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BOUVET GAELLE

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LAFARGE MAUD
RICHE MARION
TAVANO LAURIANE

POÉSIE SAISONNIÈRE D’EST EN


OUEST

« Les saisons ... sont ce qu'une symphonie devrait être: quatre


mouvements parfaits en harmonie intime les uns avec les autres. » (Arthur
Rubinstein)

Alphonse Mucha (1860-1839)


Les saisons (1897)

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Préface

La poésie est un art universel à travers lequel on peut découvrir à la fois la culture
d’un pays et une philosophie différente de celle qui nous est familière. C’est dans le souci de
faire découvrir aux lecteurs un thème classique, traité de façon différente que nous avons
pris pour thème de ce recueil les quatre saisons dans quatre pays.

Partout dans le monde, des hommes et des femmes s’essaient et se sont essayés à l’art
minutieux de la poésie. C'est un travail d'orfèvre: les mots sont sublimés, les vers sont
modelés et remodelés, afin d’obtenir les plus belles sonorités et de célébrer au mieux le
thème choisi. Finalement, l'œuvre obtenue par ces heures acharnées de travail est tout
simplement unique. Contrairement à la peinture ou à la musique, la poésie, en dépassant les
frontières linguistiques, perd sa valeur rythmique et musicale, ainsi que certaines nuances
sonores. Mais la beauté des mots et de certaines tournures peut être conservée à travers la
traduction. C’est pourquoi nous avons jugé intéressant d’explorer les divers aspects de la
poésie étrangère. Pour respecter une certaine unité entre les différents textes composant le
recueil, nous avons choisi de n’y faire figurer que des poèmes en vers. Par leur forme seule,
sans même les lire, il est possible de savoir tout de suite le genre de ces textes, grâce à leur
découpage en strophes et en vers, la poésie en prose ne présentant pas cette particularité.
Vous le constaterez, sur le fond comme sur la forme, que les poèmes étrangers présentent
bien des divergences ! Ainsi, vous découvrirez l’art raffiné du haïku japonais, qui n’a pas
d’équivalent en France, ou encore le charme subtil des vers chinois.

Pourquoi avoir choisi un topos tel que les quatre saisons ? Ce thème a été traité de
nombreuses fois en poésie, si bien qu’on pourrait le croire usé. Mais dans le cas présent, il est
le lien, le connecteur logique entre différentes formes de poésie qui n’ont rien à voir entre
elles. Grâce à cette diversité, nous proposerons une approche nouvelle de ce thème, si
intéressant déjà en lui-même. Au fil de l'année, la nature évolue, prends des formes et des
couleurs différentes mais garde constamment sa beauté, beauté renouvelée, « resculptée »
selon les saisons, ces « miracles » engendrés par les solstices et équinoxes de notre planète
Terre.

Ce recueil est également un jeu de piste pour le lecteur. Il va y découvrir une vision
sur les saisons différente de celle qu’il a dans son pays : le printemps, par exemple, n’est pas
« le même » en France et au Japon. Le lecteur est un « voyageur sans bagage », qui va
découvrir un « aspect » de la Chine ou encore de la Russie à travers des poèmes, sans jamais
se rendre vraiment sur place. C’est une excursion solitaire, personnelle et cette préface
constitue en quelque sorte sa « carte routière » contenant les clefs de sa lecture. Nous lui
proposons donc un parcours dans le temps et dans l’espace, au fil d’une année, à travers
quatre pays du globe.

Nous avons réalisé ces associations selon des critères culturels et climatiques.
C’est au Japon que nous avons établit la première étape de notre voyage : le
Printemps au pays du Soleil-Levant. Pour les nippons, cette saison marquée par l’arrivée des

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premières fleurs de prunier (« ume ») puis de cerisier (« sakura ») est l’occasion d’une grande
fête traditionnelle : le Hanami ou fête des cerisiers en fleurs. Ils partagent en famille un
moment de beauté unique mais de trop courte durée. En poésie, l’art du Haiku (ou Haikai),
poèmes classiques brefs et rythmés, illustre à merveille l’éphémère beauté de la chute d’une
fleur. La paternité de ce style est attribuée à Basho Matsuo (1644-1694) qui lui a conféré une
dimension à part entière. La spontanéité de l’évocation, la recherche de l’expression juste
permettant de transmettre l’émotion vive ressentie à l’origine sont les principaux critères
pour réaliser un haiku :

Furu ike ya Dans le vieil étang


kawazu tobikomu Une grenouille saute
mizu no oto Un ploc dans l'eau!

Basho (1644-1694)

Les haiku, écrits “sur le vif”, retracent donc un instant bien précis et vont pour cela
dans l’esprit de la philosophie de Confucius: “vivre l’instant présent”. Ils ne contiennent pas
« d’image » à proprement dites comme dans les poèmes occidentaux ; c’est donc l’impression
qui est mise en avant. Cette subtilité conviendrait donc au printemps qui est
incontestablement la saison de la beauté éclatante de la nature, de la jeunesse, des amours…
Mais c’est probablement celle qui passe le plus rapidement, ne montrant qu’une splendeur
bien trop courte rejoignant là le caractère « d’aperçu » exceptionnellement bref du haiku. On
doit cependant remarquer que l’Homme, faisant partie du « cycle naturel », ne peut
s’empêcher de cadrer sa vie aux saisons ; ainsi, la jeunesse verra une période de joie lors du
retour des hirondelles tandis que les plus âgés, plus « matures » y verront peut être le reflet
de leur vieillesse. Les haïkus que nous exposons se suivent selon un enchaînement logique :
chaque poème reprend un élément du précèdent. La séquence s’ouvre sur le froid début de
printemps et se ferme sur l’équinoxe de la saison.

Les couleurs fraîches de la saison des amours laissent ensuite place à un vert plus
imposant et dans le ciel, le soleil et les orages règnent alors sans partage : nous somme en
Eté.
Nous avons choisi de l’illustrer par des poèmes chinois classiques, en prolongement
des haiku. Certes, la différence est très notable. Loin de la spontanéité et de la brièveté des
textes japonais, on passe à un style peut être plus familier pour nous, du moins dans la
traduction française. Les époques également sont éloignées, les poèmes de la dynastie des
Tang datant du VIIe siècle. Toutefois, les « portraits » de la saison n’en sont pas moins
éloquents et ces poèmes constituent une véritable référence en poésie, tout comme les haiku.
La beauté de l’été y est décrite simplement mais « gracieusement », offrant un tableau au
lecteur à la place d’impression(s). L’imagination est bien sûre toujours de mise mais elle est
moins requise pour « voir l’image » que pour « comprendre le tableau », c’est-à-dire
déterminer l’ambiance plutôt que le cadre du poème.

C’est en France que nous faisons le deuil de l’été. Notre pays a, on peut l’affirmer
sans faire preuve de chauvinisme, une très riche et longue tradition littéraire et poétique.
L’automne est la saison où les feuilles se teignent de couleurs chaudes, annonçant à la
fois les récoltes et les vendanges. L’automne possède également un côté plus sombre et
semble être souvent associé à la nostalgie d’une époque révolue (la jeunesse, l’été,…) et

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même à la mort. Nous avons décidé d’illustrer ces différents sentiments qu’éveille l’automne
chez un poète : émerveillement ou mélancolie. Nous commençons par un poème de Banville,
qui célèbre et fête l’arrivée de l’automne, et nous refermons cette séquence sur un poème
plus froid de Samain.

Enfin, nous avons située la dernière saison de l’année en Russie, où les hivers sont
rudes et interminables. Malgré la tristesse des hivers slaves, les poèmes qui l’évoquent
restent chaleureux, sans oublier la beauté de l’hiver : un paysage presque irréel par sa
blancheur qui est dûment révérée. Le froid n’épargne personne et la fin de l’année, bien que
marquée par de grandes festivités (Noël, le Nouvel An) peut paraître bien dure à certaines
personnes démunies. Malgré ce décor « velouté », les arbres sont nus, la nature est
dépourvue de ses « atouts majeurs » et amène parfois la misère. C’est alors qu’on cherche
refuge dans la chaleur d’un foyer, comme le voyageur perdu de Pouchkine. Plaisanter, être
ensemble autour d’un bon feu constitue alors le plaisir hivernal. Rien n’est plus rassurant
que le sentiment d’être en sécurité.
La poésie russe est longtemps restée méconnue, certains clichés montrent le peuple
slave comme un peuple barbare, cruel, dépourvu de culture. Pourtant, cette nation a une
immense richesse littéraire qu’il serait dommage d’ignorer ; les écrivains comme Tchekhov,
Tolstoï, Pouchkine, nous l’ont prouvé. Les vers russes sont empreints d’une certaine
mélancolie, d’une beauté un peu brute où les sentiments sont admirablement dépeints.
Ces derniers poèmes nous amènent au mois de Janvier : la boucle des saisons se
referme.

C’est ainsi que nous « finirons » cette escapade poétique. « Finir » est un mot peu
approprié car qui donc pourrait bien arrêter le cycle perpétuel de la nature, de la vie? Nous
avons ainsi défini ce cercle en voyageant au-delà des frontières, à la découverte d’autres
formes poétiques pour montrer une fois de plus la beauté, la diversité mais aussi l’unicité de
la poésie.

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Printemps

haru oshimu kokoro hisureba oini keri


En secret
Le printemps me manque
Je vieillis

Seiho Awano(1899-1992)

Hiashi nobu tsukue no shita ni nami no oto.


Le printemps est là.
J'entends le bruit des vagues
De dessous mon bureau

Sei Imai (1950-)

Haru samushi mizuta no ue no nenashi-gumo


Froid printanier
Dans l'eau des rizières dérive
Un nuage sans racine

Hekigodo Kawahigashi (1873-1937)

Minasoko no kusa ni yobare nu haru matsuri


Je suis appelée par les herbes
du fond de l'eau
fête printanière

Niji Fuyuno

Nigaki ne no hayasa o udegumi shi taru haru


Le printemps réfléchit
les bras croisés
sur la vitesse des racines amères

Niji Fuyuno

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Yuki koso chi no shio nare ya ume mashiro
Que le courage soit
Le sel de la terre
Fleurs blanches du prunier

Kusatao Nakaruma (1901-1983)

Shiraume ya toshokan ni kizetsu shite iru


Ah, fleur blanche de prunier!
on s'évanouit
dans la bibliothèque

Niji Fuyuno

Shunran no hana torisutsuru kumo no naka


Je cueille des fleurs d'orchis au printemps
Et les jette
Dans les nuages

Dakotsu Iida (1885-1962)

Sono hito mo tsukisou hito mo hanabie ni


Cet homme
et sa suivante
étaient dans l'air frais au temps des fleurs
du cerisier

Teijo Nakamura (1900-1988)

Yamadera no to ni kumo asobu higan kana


Devant la porte du temple dans la montagne
Les nuages passent en se réjouissant.
Équinoxe de printemps.

Dakotsu Iida (1885-1962)

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Fleurs de cerisiers (Sakura)

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Eté

Jour d'été en montagne

Paresse d'éventer avec des plumes blanches,


Tout nu au milieu de verdoyantes branches,
J'ôte mon paréo, l'accroche à la falaise
Le vent des pins balaie mon crâne nu à l'aise

Li Pai (700-762)

Tempête d'été

Le vent presse la pluie qui noie les hauts remparts,


Sous l'orage le sol bruit de cent gouttelettes,
La pluie s'en est allée, le Dragon, nulle part ?
Dans l'étang isolé coassent les rainettes.

Li Pai (700-762)

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Le poète passe une nuit d’été
sous les arbres
Etendu sous les grands arbres, où je trouve un refuge contre l’accablante chaleur,
Je contemple les nuages blancs, répandus sur l’azur du ciel :
Cette situation m’enchante ; mon cœur est ouvert à la joie ;
Je sens d’ailleurs, dans mes idées, l’influence d’un vin généreux.
La lune brille de tout son éclat ; une tiède rosée me pénètre ;
Le silence de la nuit n’est troublé que par le murmure de la source et le frémissement des
bambous.
Un vent frais se joue dans mes longues manches, et se glisse sous ma robe de soie ;
L’immense bien-être que j’éprouve, qui jamais pourrait l’exprimer

Li-y

La maison des champs

Si vous plantez des mûriers, au nombre d’environ cent pieds,


Si vous ensemencez de maïs trente meou1 environ,
Comme vous aurez en abondance le grain et la soie,
De temps en temps, vous pourrez réunir et fêter vos amis.
Quand vient l’été, on récolte le riz pour sa nourriture,
Quand vient l’automne, on cueille les fleurs de chrysanthème pour parfumer le vin2.
La matrone s’avance joyeusement au-devant des amis qu’on invite,
Les jeunes enfants s’empressent à leur rendre mille petits soins.
Au coucher du soleil, on prend son loisir dans la partie du jardin qui n’est pas en culture :
Elle est entourée d’ormes et de saules touffus ;
On boit jusqu’à l’ivresse, et puis chacun regagne, à la nuit, sa demeure,
Alors qu’un vent frais y pénètre, dissipant la chaleur du jour.
L’hôte, pour reprendre ses esprits, se promène au grand air en regardant le fleuve céleste3,
En admirant les étoiles, en parcourant des yeux le firmament ;
Puis il se dit : ma cave renferme toujours un bon nombre d’amphores ;
Qui donc m’empêcherait de m’enivrer encore demain !

Tchu-kouang-hi

1. Le meou, mesure agraire, est de deux cent quarante pas de long sur un pas de large, et le pas est long de cinq pieds.
2. Les Chinois parfument leur vin avec un grand nombre de fleurs. Ce vin n’étant le plus souvent qu’une sorte d’eau-
de-vie prend facilement tous les arômes.
3. La Voie lactée.

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Automne
L'Automne

Sois le bienvenu, rouge Automne,


Accours dans ton riche appareil,
Embrase le coteau vermeil
Que la vigne pare et festonne.

Père, tu rempliras la tonne


Qui nous verse le doux sommeil ;
Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil.

Déjà la Nymphe qui s'étonne,


Blanche de la nuque à l'orteil,
Rit aux chants ivres de soleil
Que le gai vendangeur entonne.
Sois le bienvenu, rouge Automne.

Théodore de Banville (1823-1891)


Les Cariatides

Automne

La rivière s'écoule avec lenteur. Ses eaux


Murmurent, près du bord, aux souches des vieux aulnes
Qui se teignent de sang ; de hauts peupliers jaunes
Sèment leurs feuilles d'or parmi les blonds roseaux.

Le vent léger, qui croise en mobiles réseaux


Ses rides d'argent clair, laisse de sombres zones
Où les arbres, plongeant leurs dômes et leurs cônes,
Tremblent, comme agités par des milliers d'oiseaux.

Par instants se répète un cri grêle de grive,


Et, lancé brusquement des herbes de la rive,
Etincelle un joyau dans l'air limpide et bleu ;

Un chant aigu prolonge une note stridente ;


C'est le martin-pêcheur qui fuit d'une aile ardente
Dans un furtif rayon d'émeraude et de feu.

Jules Breton (1827-1906)


Les champs et la mer (1876)

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Alphonse Mucha(1860-1839
Automne (1896)

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Chanson d’automne

Les sanglots longs


Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.

Paul Verlaine (1844-1896)


Poèmes Saturniens (1866)

Automne

A pas lents et suivis du chien de la maison


Nous refaisons la route à présent trop connue.
Un pâle automne saigne au fond de l'avenue,
Et des femmes en deuil passent à l'horizon.

Comme dans un préau d'hospice ou de prison,


L'air est calme et d'une tristesse contenue ;
Et chaque feuille d'or tombe, l'heure venue,
Ainsi qu'un souvenir, lente, sur le gazon.

Le Silence entre nous marche... Cœurs de mensonges,


Chacun, las du voyage, et mûr pour d'autres songes,
Rêve égoïstement de retourner au port.

Mais les bois ont, ce soir, tant de mélancolie


Que notre cœur s'émeut à son tour et s'oublie
A parler du passé, sous le ciel qui s'endort,

Doucement, à mi-voix, comme d'un enfant mort...

Albert Samain (1858-1900)


Le chariot d’or (1901)

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Alfred Sisley (1839-1899)
L’Automne : Bords de la Seine près de Bougival (1873)

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Hiver

Soir d’Hiver

Ciel de brume ; la tempête


Tourbillonne en flocons blancs,
Vient hurler comme une bête,
Ou gémit comme un enfant,
Et soufflant soudain pénètre
Dans le vieux chaume avec bruit,
Elle frappe à la fenêtre,
Voyageur pris par la nuit.

La chaumière est triste et sombre,


Chère vieille, qu'as-tu donc
A rester dans la pénombre,
Sans plus dire ta chanson ?
C'est la bise qui résonne
Et, hurlant, t'abasourdit ?
Ou la ronde monotone
Du fuseau qui t'assoupit ?

Mais buvons, compagne chère


D'une enfance de malheur !
Noyons tout chagrin ! qu'un verre
Mette de la joie au cœur !
Chante comme l'hirondelle,
Doucement vivait au loin ;
Chante-moi comme la belle
Puisait l'eau chaque matin.

Ciel de brume ; la tempête


Tourbillonne en flocons blancs,
Vient hurler comme une bête
Ou gémit comme un enfant.
Mais buvons, compagne chère
D'une enfance de malheur !
Noyons tout chagrin ! qu'un verre
Mette de la joie au cœur !

Pouchkine (1799-1837)
Poème écrit en 1825

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Soir d’Hiver à Yalta

Visage maigre et sec de levantin,


grêlé et décoré de côtelettes.
Quand ses doigts cherchent une cigarette
dans le paquet, l’anneau terni soudain
reflète deux cents watts et, son éclat
éblouissant mon cristallin, je fronce
sans doute les sourcils, car il prononce,
avalant sa fumée : « Excusez-moi.»

Janvier dans la Crimée. Sur le rivage


de la mer Noire, on dirait que par jeu
tombe l’hiver, car la neige ne peut
se maintenir au tranchant des agaves.
Les cafés sont déserts. On voit fumer
en rade, de crasseux ichtyosaures.
Partout, l’arôme des lauriers fanés.
« Breuvage infect ! Je vous en verse encore ? »

Sourire donc, crépuscule, flacon.


Dans le lointain le garçon, les mains jointes,
semble un jeune dauphin traçant des ronds
autour d’une felouque au ventre plein.
Carré d’une fenêtre. Fleurs en pot.
Flocons de neige qui nous font la nique.
Instant, arrête-toi ! Car tu es beau,
mais moins peut-être que tu es unique.

Joseph Brodsky (1940-1996)

Sonnet

Je l’attends de nouveau, ta voix triste


au terrain vague ou les dogues aboient.
Cherchant ta trace aimée parmi la foule,
je reconnais Noël et ses sapins,
ses lumignons crépitant dans la neige.
Rien ne pourrait me dire ton adresse
Mieux que ce cri errant dans les ténèbres,
Cristal limpide et goutte de poison.

A mon tour de fêter le Nouvel An


au terrain vague en ronde silencieuse.
Les bougies du passé meurent en moi
et le vin de Tristan court sur mes lèvres,
pour la première fois sourd à l’appel…
Car depuis peu je vois aussi la nuit.

Joseph Brodsky (1940-1996)

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Marc Chagall (1887-1985)
Green Violinist (1923-1924)

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