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Berlusconi, l'ambassadeur de Poutine

| 02.12.10 | 13h24 • Mis à jour le


02.12.10 | 22h19

ntre Vladimir Poutine et Silvio Berlusconi, amitié et intérêts commerciaux se confondent pour former un mélange
explosif, qui perturbe l'agenda américain. Tel est le fil directeur de plusieurs télégrammes diplomatiques, obtenus par
WikiLeaks et étudiés par Le Monde, consacrés aux liens entre l'Italie et la Russie. Des télégrammes qui trahissent une
profonde irritation envers le chef du gouvernement italien, suspecté à demi-mots et sans preuve claire de favoriser ses
propres intérêts dans les contrats gaziers passés entre les deux pays.

La relation personnelle entre les deux hommes a notamment frappé les Américains au moment de la guerre éclair d'août
2008 entre la Géorgie et la Russie. "Berlusconi a parlé à Poutine chaque jour, pendant une semaine", souligne
l'ambassade à Rome, le 26 janvier 2009. Résultat : M. Berlusconi a justifié la poussée militaire russe sur le territoire
géorgien par la nécessité d'éviter un bain de sang par Tbilissi, présenté comme l'agresseur. "Berlusconi admire le style de
gouvernement macho, décidé et autoritaire de Poutine, qu'il croit correspondre au sien", écrit l'ambassade. Selon une
source dans le cabinet du premier ministre italien, leurs rencontres fréquentes sont égayées par "des échanges de
cadeaux fastueux".

La famille Poutine passe aussi de longs séjours dans la villa de Silvio Berlusconi en Sardaigne, aux frais de ce dernier,
rappelle l'ambassade à Moscou, le 20 mai 2009. "Sur les sujets majeurs, il semble que les relations économiques russo-
italiennes soient dirigées par les premiers ministres qui disposent d'un lien direct l'un vers l'autre ainsi que du contrôle
de certaines des plus grandes ressources de leurs économies respectives, souligne l'ambassade à Moscou, le 5 février
2010. Quelles que soient les façons dont ils utilisent ces ressources, il est probable qu'ils ne le font pas uniquement sur
la base de calculs de rentabilité et de commerce."

"MÉDIATEUR" ENTRE L'OCCIDENT ET LA RUSSIE

Sur le plan international, M. Berlusconi prétend s'imposer comme un "médiateur" entre l'Occident et la Russie, explique la
chargée d'affaires de l'ambassade à Rome dans un télégramme adressé au président Barack Obama, le 9 juin 2009, peu
avant la visite à Washington du chef du gouvernement italien.

Celui-ci voudrait "restaurer un esprit de dialogue et de coopération […] mais aux conditions russes, en reportant
indéfiniment la main tendue de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, en diluant les efforts de l'UE pour promouvoir la
démocratie en Biélorussie, et en affaiblissant le rôle important de l'OSCE pour la promotion des valeurs démocratiques
et humaines dans toute l'Europe." L'ambassade transmet cette suggestion au président Obama : au lieu d'encourager M.
Berlusconi dans cette idée de médiation, il faut lui dire que "les Etats-Unis ne sont pas prêts à sacrifier leurs valeurs en
échange d'une stabilité à court terme reposant sur les promesses russes de bon comportement".

Mu par une "obsession à courte-vue" vis-à-vis de la Russie, M. Berlusconi méprise les avis de son ministère des affaires
étrangères, "démoralisé, privé de ressources et de moins en moins signifiant". Il lui préfère ses "copains en affaires, dont

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beaucoup sont profondément impliqués dans la stratégie énergétique européenne de la Russie."

AMBIVALENCE DE LA CLASSE POLITIQUE ITALIENNE

Au sein même de la formation politique de Silvio Berlusconi, plusieurs sources indiquent aux Américains que son homme
clé pour la Russie est un député, Valentino Valentini. Celui-ci n'a ni équipe, ni secrétaire. Il parle russe et se rend à
Moscou "plusieurs fois par mois, apparaissant aux côtés de Berlusconi lors de ses rencontres avec les leaders
mondiaux", souligne l'ambassade à Rome le 26 janvier 2009. "Ce qu'il fait à Moscou n'est pas clair mais la rumeur veut
qu'il surveille les intérêts économiques de Berlusconi en Russie."

La compagnie italienne ENI, dont l'Etat détient 30 %, se trouve au cœur de la relation bilatérale. ENI et le conglomérat
Gazprom ont signé des accords de livraison jusqu'en 2035 et sont partenaires dans la construction du gazoduc South
Stream. Les intérêts sont énormes. ENI "dicte souvent la politique énergétique du gouvernement italien et utilise son
influence […] pour bloquer les plans de libéralisation du marché de l'énergie dans l'UE", explique un télégramme du 9
juin 2009.

D'où l'ambivalence de la classe politique italienne, qui ne semble pas se préoccuper de la forte dépendance du pays à
l'égard de la Russie. "Selon ENI, la vraie menace pour la sécurité énergétique de l'Europe occidentale n'est pas la
Russie, mais l'Ukraine", qu'il convient donc de contourner dans les voies d'approvisionnement, dit un télégramme du 26
janvier 2009.

Piotr Smolar

Article paru dans l'édition du 03.12.10

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