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Les soirs des 16 et 17 Janvier 1958, le pianiste Ahmad Jamal (né en 1930), le
contrebassiste Israel Crosby (1919-1962), et le batteur Vernel Fournier (1928-2000)
donnent en publique une performance unique dans les salons de lʼHotel Pershing de
Chicago. Dans cet établissement situé à lʼest de la 64eme rue près de Cottage Grove, les
responsables des disques Argo (filiale de Chess Records chez qui Ahmad avait signé
depuis 1955 1) avaient fait installer du matériel de prise de son. Ils ne se doutaient pas
quʼallait alors se graver un opus unique qui figurera durant 108
semaines dans le top ten des meilleures ventes aux Etats-Unis, faisant de Ahmad Jamal
lʼun des premiers jazzmen à vendre plus dʼun million dʼexemplaires du même disque 2.
I. Situation
La forme trio est la plus utilisée chez Ahmad. Cʼest tout dʼabord en 1950 avec Eddie
Calhoun (contrebasse) et Ray Crawford (guitare) quʼil forme «the three strings». En 55
Israel Crosby remplace Calhoun et en 56 Crawford profite de la notoriété du trio pour
fonder son propre band. Exit la guitare, ils accueillent alors un batteur, ce sera dʼabord
Grassella Oliphant (aucun dʼenregistrement connu avec lui) puis Walter Perkins qui co-
signera trois disques avec le trio. Malgré la perfection du jeu de Perkins, lʼarrivée de
Vernel Fournier en 1957 va, tout comme selon moi quand Bill Evans fini par trouver
lʼéquilibre quʼil cherchait avec Scott Lafaro et Paul Motian en 1959, propulser lʼorchestre
au firmament du jazz.
1il est à noter que Ahmad a été le premier musicien de jazz à avoir signé chez le grand Chess, label surtout
connu pour le rythmʼn blues et plus tard le rockʼn roll (Muddy Waters, Chuck Berry...).
2 source: Dreyfus Jazz: www.disquesdreyfus.com
Ces deux soirées nous dévoilent un trio hors normes dont l'équilibre est tout à fait
nouveau dans le jazz et pose de nouvelles bases au concept du trio Piano/Contrebasse/
Batterie. Nous ne sommes pas encore dans lʼinterplay «Evansien», mais la logique de jeu
de Jamal ajoutées à la finesse dʼaccompagnement de Crosby et Fournier possède un
équilibre particulier. Chaque instrumentiste dispose dʼune part de liberté : «je pense que
notre trio se distinguait par une répartition équitable des rôles. cependant notre musique
est construite en partant de la base et non du sommet» 3, ce qui soutient le fait que ce trio
a établit un équilibre délicat entre tradition swing et recherche de modernité. Comme si il
établissait un pont entre les grand trio du Main stream et du Be-bop (Nat king Cole, Teddy
Wilson, Phineas Newborn dont lʼalbum «we three» sortit la même année) vers ceux qui
fleurirent dans les années soixantes (Bill Evans notamment).
3 Ahmad Jamal dans un entretien avec Philippe Carles pour JAZZ Magazine en 1974.