Professional Documents
Culture Documents
633
LAFARGE MAUD
RICHE MARION
TAVANO LAURIANE
1
Préface
La poésie est un art universel à travers lequel on peut découvrir à la fois la culture
d’un pays et une philosophie différente de celle qui nous est familière. C’est dans le souci de
faire découvrir aux lecteurs un thème classique, traité de façon différente que nous avons
pris pour thème de ce recueil les quatre saisons dans quatre pays.
Partout dans le monde, des hommes et des femmes s’essaient et se sont essayés à l’art
minutieux de la poésie. C'est un travail d'orfèvre: les mots sont sublimés, les vers sont
modelés et remodelés, afin d’obtenir les plus belles sonorités et de célébrer au mieux le
thème choisi. Finalement, l'œuvre obtenue par ces heures acharnées de travail est tout
simplement unique. Contrairement à la peinture ou à la musique, la poésie, en dépassant les
frontières linguistiques, perd sa valeur rythmique et musicale, ainsi que certaines nuances
sonores. Mais la beauté des mots et de certaines tournures peut être conservée à travers la
traduction. C’est pourquoi nous avons jugé intéressant d’explorer les divers aspects de la
poésie étrangère. Pour respecter une certaine unité entre les différents textes composant le
recueil, nous avons choisi de n’y faire figurer que des poèmes en vers. Par leur forme seule,
sans même les lire, il est possible de savoir tout de suite le genre de ces textes, grâce à leur
découpage en strophes et en vers, la poésie en prose ne présentant pas cette particularité.
Vous le constaterez, sur le fond comme sur la forme, que les poèmes étrangers présentent
bien des divergences ! Ainsi, vous découvrirez l’art raffiné du haïku japonais, qui n’a pas
d’équivalent en France, ou encore le charme subtil des vers chinois.
Pourquoi avoir choisi un topos tel que les quatre saisons ? Ce thème a été traité de
nombreuses fois en poésie, si bien qu’on pourrait le croire usé. Mais dans le cas présent, il est
le lien, le connecteur logique entre différentes formes de poésie qui n’ont rien à voir entre
elles. Grâce à cette diversité, nous proposerons une approche nouvelle de ce thème, si
intéressant déjà en lui-même. Au fil de l'année, la nature évolue, prends des formes et des
couleurs différentes mais garde constamment sa beauté, beauté renouvelée, « resculptée »
selon les saisons, ces « miracles » engendrés par les solstices et équinoxes de notre planète
Terre.
Ce recueil est également un jeu de piste pour le lecteur. Il va y découvrir une vision
sur les saisons différente de celle qu’il a dans son pays : le printemps, par exemple, n’est pas
« le même » en France et au Japon. Le lecteur est un « voyageur sans bagage », qui va
découvrir un « aspect » de la Chine ou encore de la Russie à travers des poèmes, sans jamais
se rendre vraiment sur place. C’est une excursion solitaire, personnelle et cette préface
constitue en quelque sorte sa « carte routière » contenant les clefs de sa lecture. Nous lui
proposons donc un parcours dans le temps et dans l’espace, au fil d’une année, à travers
quatre pays du globe.
Nous avons réalisé ces associations selon des critères culturels et climatiques.
C’est au Japon que nous avons établit la première étape de notre voyage : le
Printemps au pays du Soleil-Levant. Pour les nippons, cette saison marquée par l’arrivée des
2
premières fleurs de prunier (« ume ») puis de cerisier (« sakura ») est l’occasion d’une grande
fête traditionnelle : le Hanami ou fête des cerisiers en fleurs. Ils partagent en famille un
moment de beauté unique mais de trop courte durée. En poésie, l’art du Haiku (ou Haikai),
poèmes classiques brefs et rythmés, illustre à merveille l’éphémère beauté de la chute d’une
fleur. La paternité de ce style est attribuée à Basho Matsuo (1644-1694) qui lui a conféré une
dimension à part entière. La spontanéité de l’évocation, la recherche de l’expression juste
permettant de transmettre l’émotion vive ressentie à l’origine sont les principaux critères
pour réaliser un haiku :
Basho (1644-1694)
Les haiku, écrits “sur le vif”, retracent donc un instant bien précis et vont pour cela
dans l’esprit de la philosophie de Confucius: “vivre l’instant présent”. Ils ne contiennent pas
« d’image » à proprement dites comme dans les poèmes occidentaux ; c’est donc l’impression
qui est mise en avant. Cette subtilité conviendrait donc au printemps qui est
incontestablement la saison de la beauté éclatante de la nature, de la jeunesse, des amours…
Mais c’est probablement celle qui passe le plus rapidement, ne montrant qu’une splendeur
bien trop courte rejoignant là le caractère « d’aperçu » exceptionnellement bref du haiku. On
doit cependant remarquer que l’Homme, faisant partie du « cycle naturel », ne peut
s’empêcher de cadrer sa vie aux saisons ; ainsi, la jeunesse verra une période de joie lors du
retour des hirondelles tandis que les plus âgés, plus « matures » y verront peut être le reflet
de leur vieillesse. Les haïkus que nous exposons se suivent selon un enchaînement logique :
chaque poème reprend un élément du précèdent. La séquence s’ouvre sur le froid début de
printemps et se ferme sur l’équinoxe de la saison.
Les couleurs fraîches de la saison des amours laissent ensuite place à un vert plus
imposant et dans le ciel, le soleil et les orages règnent alors sans partage : nous somme en
Eté.
Nous avons choisi de l’illustrer par des poèmes chinois classiques, en prolongement
des haiku. Certes, la différence est très notable. Loin de la spontanéité et de la brièveté des
textes japonais, on passe à un style peut être plus familier pour nous, du moins dans la
traduction française. Les époques également sont éloignées, les poèmes de la dynastie des
Tang datant du VIIe siècle. Toutefois, les « portraits » de la saison n’en sont pas moins
éloquents et ces poèmes constituent une véritable référence en poésie, tout comme les haiku.
La beauté de l’été y est décrite simplement mais « gracieusement », offrant un tableau au
lecteur à la place d’impression(s). L’imagination est bien sûre toujours de mise mais elle est
moins requise pour « voir l’image » que pour « comprendre le tableau », c’est-à-dire
déterminer l’ambiance plutôt que le cadre du poème.
C’est en France que nous faisons le deuil de l’été. Notre pays a, on peut l’affirmer
sans faire preuve de chauvinisme, une très riche et longue tradition littéraire et poétique.
L’automne est la saison où les feuilles se teignent de couleurs chaudes, annonçant à la
fois les récoltes et les vendanges. L’automne possède également un côté plus sombre et
semble être souvent associé à la nostalgie d’une époque révolue (la jeunesse, l’été,…) et
3
même à la mort. Nous avons décidé d’illustrer ces différents sentiments qu’éveille l’automne
chez un poète : émerveillement ou mélancolie. Nous commençons par un poème de Banville,
qui célèbre et fête l’arrivée de l’automne, et nous refermons cette séquence sur un poème
plus froid de Samain.
Enfin, nous avons située la dernière saison de l’année en Russie, où les hivers sont
rudes et interminables. Malgré la tristesse des hivers slaves, les poèmes qui l’évoquent
restent chaleureux, sans oublier la beauté de l’hiver : un paysage presque irréel par sa
blancheur qui est dûment révérée. Le froid n’épargne personne et la fin de l’année, bien que
marquée par de grandes festivités (Noël, le Nouvel An) peut paraître bien dure à certaines
personnes démunies. Malgré ce décor « velouté », les arbres sont nus, la nature est
dépourvue de ses « atouts majeurs » et amène parfois la misère. C’est alors qu’on cherche
refuge dans la chaleur d’un foyer, comme le voyageur perdu de Pouchkine. Plaisanter, être
ensemble autour d’un bon feu constitue alors le plaisir hivernal. Rien n’est plus rassurant
que le sentiment d’être en sécurité.
La poésie russe est longtemps restée méconnue, certains clichés montrent le peuple
slave comme un peuple barbare, cruel, dépourvu de culture. Pourtant, cette nation a une
immense richesse littéraire qu’il serait dommage d’ignorer ; les écrivains comme Tchekhov,
Tolstoï, Pouchkine, nous l’ont prouvé. Les vers russes sont empreints d’une certaine
mélancolie, d’une beauté un peu brute où les sentiments sont admirablement dépeints.
Ces derniers poèmes nous amènent au mois de Janvier : la boucle des saisons se
referme.
C’est ainsi que nous « finirons » cette escapade poétique. « Finir » est un mot peu
approprié car qui donc pourrait bien arrêter le cycle perpétuel de la nature, de la vie? Nous
avons ainsi défini ce cercle en voyageant au-delà des frontières, à la découverte d’autres
formes poétiques pour montrer une fois de plus la beauté, la diversité mais aussi l’unicité de
la poésie.
4
Printemps
Seiho Awano(1899-1992)
Niji Fuyuno
Niji Fuyuno
5
6
Yuki koso chi no shio nare ya ume mashiro
Que le courage soit
Le sel de la terre
Fleurs blanches du prunier
Niji Fuyuno
7
Fleurs de cerisiers (Sakura)
8
Eté
Li Pai (700-762)
Tempête d'été
Li Pai (700-762)
9
10
Le poète passe une nuit d’été
sous les arbres
Etendu sous les grands arbres, où je trouve un refuge contre l’accablante chaleur,
Je contemple les nuages blancs, répandus sur l’azur du ciel :
Cette situation m’enchante ; mon cœur est ouvert à la joie ;
Je sens d’ailleurs, dans mes idées, l’influence d’un vin généreux.
La lune brille de tout son éclat ; une tiède rosée me pénètre ;
Le silence de la nuit n’est troublé que par le murmure de la source et le frémissement des
bambous.
Un vent frais se joue dans mes longues manches, et se glisse sous ma robe de soie ;
L’immense bien-être que j’éprouve, qui jamais pourrait l’exprimer
Li-y
Tchu-kouang-hi
1. Le meou, mesure agraire, est de deux cent quarante pas de long sur un pas de large, et le pas est long de cinq pieds.
2. Les Chinois parfument leur vin avec un grand nombre de fleurs. Ce vin n’étant le plus souvent qu’une sorte d’eau-
de-vie prend facilement tous les arômes.
3. La Voie lactée.
11
12
Automne
L'Automne
Automne
13
Alphonse Mucha(1860-1839
Automne (1896)
14
Chanson d’automne
Automne
15
Alfred Sisley (1839-1899)
L’Automne : Bords de la Seine près de Bougival (1873)
16
Hiver
Soir d’Hiver
Pouchkine (1799-1837)
Poème écrit en 1825
17
18
Soir d’Hiver à Yalta
Sonnet
19
Marc Chagall (1887-1985)
Green Violinist (1923-1924)
20