
territoires européens. Ils se mettent actuelle-
ment en place en Italie et en Grande-Bretagne.
l’acheteur, au sein Nous sommes également en concertation avec
les sites américains pour des contrats-cadres
des usines, soit communs pour les systèmes de conduite. Les
fournisseurs proposent alors des listes de prix
affectés d’un coefficient selon les pays.
standards et se Par ailleurs, les contrats-cadres, jusqu’à
fin 2001, n’étaient valables que pour la
concentre sur maintenance ou le remplacement des
équipements en exploitation. Depuis
les produits 2002, ils englobent aussi les achats d’in-
spécifiques.”
vestissement sur de nouvelles unités.
Propos recueillis par Marie-Pierre Vivarat-Perrin
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