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« Notre société est une société d’organisations. Tout ce qui se produit dans notre
société se produit dans le contexte d’organisations, de notre naissance à l’hôpital à
notre enterrement par une compagnie de pompes funèbres, y compris l’essentiel de
notre travail et de notre temps libre entre ces deux moments » (Mintzberg, 1990).
Cette citation d’un des plus grands auteurs en théorie des organisations témoigne de
l’importance de leur rôle dans notre vie. Les organisations nous environnent en perma-
nence. Pour autant, elles ne sont pas une donnée naturelle ; elles sont un construit
social, d’où l’intérêt de les étudier.
La théorie des organisations offre des connaissances pour mieux comprendre les orga-
nisations et leur fonctionnement, voire les améliorer. Elle permet de prendre conscience
des cadres qui influencent notre vision du monde, de découvrir de nouveaux points de
vue, de se poser de nouvelles questions sur les organisations. Sa connaissance rend
possible la prise de recul à l’égard de certaines modes managériales et d’en décrypter
les origines. La théorie des organisations peut améliorer notre compréhension des situa-
tions de gestion et donc la prise de décisions au sein d’organisations situées dans un
environnement toujours plus complexe. Ces connaissances théoriques peuvent ainsi
contribuer à l’amélioration de la performance des entreprises. En ce sens, les théories
des organisations sont utiles pour les gestionnaires ; mieux comprendre les organisa-
tions permet d’agir, ce qui est le but de la gestion.
Dans cette introduction, nous présentons brièvement la théorie des organisations en
tant que discipline et dans un deuxième temps l’organisation de cet ouvrage. Le
champ de la théorie des organisations est loin d’être unifié pour différentes raisons : la
première tient certainement au fait que de nombreuses disciplines y contribuent. Les
approches sont donc multiples. Il n’existe même pas de consensus pour définir ce
qu’est une organisation. Le caractère récent de la théorie des organisations explique
également ces tensions et en fait une discipline très vivante.
——
1. Pour une introduction à ces théories, voir ROULEAU (L.), Théorie des organisations, Presses de l’Univer-
sité du Québec, 2007.
INTRODUCTION 17
de structure (ce qui pose la question de savoir à partir de quel moment commence
l’organisation). Barnard (1938) estime que trois conditions sont nécessaires à l’appari-
tion d’une organisation : un but, un ou des créateurs (qui créent l’organisation car une
action individuelle n’est pas suffisante pour résoudre leur problème) et enfin des parti-
cipants, ce qui suppose que les dirigeants arrivent à les satisfaire pour s’assurer de leur
contribution à l’organisation (les membres n’ont pas nécessairement le même but que
les créateurs et leur appartenance à l’organisation doit leur permettre de répondre à
leurs propres besoins ou buts).
Pour Argyris et Schön (1996), « les organisations ne sont pas simplement des regroupe-
ments d’individus, mais aucune organisation n’existe sans ces regroupements ». Il
existe, selon eux, trois conditions à remplir pour qu’une foule, un regroupement d’indi-
vidus, devienne une organisation.
« Les membres de la foule doivent :
1. concevoir et convenir de procédures concernant la prise de décisions au nom de la
collectivité ;
2. déléguer à des individus l’autorité d’agir au nom de la collectivité ;
3. délimiter des frontières entre cette collectivité et le reste du monde » (Ibid.).
À partir de ces différentes définitions et conditions, il est possible d’esquisser une liste
des caractéristiques des organisations :
– l’existence de membres ;
– la division des tâches entre les membres ;
– la création de règles officielles et procédures ;
– l’existence d’une hiérarchie ou d’un contrôle social de certains membres (leaders)
qui peuvent prendre des décisions et engager la collectivité ;
– une certaine stabilité dans le temps ;
– des buts. La notion de but est souvent présente dans les définitions des organisa-
tions. Mais cependant, les buts sont évolutifs, les membres de l’organisation
peuvent avoir une vision différente des buts et avoir des objectifs personnels, le
but réel d’une organisation peut être différent de celui qui est affiché... ;
– des frontières. Là encore, cette vision est parfois remise en cause dans la mesure où
les relations entre agents économiques prennent des formes plus variées : réseau
d’entreprises, accords de sous-traitance, de coopération...
De nombreuses définitions et caractéristiques des organisations conduisent à penser
l’organisation comme un système. La théorie générale des systèmes a été proposée à
l’origine par Ludwig von Bertalanffy (1968). Les principes de la méthode systémique
viennent de plain-pied heurter la logique cartésienne française, fondée sur une
approche analytique (voir tableau).
INTRODUCTION 19
2 • PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE
Cet ouvrage se veut à la fois accessible et vivant, tout en s’attachant à être le plus
rigoureux possible dans l’exposé des théories. Il met en avant les apports des théories,
le contexte de leur production, leurs prolongements et leur actualité. Il évoque égale-
ment les critiques qui leur sont adressées. Ce livre ne prétend pas à l’exhaustivité et est
centré sur les théories les plus mobilisées en management afin d’aider les gestionnaires
(et futurs gestionnaires) à mieux comprendre les organisations.
Après ce chapitre introductif, le chapitre 1 présente les principaux auteurs de l’école
classique qui constituent le fondement de la théorie des organisations. Ces auteurs
20 MÉMENTOS LMD – THÉORIE DES ORGANISATIONS
Concluons cette introduction par une remarque sur les références. Celles-ci sont essen-
tielles pour un ouvrage de théorie des organisations, afin de donner au lecteur la possi-
bilité de revenir aux textes d’origine. L’étudiant peut parfois à juste titre avoir le senti-
ment qu’il est difficile de « dater » une théorie. En effet, les auteurs sont souvent
prolifiques, ils ont écrit plusieurs ouvrages et articles sur un même sujet, et leur pensée
se développe parfois sur plusieurs dizaines d’années. Les ouvrages ont généralement
connu plusieurs éditions et bien souvent des ajouts. De plus, certains d’entre eux ont
INTRODUCTION 21
été traduits, conduisant alors à des dates de parution différentes selon la langue. Dans
ce Mémentos LMD, la plus grande attention a été apportée aux références afin de
permettre au lecteur d’accéder aux travaux principaux des différents auteurs.
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