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Monsieur François Mader

Cycles d'investissement et financement des entreprises


In: Economie et statistique, N°95, Décembre 1977. pp. 3-21.

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Mader François. Cycles d'investissement et financement des entreprises. In: Economie et statistique, N°95, Décembre 1977.
pp. 3-21.

doi : 10.3406/estat.1977.3102

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1977_num_95_1_3102
Résumé
Cycles d'investissement et financement des entreprises - Une étude portant sur 250 firmes suivies entre
1964 et 1974 par la Centrale des bilans du Crédit National a permis de classer les firmes non pas en
fonction de leurs caractéristiques financières ou de leur appartenance sectorielle mais de leurs rythmes
d'investissement. Grâce à l'analyse factorielle en composantes principales et à certaines hypothèses
économiques sur le comportement des entreprises, quatre grandes catégories de firmes ont été
définies : celles qui suivent la tendance générale de croissance, que ce soit des firmes motrices ou des
firmes freins, celles qui suivent un cycle plus original, celles qui sont sensibles à la conjoncture et enfin
des entreprises en difficulté au profil très heurté. Il est alors intéressant de remarquer qu'à l'amorce de
la crise les cycles d'investissement des trois derniers groupes se trouvent en phase, ce qui aggrave la
tendance dépressive générale.

Abstract
Investment and Financing Cycles in Businesses - A study of some 250 businesses between 1964 and
1974 carried out by the Center for balance Reports of the « Crédit National » permitted the classification
of firms by the rhythms of their investments, rather than in function of the financial characteristics or the
sector location. Thanks tofactoral analysis using principal components analysis and certain economic
hypotheses on the behaviour of businesses, four large categories were defined for investment strategy :
those that follow the general tendency towards growth, whether 'motor' firms, or firms that 'break'; those
that follow a more unusual cycle; those that are sensitive to the actual economic situation; those
businesses in trouble with a highly contrasting profile. It is also interesting to note that at the beginning
of the crisis, the cycles of investment of the last three types of firms are in phase, aggravating the
general tendency towards depression.

Resumen
Ciclos de inversion y financiaciôn de las empresas - Un estudio, el cual abarca 250 empresas
examinadas entre 1964 y 1974 por la « Centrale des bilans du Crédit National » (Central de los
Balances del Crédito Nacional) facilitó la clasificación de las empresas, no en funciôn de sus
características financieras o de su pertenencia sectoral, sino a razón de sus ritmos de inversion.
Merced al análisis factorial en componentes principales y a algunas hipótesis económicas relativas al
comportamiento empresarial se definieron cuatro grandes categorias de empresas, o sea : las que van
siguiendo la tendencia general de crecimiento, bien sea empresas motrices o empresas f renés; las que
van siguiendo un cicló más original; las que se verifican sensibles a la coyuntura y, final mente, las
empresas que se hallan en posición dificultosa y cuya evolución presenta muy vivos contrastes.
Resulta entonces interesante observar que, al iniciarse la crisis, los ciclos de inversion de los tres
últimos grupos se hallaban en fase de mengua, lo cual agrava la tendencia general depresiva.
Cycles d'investissement

et financement des entreprises

par François MADER*

Marasme, conjoncture incertaine, investissements ralentis : les entrepreneurs, rendus méfiants par la
récession de 1974-1975, guettent une éventuelle issue à cette période terne qui fait suite à l'expansion
régulière d'après-guerre. Comment comprendre cette brusque cassure dans le développement des
firmes? Pour essayer d'expliquer l'évolution des taux de croissance du capital indépendamment de
l'appartenance sectorielle des firmes, l'auteur utilise un échantillon de 250 entreprises suivies par le
Crédit national entre 1964 et 1974. Au-delà de la dispersion des situations individuelles, il s'agissait
de dégager par ordre d'importance des profils-types d'investissement et d'établir en quelque sorte le
portrait robot des firmes qui s'en rapprochaient le plus : les firmes motrices dont le rythme d'investiss
ement mène la croissance générale, celles dont les caractéristiques les portent à un cycle plus original,
celles qui épousent les soubresauts de la conjoncture, celles enfin qui se sont laissées aller à l'optimisme
général de 1969. Trois profils-types sur quatre semblent évoluer de façon cyclique. Même si la période
observée est trop courte pour l'affirmer avec certitude, il est quand même remarquable qu'à l'amorce
de la crise, les cycles se soient retrouvés en phase de sorte que la tendance dépressive générale a été
aggravée.

L'économie française est entrée en récession au milieu de cultés des entreprises dont l'activité se ralentit paraissent
l'année 1974 : les entreprises industrielles ont dès cette au contraire durables. Les raisons en sont évidemment
époque enregistré un brusque ralentissement de leurs ventes multiples.
et un stockage excessif de produits finis qui a entraîné un Ainsi la récession s'explique en partie par des phénomènes
alourdissement de leur trésorerie. A la fin de 1 974 et au début économiques et monétaires extérieurs puisqu'elle est
de 1975, elles ont réduit leurs programmes d'équipement mondiale, mais elle tient sans doute aussi à certaines carac
afin d'adapter leur capacité de production à l'atonie de la téristiques du système productif français. Il a été dit, en
demande. Les pouvoirs publics ont alors pris des mesures particulier, que les firmes françaises étaient déjà trop endet
pour relancer l'activité économique, notamment en stimu téeset ne dégageaient pas assez d'autofinancement pour
lant l'investissement des entreprises. Ces mesures, pri investir. Il est vrai que le niveau de l'endettement est, d'une
ncipalement fiscales et financières ont, semble-t-il, favorisé manière générale, assez élevé en France, mais cela n'a pas
la vive reprise des investissements et de la production qui empêché les entreprises d'emprunter au plus fort de la
s'est manifestée durant les derniers mois de 1975 et les tous crise, leur taux d'endettement à plus d'un an, qui s'était
premiers mois de 1976. Toutefois, la tendance s'est à nouveau stabilisé à 49 % de 1 972 à 1 974, étant passé à 61 % en 1 975 [1].
inversée à l'été 1976 et la fin de l'année s'est caractérisée, Or, dans le même temps, les investissements productifs
comme l'ont montré les indicateurs de l'INSEE, par la sta ont diminué en valeur de 1 % alors que le fonds de roulement
gnation de la production industrielle et des investissements net, c'est-à-dire les capitaux permanents moins les valeurs
du secteur concurrentiel. Cette situation ne s'est pas modifiée immobilisées, était notablement renforcé. Il semble donc
jusqu'à aujourd'hui. La poussée des investissements observée que la structure financière des firmes ne soit pas le seul fac
à la fin de 1975 s'explique vraisemblablement par le fait teur qui ait incité ou empêché celles-ci d'investir.
que les industriels ont réalisé par anticipation des pro Il existe sans doute d'autres explications. On peut noter
grammes d'équipement initialement prévus pour 1976, à ce sujet que la crise a frappé les sociétés françaises d'une
dans le dessein de bénéficier des avantages octroyés par manière très inégale : dans l'échantillon de la Centrale de
l'État. Dès lors, le « multiplicateur d'investissement» n'a pas bilans du Crédit National, près d'une firme sur trois a, malgré
joué son rôle : on n'a pu observer ni un accroissement net tout, réussi en 1975 à accroître le montant de ses ventes
de l'investissement, ni par conséquent les effets en chaîne d'un taux supérieur à celui de l'inflation.
dans le reste de l'économie provoqués par une hausse de
l'emploi ou des commandes de biens d'équipement. Les * Francois Madar «st chargé d'étudw au Crédit National.
D'une manière générale, les fabricants de biens d'équipe certaine évolution des ventes ou de la rentabilité qui peut
ment ont beaucoup mieux résisté que les entreprises de inciter la firme à prendre des décisions d'investissement.
biens de consommation et surtout que celles de biens inter Inversement, l'entreprise agit sur l'environnement en met
médiaires. Mais les clivages observés sont loin de corres tant en œuvre certains équipements productifs et donc en
pondre aux secteurs d'activité. Si c'était le cas, les diff offrant au marché une quantité supplémentaire de produits.
érences refléteraient seulement les écarts de la demande
d'un secteur à l'autre. Il semble plutôt que les firmes aient Schématiquement, si l'on considère la rentabilité comme
eu un comportement différent, en période de crise, selon variable-clé des échanges entreprise-environnement, on
qu'elles se trouvaient à telle ou telle phase de leur crois peut avoir l'enchaînement suivant :
sance, avec les conséquences financières bien spécifiques qu'il
en résultait.
Cette idée a servi de base pour rechercher et analyser Firme Environnement (marché, salariés, etc.)
les différents rythmes d'investissement qui règlent la vie
des entreprises et qui déterminent les phases de développe I I
ment et les pauses successives. Il a d'abord fallu repérer les
divers profils de croissance des firmes, voir dans quelle Investissements
(ent) Rentabilité
(en t + k) Investissements
(en t + k + k')
mesure certaines d'entre elles faisaient preuve d'un dyna
misme à toute épreuve alors que d'autres s'essoufflaient ou
hésitaient par moment. La méthode qui a été employée a On peut ainsi expliquer la forme de certains profils d'inves
permis de classer les firmes, non pas en fonction de leur appar tissement. Par exemple, si l'on a des investissements initiaux
tenance sectorielle ou de leurs caractères financiers spéci importants qui, en raison d'une forte demande, procurent
fiques, mais en fonction des profils-types d'accumulation du à l'entreprise des bénéfices élevés, celle-ci sera fortement
capital dont elles se rapprochaient le plus. Les résultats incitée à investir de nouveau. Mais, au contraire, si la
présentés par la suite confirment qu'au-delà de la tendance demande décline juste après une phase d'investissement, le
générale observée jusqu'aux années récentes, il existe de potentiel productif de la firme risque de devenir excédent
véritables cycles d'investissement pour un certain nombre aire et celle-ci n'investira plus; elle aura donc un profil
d'entreprises, dont les incidences financières sont non négli d'accumulation plus irrégulier.
geables. Enfin, il a paru intéressant de montrer comment les
entreprises s'étaient comportées pendant la période de La réaction de l'entreprise à toute sollicitation extérieure
récession 1974-1975 selon le profil de développement qu'elles est fonction de certaines caractéristiques propres à la firme :
avaient connu dans la décennie précédente. taille, secteur d'activité, personnalité des dirigeants, besoins
en fonds de roulement, vitesse de rotation du capital fixe,
indivisibilité des équipements (lorsqu'on ne peut adapter
la capacité de production que de façon très discontinue),
etc. Ces divers éléments modèlent le comportement d'inves
Des profils-types tissement de l'entreprise.
pour l'investissement De plus, le système financier assure une fonction de régula
tiondu système industriel, laquelle concerne à la fois le
cycle d'accumulation du capital productif (investissements)
On peut s'attendre à une relative irrégularité dans la et le cycle de production-commercialisation des produits
croissance des firmes. Face à des contraintes de rentabilité
de financement ou de marché, l'entreprise n'est pas toujours (exploitation). Ainsi, la perspective d'obtenir un crédit peut
inciter un industriel à investir, mais l'octroi du prêt engendre
à même de progresser de façon continue. L'évolution des des obligations de remboursement et de paiement d'intérêts
investissements des 250 entreprises de l'échantillon en qui peuvent entraîner un freinage des possibilités ultérieures
témoigne largement. Pour dégager les profils-types d'accu
mulation du capital, c'est-à-dire synthétiser l'information, d'investissement, sauf en cas de consolidation par un nouveau
crédit.
on s'est, d'une part, appuyé sur les hypothèses habituell
ement retenues pour décrire le comportement des firmes
en la matière et, d'autre part, on a utilisé l'analyse en compos
antes principales, méthode relativement neutre. Prêt ou crédit à plus d'un an
(instant t)
\
Quelques hypothèses sur la politique
d'investissement des entreprises Investissements Remboursements + Intérêts
(ent) (en t+k)
L'entreprise est un système complexe qui subit des per \
turbations importantes du fait de son environnement (mar Diminution(en
dest+k)
investissements
ché, fournisseurs, salariés, etc.). Celui-ci détermine une
GRAPHIQUE I
Production EVOLUTION DE LA DEMANDE
Capacité de production potentielle ET DES CAPACITES DE PRODUCTION
et demanda
et cycle d'investissement
Capacités de production,
avec indivisibilité "V

Capacités de production |
sans indivisibilité i

Temps
tO t2
I
Investissements CYCLES D'INVESTISSEMENT
bruts
I H
I ! i

sans indivisibilité m
Phase 1

Phase 4/

.j L
Temps
t2 t3 t4

De même, le système bancaire assure une fonction de « cycle d'investissement » type, inspiré du modèle macro
régulation à court terme qui porte sur les éléments de économique de l'oscillateur de Samuelson [2] et des observa
l'exploitation courante. L'augmentation des besoins en fonds tions de Hicks [3].
de roulement exige la mise en place de concours bancaires
à court terme et ces crédits sont normalement remboursés Le profil d'accumulation type d'une entreprise comporte
par le produit des ventes. En fait, de nombreuses entreprises quatre phases successives (graphique I).
ont un déficit chronique de trésorerie, si bien que les crédits
bancaires à court terme deviennent par la force des choses • Une croissance «explosive» (phase 1) : la demande
un facteur quasi-permanent de la politique d'investissement excède l'offre du produit. La firme investit conformément
de la firme. au principe de l'accélérateur. Le régime du marché reste
celui de l'offre, c'est-à-dire que la production est entièrement
En définitive, il serait logique que, sur très longue période, absorbée. Elle génère des bénéfices qui incitent à réinvestir,
les effets produits par la fonction régulatrice du système de sorte que la croissance est cumulative. Pendant cette
financier n'apparaissent plus, la tendance générale de la phase, les capacités de production sont utilisées à leur maxi
croissance étant par définition indépendante des fluctuations mum.
et ne restant soumise qu'aux seules influences du marché
et de la rentabilité. • L'investissement plafonne (phase 2) : les contraintes
Compte tenu de ces remarques un peu théoriques, il financières viennent modérer la croissance; en particulier,
paraît possible de définir, de façon très schématique, un l'endettement entraîne des frais financiers et des rembour-
CYCLES D'INVESTISSEMENT
GRAPHIQUE II tement avec la durée de vie des équipements pour accentuer
« l'effet de cycle » lors de la mise en place d'un équipement,
Un exemple : le niveau des investissements étant maintenu à un niveau
profil d'accumulation du capital d'une entreprise très faible entre deux opérations successives (encadré p. 8).
Taux d'accumulation
(en%) L'analyse statistique :
250 firmes suivies pendant dix ans
14 Chaque entreprise a été caractérisée par son taux d'accu
12 mulation du capital, c'est-à-dire par ses investissements en
10 immobilisations pour chaque année rapportés aux immobili
sationsbrutes en fin d'année. Le ratio est aussi appelé taux
8 de croissance brut du capital fixe de la firme (graphique II).
6 Il est ainsi possible de comparer deux entreprises de taille
différente, ce qui ne serait pas le cas si l'on ne considérait
4 que la valeur absolue des investissements; mais, grâce à ce
2 ratio, on peut surtout déterminer pour chaque entreprise
Temps et pour une période de temps donnée, un profil de croissance
1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 qui correspond à la succession des valeurs de ce taux d'accu
mulation calculé année après année.
L'étude a porté sur 250 firmes industrielles et commerc
iales(55 entreprises commerciales, 86 de biens d'équipe
sements importants qui peuvent dissuader l'industriel de ment, 74 de biens intermédiaires, 35 de biens de consommat
faire des investissements. Il est également nécessaire de ion) qui ont été suivies pendant toute la période 1964-1974
reconstituer le fonds de roulement. par la Centrale des bilans du Crédit National. Pour chaque
• La machine se renverse (phase 3) : le régime du marché entreprise, on disposait donc de 11 taux d'accumulation
devient dominé par la demande, les capacités de production annuels successifs et ces 11 variables ont été traitées à l'aide
ne sont plus utilisées pleinement. L'accélérateur joue alors de l'analyse factorielle en composantes principales. Celle-ci
d'une manière négative et se manifeste comme un phéno permet de retrouver les grandeurs essentielles sous-jacentes
mène cumulatif poussant à la baisse des investissements. aux variables de départ, en nombre plus réduit et classées
par degré d'influence décroissant (encadré p. 9).
• On est au plancher (phase 4) : cette diminution s'arrête La détermination des facteurs principaux ' du taux d'accu
lorsqu'on atteint un seuil minimum d'investissement qui
correspond grosso modo aux renouvellements courants. mulation permet de représenter des profils d'évolution de
ce ratio (graphique III). Chaque profil-type s'applique en
L'accumulation nette (après amortissements) étant nulle, quelque sorte à une firme virtuelle ayant subi une évolution
les capacités de production demeurent théoriquement
constantes. Le régime du marché reste dominé par une spécifique. La croissance sur la décennie d'une entreprise
demande encore peu soutenue. Mais lorsque celle-ci augmente de l'échantillon est une pondération en proportion évidem
mentvariable d'une firme à l'autre, des différents modes
de nouveau et atteint un niveau tel que les capacités de
production sont à nouveau saturées, on se retrouve dans de croissance type. La possibilité de repérer les firmes qui
la phase 1 et le régime du marché redevient celui de l'offre. se rapprochent le plus de tel ou tel profil permet de se
reporter à des monographies représentatives d'entreprises
Les phases 2 et 3 peuvent être en réalité, inversées ou pour lesquelles on dispose de toutes les variables complé
simultanées en fonction des différentes interactions existant mentaires : bilans, comptes d'exploitation et tableaux de
entre le marché, le système financier et la politique d'inves financement sur onze ans.
tissement de l'entreprise, interactions dont les modalités
sont elles-mêmes fixées par les caractéristiques internes à Dans cette étude ont été retenus quatre facteurs prin
la firme évoquées précédemment. L'indivisibilité, par cipaux que nous appelerons par la suite profil-type.
exemple, intervient pour fixer l'écart entre les seuils max Le profil-type 1 intervient globalement pour 24 % dans
imum et minimum d'investissement correspondant aux l'évolution globale des investissements, c'est-à-dire qu'il
phases 1 et 4. En effet, lorsqu'on achète un bien d'équipe explique 24 % de la variance. Il correspond à une crois
ment indivisible comme une cuve à electrolyse ou un haut sance assez régulière de 1964 à 1974, mais comportant
fourneau, on passe brusquement du seuil minimum au seuil quelques périodes de ralentissement en 1967, 1972 et 1974.
maximum d'investissement correspondant aux phases 1
et 4 afin que le potentiel de production corresponde à
la demande; il se peut même qu'il la dépasse. Ace propos,
il convient de se référer au principe de l'accélération [4], pour 1. Ce sont les vecteurs propres de la matrice d'inertie dont on repère les
coordonnées dans l'ensemble de départ, c'est-à-dire à un facteur multiplicatif
montrer que l'effet de seuil ou d'indivisibilité joue près les écarts des taux a la tendance moyenne pour chacune des onze années.
GRAPHIQUE III Intensité
de l'effort d'investissement
Calendrier d'investissement 0,80 r
sur la période 1964-1974
(4 profils-types et profil moyen) 0,70 -

Profil-type 1
(24% de la variance)

PROFIL MOYEN (D
Profil-type 3
(13% de la variance)

Profil-type 2
(15% de la variance)
i i Profil-type 4
(9% de la variance)

-0,50
1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 19711972 1973 1974
(1) Moyenne des taux d'accumulation de toutes les entreprises de l'échantillon pour chaque
année.

Il semble refléter la tendance générale de la croissance Les profils-types 2, 3 et 4 apparaissent beaucoup plus
industrielle durant ces années. Toutefois, si, pour un grand heurtés que le profil-type 1.
nombre d'entreprises, la pondération par rapport à cet
axe est forte et donc si les profils de croissance des investi Il est assez tentant, bien que difficile sur un intervalle
ssements de ces firmes ressemblent beaucoup au profil- de onze années, de définir des périodicités d'investissement.
type 1, pour certaines autres, au contraire, la pondération Si l'on ne peut repérer une telle évolution pour le premier
est voisine de zéro et les schémas d'accumulation des inves profil-type, on peut par contre pour les profils 2, 3 et 4
tissements s'apparentent beaucoup plus aux profils-types 2, 3 déterminer les cycles spécifiques de respectivement 14,
et 4. puis 8 et 6 ans. La durée de ce cycle, c'est-à-dire le temps
qui s'écoule avant que l'on repasse par une intensité d'i
Le profil-type 2 intervient globalement pour 15 %; il nvestis ement identique, étant obtenue par extrapolation,
est très particulier puisqu'il correspond à une période de ces observations ne sont que partiellement justifiées.
taux d'accumulation plus élevés que la moyenne en 1964- L'importance des éléments nouveaux survenus en 1975
1966, suivie d'une chute rapide et régulière de 1967 à 1974. confirmera l'impossibilité d'une interprétation trop méca-
Le profil-type 3 qui intervient pour 13 % comprend une niste, c'est-à-dire d'une théorie purement endogène de
phase d'investissement intense de 1967 à 1969, encadrée ces fluctuations. Néanmoins, sans encourir de trop graves
par deux périodes de pause relative en 1964-1966 et 1970- risques d'erreur, il paraît possible de parler de « cycles
1974. d'investissement » quand il s'agit des profils-types 2, 3 et 4,
Le profil-type 4 intervient pour 9 %; il se caractérise par alors que le profil-type 1 représente plutôt la tendance
l'existence de deux pointes de fort investissement, en générale de la croissance autour de laquelle fluctuent les
1964-1965 et 1969-1971. autres profils, avec d'ailleurs une irrégularité assez marquée.
CYCLES D'INVESTISSEMENT
PRINCIPE D'ACCÉLÉRATION
ET CAPACITÉ DE PRODUCTION

Si l'on considère comme hypothèse que les capacités de pro


duction ne peuvent être ajustées que par à-coups, le capital K 1968 et 1974. Statistiquement, il existait donc un certain
s'accroissant d'un rapport AK
—K égal à la croissance souhaitée déterminisme que l'on peut qualifier de macroéconomique,
pour qu'une entreprise quelconque ait adopté sur la période

ay de la production, l'investissement net réalisé à cette date 1964-1974 une politique d'investissement correspondant
au profil 1 ; mais la marge de manœuvre reste forte puisque
sera de : In = AK = K —, alors que l'investissement les trois quarts de l'évolution ne sont pas pris en compte
dans cette explication.
de renouvellement du capital existant serait de : Ir = —,
N si N
est la durée de vie du capital fixe. D'où un taux de croissance • II faut aussi préciser que l'analyse a été effectuée sur un
AK échantillon constant, donc sur des firmes ayant survécu
momentané. de, I,,.investissement
. brut
. de ; /n— = —K == N -—AK = entre 1964 et 1974, ce qui suppose que ces firmes ont réalisé
Ir N K un minimum d'investissements au cours de cette période.
M . Il serait intéressant de savoir à quel moment du cycle se
produisent les disparitions d'entreprises (faillites ou absorp
On en déduit que l'ampleur des variations de l'investissement tions) : après une longue période de déclin des investiss
est d'autant plus marquée que la durée de vie des équipements ements ou, au contraire, comme de nombreuses indications
est longue. Mais ce dernier facteur intervient en combinaison le donnent à penser, après une phase d'accumulation rapide
avec l'accroissement AK
-—
K du capital installé qui évolue par du capital génératrice de déséquilibres internes ?
brusques sauts, chaque fois que le rapport AV
— dépasse certaines • La méthode utilisée consiste à classer les variables,
limites imposant la mise en place de nouvelles capacités de ici les taux de croissance, et à mettre en évidence des exemp
production, c'est-à-dire en combinaison avec le degré d'indi lestypes de développement d'entreprise. Elle se rapproche
visibilité. de celle employée par E. Huret, mais la principale diff
érence est que l'on ne caractérise pas les entreprises par leur
structure de bilan, critère statique, pour analyser les straté
giesde croissance [5]. On part directement des valeurs
des onze taux d'accumulation annuels pour apprécier
La méthode et les résultats généraux auxquels on est l'impact de la croissance sur l'évolution de la situation
parvenu, appellent quelques remarques. financière, étant entendu qu'il y a probablement rétro
action de celle-ci sur la politique d'investissement.
• Les profils individuels des entreprises sont déterminés
par la combinaison entre les différents profils-types. On
conçoit facilement que la croissance d'une firme particulière
puisse être plus ou moins irrégulière selon les pondérations Les résultats
affectées à chacun de ces facteurs. Le phénomène est d'autant
plus complexe que ces pondérations varient au cours du
temps. C'est en analysant les coordonnées des taux d'accu Après avoir montré l'existence de politiques d'investiss
mulation année par année en fonction des axes factoriels que ement nettement différenciées à l'aide d'une méthode qui
l'on peut apprécier l'influence de chaque profil-type (ou résume de façon synthétique les données dont nous dispo
facteur principal) dans la détermination de ces ratios. Il y a sons, il s'agit d'interpréter les profils-types de croissance
là une méthode que l'on peut aisément généraliser à d'autres du capital de chaque groupe d'entreprises. Par quelles
données intertemporelles pour mettre en évidence les caractéristiques financières ou sectorielles peut-on expli
éléments moteurs d'une évolution, sans opposer d'une quer les oppositions entre firmes ? Quelles furent les phases
manière irréductible la structure et la conjoncture, car la de leur développement durant cette décennie ? C'est en
structure qui est vivante a aussi son histoire. Ainsi, si les confrontant les particularités des firmes pour lesquelles
entreprises qui ont eu un profil de croissance de leurs l'effet imprimé par l'un des quatre profils-types est particu
investissements voisin du profil-type 1 ont contribué pour lièrement fort que l'on pourra dégager les principaux
l'essentiel à la progression de l'économie observée au cours facteurs qui influent véritablement sur le comportement des
de la période 1964-1974, les firmes se rapprochant du profil- entreprises.
type 2 et celles se rapprochant du profil-type 3 ont apporté
à celle-ci un élément de dynamisme non négligeable en
1964-1967 et en 1967-1969. On aperçoit clairement ici que La tendance générale de croissance
c'est de l'enchevêtrement des cycles d'investissements
individuels que résulte la croissance globale. Toutes les entreprises ont connu une évolution de leurs
investissements plus ou moins proche du premier profil-
• En fait, le profil-type 1 détermine pour un quart environ type, le plus important. Pour caractériser celui-ci, on
les variations des taux d'accumulation des entreprises; examinera concrètement les « firmes motrices », c'est-à-
cela est confirmé par l'étude du taux d'accumulation moyen dire celles dont l'évolution, fortement influencée par le
de l'échantillon qui, relativement stable autour de 12%, profil-type 1, a un effet d'entraînement sur le profil de
a une évolution assez proche de celle du profil-type 1 entre développement des autres entreprises [6]. Dans la même
QUELQUES PRÉCISIONS MÉTHODOLOGIQUES
L'anal/se factorielle en composantes principales est une méthode // reste à interpréter les facteurs principaux ou les directions d'allo
purement descriptive permettant de synthétiser les données dont ngement maximum du nuage. Pour cela, on n'a pas utilisé la méthode
on dispose. Dans cette étude, on connaît pour 250 firmes les valeurs habituelle qui consiste à visualiser le nuage par projection sur les
de 11 variables qui sont les taux d'accumulation du capital sur la plans définis par des couples de vecteurs propres, et à déterminer les
période 1964-1974. groupes qu'opposent les différents axes factoriels. Sur cette figure,
Les données peuvent donc être représentées par un nuage de 250 points la proximité de deux points-individus signifierait que les firmes corres
dans un espace à 11 dimensions, que l'on appelle communément pondantes ont un comportement voisin et les angles que font les axes
nuage des points-individus. factoriels avec les directions des points variables seraient égaux
à la corrélation entre variables de départ et variables synthétiques.
Le principe de l'analyse factorielle est de trouver les directions En fait, le caractère particulier des données qui correspondent à
orthogonales qui expliquent le mieux l'allongement maximum du des variables datées, a facilité l'interprétation des axes 1 : tout
nuage. Le sous-espace assurant la meilleure représentation devra vecteur dans l'espace de départ peut être interprété comme une
donc expliquer un pourcentage maximum de l'inertie du nuage, ce succession de 11 taux d'accumulation pour une même firme. On
qui équivaut à ce que la somme des distances de chaque point à ce comprend qu'en particulier les coordonnées des vecteurs propres
sous-espace soit minimale. donnent l'évolution au cours du temps des investissements de certaines
Les résultats mathématiques de ce problème montrent que l'inertie firmes virtuelles types, ce qui permet de tracer les profils types corres
expliquée par un sous-espace à plusieurs dimensions est maximale pondants. Les ordonnées négatives suivant certaines dimensions
si ce sous-espace contient les vecteurs propres qui correspondent aux pour les facteurs 2, 3 et 4 proviennent du fait qu'il s'agit non de taux
plus grandes valeurs propres de la matrice d'inertie S = XX' où X d'accumulation proprement dits, mais d'écarts par rapport à la
est la matrice de dimension (11 x 250) des données que l'on a cen tendance.
trées et réduites; X' est sa transposée. De plus, l'inertie expliquée
par chaque axe factoriel est égale à la valeur propre correspondante. L'interprétation rigoureuse s'appuyant sur les deux types de projec
tion(proximité des entreprises, corrélations entre les facteurs prin
Le problème de la meilleure représentation du nuage revient donc à cipaux et les variables) n'a pas été menée à bien car le problème est
déterminer vecteurs propres et valeurs propres de S. Dans cette très complexe : on souhaite à la fois relier la forme générale des
étude seront retenus quatre axes factoriels portés par les quatre profils à des caractéristiques constantes sur la période comme le
premiers vecteurs propres ou facteurs principaux. secteur d'activité ou la dimension initiale de l'entreprise, et rapprocher
Ils expliquent 51 % de l'inertie, ce qui est assez faible mais non sur par exemple le niveau des investissements, une année donnée, de
prenant puisqu'on n'examine que les taux de croissance, c'est-à-dire la variation de sa trésorerie l'année précédente. Une telle étude
des vitesses d'accumulation du capital et non des montants bruts nécessiterait normalement la mise en place de nombreuses variables
d'investissement. complémentaires, une analyse des corrélations et finalement l'ét
ablis ement de modèles complets d'investissement de l'entreprise.
L'analyse factorielle fournit les composantes principales des onze La présente étude a un objectif plus modeste; il s'agit essentiellement
taux d'accumulation du capital, suivant un nombre réduit d'axes. de lier de manière dynamique les décisions d'investissement aux
Ce sont en quelque sorte des variables synthétiques donnant une évolutions des structures financières afin de mieux expliquer les
meilleure explication de la dispersion du nuage que les anciennes différents problèmes financiers qui se posent aux entreprises.
variables. La « note » de la firme suivant chaque axe, c'est-à-dire
la coordonnée dans le nouveau système de repérage est une fonction
linéaire de ses coordonnées dans l'ancien système. Elle donne le
degré d'influence de cette nouvelle « direction géographique » sur
une firme donnée. Ceci permettra d'isoler les firmes pour lesquelles 1. Pour l'interprétation des axes, on s'est inspiré des remarques faites
cet effet est particulièrement net : on retiendra celles dont la coordon par J.-C. Deville : «Méthodes
de l'INSEE, statistiques et numériques
née sur cet axe est supérieure à 1 ou inférieure à — 1 . harmonique », Annales n° 15, i" trimestre 1974. de l'analyse

optique, on retiendra aussi les « firmes freins », les moins stationnaire pour les autres; mais, pour les deux groupes,
entraînées par la tendance générale de croissance 2. l'évolution de la rentabilité a été également dissemblable :
Il est alors intéressant de comparer l'évolution des prin élevée dans un cas, faible dans l'autre. Le parallélisme
cipales caractéristiques financières de ces firmes et de celles existe aussi pour les entreprises correspondant davantage
qui se rapprochent davantage des profils 2, 3 et 4 pour aux profils-types 2, 3 et 4, encore que, pour ces groupes,
trouver ce qui les distingue les unes des autres 3. On exami les profils d'accumulation aient été plus heurtés que les
neratour à tour la rentabilité, le taux d'autofinancement, profils de capacité d'autofinancement.
l'intensité capitalistique, la durée de rotation du capital Ainsi, la rentabilité et la croissance du capital productif
fixe et le taux de profit pour chaque groupe de firmes. apparaissent être dans une étroite dépendance mutuelle,
aussi bien sur longue période qu'au cours des fluctuations
• Les modes d'accumulation s'avèrent très dépendants
des évolutions correspondantes de la rentabilité (auto
financement rapporté aux fonds propres) : c'est le résultat
le plus évident (graphiques IV et V). 2. On appelle « firmes motrices » les entreprises dont la coordonnée suivant
le premier axe factoriel est supérieure à 1, et « firmes freins », celles dont la
coordonnée est inférieure à — 1.+1
Ce sont
et —les1 firmes
Ainsi, les firmes motrices et les firmes freins qui s'oppo qui contribuent le plusarbitraire
à l'allo
ngement du nuage. Les seuils ont été choisis de façon
sentnettement ont suivi ce qu'on peut appeler un sentier afin que le nombre de firmes sélectionnées soit suffisamment important.
3. Ce sont de même les firmes dont la coordonnée suivant l'axe 2, 3 ou 4 est
de croissance équilibrée, très forte pour les unes et quasi supérieure i 1.
CYCLES D'INVESTISSEMENT 9
8 671002 5 59 2
Ên% IV
Taux d'accumulation brut *
(Médiane de chaque groupe)

Firmes
à investissements
spécifiques

Firmes motrices

•■•••Firmes freins

1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 Années
* Le taux d'accumulation brut est égal aux investissements en immobilisations de l'année hors frais
d'établissement rapportés aux immobilisations brutes en fin d'année calculées également hors frais d'éta
blissement.

de plus courte durée : cela correspond assez bien aux effets assez régulier alors que les firmes répondant aux profils
obtenus à partir des fonctions d'investissement utilisées secondaires 3 et surtout 2 et 4 se caractérisent par une
pour certains modèles macroéconomiques. très grande instabilité du taux d'autofinancement. Si l'on
se rappelle que le profil-type 1 exprime la croissance génér
• Le taux d'autofinancement apparaît plus stable, au cours ale de longue période (mais pas uniquement), on peut
de la période, pour les groupes des firmes motrices et des comprendre pourquoi la relation entre autofinancement et
firmes freins que pour les autres entreprises (tableau 1). investissement est aisément démontrée au niveau macro
Les firmes correspondant au profil de longue période économique, mais beaucoup plus difficilement au niveau
paraissent ainsi avoir un comportement d'autofinancement microéconomique [7 et 8].
10
GRAPHIQUE V En%
Rentabilité des fonds propres *
20

\ Firmes motrices
15

Firmes
10 à investissements
spécifiques

V Firmes freins

1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 Années
* Capacité d'autofinancement „_
(Capital + Réserves + Résultats + Comptes de provisions + Comptes d'amortissement)

TABLEAU 1
Taux d'autofinancement *
En%
Groupas de firmes 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975

Firmes motrices 107 103 94 117 111 95 101 93 107 103 111 159
Firmes freins 101 139 101 121 149 116 121 151 115 134 153 46
Firmes à investissements spécifiques
(groupe 2) 98 58 51 70 133 105 122 153 126 228 173 95
Firmes sensibles à la conjoncture
(groupe 3) 134 152 118 91 84 60 104 131 111 118 111 144
Firmes en difficulté (groupe 4) 71 143 176 118 194 82 77 88 118 195 230 171

* Capacité d'autofinancement/(lnvestissements en immobilisations + Variations des participations et prêts a plus d'un an).

CYCLES D'INVESTISSEMENT 11
2.
Cela rejoint les réflexions menées par le commissariat comme en 1970, les firmes du profil-type 4 sous la pression
au Plan concernant l'extrême dispersion des taux d'auto de la demande interne et externe.
financement des entreprises, comparés à d'autres variables
de structure financière. Pour l'ensemble de l'échantillon • L'intensité capitalistique des firmes motrices n'est pas
de la Centrale de bilans du Crédit National, par exemple, plus faible que celle des entreprises des autres groupes,
la distribution est telle que le taux d'autofinancement est que ce soit du point de vue des immobilisations par personne
de 74 % pour le premier quartile et de 207 % dans le employée ou des frais de personnel dans la valeur ajoutée.
troisième quartile, en 1974. Ces taux sont respectivement En effet, ce dernier taux, égal à 63 % pour les firmes motrices,
de 34 et 195% pour l'année 1975. Lorsqu'un quart des n'est pas significativement différent des taux des trois autres
entreprises a un autofinancement inférieur à 34% des groupes : 67, 70 et 69 % en moyenne pour les années 1973
investissements, on peut se poser la question de savoir et 1974.
si le système financier est assuré d'avoir dans tous les cas • Plus qu'au rapport capital/travail, c'est à la durée de rotation
la souplesse nécessaire pour pallier l'insuffisance des res du capital fixe qu'apparaissent liés les rythmes de croissance
sources internes et éviter l'insolvabilité de certaines entrep sur longue période (tableau 2). Ce résultat s'explique assez
rises. Quand, à l'inverse, le taux d'autofinancement est bien si l'on se rappelle que l'investissement brut comprend
supérieur à 200% pour un autre quart de l'échantillon, les dépenses de renouvellement des équipements (encadré
on peut se demander ce que font les entreprises des dispo p. 13).
nibilités qu'elles génèrent : les conservent-elles pour amél • Autre caractéristique financière des firmes motrices,
iorer le fonds de roulement, les utilisent-elles pour rem le taux de profit (capacité d'autofinancement/fonds propres
bourser des emprunts par anticipation ou décident-elles
de les conserver pour investir l'année suivante ? Dans + comptes de provisions + comptes d'amortissement) est,
pour l'année 1974, à peu près deux fois plus élevé pour les
cette hypothèse, l'idée a été émise que les actifs financiers firmes motrices (18,5%) que pour les firmes freins. Si l'on
mis à la disposition des entreprises pour placer leurs excé
dents de trésorerie n'étaient peut-être pas suffisamment suppose, comme il est logique, que les investissements
de croissance (investissements nets) dépendent surtout
nombreux, ni tout à fait adaptés quant aux montants et de la progression des ventes et du taux de profit, on conçoit
aux durées. que sur ce plan également le premier groupe l'emporte
La mesure du taux d'autofinancement pour une année largement sur le second. Les performances des firmes
donnée peut, il est vrai, correspondre à des différences industrielles motrices peuvent-elles être imputées au fait
permanentes et structurelles entre les entreprises, ou à la que leur capital fixe soit relativement léger et qu'il tourne
saisie de phases particulières dans la vie de chaque société. rapidement ? La question est délicate car on ne fait ici que
C'est cette deuxième hypothèse qui paraît la plus vraisem constater la simultanéité des deux phénomènes. Contentons-
blablesi l'on considère les profils 2 et 4. Il est alors possible nous de constater qu'une rotation rapide du capital
de répondre, au moins partiellement, à l'une des questions doit permettre d'incorporer plus vite le progrès technique
évoquées précédemment : un comportement d'autofina par l'acquisition plus fréquente de nouvelles machines,
ncement macroéconomique et à moyen terme n'est pas mais aussi de reconvertir sans trop de retard les équipe
incompatible avec des écarts instantanés considérables ments pour fabriquer d'autres produits lorsque la demande
dans les taux d'autofinancement des entreprises, car il évolue. Les entreprises motrices ont un taux de profit
correspond à une politique qui n'est que l'un des profils fort et régulier par rapport aux autres groupes; cela confirme
d'évolution possibles au niveau de la firme. Toutefois, l'observation déjà faite au niveau sectoriel : une durée de
peut-on encore parler de « comportement » au niveau rotation du capital plus courte (ici du capital fixe) confère
global ? une plus grande souplesse d'adaptation [12].
Les autres composantes du profil d'accumulation font Au total, le profil-type 1 qui exprime la tendance de
plutôt appel au mécanisme de l'accélérateur; dans ce cas, croissance la plus générale sur la période 1964-1974 paraît
les taux d'autofinancement peuvent être très élevés ou
très faibles suivant les firmes, comme en 1966, 1971 et 1974, dépendre de deux caractéristiques financières importantes
car les entreprises qui s'y conforment fixent leurs investiss de l'entreprise : la rentabilité, qui entraîne l'investissement
de croissance et la vitesse de rotation du capital fixe qui
ements de l'année assez indépendamment du profit dégagé
pendant la même année. Il semble donc valable de tenir entraîne l'investissement de renouvellement. La durée de
compte d'un comportement d'autofinancement, pour prévoir vie relativement courte des moyens d'exploitation des
entreprises motrices est sans doute due pour l'essentiel à
les investissements, dans un modèle macroéconomique à
cinq ans comme FIFI [9] qui ne fait apparaître que la dernière des nécessités techniques. Mais cette observation donne
année (modèle statique); par contre, pour la construction quelque crédit à la thèse selon laquelle la croissance fran
çaise a été en partie soutenue de 1968 à 1974 par une accélé
d'un modèle de cheminement, c'est-à-dire décrivant égal ration du rythme de déclassement des équipements : en
ement les années intermédiaires comme STAR [10] ou
DMS [11], il est plus normal de tenir compte de comporte effet, c'est sur cette période que le premier axe factoriel,
ments plus complexes : accélérateur ou modèle de taux lié à la vitesse de rotation du capital fixe, imprime plus
de profit, les deux solutions étant économétriquement nettement sa marque à la croissance du potentiel de product
très voisines. De 1964 à 1967, les firmes du profil-type 2 ion.
ont eu un effet d'entraînement relativement important Ce phénomène peut également s'expliquer par le rôle
12
moteur joué par ces entreprises dans le développement
économique; ces firmes assurent en effet par leur place
très particulière dans les échanges interindustriels et par DURÉE DE VIE DES ÉQUIPEMENTS
leur « masse spécifique » dans la production nationale, ET INVESTISSEMENTS
une fonction d'entraînement des structures industrielles. Si l'on appelle K le capital installé au début de la période,
N la durée de vie des équipements et Ir les investissements de
Où se trouvent les firmes motrices... renouvellement, Ib les investissements bruts et In les investiss
En effet, les firmes performantes semblent exercer leur ements nets, on peut écrire :
activité dans certaines branches de production privi Ib = Ir + In (flux d'une année)
et: K = Nlr
légiées.
• 22 entreprises fabriquent des biens d'équipement. donc :
L'analyse confirme ainsi le rôle moteur de ces industries.
Mais il faut remarquer que ce résultat a été obtenu par une K~N~K
étude au niveau des entreprises et non pas des secteurs Le ratio Immobilisations brutes/Dotations aux amortissements
d'activité. Les chiffres réunis par l'INSEE au moment de la mesure en effet la durée de vie comptable des équipements,
que leur âge moyen soit élevé (si l'on a investi il y a longtemps)
préparation du VIIe Plan ont en effet révélé que le dévelop ou faible (si les investissements sont récents), II s'agit bien là
pement des industries d'équipement avait été très fort d'une caractéristique technico-économique de la firme.
entre 1960 et 1970. Plus précisément, alors que le capital Si l'on suppose que les équipements des entreprises motrices
fixe croissait dans l'ensemble de l'économie au taux de ont une durée de vie de dix ans et ceux des firmes freins de cinq ans
6,1 % par an et la production au taux de 5,9 %, ces taux (ce qui résulte à peu près du tableau 2), on a pour le premier
en volume étaient respectivement de 7,9 et 9,2% pour groupe :
les machines et appareils mécaniques, 9,1 et 9,2 % (ta)_ (/n)
~K ~ To T ~ /o + ~K
pour les machines et appareils électriques, 8,2 et 9,3% pour
les automobiles et cycles et enfin de 2,5 et 5,6% pour la Et pour le deuxième groupe :
construction navale et aéronautique qui connaît un dévelop /o"t~
pement moins brillant. Or le repérage des éléments dyna K 20 ^ K K
miques de la structure économique est envisageable à On voit donc que pour un investissement de croissance égal
différents niveaux d'agrégation : ainsi, alors que le secteur pour les deux groupes, les firmes motrices ont, sur longue période,
des biens d'équipement apparaît comme moteur lorsque des taux d'accumulation bruts plus élevés de 5 points que les
firmes-freins en raison de l'importance des investissements de
l'on utilise le découpage en 11 secteurs de la « Fresque renouvellement. Cette différence se retrouve d'ailleurs au
historique du système productif », la croissance n'est pas travers d'un indicateur voisin : l'âge moyen comptable des
homogène à l'intérieur même de cet ensemble. Ainsi, la équipements au 31 décembre 1974 (calculé par le ratio Comptes
d' amortissements/Dotation de l'année aux amortissements,
construction navale et aéronautique apparaît plutôt comme qui était de quatre années et demie seulement pour les firmes
un élément frein dans une nomenclature en 28 branches. dynamiques contre sept ans et demi pour les autres groupes.
L'analyse de données microéconomiques permet de retrou
verdans l'ensemble le caractère dynamique des firmes
d'équipement. Toutefois, on doit préciser que le groupe
des firmes motrices ne comprend pas toutes les entreprises
de biens d'équipement et qu'il comporte aussi des firmes TABLEAU 2
appartenant à des secteurs différents. Quant au rôle straté Durée de vie théorique des équipements *
gique de ce secteur, une explication cohérente en a été
fournie dans la « Fresque historique » : ces entreprises En années
se sont en effet caractérisées par la conjonction d'une pro
gression très rapide de leur capital et d'une amélioration Groupes de firmes 1964 1974
sensible de leur efficacité technique; elles en ont fait bénéf
icier les secteurs situés plus en aval puisque le prix des
biens d'équipement a augmenté moins vite que celui de
la valeur ajoutée. Cet effet-prix, joint à l'innovation techno Firmes motrices 7,90 9,71
logique incorporée dans ces biens, a évidemment incité Firmes freins 15,39 19.70
à la mise en place de capacités de production nouvelles Firmes à investissements spécifiques
dans l'ensemble de l'économie française. (groupe 2) 10,35 15,12
• 8 entreprises « dynamiques » appartiennent au secteur Firmes sensibles à la conjoncture
des matériaux de construction au sens large (c'est-à-dire (groupe 3) 10,82 15.07
y compris une firme de céramique et 3 firmes de commerce Firmes en difficulté (groupe 4) 9.75 12,90
de matériaux de construction). Là aussi, on vérifie qu'un
certain déterminisme sectoriel agit sur le profil d'accumulat
ion puisque la Comptabilité nationale indique pour cette * Immobilisations brutes en fin d'année/Dotation aux amortissements
branche un développement très rapide de 9,3 % par an de l'année.
pour le capital fixe et de 7,7% pour la production.
CYCLES D'INVESTISSEMENT 13
• Le groupe comprend également quatre entreprises de sements prévus, dans des conjonctures assez diverses, grâce
commerce : un magasin populaire et trois commerces de aux procédures de planification financière qu'elles mettent
gros, respectivement de métaux, bois et tapis, donc assez en œuvre et à leur accès plus facile au marché financier,
liés à la construction. Dans ce cas aussi, la profession appar alors que les entreprises de moins de 500 salariés procèdent
aissait comme dynamique dans les statistiques globales, plus à des rectifications de l'ordre de 20 % de leurs dépenses
en raison du développement de son capital (8,6%) d'ailleurs, d'équipement. Le phénomène de taille semble cependant
que de son volume d'activité (5,3 %). On peut noter au jouer dans des proportions limitées. Toutes les firmes de
passage que le groupe ne comprend pas de firmes du secteur plus de 500 millions de F de chiffre d'affaires, notamment, ne
du papier-carton, traditionnellement considéré comme très se retrouvent pas dans le groupe moteur; leur influence
lié à la conjoncture générale : cela tient au fait qu'on analyse sur la croissance générale est compensée par celle de petites
ici les profils d'investissement et non les profils de product et moyennes entreprises situées sur des créneaux dyna
ion. miques.
En résumé, la firme motrice type de la période 1964-1974
... et les firmes freins est une entreprise de biens d'équipement d'environ 200 mil
Du côté des firmes freins, on retrouve un certain déter lions de F de chiffre d'affaires. La régularité de son rythme
minisme sectoriel qui explique en grande partie la faiblesse d'accumulation provient d'une conjonction d'éléments
de la croissance de ces 29 firmes. On y trouve en effet : favorables :
— la rotation rapide de son capital fixe;
• 5 firmes de l'industrie céramique auxquelles on peut
adjoindre une petite verrerie et une entreprise d'extraction — la bonne stabilité, à un niveau élevé, du taux de profit
de grès. Il semble que l'origine de leurs difficultés soit un et dans une certaine mesure du taux de croissance des
problème de marché (substitution du plastique); ventes;
— une stratégie d'investissement et d'endettement cohé
• 5 firmes textiles, ce qui ne surprendra pas trop, la crois rente de manière à maintenir une structure financière équi
sance du capital et de la production étant respectivement librée.
de 4,6 et 3,7 % l'an sur la période;
Au total, le groupe des firmes dynamiques reste pratique
• 5 entreprises moyennes de sidérurgie, métallurgie génér ment à son « plafond » d'investissement sur la période 1964-
ale(4,6 % et 3,7 %); 1974, c'est-à-dire dans la phase 1 du cycle d'accumulation
• 2 entreprises de papier-carton : on connaît la lourdeur type, qu'on avait caractérisée comme un régime d'offre
des installations nécessaires à cette profession et la durée de du point de vue de la théorie des déséquilibres. A l'inverse,
vie très longue des machines utilisées; les firmes routinières ne paraissent guère s'écarter du
• 5 firmes de biens d'équipement enfin, ce qui montre « plancher » d'investissement, c'est-à-dire du seuil min
que l'effet sectoriel a des limites et qu'il y a des entreprises imum des dépenses de renouvellement (phase 4).
en déclin dans ces industries : cela paraît tenir aux stratégies Le respect d'une norme d'autofinancement des investiss
des sociétés, puisque l'une d'entre elles est, par exemple, ements semble bien correspondre, d'une manière générale,
une grande entreprise d'appareils de mesure cotée en Bourse au développement à moyen ou long terme des entreprises.
qui n'avait pas élargi suffisamment tôt sa gamme de produits Il s'agit de ce fait d'un comportement tendanciel que l'on
et tardé à quitter ses installations parisiennes vieillies. trouve cependant assez bien réalisé dans deux types de
Dans l'ensemble, le niveau très limité des investissements firmes : les unes, très rentables et dont le capital fixe tourne
renvoie à des difficultés particulières de ces entreprises assez vite, de sorte que l'équilibre entre autofinancement
dont le chiffre d'affaires moyen était de 147 millions de F et investissement se réalise à un haut niveau du taux d'accu
en 1974. mulation; les autres, dont la rentabilité est médiocre et
Le groupe dynamique, lui, est constitué surtout d'entre la rotation du capital fixe très lente, assurant l'équilibre
prisesassez grandes dont le chiffre d'affaires moyen hors avec une croissance très faible du capital productif.
taxes est de 161 millions de F en 1974, alors que les firmes aux
profils contrastés (groupes 2 et 4), plus petites, ne réalisent Des entreprises qui investissent
que 48 et 82 millions de F. Cette différence de taille peut à leur rythme spécifique
expliquer, par le volume de leurs achats, l'effet d'entraîne
ment que celles-ci exercent sur l'économie. Toutefois, l'arg Le deuxième profil-type s'analyse de la manière suivante :
ument n'est pas valable pour les entreprises du groupe 3 dont forte concentration des investissements sur les toutes pre
le chiffre d'affaires moyen s'élève à 149 millions de F. Le mières années, suivie d'une limitation stricte jusqu'en 1972
groupe dynamique se caractérise aussi par une plus grande par rapport à la tendance moyenne. Cette évolution paraît
stabilité du taux de profit et de la progression du chiffre s'expliquer elle-même par la baisse de la rentabilité à partir
d'affaires, phénomène assez généralement observé dans les de bons résultats du début de période, ce qui a à la fois
grandes entreprises et qui est dû, semble-t-il, à une plus large supprimé toute incitation à investir et diminué les moyens
diversification et plus généralement à une meilleure compens financiers disponibles (graphiques IV et V). Elle semble liée
ationentre les effets des multiples facteurs qui peuvent également à une grande vitesse de rotation du capital cir
influer sur la vie de la société. Au demeurant, les très grandes culant, mais peut-être s'agit-il là d'un phénomène sectoriel
firmes parviennent à réaliser approximativement les (tableau 3) ....,....._
14
En effet, près de la moitié des entreprises du groupe 2, TABLEAU 3
soit 17 sur 36, sont des affaires de commerce (1 magasin
populaire, 2 grands magasins, 4 commerces de gros aliment Durée de rotation du capital circulant*
aires, 10 commerces de gros non alimentaires). Les investi
ssements dans ce secteur sont assez indivisibles : il s'agit En mois
souvent de l'installation d'un entrepôt ou d'un magasin
supplémentaire qui, une fois mis en place, peut continuer à Groupes de firmes 1964 1973 1974 1975
être utilisé pour des volumes d'activité fortement croissants.
La liaison entre le volume des installations et celui de l'act
ivité est moins rigide que dans l'industrie. Dès lors, les
dépenses d'investissement ne répondent plus à un mécanisme Firmes motrices 1,90 2,65 2,28 2,69
d'accélérateur à court terme, mais à l'adaptation, sur longue Firmes à investissements spé
période, des « capacités » à la demande. On peut noter à cifiques (groupe 2) 1,06 1,02 1,40 1,17
cet égard que les entreprises de ce groupe sont les seules à Groupe 2 (-)1 3,47 3,13 3,54 3,24
ne pas avoir connu une flambée de leur chiffre d'affaires en Firmes sensibles à la conjoncture
1969-1970. Étant très proche de la demande finale, leur (groupe 3) 1,71 1,44 2,18 1,96
activité connaît assez peu les fluctuations qui caractérisent Firmes en difficulté (groupe 4). 2,47 3,38 2,90 2,67
les fabricants de biens d'équipement et de biens interméd
iaires. La croissance de leurs ventes est plus régulière et
leurs décisions d'investissement plus faciles à planifier. * (Stocks + Crédits clients nets — Crédits fournisseurs nets)/(Ventes
Ce groupe, à très forte inertie, comprend également trois annuelles hors taxes/12).
1. Les entreprises appartenant à ce groupe ont une coordonnée très
entreprises de l'industrie céramique, trois fabricants de faible
qui lesparoppose
rapport
aux aufirmes
deuxième axe factoriel.
2 pour Elle est inférieure à —1, ce
matériel de levage et deux fromageries, le reste du groupe du groupe lesquelles ces coordonnées
sont supérieures à 1.
étant dispersé dans les autres secteurs. Il s'agit en général
de petites entreprises : leur chiffre d'affaires moyen est de
13 millions de F en 1964 et de 48 millions de F en 1974.
Cela explique assez bien les fluctuations observées dans leurs
cycles d'investissement : les petites firmes réalisent en effet de l'excédent brut d'exploitation en 1964 à 32 % en 1970
des investissements moins fréquents, mais relativement plus (tableau 4); ils proviennent, il est vrai, également des em
prunts à court terme contractés en principe pour financer
importants que les grandes sociétés, dans la mesure où elles
doivent faire passer leur capacité de production de une à le capital circulant. Quoi qu'il en soit, leur poids ne s'allège
deux unités et non de 17 à 18, par exemple. L'examen du qu'en 1973, mais très nettement.
profil 2 confirme, sous une forme presque caricaturale, que En définitive, les entreprises commerciales du groupe 2
la politique financière d'une entreprise subit le contrecoup ont été contraintes, pour financer l'accumulation de début
des différentes phases d'investissement qu'elle traverse. de période, de supporter un endettement à moyen et long
L'accumulation de capital productif très forte en début de terme très important. Compte tenu du niveau médiocre
période (phase 1 du cycle type) puisque le taux cumulé sur de la rentabilité, le remboursement de ces emprunts n'a pu
1965-1967 est de 140 %, a contraint les firmes de ce groupe à se faire que progressivement entre 1968 et 1974 et ce n'est
un recours important à l'endettement à moyen et long terme. qu'à cette date que les conséquences de la structure finan
Celui-ci représente, en 1966, 40 % des fonds propres contre cière sur le compte d'exploitation, et sur l'équilibre emplois-
12 % un an auparavant (graphique VI). Mais la structure ressources, ont pu être résorbées. C'est d'ailleurs en 1974
financière est demeurée déséquilibrée bien après l'achèv que le taux d'accumulation se redresse un peu : les éléments
ementde cette période de fort investissement (phase 2 financiers ont sans aucun doute joué un rôle déterminant
du cycle type) : le degré d'engagement (encours de dettes dans la décision des firmes du groupe 2 de ne pas réinvestir
à plus d'un an/capacité d'autofinancement) est de près de pendant longtemps. La régulation effectuée par le système
deux années d'autofinancement en 1966-1967 et ne descend financier, qui n'apparaissait pas dans le profil de longue
en-dessous de 1,5 année qu'en 1973, alors même qu'il oscille période, se manifeste dans celui-ci : elle a en effet contribué
entre 1 et 1,4 année pour les firmes motrices au cours de au financement des dépenses d'équipement très lourdes du
cette période. On aboutit à la même conclusion si on examine début, mais elle a ensuite concouru à limiter les investi
la ponction effectuée par les remboursements sur la capacité ssements.
bénéficiaire brute; le maximum se situe en 1969 compte
tenu des différés d'amortissement des emprunts : les annuités
représentent alors 39 % des profits, ce qui obère évidem D'autres qui reflètent les fluctuations
mentles emplois des firmes; le prélèvement ne revient à de la conjoncture...
un niveau voisin de celui des autres groupes qu'en 1974
(graphique VII). Autrement dit, et malgré la dévalorisation La troisième composante principale se caractérise par une
relative de la dette due à l'inflation, les perturbations finan forte concentration des investissements entre 1967 et 1969
cières des investissements de 1965-1967 n'ont été absorbées qui semble s'expliquer en premier lieu par la hausse de
que 7 ans plus tard. Les frais financiers passent de 11 % la rentabilité au cours de la même période.
CYCLES D'INVESTISSEMENT 15
GRAPHIQUE VI
Taux d'endettement à terme *

Firmes sensibles
à la conjoncture

Firmes motrices
«•""""* ammm+/Firmes
/ en difficulté

Firmes
•••••. à investissements
spécifiques

19641965 1966 1967 1968 1969 1970 19711972 1973 1974 Années
« Dettes à long terme et moyen terme
(Fonds propret + Comptes courants d'associés + Obligations convertibles)
.

Le groupe 3, au profil tourmenté, se compose surtout de production. Il est vrai que les immobilisations brutes repré
firmes fabriquant des biens d'équipement (15 sur 31) et dans sentaient déjà 51 % des actifs, exigeant en conséquence un
une moindre mesure d'entreprises commerciales (7 firmes) important endettement à plus d'un an. Cette solution ne
et de biens intermédiaires (5 firmes). En 1969-1970, ce groupe pouvait qu'être provisoire : elle a été relayée en 1972 par
a connu les problèmes des entreprises qui grandissent trop une reconstitution du fonds de roulement. Celle-ci n'a elle-
vite : le taux de croissance très élevé de l'activité a entraîné même été rendue possible rapidement que par une consoli
une augmentation notable des besoins en fonds de roulement dation de la dette : c'est pourquoi l'endettement à terme,
ces années-là; d'où un problème de financement spécifique qui avait commencé à fléchir en 1970, a atteint son sommet
qui a été plus ou moins réglé par un large recours aux (66 %) en 1973. Des crédits de trésorerie ont pu alors être
crédits de trésorerie (bancaires pour l'essentiel). Dans ces remboursés. L'intervention du système financier s'est donc
conditions, il est clair que, pour les entreprises du groupe 3, faite en trois temps : de 1967 à 1969, il a facilité le financement
le financement de l'accroissement du capital circulant des investissements par des prêts à moyen et long terme,
(stocks, créances) n'a pas été résolu en même temps que en 1970 et 1971 il a contribué au financement des nouveaux
le financement des investissements alors qu'il était rendu besoins en fonds de roulement par des crédits de trésorerie,
inévitable par la mise en place de nouvelles capacités de enfin, en 1972 et 1973, il a été obligé de consolider ces crédits
GRAPHIQUE VII
Poids des remboursements *

enladifficulté
àFirmes
conjoncture
sensibles

Firmes
^--" à investissements
spécifiques
Firmes motrices

1964 1965 1966 1967 1968196919701971 197219731974 Années


Remboursements d'emprunt à long et moyen terme
Capacité d'autofinancement
pour asseoir la situation financière des entreprises. comment les entreprises faisant partie du groupe 4 ont pu
On voit ainsi apparaître pour le groupe 3 des problèmes réinvestir en 1969-1970 après avoir investi en 1964.
liés au financement de l'exploitation qui ne se posaient
pas pour le profil 2. Cela a contraint le système financier Cela peut s'expliquer tout d'abord par une moins grande
à jouer un double rôle de régulation, au moins sur une partie indivisibilité des équipements pour ces firmes que pour
de la période, au niveau de l'endettement de croissance celles des groupes 2 et 3. Le taux d'accumulation a été égale
habituel d'une part, au niveau de l'endettement de consol ment moins élevé en 1964 qu'en 1969-1970 : on peut en
idation d'autre part; avant 1974, le groupe 3 est le seul dont déduire que c'est parce qu'elles avaient investi modérément
le taux d'endettement n'est pas régulièrement descendu en 1964, et donc gardé des ressources en réserve, que les
entreprises du groupe ont pu réinvestir quelques années
après la phase d'investissement. plus tard lorsque la demande eût fortement progressé.
... ou participent activement Cette attitude a d'ailleurs été assez générale à l'ensemble
des secteurs puisque la composition du groupe 4 comprend
au boom de 1969-1970 aussi bien des producteurs de biens d'équipement (10 entre
Le profil 4 se caractérise par l'existence de deux pointes prises sur 26) que des firmes de biens intermédiaires (7 dont
des taux d'accumulation au cours de la période considérée : 3 cimenteries et 3 usines métallurgiques), de biens de consom
en 1964, puis en 1969-1970. Il paraît intéressant de chercher mation traditionnels (2 firmes textiles, 2 affaires de céra-
CYCLES D'INVESTISSEMENT 17
8 671002 5 59 3
TABLEAU 4
Impact des charges d'intérêts sur les bénéfices *

Groupes de firmes 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 197-4 1975

Firmes motrices 13,9 13,1 13,9 13,8 12.7 15,0 21.9 22.6 19,0 21,7 26,6 32.0
Firmes à investissements spécifiques
(groupe 2) 11.4 12.2 16,9 21.2 20,5 29.5 32,5 29,0 27.3 19,5 20,6 30,7
Firmes sensibles à la conjoncture
(groupe 3) 15,7 13,5 15,5 14,7 19,2 26.5 44,2 23,6 25,1 28,6 38,3 43,1
Firmes en difficulté (groupe 4) 18,6 19,1 18,6 15,1 14.8 18,6 22,7 26.4 26,2 25,0 31,8 39,0

* Frais financiers/(Résultat brut d'exploitation + Frais financiers).

TABLEAU 5
Ampleur du recours aux crédits de trésorerie *
En mois

Groupes de firmes 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975

Firmes motrices 0.75 0.62 0.67 0,55 0,50 0,39 0,44 0,68 0,91 0.75 1,04 1,31
Firmes à investissements spécifiques
(groupe 2) 0,07 0.29 0,22 0,24 0,29 0,36 0,25 0,39 0,33 0.18 0,56 0,45
Firmes sensibles à la conjoncture
(groupe 3) 0,50 0,46 0,34 0,22 0,29 0,50 0.63 0,62 0,43 0,68 0,98 0.77
Firmes en difficulté (groupe 4) 0,60 0,63 0,35 0.25 0,58 0,65 0,89 0.74 1,10 1,10 1.18 1,05

autres♦ que
Ressources
d'exploitation
nettes -deDébiteurs
trésorerie/(Ventes
autres queannuelles/12)
d'exploitationavec
- Disponible
Ressources- nettes
Titres dede trésorerie
placement.» Encours des prêts bancaires à moins d'un an + Créditeurs

mique et 1 fromagerie) et des commerces de gros (au nombre fonds de roulement en raison même de l'accroissement de
de 4). l'activité.
Financièrement, les entreprises du groupe étaient peu Cela explique que les firmes appartenant au groupe 4
endettées en 1968, c'est-à-dire avant la deuxième phase de aient subi en 1969-1970, puis en 1972, de graves difficultés
fort investissement ; mais la progression de leurs ventes de trésorerie. En 1969-1970, ces entreprises se trouvaient
et leur rentabilité étaient très faibles depuis 1968. Les entre en effet déjà engagées dans des opérations d'investissement
preneurs ont donc pu très bien décider de réaliser une nou qui exigeaient la mise en place de capitaux permanents
velle vague d'investissement pour tenter de redresser une importants; l'accroissement du capital circulant n'a de ce
situation médiocre, en anticipant sur le développement pré fait pu être réalisé que par appel à des crédits bancaires à
visible de la demande. La croissance des ventes en 1969 a été court terme.
en effet particulièrement brillante : plus de 29 %. Pour Les crédits de trésorerie nets sont passés entre 1967 et
investir, les entreprises ont été obligées en contrepartie 1970 de sept à vingt-sept jours d'un chiffre d'affaires lui-
de s'endetter fortement à terme. Mais elles ont dû, en outre, même en expansion vigoureuse (tableau V); cela donne
faire face à une augmentation très forte de leurs besoins en la mesure des difficultés qu'ont pu connaître d'autres entre-
18
prises moins soutenues par le système bancaire qui était La construction de biens d'équipement s'étalant en général
d'ailleurs, à cette époque, lui-même soumis à l'encadrement sur plusieurs mois sinon sur un ou deux ans, leur livraison
du crédit. Les faillites [13], les impayés [14] et les absorptions aux entreprises qui avaient passé commande en 1968-1969
ont effectivement été très nombreux en 1970 et ont eu sans n'est intervenue qu'en 1969-1970, et même en 1971. Par
doute en partie pour victimes des entreprises qui ont parti ailleurs, l'afflux de commandes de machines et d'installations
cipé peut-être un peu inconsidérément au mouvement a provoqué, en 1969-1971, un accroissement important de
général d'investissement. Les mêmes problèmes se sont l'activité des industries de biens d'équipement (construction
posés en 1972-1973, mais cette fois l'augmentation des mécanique, construction électrique...) et des fabricants de
besoins en fonds de roulement était due surtout, semble-t-il, matériaux de construction. Constatant la saturation rapide
à l'allongement de la rotation du capital circulant qui passe de leurs propres capacités de production, ceux-ci ont, à leur
de deux mois à deux mois et demi et qui s'expliquait lui- tour, décidé d'investir massivement : mais, comme leurs
même par le brusque freinage de la progression des ventes, commandes s'adressaient elles aussi à des entreprises pro
d'où une constitution de stocks excédentaires. duisant des biens d'équipement, il s'est produit pour ce
secteur une sorte d'effet cumulatif qui a entretenu un fort
courant d'investissement jusqu'en 1974.
Ce décalage entre le moment où les investissements ont
été décidés et celui où les nouvelles capacités de product
Les investissements ion ont été effectivement mises en oeuvre a sans doute eu
pour conséquence que de nombreuses entreprises ont
et la récession de 1974-1975 continué, au moins dans certaines branches, à commander
des équipements alors même que la demande était déjà
virtuellement satisfaite par les unités de production en
On ne peut pas déterminer, par une simple comparaison cours de fabrication 4.
entre agrégats macroéconomiques, quels sont les seuils à par On peut émettre l'hypothèse que les firmes prises sépa
tir desquels s'enclenchent les processus de dépression éco rément sont difficilement parvenues à utiliser pleinement
nomique et comment les comportements des entreprises leur potentiel de production, même avec une progression
affectent la conjoncture générale qui, en retour, fixe le cadre de la demande globale : un tel phénomène de « surcapitalisa
plus ou moins étroit, dans lequel s'inscrivent les stratégies tion » pourrait expliquer le niveau, somme toute assez
de ces firmes. modeste, de la croissance du chiffre d'affaires en 1971 et
L'étude des chroniques particulières d'entreprises peut de la rentabilité de 1970 à 1972 pour le groupe 3, si l'on
toutefois fournir quelques pistes pour une analyse plus tient compte du taux d'érosion monétaire; la remarque
globale de la crise en permettant, notamment, d'apprécier vaut également pour le groupe 4 en 1971-1972 s. Il manque,
l'influence, sans doute modeste, de la dynamique propre pour étayer cette hypothèse, des données sur les prix et les
aux firmes françaises, au cours des années récentes. capacités de production non recensées par les centrales de
bilans.
Sur ce point, on pourrait être tenté, encore que la
démarche soit hasardeuse, de faire remonter les premières Dans ces conditions, ces entreprises auraient arrêté leurs
causes proprement nationales de la récession industrielle investissements à cette date; cela expliquerait la mise en
aux événements de mai 1968. phase des profils 3 et 4 correspondant, avec le profil 2, à
un bas niveau d'accumulation, au cours de la période 1973-
L'arrêt des usines pendant plusieurs semaines a en effet 1974, alors que ces trois profils étaient auparavant décalés6.
retardé la réalisation des investissements prévus cette
année-là, qui ont été, pour certains d'entre eux, repoussés La situation aurait pu s'améliorer à la suite des très bons
à l'année suivante. Par ailleurs, les accords salariaux de résultats du premier semestre 1974 : mais le retournement
Grenelle ont entraîné une augmentation subite et impor de la conjoncture mondiale a été d'une telle ampleur que la
tantedu pouvoir d'achat, qui a fortement accru la demande demande a brusquement fléchi, ce que n'ont pas traduit les
intérieure, la demande extérieure étant elle-même stimulée comptes 1974 qui portaient sur l'année entière.
quelque temps après par la dévaluation d'août 1969.
Comme il était apparu des goulots d'étranglement dans
l'appareil productif dès la fin de 1968, les entreprises consta
tantque la demande excédait les possibilités de production 4. Ce qui correspond tans doute assez bien au principe d'accélération
ont commandé des équipements importants (bâtiments, d'Aftalion [15].supposait qu'il y avait automatiquement surproduction : en réalité,
5. Aftalion
machines); seules quelques firmes qui avaient déjà beaucoup le signe pathologique est plutôt l'existence de larges capacités de production
etinemployées
la souplessecar,de gestion
dans unepermettent
économiedans
moderne,
beaucoupl'information de l'entreprise
investi en 1966-1967 et dont la politique d'investissement de cas d'adapter la produc
tion aux ventes sans un trop grand retard; par ailleurs, et Keynes l'avait souligné,
suivait plutôt une logique de très long terme, sans doute les biens d'équipement de l'entreprise, tout au moins les plus lourds d'entre
parce que leurs moyens de production étaient indivisibles eux, sont fabriqués sur commande, ce qui exclut la surproduction mais pas l'excé
dent de résultat
capacité.est d'autant plus intéressant que, par construction, les produits
(affaires de céramique et de commerces en particulier), 6. Le
scalaires des vecteurs propres pris deux à deux sont nuls, ce qui rendait plus
ont fait exception. probable des déphasages complets.
CYCLES ^INVESTISSEMENT 19
3.
Les entreprises qui ont été le moteur de l'économie pen représentait encore 2,4 années de capacité d'autofinance
dant toute cette période, c'est-à-dire essentiellement les ment. Il semble donc probable que ce type d'entreprises
fabricants de biens d'équipement, ont subi le sort des autres ait eu beaucoup de difficultés à réinvestir en 1976 et même
entreprises (soit la diminution de leur volume de ventes et en 1977.
de leurs investissements), compte tenu des délais de réaction
intersectoriels.
Le fait que les seules firmes à reprendre un peu leurs inves
tissements en 1975 aient été celles qui n'avaient pas participé
à la forte croissance antérieure (groupe 2) semble vérifier
les hypothèses qui viennent d'être émises. Ces entreprises
ont éprouvé la nécessité de renouveler ou d'agrandir leurs L'examen d'un échantillon de firmes françaises au cours
installations qui avaient été mises en place entre 1964 et de la décennie 1964-1974 a montré que leur stratégie d'inves
1967, car l'activité avait sensiblement progressé depuis cette tissement a résulté de la combinaison, dans des proportions
date. Ces décisions d'investissement ont été rendues pos évidemment variables d'une firme à l'autre, d'une tendance
sibles par l'amélioration générale de leur situation financière à long terme de croissance assez régulière et de fluctuations
(endettement à plus d'un an, trésorerie, frais financiers, de plus courte durée. En raison de ces dernières, on peut dire
rentabilité) intervenue les années précédentes, mais elles que les entreprises connaissent des cycles d'investissement,
n'ont changé en rien le caractère stagnant de l'économie sans que cela implique d'ailleurs un caractère de grande régul
car elles apparaissaient plutôt comme des décisions de renou arité.
vellement indispensables pour des firmes investissant de La croissance régulière des investissements a plutôt été
manière épisodique. le fait des fabricants de biens d'équipement qui ont consti
Le rythme général d'accumulation sur longue période tuévraiment le moteur de l'économie durant cette période.
(représenté par le profil 1) s'est brisé en 1975. Les entre Les firmes des autres secteurs (biens intermédiaires, biens
prises motrices ont pour la première fois subi une chute de consommation et commerce) ont eu des politiques de
très sensible de leur chiffre d'affaires et de leur rentabilité. développement plus fluctuantes ou cycliques, en fonction
Les difficultés de trésorerie déjà observées en 1974 se sont de facteurs commerciaux (le marché), techniques (indivisi
amplifiées en 1975. Plus que les investissements, la reconsti bilité des équipements) et financiers.
tutiondu fonds de roulement a dû probablement constituer Quels enseignements pouvons-nous tirer quant à la gestion
en 1976 une priorité pour ce groupe d'entreprises compre des entreprises ? Essentiellement que la situation financière
nant — il faut le rappeler — une forte proportion de fabri d'une société a d'autant plus de risque d'être déséquilibrée
cants de biens d'équipement. Ces firmes n'ont dû contribuer à la suite d'une opération d'équipement qu'il s'agit d'inves
que très moyennement à la reprise. tissements de redressement à partir d'une situation médiocre,
Les entreprises du groupe 3 avaient surtout investi de que les indivisibilités techniques jouent beaucoup ou bien
1967 à 1969 et devaient sans doute réaliser de nouveaux pr que la croissance du chiffre d'affaires est fluctuante ou encore
ogrammes d'équipement en 1975. La crise a contrarié ces que les besoins en fonds de roulement sont élevés en pro
projets : la faible croissance des ventes et de la rentabilité portion du chiffre d'affaires.
n'a pas en effet incité les firmes à investir comme elles Les facteurs de l'investissement ? Il semble bien que ce
auraient dû normalement le faire. De plus, ces entreprises soit la rentabilité, dont les fluctuations se retrouvent dans
ont été contraintes de procéder à une reconstitution du les décisions d'accroissement du capital productif, la durée
fonds de roulement net en raison de l'allongement de la de vie des équipements et le poids changeant des actifs
durée de rotation du capital circulant : comme en 1972, circulants.
elles ont obtenu en 1975 la consolidation de leurs
dettes. On peut donc' penser que les firmes de ce groupe On comprend mieux aussi les modalités suivant lesquelles
se sont adaptées à la crise, au point de vue financier du moins, se nouent les relations entre système industriel et système
et que la faiblesse de leur taux de profit ainsi que les lourdes financier : l'endettement à plus d'un an des entreprises
échéances de remboursement ne doivent guère les inciter à s'explique principalement par leur profil d'investissement.
investir rapidement. On peut ainsi à juste titre parler d'endettement de crois
sance lorsque les firmes installent de nouveaux équipements
Enfin, la crise a touché encore plus fortement les firmes et qu'il est très normalement remboursé progressivement
du groupe 4 qui ont été les dernières à investir, entre lorsqu'elles marquent une pause dans leur développement.
1969 et 1971. Le ralentissement de la croissance en 1974-
1975 a sans doute entraîné une surcapacité de l'outil de pro Le recours aux crédits à court terme, qui proviennent
duction et un alourdissement des besoins en fonds de roule essentiellement des banques, traduit également l'impact
ment (stocks excédentaires). Le déséquilibre à court terme de la politique d'accumulation du capital : des besoins sup
a été en partie résorbé en 1975 par la consolidation de la plémentaires en capitaux circulants apparaissent en effet
dette, mais l'incidence des charges financières (intérêts et souvent juste après une phase d'investissement, soit parce
remboursements) sur les ressources de l'entreprise ne s'est que la demande se maintient et que l'activité progresse
aggravée qu'en 1975. A cette date, l'endettement à terme rapidement (effet de volume), soit parce que la demande
20
s'essouffle et qu'en conséquence la rotation des valeurs intensif, elle se dénoue généralement lorsque la croissance
d'exploitation se ralentit (effet de durée). cesse ou se ralentit. Toutefois, lorsque les difficultés
Mais les entreprises connaissent parfois des problèmes accroissent l'ampleur et la durée des perturbations finan
financiers et se trouvent alors mises dans l'obligation de cières auxquelles sont soumises les entreprises, leur survie
contracter ultérieurement d'autres emprunts à plus d'un même impose une certaine solidarité et en particulier la
an, soit pour rembourser les prêts antérieurs, soit pour consolidation de la dette vis-à-vis du système bancaire.
échelonner la charge excessive des crédits bancaires à court Dernier enseignement de l'étude, quels que soient les
terme. Ceux-ci peuvent avoir servi à financer des investisse comportements ou tendances observés au cours des années
ments, les besoins en fonds de roulement correspondant à précédentes, la politique d'investissement des entreprises
la mise en œuvre de nouvelles unités de production, ou françaises a été fortement marquée par la mauvaise conjonc
bien des besoins en fonds de roulement rendus excédent ture de l'année 1975. Le profil de croissance régulière sur
airespar le retournement de la conjoncture. On parle longue période s'étant complètement effondré cette année-
alors d'endettement de consolidation. là, trois des quatre profils se sont pratiquement retrouvés
Finalement, il ressort assez nettement que l'interpéné en phase, mais à un niveau particulièrement bas du taux
tration entre capitaux industriels et capitaux bancaires a d'accumulation : nul doute que cette temporalité spécifique
lieu à l'occasion de la régulation par le système bancaire de ait constitué un facteur important d'aggravation de la ten
l'accumulation du capital productif et du déroulement du dance générale.
cycle d'exploitation. Aussi ne présente-t-elle pas une évolu
tion linéaire : plus forte lors de phases d'investissement

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CYCLES ^INVESTISSEMENT 21

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