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Albert Failler

Citations et réminiscences dans l'Histoire de Georges


Pachymérès
In: Revue des études byzantines, tome 62, 2004. pp. 159-180.

Abstract
The network of quotations and reminiscences underlying every work of Byzantine literature also gives the measure of the author's
level of language and style, and that of his literary ambition. The History by George Pachymérès is a case in point. In his personal
reflection as historian, he almost exclusively finds his inspiration in Classical Greek literature and mainly quotes Homer,
sometimes Plato. Christian literature would be absent from his work if disputations, internal schisms and transcription of
ecclesiastical documents did not bring with them quotations from Scripture and the Fathers. The article's three sections reflect the
way the History's quotations and reminiscences can be grouped together: Proverbs and sayings; Secular literature; Christian
literature

Résumé
REB 62 2004 p. 159-180
Albert Failler, Citations et réminiscences dans l'Histoire de Georges Pachymérès. — Le réseau des citations et réminiscences qui
sous-tend toute œuvre littéraire byzantine mesure aussi le niveau linguistique et stylistique ou l'ambition littéraire de l'auteur.
L'Histoire de Georges Pachymérès est une bonne illustration. Dans sa réflexion personnelle d'historien, l'écrivain s'inspire, de
manière presque exclusive, de la littérature classique grecque et cite surtout Homère, accessoirement Platon. La littérature
chrétienne serait absente de son ouvrage si les disputes et les schismes intérieurs ou les documents ecclésiastiques transcrits
dans l'Histoire n'amenaient la citation de l'Écriture et des Pères. L'exposé se compose de trois chapitres, selon la triple série où
on peut classer les citations et réminiscences contenues dans l'Histoire : Proverbes et locutions proverbiales, Littérature profane,
Littérature chrétienne.

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Failler Albert. Citations et réminiscences dans l'Histoire de Georges Pachymérès. In: Revue des études byzantines, tome 62,
2004. pp. 159-180.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_2004_num_62_1_2289
CITATIONS ET REMINISCENCES
DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMERES

Albert FAILLER

Les Relations historiques de Georges Pachymérès ne constituent pas une simple


Chronique des temps écoulés, avec un sage rangement chronologique des règnes
et des événements, comme la Chronographie byzantine en présente de nombreux
exemples. L'écrivain a un autre dessein : composer une œuvre rhétorique qui ait
une haute inspiration littéraire et revête l'amplitude du grand ouvrage historique
tel que l'Antiquité grecque en a établi le modèle. Le récit historique ainsi élaboré
a l'ambition d'être un monument littéraire, dont la forme, loin d'être négligée,
requiert l'attention de l'auteur autant que l'analyse des faits. La forme élégante et
recherchée de l'ouvrage transparaît, en particulier, dans les références littéraires
qui parsèment le texte et scandent le récit. Multipliées à dessein, citations et rémi
niscences hissent le texte à un haut niveau de composition et d'inspiration. Plus
souvent implicites qu'explicites, elles ne se dévoilent que difficilement, suivant
une tradition trop bien établie de la littérature byzantine.
Après la publication de la Version brève des Relations historiques de Georges
Pachymérès, j'ai essayé de dresser un répertoire des citations et réminiscences qu'on
peut relever dans l'ensemble de ces textes1. Celles-ci vont de la citation explicit
ement donnée comme telle et rapportée à son auteur jusqu'à la simple réminiscence
littéraire, qui peut n'être que le lieu commun repris tour à tour par le premier
écrivain venu, souvent de manière inconsciente. Pour répertorier clairement ces cita
tions et réminiscences et en montrer la diversité, on peut les classer dans l'ordre
décroissant de leur littéralité :
- citations ad litteram accompagnées ou non de la mention de l'auteur ;
- citations ad sensum accompagnées ou non, là aussi, de la mention de l'auteur ;
- réminiscences plus ou moins claires, accompagnées ou non, là encore, de la
mention de l'auteur ;
- expressions originales au premier abord, mais déjà présentes dans des œuvres
antérieures ;

1. Le répertoire des citations de l'Histoire constitue le chapitre III de l'index de la Version brève
(A. Failler, La Version brève des Relations historiques de Georges Pachymérès. III, Index. Concor
dances lexicales, Lexique grec et Citations, Paris 2004). Le relevé concerne surtout le texte original de
l'Histoire, mais il inclut aussi les ajouts et variations de la Version brève, qui révèlent parfois une inter
prétation pénétrante ou inattendue du modèle. Dans le présent article seront signalés, à l'exclusion de
la pagination de l'édition, les seuls numéros des citations tels qu'ils figurent dans le répertoire, mais il
est possible de retrouver les textes en consultant l'index de l'Histoire (A. Failler, Georges Pachymérès.
Relations historiques. V, Index. Tables générales et lexique grec, Paris 2000).
Revue des Études Byzantines 62, 2004, p. 159-180.
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- simples lieux communs ou expressions courantes qui se rencontrent ailleurs de


manière plus ou moins fréquente.
Il est essentiel de marquer cette gradation dans la citation ou la réminiscence, car
c'est la seule manière de mesurer le niveau de la référence. Dans les éditions de
textes, il arrive souvent que l'apparat des citations soit pour le moins ambigu, dès
lors qu'on met sur le même plan une série d'auteurs qui offrent des références
allant de la citation littérale à quelque réminiscence lointaine ou même improbable.
Le ton moralisant qu'adoptent volontiers les écrivains byzantins fait que la
vérité la plus banale et même la pure lapalissade peuvent être hissées au niveau de
la sentence. Clichés, lieux communs, poncifs et truismes ne sont pas exclus. Le
rédacteur de la Version brève, dont le ton est plus moralisateur et plus populaire,
excelle dans ce domaine et surpasse l'historien dans cet exercice.
Dans le répertoire général des citations et réminiscences de l'Histoire, j'ai
relevé également les expressions qui se rencontrent déjà dans les œuvres purement
rhétoriques de Georges Pachymérès, c'est-à-dire dans les Progymnasmata et les
Mélétaï2, qu'on peut raisonnablement attribuer à l'activité antérieure de l'histo
rien ; elles furent sans doute composées dans le cadre de son apprentissage ou de
son enseignement de la rhétorique. La parenté entre ces compositions brèves et le
gros ouvrage historique est, en effet, évidente et frappante, bien que le niveau du
style soit différent, plus modeste ici et plus ambitieux là. Le relevé de ces emplois
montre à quel point Georges Pachymérès ne fait que reprendre et amplifier, dans
l'Histoire, le style qu'il a commencé à forger dans les exercices littéraires antérieurs.
On remarque, de manière générale, que les références littéraires de l'historien
appartiennent exclusivement à l'univers de la production grecque profane. Une
première lecture de l'ouvrage peut donner l'impression contraire, puisqu'on trouve
cités dans l'Histoire des textes chrétiens en grand nombre, et cette impression est
renforcée par le fait qu'il s'agit souvent d'extraits étendus. Mais l'impression est
trompeuse, car les citations de textes chrétiens sont amenées par la trame historique
du récit et appartiennent aux discussions rapportées dans le texte ; en un mot, elles
échappent au choix de l'historien. C'est le cas pour la plupart des citations emprunt
ées à l'Ancien et au Nouveau Testament : elles sont partie intégrante des documents
que l'écrivain se contente de transcrire et elles sortent le plus souvent de la bouche
ou de la plume des protagonistes de l'Histoire, des ecclésiastiques en particulier.
Dans les passages qui relèvent de l'écriture propre ou de la réflexion personnelle
de l'auteur, les textes scripturaires n'apparaissent guère. En ce sens, son inspiration
est exclusivement profane, son univers littéraire et culturel est purement païen.
L'Histoire suit ainsi le sillon creusé par les exercices plus scolaires que constituent
les Progymnasmata et les Mélétai et qui se présentent comme les modestes prémices
d'une œuvre ambitieuse.

2. Les opuscules rhétoriques de l'historien seront mentionnés occasionnellement dans les notes.
Voici les coordonnées des éditions : Ch. Walz, Rhetores Graeci, I, Tübingen 1832, p. 549-596 (cité
désormais : Progymnasmata : Ch. Walz) ; J. F. Boissonade, G. Pachymeris Declamationes XIII, Paris
1848 (cité désormais : Mélétai : J. F. Boissonade).
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Dans le répertoire des citations de l'Histoire tel que je l'ai établi, de nombreuses
références concernent les réminiscences possibles ou probables. Il ne s'agit pas
alors de prétendre que l'historien entend mentionner ces auteurs ou ces œuvres,
mais de montrer simplement que telle maxime ou telle métaphore ou telle expres
sion ne sont pas une invention de l'historien, mais faisaient déjà partie de la langue
courante des écrivains et des rhéteurs et constituaient un fonds littéraire commun.
L'exposé qui suit comprend trois parties, selon l'origine et le caractère des
citations et des réminiscences : Proverbes et locutions proverbiales, Littérature
profane, Littérature religieuse.

I. Proverbes et locutions proverbiales

En premier lieu viennent les citations qui ont acquis un statut de proverbes au
cours des siècles. On regroupera sous la même rubrique les proverbes et nombre
d'expressions courantes devenues proverbiales. Les écrivains byzantins en usent
très largement dans leurs écrits : ces citations constituent un vrai réseau littéraire
qui sous-tend l'ensemble des textes. À cet égard, Georges Pachymérès se contente
de suivre une tradition bien établie. Il convient, en effet, d'isoler, parmi les cita
tions consignées dans l'édition d'un texte, la classe des proverbes qui sont depuis
longtemps séparés de leur auteur et rassemblés dans les anthologies. Ces citations
ne prouvent aucunement que l'écrivain ait lu ou recopié telle œuvre ou tel auteur,
ni même qu'il s'en soit inspiré de près ou de loin. C'est plutôt un corpus d'ex
pressions usuelles auxquelles sa formation rhétorique lui a donné accès et qu'il
réutilise dans ses propres écrits. Dans l'explication ou l'édition des œuvres, il n'y
a pas lieu de citer les auteurs auxquels on peut faire remonter les proverbes, car
c'est présenter une image faussée du monde littéraire des écrivains et, lorsque tout
ce matériau est repris dans les index, donner une représentation erronée du monde
culturel et du terreau littéraire qui sous-tendent le texte édité. Il est préférable de
renvoyer simplement aux répertoires où les proverbes et locutions proverbiales
sont regroupés et qui fournissent, de manière satisfaisante et suffisante, la source
possible ou probable de chacun de ces dits. Les collections les plus importantes,
qui contiennent aussi les proverbes le plus fréquemment cités dans les textes, ont
été éditées par E. L. von Leutsch et F. W. Schneidewin3. Un complément appré
ciable a été apporté par D. Karathanasis, non plus cette fois à partir de collections
dûment constituées et vulgarisées dans les manuscrits, mais grâce au dépouillement
d'un ensemble de sources du 12e siècle4.
L'édition des principales collections de proverbes due à E. L. von Leutsch
donne l'état, le contenu et le répertoire de ces proverbes, mais son ouvrage, qui
contient les proverbes les plus usuels et le plus communément rencontrés dans les

3. E. L. von Leutsch (et F. W. Schneidewin pour le tome I), Corpus paroemiographorum


Graecorum, I-II, Göttingen 1839 et 1851 (cité désormais : Leutsch, I et II).
4. D. Karathanasis, Sprichwörter und sprichwörtliche Redensarten des Altertums in den rhetorischen
Schriften des Michael Psellos, des Eustathios und des Michael Chômâtes sowie in anderen rhetorischen
Quellen des xii. Jahrhunderts, Munich 1936 (cité désormais : Karathanasis).
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écrits byzantins, est cependant loin d'être exhaustif. De plus, l'index, tel qu'il est
présenté, ne permet pas toujours une consultation et une vérification sûres, car,
au lieu d'offrir un lexique des mots, il donne un rangement des proverbes selon
l'ordre alphabétique ; or celui-ci ne peut rendre compte de toutes les interversions
et variantes d'un genre littéraire qui, par définition, en admet de nombreuses. Le
recueil de D. Karathanasis, qui présente par ailleurs un index plus judicieux,
apporte un complément notable. L'Histoire de Georges Pachymérès contient 56
des expressions enregistrées dans ces ouvrages (52 relevées par E. L. von Leutsch,
4 supplémentaires par D. Karathanasis). Les plus communs de ces proverbes ou
locutions proverbiales sont cités si souvent que les 56 expressions aboutissent à
un total de 154 citations. Parmi les formules les plus courantes, 4 sont citées à sept
reprises :
n° 26 άμφοτέραις [ou ολαις] χερσι αντλεί ν [ou εξαντλεί ν].
η° 45 Μυσών λεία5.
η° 151 πρύμναν κρούεσθαι6.
η° 387 άρπάζειν ώς ερμαιον.
On relève même 3 formules citées respectivement à huit, neuf et dix reprises :
n° 104 ολω ρυτήρι, avec les variantes ολω ποδί et άπο ρυτήρος έλαΰνειν.
n° 63 άκονιτί.
n° 319 χθες και προ τρίτης7.
On constate que les expressions le plus souvent utilisées sont, plutôt que des
proverbes à proprement parler, des locutions proverbiales, devenues courantes.
Dans le répertoire des citations de l'Histoire, la récente édition de deux flori
lèges (datables des 10e-lle siècles) par É. Sargologos a été prise en compte dans les
notes, car elle éclaire aussi bien la constitution des collections que leur utilisation
par les auteurs byzantins8. Ces recueils se différencient des deux précédentes publi
cations sur trois points : ils procèdent à un regroupement des proverbes et dits par
thème, et non par ordre alphabétique ; ils sont inspirés par la sagesse chrétienne,
bien qu'ils incorporent les sentences profanes de la Grèce classique, dans la
mesure du moins où celles-ci ne contredisent pas la nouvelle éthique ; ils sont
classés selon la source et dans un ordre invariable à l'intérieur de chaque thème
(Ancien Testament, Nouveau Testament, Pères de l'Église, auteurs païens). Si les
références sont données seulement en note dans le répertoire des citations de

5. Le caractère proverbial de l'expression est parfois indiqué : n° 147 Μυσών, το λεγόμενον, λείαν
έποίουν (repris par la Version brève : ώς ό παροιμιώδης λόγος φησίν, Μυσών λείαν εποίησαν) ; η° 550
λείαν ποιήσον την των Μυσών ύμνουμένην ; η° 918 την πάλαιαν παροιμίαν άνανεούμενος, λείαν
Μυσών απεργάζεται (introduit par une formule plus commune dans la Version brève : ώς ό παροιμιώδης
λόγος φησίν).
6. La qualité de proverbe de l'expression est habituellement marquée par l'addition το του λόγου
(n° 151 300 443 696 978).
7. Absente du recueil de E. L. von Leutsch, mais présente dans celui de D. Karathanasis, une
formule voisine est d'un usage presque aussi fréquent : χθες καΐ πρώην. L'expression est utilisée à
quatre reprises sous cette forme (n° 262 317 814 1071) et une dernière fois sous la forme homérique
(n° 941 : χθιζά τε και πρωιζά).
8. É. Sargologos, Un traité de vie spirituelle et morale du xie siècle : le florilège sacro-profane
du manuscrit 6 de Patmos, Thessalonique 1990 ; Idem, Florilège sacro-profane du Pseudo-Maxime,
Hermoupolis/Syros 2001 (cité désormais : Sargologos, I et II).
CITATIONS ET RÉMINISCENCES DANS L' HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÉRÈS 1 63

l'Histoire, c'est essentiellement parce que ces florilèges ne présentent pas de


proverbes nouveaux par rapport aux recueils précédents de E. L. von Leutsch et
D. Karathanasis. Mais les florilèges sont utiles pour la période patristique et
byzantine, car ils donnent une idée du contenu des anthologies existantes.
Une fois identifiés ces proverbes et formules proverbiales présents dans les
recueils qu'on vient de citer, la matière n'est pas épuisée, car le texte de l'Histoire
incorpore quantité d'autres proverbes, dont certains sont d'ailleurs présentés
comme tels. On peut en citer 12, dont voici le relevé :
n° 43 το λεγόμενον αληθές, ώς αφαιρείται τας φρένας δν άπολέσαι μέλλει το
θείον9.
η° 70 σοφόν τιν είδώς λόγον και παλαιον έκ τραγφδίας είναι τον έξαιροΰντα τον
έπι τή δόξη της αδικίας μώμον, λέγοντα, εϊπερ αδικειν δέοι, ύπερ τυραννίδος
κάλλιστον άδικείν10.
η° 115 ώς μηδ' αγγελον των δρωμένων ύπολελειφθαι11.
η° 157 δυοιν κεφαλαΐν, το του λόγου, μίαν έπικεΐσθαι καλύπτραν12.
η° 235 τίκτεσθαι γαρ χάριν τη χάριτι μεμαθήκαμεν13.
η° 283 ή φήμη, θεός ούσα, ώς λέγεται14.
η° 320 πτερω, το του λόγου, τα ώτα κνωμένοις έφκεσαν15.
η° 391 μήπως και την θήραν, ο δή φασιν, άνασοβήσωμεν16.
η° 527 οίον τ' ον συντήξαι και τον αδάμαντα17.
η° 602 άδυνάτοις, το δή λεγόμενον, έπεχείρει18.
η° 741 τους της θαλάσσης χόας, ώς λέγεται19.
η° 847 ο δή λέγεται, κακόν υφαίνεται φάρος έντάφιον20.

9. Le dit remonte à Sophocle (Antigone, 620-625), mais la citation n'est pas littérale. Rien ne dit
que Georges Pachymérès ait à l'esprit le nom de l'auteur de la maxime.
10. Contrairement au cas précédent, l'historien renvoie à l'auteur du proverbe, qui est en effet un
poète tragique. Il emprunte également plus étroitement au texte du modèle : Εϊπερ γαρ άδικείν χρή,
τυραννίδος περί / Κάλλιστον άδικείν, τάλλα δ'εύσεβείν χρεών (Euripide, Phéniciennes, 524-525).
1 1 . L'historien ne qualifie pas l'expression de proverbe, mais il a à l'esprit une réminiscence que déjà
Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, 11, 23, 2) désigne comme un dit : και το δή λεγόμενον
μηδέ αγγελον είς την Καρχηδόνα διασωθήναι. La même allusion est déjà présente dans les Mélétai
(J. F. Boissonade, p. 661112) : και ούδ' άγγελος εσχε τοις ιδίοις άνασωθήναι.
12. Je n'ai pas repéré ce proverbe ni trouvé d'autres emplois de la même métaphore des « deux
têtes pour une seule casquette ». Nous empruntons la même métaphore, mais dans le sens inverse pour
ainsi dire, lorsque nous parlons de « deux casquettes pour une seule tête ».
13. Le verbe final montre que l'historien évoque une réminiscence. La phrase est inspirée du vers
de Sophocle (Ajax, 522) : Χάρις χάριν γάρ έστιν ή τίκτουσ' άεί.
14. La même dénomination de « dieu » est déjà donnée plus haut à la rumeur (n° 119 φήμη γε ούσα
και θεός). L'historien précise ici qu'il s'agit d'un dit, qui, d'après un passage d'Eschine, remonte à Hésiode.
15. Le proverbe, donné comme tel par l'historien (το του λόγου), est également présent chez
Lucien (De la danse, 2) : τοις τα ώτα πτερω κνωμένοις.
16. L'expression revient à diverses reprises (n° 113 329 594 873), mais son caractère proverbial
est signalé seulement ici.
17. Dans une seconde citation, l'expression est clairement qualifiée de proverbe : n° 676 και
αυτόν νικών τον της παροιμίας αδάμαντα.
18. De ce proverbe, présenté également comme tel par l'historien (το δή λεγόμενον), on trouve
déjà un emploi chez Aristote (Politique, 1314 a) : ούθείς γαρ επιχειρεί τοις άδυνάτοις.
19. Le cas est identique au précédent ; on peut cette fois renvoyer à Platon (Théétète, 173 d), qui
considère déjà la phrase comme un dit : οι της θαλάττης λεγόμενοι χόες.
20. La métaphore, présentée comme déjà inscrite dans le corpus des dits, est empruntée au récit
de Y Odyssée ; elle prend prétexte du voile de Pénélope destiné à servir de linceul à Laerte.
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Faute de disposer d'un recueil qui rassemblerait tous ces proverbes et dits, on est
amené à citer divers auteurs du passé pour attester l'existence antérieure de ces textes,
mais le procédé peut se révéler trompeur, car il est improbable qu'un auteur plus tardif
entende citer tel ou tel de ses prédécesseurs écrivains ni même qu'il connaisse l'or
igine du dit. Prenons un exemple plus éloquent. L'historien cite la sentence suivante :
n° 32 Κρείσσων γαρ βασιλεύς, δτ' όργίζοιτο χείρονι.
Bien qu'elle ne soit pas littérale, la citation remonte évidemment à Homère :
Κρείσσων γαρ βασιλεύς οτε χώσεται άνδρι χέρηι (Iliade, 1, 80).
Mais il est vraisemblable qu'elle ait déjà été incorporée à un recueil de proverbes.
Sinon, pourquoi l'historien, qui, comme on le verra plus bas, cite si souvent Homère
de manière littérale et en observant fidèlement l'ordre des mots et les formes
grammaticales de l'épopée homérique, s'en affranchirait-il dans le cas présent ?
On peut soupçonner que la phrase d'Homère a déjà échappé à son auteur et acquis
une forme grammaticalement plus banale pour entrer dans un fonds commun. De
fait, un des manuscrits de la Version brève porte en marge la notation suivante :
γνωμικόν21 ; mais Homère n'est pas mentionné. Remarquons cependant que l'his
torien emploie ailleurs, et de manière constante, la forme attique du comparatif
(κρείττων) et n'utilise la forme κρείσσων que dans deux cas : ici et dans une
seconde citation, qui va être mentionnée au début du prochain alinéa. Faudrait-il
voir là une volonté de marquer l'emprunt ?
D'autres phrases d'allure sentencieuse, mais qui ne sont pas présentées expres
sément comme des proverbes, le sont probablement ou, du moins, sont entrées
dans le patrimoine commun des écrivains, une fois détachées de l'œuvre à laquelle
elles appartiennent et de l'auteur qui les a inventées. Voici les exemples les plus
caractéristiques22 :
n° 24 ή εξουσία κρεισσον δικαίου23.
κατ'
n° 105 ουδέν γαρ οΰτως συνίστησι τας εις την βασιλείαν εύνοιας ώς ή
άξίαν χάρις τοις άξίως οίσομένοις έξ ετοίμου προτεινομένη24.
η° 131 σύν θεω δ' ειρήσθω25.
η° 161 μηδέν έτι σχεδόν τελέως ή το χαίρειν ή το λυπεισθαι μαθόν26.

21. Dans le répertoire des citations de l'Histoire, on a indiqué pour chaque lemme si la Version
brève a repris l'original et on a signalé les changements ou additions auxquels le rédacteur a procédé,
car cela peut être un indice intéressant pour qualifier le passage.
22. Dans le répertoire des citations de l'Histoire, chacun de ces lemmes est accompagné d'une
référence, qui constitue une source possible ou, plus probablement, un jalon sur le chemin de la tran
smission du dit à travers les siècles.
23. On peut attribuer la sentence à Platon (République, 338 c) : το δίκαιον ούκ άλλο τι ή του
κρείττονος ξυμφέρον. Si l'idée est bien la même, l'expression diverge notablement.
24. On peut citer comme inspirateur l'orateur Lysias (Discours, 20, 31) : τους δε άλλους προ
θυμότερους ποιήσετε, κατ' άξίαν χαριζόμενοι, δσ αν τις υμάς εύ πονη. L'idée est la même, et l'ex
pression partiellement semblable, si l'on rapproche ή κατ' άξίαν χάρις et κατ' άξίαν χαριζόμενοι.
Ajoutons que les copistes de la Version brève ont qualifié la phrase de proverbe en inscrivant dans la
marge des manuscrits la mention γνωμικόν.
25. L'incise vient manifestement du grec classique, et, dans les trois cas où elle est employée dans
l'Histoire, on aurait pu garder la graphie θεω, sans la majuscule.
26. L'expression το χαίρειν και το λυπεΐσθαι μανθάνειν est déjà présente chez Ntcétas Chômâtes
(Histoire : J.-L. van Dieten, p. 2231112) : και το χαίρειν και το λυπεΐσθαι μήπω μεμαθηκώς ακριβώς.
Elle remonte sans doute bien plus haut dans le temps.
CITATIONS ET RÉMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÉRÈS 165

n° 163 όρκοι δ' εκείνοι... ώς λάχανα κατεδήδοτο βασιλει.


π° 206 τω γαρ Έπιμηθεί μεταμέλειν ην27.
η° 213 κενός έκάλει κενόν.
η° 220 κακφ το κακόν ίάσθαι28.
η° 236 ουκ ην αύξάνειν τον ερωτά γεννηθέντα, μη έπιγεννηθέντος και του
άντέρωτος.
η° 339 άντείχετο γαρ ώς λεπας πέτρας εκείνου.
η° 429 ουδέ βιωτόν είχε τον βίον.
η° 436 περί των αντίποδων διισχυρίζεσθαι.
η° 449 ανάγκης δε άρ' ύποΰσης, το γινόμενον ασθενές.
η° 603 το του κολοιοΰ παθείν εκείνον, των αλλότριων έψιλωμένον πτερών.
η° 622 δπερ έπί του σκορπιού φασίν..., μηδέν είδέναι δποι το κέντρον προσ-
βάλλοι, άλλ' ευθύς ένιέναι πασι.
η° 626 το γαρ της ανάγκης εστίν άδήριτον29.
η° 895 το του λεοντοκόμου ποιεί και κυνί τον ώς δήθεν λέοντα έκδεδίσσεται.
η° 988 ναυαγειν έν λιμένι30.
η° 1030 το ζην έν πεττοίς τίθεσθαι.
Il est probable que l'historien emploie ces expressions, dont un grand nombre
sont déjà présentes dans les Progymnasmata et les Mélétai31, sans avoir à l'esprit
l'identité des auteurs qu'on peut mentionner à l'appui des citations et qui sont
déclinés dans les références du répertoire des citations de l'Histoire. L'écrivain
utilise ces diverses formules, qui font partie de son bagage lexical et littéraire,
comme l'étudiant en philosophie introduit dans sa dissertation « le roseau pensant »,
« le sommeil dogmatique » ou « le ciel étoile au-dessus de ma tête et la loi morale
au fond de mon cœur », sans connaître nécessairement l'origine et l'auteur des
formules.
Pour finir, on peut citer un ensemble d'expressions encore plus simples et parfois
sans grande originalité, mais qui ont acquis un statut de formules courantes et stéréo
typées. Voici un relevé partiel, dans l'ordre conjoint d'apparition dans l'Histoire et

27. Le rédacteur de la Version brève considère l'adage comme traditionnel : τω γαρ Έπιμηθεί,
φασί, το μεταμέλειν εστίν.
28. La sentence est reprise dans les deux florilèges édités par É. Sargologos (I, p. 689 n« 48 ; II,
p. 665 n° 11). Elle y est attribuée à Jean Chrysostome (PG 59, 28638), mais la référence est ana
chronique, dans la mesure où la maxime figure déjà aussi bien chez les historiens (Hérodote ou
Thucydide) que chez les poètes tragiques (Eschyle ou Sophocle).
29. La réminiscence du vers d'EscHYLE (Prométhée enchaîné, 105 : το της ανάγκης εστ άδήριτον
σθένος) est d'autant plus probable que Pachymérès cite le passage de manière encore plus littérale
aussi bien dans les Progymnasmata (Ch. Walz, p. 5881920 : το της ανάγκης σθένος άδήριτον εγνωμεν)
que dans les Mélétai (J. F. Boissonade, p. 20325 : της ανάγκης, ής το σθένος, εις ο τι και ρέψοι,
άδήριτον).
30. L'expression, qu'on peut trouver chez Polybe (Histoires, 6,44,1 : έν τοις λιμέσι... ναυαγοΰσιν),
remonte sans doute plus haut. On la rencontre incidemment sous la plume du moine Nil, dans un texte
repris par les deux florilèges déjà mentionnés (Sargologos, I, p. 743 n° 45 ; II, p. 115 n° 27) : μήποτε
το ναυάγιον έν τω λιμένι γένηται (Nil : PG 79, 1252Β).
31. Il est évident que Pachymérès n'a pas eu besoin de lire Proklos pour connaître ces proverbes
courants, que la formation littéraire et rhétorique inculquait aux étudiants dès leur jeune âge ; voir
A. Failler, Pachymeriana nova, REB 49, 1991, p. 193-195.
166 ALBERT FAILLER

de rapprochement lexical32 : οΰτω συμβάν, άναπνεΐν/χαίρειν έαν, έργον μαχαίρας


γίγνεσθαι, τας άγαθας/χρηστάς/τυφλας ελπίδας, ελπίδας περιβουκολεΐν/
ύποτείνειν, συος τρόπον ou δίκη ν συών αγρίων ou ποιμνίων δίκην, δίκην πυρός
μηδ'
αγρίου ou δίκην πτωκός, άκροις ώσί ou μηδ' άκροις χείλεσι, δόρυ/οπλα
κινείν, ές πόδας έκ κεφαλής ou έκ ποδών ές κεφαλήν, τα λοίσθια/το πυρ πνέειν,
σχολαίω/άψόφω/τυφλώ ποδί, πόλεμος/έχθρός/μάχη ακήρυκτος, το υπ' οδόντα
λεγόμενον, τω χρεών λειτουργείν, θάλασσαν τέμνειν, νυκτός άωρί ou όψέ της
ώρας, μέχρι τελευταίας/εσχάτης αναπνοής, άκίχητα διώκειν, υπό άφας λύχνων,
την ήτταν άναπαλαίειν, έν πεττοις τίθεσθαι, λιμου/πυρος παρανάλωμα γίγνεσθαι.
Bien qu'elles soient courantes et sans relief, ces expressions ont été retenues dans
le répertoire des citations de l'Histoire. La liste pourrait être allongée33.
Remarquons que toute cette littérature d'accompagnement appartient au registre
profane et qu'elle est, pour l'essentiel, antérieure à l'avènement du christianisme,
même si les florilèges et les anthologies postérieures l'attribuent à des auteurs
chrétiens, qui se contentent en fait de copier et d'imiter34. Les références que j'ai
rassemblées dans le répertoire des citations ne permettent pas de remonter au
premier utilisateur ou à l'inventeur d'une formule donnée ; elles ont pour but de
montrer qu'on ne doit pas attribuer l'expression à l'auteur de l'Histoire et qu'il
faut l'éliminer de son vocabulaire original et de ses inventions stylistiques. Dans
l'océan infini des références possibles, la réalité littéraire d'un texte risque d'être
noyée. Aussi faut-il interpréter avec prudence la liste des auteurs qui figurent dans
les apparats, car elle peut conduire à des statistiques aussi irréelles que dangereuses.
Plus utile que la confection d'index souvent démesurés serait l'établissement
progressif d'un recueil des proverbes et des locutions proverbiales, sur le modèle
du relevé de D. Karathanasis. L'éditeur de textes arriverait ainsi à faire plus aisément
le tri entre les citations ou réminiscences et les parties originales qui reviennent en
propre à l'auteur dont il édite l'œuvre.

II. Littérature profane

Comme on l'a vu, les proverbes et locutions proverbiales qu'on vient d'analyser
appartiennent à la littérature profane aussi bien par leur origine que par leurs carac
téristiques de forme et de fond, car ils sont issus de la littérature grecque classique

32. Pour retrouver chacune de ces expressions dans le texte des Relations historiques, on se
reportera ou au lexique grec de l'Histoire ou à l'index des mots grecs qui accompagne le répertoire des
citations dans l'index de la Version brève.
33. Voici une liste complémentaire d'expressions moins significatives, mais susceptibles néanmoins
d'être relevées elles aussi : ή ανάγκη επείγει, ανάγκης περιστάσης/ύποΰσης, άνεσιν διδόναι, τα
ανήκεστα δραν/παθείν, το άνοιδοΰν καταστέλλειν, άπαξ και δίς et δις και τρίς, άρεϊκον λήμα/
φρόνημα, άρτι πρώτως, τω βαθυτέρω (σκοπώ)... το φαινόμενον/τω δοκείν, ή δείλη όψία, έκ των
δυνατών, τα οίκεΐα/ϊδια ήθη, την ήτταν άνακαλεΐσθαι, το καθαρόν τε και εκκριτον της πολιτείας,
καιρόν παρατηρεΐν, έν κενοίς, άνα/κατά κράτος, του λόγου/του χρόνου προϊόντος, δλαις όρμάΐς,
πείραν λαμβάνειν και διδόναι, τα πιστά λαμβάνειν και διδόναι, πνευματική στρατεία, πολέμοις και
μάχαις, προφάσεις πλάττεσθαι, τας πύλας έπιζυγοΰν, πυρδς έργον, σπάθης παρανάλωμα, έν στενώ
κομιδή, χριστιανοίς έπι χριστιανούς στρατεύεσθαι/κατα χριστιανών έφιέναι, χώραν εχειν.
34. Voir, par exemple, les notes 28 et 30 ci-dessus.
CITATIONS ET RÉMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÉRÈS 167

ou tardive. Il en est de même pour les principales citations, allusions ou réminis


cencesqui abondent dans le texte de l'Histoire et lui fournissent une sorte d'écrin
et d'ornement littéraire. Dès l'introduction, le récit est placé dans ce monde de la
littérature classique, et les réflexions les plus personnelles de l'auteur empruntent
volontiers aux œuvres de l'âge classique.
Commençons par Thucydide, puisque l'historien de la guerre du Péloponnèse
a été présenté comme le modèle de Georges Pachymérès. On peut, en effet, placer
les Relations historiques dans le sillage de la grande histoire de la Grèce classique,
tant par l'ampleur de la description des événements que pour l'exposé des moti
vations ou des sentiments des protagonistes, à travers les longs discours qui mettent
en scène les subtilités du raisonnement et les secrets de l'âme. Cependant le style
et le raisonnement de Georges Pachymérès n'empruntent guère à ce modèle, mais
plutôt, s' agissant de la Grèce classique, aux orateurs attiques, tant pour la forme que
pour le fond. Il s'apparente également à la Seconde Sophistique, dont l'héritage
commandait la formation des rhéteurs de l'époque. Pour les 10 cas où Thucydide
est mentionné dans le répertoire des citations de l'Histoire, 3 passages seulement
méritent d'être examinés, les autres cas présentant des références plus vagues ou,
pour ainsi dire, des renvois de circonstance, basés sur de simples rapprochements
verbaux, dont on ne peut déduire aucune dépendance réelle. Mais il convient
d'examiner avant tout la première phrase du texte de l'Histoire :
n° 1 Γεώργιος Κωνσταντινουπολίτης... τάδε ξυνέγραψεν.
Si l'historien n'avait pas employé régulièrement le ξ attique en début de mot tout
au long de l'Histoire, la forme du verbe aurait été la démonstration patente d'une
citation voulue comme littérale. Mais tel n'est pas le cas. Le rédacteur de la Version
brève, en convertissant ξυνέγραψεν en la forme courante συνέγραψεν35, n'a sans
doute pas vu là une citation littérale de Thucydide. Quoi qu'il en soit, l'incipit de
Georges Pachymérès est bien l'écho de la phrase par laquelle Thucydide commence
son ouvrage et ponctue sa relation de chacune des années de la guerre du Pélo
ponnèse36 :
Θουκυδίδης 'Αθηναίος ξυνέγραψε τον πόλεμον...
Θουκυδίδην..., δς τάδε ξυνέγραψεν.
Pachymérès revendique par là le patronage de Thucydide, dont il reprend ailleurs
un couple de mots :
n° 1070 μέλλησις προμηθής37.
La jonction des deux mots paraît assez originale pour que le syntagme puisse être
considéré comme une citation avérée. Une autre formule employée à deux reprises
rappelle Thucydide :
n° 366 το έφ εαυτών προορώμενοι μόνον εις τε το προς βασιλέα εΰνουν και είς
την προς το γένος επιστροφή ν.

35. Version brève, I, p. 38.


36. Thucydide, 1, 1, 1 ; 4, 103, 4.
37. Thucydide (3, 82, 4) : μέλλησις δε προμηθής δειλία ευπρεπής (« une prudence réservée
[passa] pour lâcheté déguisée », selon la traduction de R. Weil, Collection des Universités de France,
Paris 1967, p. 57).
168 ALBERT FAILLER

n° 447 ου το εφ' έαυτοΰ μόνον προορώμενος εις τε την άπ' εκείνου δουλείαν
και το έξης προς εΰνοιαν άδολίευτον.
Voici le passage correspondant de Thucydide38 :
το έφ εαυτών μόνον προορώμενοι ες τε το σώμα και ές το τον ίδιον οίκον αΰξειν.
Mais le rapprochement reste aléatoire et se réduit à une ressemblance grammaticale.
Ainsi, hormis une filiation globale, il est difficile de trouver dans l'Histoire de
Georges Pachymérès un reflet stylistique de l'œuvre de Thucydide. En fait, l'his
torien byzantin dépend plutôt des orateurs attiques, dont il suit le cadre juridique
lorsqu'il défend un accusé ou glorifie un vainqueur. Il faut revenir vers les Progym-
nasmata et les Mélétai qui s'abreuvent plus explicitement à cette source et qui
orientent dans ce sens : même manière d'exposer les problèmes et de présenter la
défense des accusés, même style, mêmes références littéraires.
L'orateur Démosthène apparaît alors comme l'un des inspirateurs de Georges
Pachymérès, qui le cite pour illustrer l'importance de l'argent dans toute entreprise,
et spécialement dans les opérations militaires :
n° 751 ώς ουδέν των δεόντων άνευ χρημάτων πεφυκός ον γίνεσθαι.
Sans être une transcription fidèle, ce texte est proche de l'original39 :
Δει δε χρημάτων, και άνευ τούτων ουδέν έστι γενέσθαι των δεόντων.
D'ailleurs, Pachymérès avait déjà illustré dans les Pwgymnasmata ce même discours,
ainsi que dans les Mélétai40. Un deuxième extrait de Démosthène, tiré d'un autre
discours41, est inclus dans la lettre des archontes ecclésiastiques au patriarche42 :
n° 1270 Έστ' äv το σκάφος σφζηται, τότε χρή και ναύτην και κυβερνήτην
σπεΰδειν προς σωτηρίαν του κλυδωνιζομένου · όταν δ' ή θάλασσα υπό των
κυμάτων και συμφορών περιγένηται, μάταιος ή σπουδή.
Puisque Pachymérès se contente dans ce passage de reproduire le texte du document,
la citation ne lui est pas directement imputable. Mais ailleurs, et à trois reprises, il
reproduit le syntagme final :
n° 35 299 367 μάταιος ην ή σπουδή.
Et là le passage sort de la plume de l'historien, qui, d'ailleurs, l'utilise aussi dans
les Mélétai43. Bien qu'elle exprime une idée commune, la citation est probablement
volontaire et consciente. On peut la relever aussi dans le Commentaire de l'Iliade
d'Eustathe de Thessalonique, qui la donne comme courante44. Les autres références

38. Thucydide, 1, 17.


39. Démosthène, Olynthiennes, 1, 20.
40. Progymnasmata : Ch. Walz, p. 555911 (Γνώμη Δημοσθένους. Δεί δη χρημάτων, και άνευ
τούτων ουδέν έστι γενέσθαι των δεόντων) ; Mélétai : J. F. Boissonade, p. 8824 (Και πάλαι μεν υπέρ
Όλυνθίων όρμωμένοις χρημάτων έδει).
41. Démosthène, Philippiques, 3.
42. La majeure partie de la lettre n'est conservée que par la Version brève, dans un texte dès lors
peu sûr. Mais le passage de Démosthène fait certainement partie du texte original de la lettre. Il s'agit ici
d'une citation littérale, qui, pour cette raison, figure ici, comme dans le texte d'ailleurs, en caractères
italiques, alors que les proverbes et locutions proverbiales rapportés dans le chapitre précédent sont
reproduits en caractères normaux, car ils doivent être considérés comme des adages entrés dans la
langue courante plutôt que comme de réelles citations.
43. Mélétai : J. F. Boissonade, p. 52«.
44. Eustathe de Thessalonique, Commentaire de l'Iliade : M. van der Valk, I, p. 52111. L'éditeur
s'est contenté de noter dans l'apparat : « μάταιος σπουδή locum nescio ».
CITATIONS ET RÉMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÉRÈS 169

à Démosthène contenues dans le répertoire des citations de l'Histoire sont simple


mentindicatives de l'ancienneté de certaines formules, mais le renvoi à Démosthène
n'est ni explicite ni avéré, car il s'applique à des formules stéréotypées et entrées
dans le domaine commun.
Philosophe de formation et de profession, Georges Pachymérès en appelle souvent
à Aristote et Platon, surtout Platon, qui est, dans l'Histoire, la référence la plus
importante après Homère. Mais Aristote est largement cité lui aussi. C'est à lui
que l'historien se réfère pour la description de la comète :
n° 760 και μάλλον οίς ό Σταγειρόθεν φιλοσοφεί.
Dans le dernier livre, il cite l'incipit du traité de la Métaphysique :
n° 1039 πάντες άνθρωποι του είδεναι φύσει ορέγονται, ώς και ή των αισθήσεων
άγάπησις μαρτυρεί.
Il se réfère également, sans le dire, à un passage du même livre pour décrire la
doctrine de Cratyle et d'Heraclite sur la fuite de toutes choses (n° 29 1)45. Il se
réfère encore implicitement à lui lorsqu'il évoque la classique distinction des trois
modes de vie :
n° 242 τον... βίον πολιτικόν, μέσον οντά θεωρητικού τε και απολαυστικού.
Les autres renvois présents dans le répertoire n'impliquent pas de citation assurée,
mais consistent simplement en rapprochements de vocabulaire ou possibles réminis
cences.
En matière de philosophie, c'est Platon qui est le plus souvent cité. Comme
Homère fournit le cadre littéraire et poétique de l'Histoire, Platon est la référence
continuelle dans la réflexion philosophique de l'historien. L'un et l'autre sont cités
fidèlement, et les passages sont reconnaissables à la longueur de la citation pour
Platon, au respect fidèle des particularités grammaticales pour Homère.
Une première allusion à Platon, qui n'est cependant pas expressément nommé,
est reconnaissable dans l'introduction, lorsque l'historien distingue de « la simple
ignorance », qui est guérissable, « la double ignorance », qui est incurable, parce
que inconsciente :
n° 8 εκείθεν μεν της απλής αγνοίας..., εντεύθεν δε της διπλής.
Dans un passage du Livre IV, c'est Platon qu'il faut voir dans l'écrivain profane
qui a affirmé que « l'orgueil confine à la solitude » :
n° 237 "Εφησε γαρ καί τις των εξω έρημίας γείτονα την αύθάδειαν.
De cette maxime le rédacteur de la Version brève fait un adage commun :
και αληθή το παρά πολλοίς λεγόμενον, έρημίας είναι γείτονα την αύθάδειαν.
Résumant la doctrine de Cratyle et d'Heraclite, l'historien a sans doute en mémoire,
à côté de la Métaphysique d' Aristote, un passage du Cratyle (n° 291). Mais la plus
longue citation est incluse dans le Livre XII de l'Histoire, lorsque l'écrivain fait le
procès du mercenaire en empruntant de larges extraits au Livre des Lois, qu'il cite
nommément :
n° 966 Ευ γαρ και Πλάτων εν Νόμοις...

45. On remarque que le rédacteur de la Version brève connaît aussi le texte, puisqu'il complète son
original en ajoutant la mention du « doigt », qui est absente de son modèle, mais bien présente dans le
texte d'Aristote.
170 ALBERT FAILLER

Quatre extraits sont ainsi cités (n° 966 974 975 979), qui correspondent aux pas
sages suivants des Lois : 630 b, 950 c, 950 b-c, 757 d-e. Les références montrent
qu'il s'agit de passages éloignés dans le texte et rassemblés ici après un relevé
soigneux. Un peu plus loin, c'est à nouveau à l'œuvre de Platon qu'il est fait appel
pour illustrer un autre sujet : le danger de la guerre civile (n° 1012 1013).
L'emprunt est cette fois moins littéral, mais l'idée est là, et certains termes du
vocabulaire sont visiblement inspirés des Lois à nouveau (629 d) et du Cratyle
(428 d)46.
On a relevé ainsi une dizaine de citations, parfois étendues, qui ne manqueront
pas de rappeler que Georges Pachymérès fut aussi le commentateur de Platon.
Mais le nom de Platon revient encore à de nombreuses reprises dans le répertoire
des citations de l'Histoire, même si l'allusion est souvent plus problématique. Les
citations qui sous-tendent les recueils de E. L. von Leutsch et de D. Karathanasis
montrent d'ailleurs à quel point son œuvre a inspiré la langue écrite, y compris à
travers les proverbes et les locutions les plus stéréotypées. C'est ainsi qu'on peut
citer quelques formules déjà mentionnées plus haut ou passées en proverbes :
n° 24 ή εξουσία κρέισσον δικαίου.
n° 236 ουκ ήν αύξάνειν τον ερωτά γεννηθέντα, μη έπιγεννηθέντος και του
άντέρωτος.
η° 238 μηδέ τις... έν ου παικτοίς παιζέτω, μηδ' ουκ έπ' άνυστοις σπουδαζέτω.
Passons à présent aux poètes. Pindare et Homère sont expressément nommés,
Sophocle est littéralement cité, sans que son nom soit indiqué. Pachymérès affec
tionne la pensée de Pindare selon laquelle « tout ce qui est personnel frappe » :
πάνθ'
το γαρ οίκειον πιέζει όμως (Néméennes, 1, 82).
Il l'a déjà citée dans les Mélétai47 et il la reprend dans l'Histoire à deux reprises,
la seconde fois de manière littérale et en la restituant à son auteur :
n° 234 ώς παντός του οικείου πεφυκότος πιέζειν.
η° 610 το γαρ οίκειον πιέζει παν, κατά Πίνδαρον.
Il cite un autre passage du poète, en respectant les formes grammaticales :
n° 544 μανίαισιν ύποκρεκει, φησι Πίνδαρος.
Il faut sans doute voir, dans un dernier passage, une mention expresse de Pindare :
n° 396 και αϊ προς τον πάπαν γραφαί, φασί, μάρτυροι σοφώτατοι.
L'historien entend renvoyer à un passage des Olympiques (1, 34) et faire du
syntagme qui termine la phrase une expression convenue, un dit. C'est la signifi
cation de l'incise φασί, qui renvoie à une terminologie qui est courante plutôt qu'à
un bruit qui court. C'est aussi la meilleure justification d'un substantif ό μάρτυρος
que l'historien n'utilise pas en dehors de ce passage et qui m'a alerté sur la probab
ilité d'une allusion littéraire.
Sans être jamais nommé, Sophocle est certainement présent dans l'œuvre de
l'historien, à travers sa tragédie Ajax plus particulièrement. Un passage (vers 581-
582) est cité à peu près littéralement :
n° 718 σοφοϋ γαρ ιατρού προς τομώντι πήματι τομας έπάγειν.

46. Ce passage de l'Histoire est mal transmis par le seul manuscrit qui le conserve, et c'est justement
la littéralité de la citation qui a permis de reconstituer le texte.
47. Mélétai : J. F. Boissonade, p. 2242122 (επειδή το οίκειον πιέζει παν, ως τις εφη των ποιητών).
CITATIONS ET REMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMERES 171

Un second passage de la pièce (vers 646) doit inspirer la pensée suivante, dont
l'auteur demeure indistinct :
n° 6 δια το φανέντα κρΰπτεσθαι πάντα ανάγκην είναι, ώς πού τις των σοφών
εφη.
C'est également à un vers d'Ajax (vers 522) que l'historien se réfère lorsqu'il
déclare :
n° 235 τίκτεσθαι γαρ χάριν τη χάριτι μεμαθήκαμεν.
Il a peut-être à l'esprit un autre vers d'Ajax (vers 293), lorsqu'il fait allusion au
prétendu bavardage intempestif des femmes et à leur rare silence :
n° 125 το γοΰν διυπνίζειν άμα και λέγειν τοιαΰτην άγγελίαν ουκ έδοκίμαζε...,
σοφόν τι και ου κατά γυναίκας ποιούσα.
D'autres passages suggèrent aussi une allusion à Sophocle, mais, dans tous ces cas,
l'idée et l'expression sont déjà véhiculées par la langue des rhéteurs. Lorsque l'his
torien affirme que « la divinité enlève l'esprit à celui qu'elle va perdre », l'inspirateur,
lointain ou proche, est Sophocle, directement à travers un passage d' Antigone
(vers 620-625) ou indirectement grâce au scholion d'un anonyme :
n° 43 και το λεγόμενον αληθές, ώς αφαιρείται τάς φρένας ον άπολέσαι μέλλει
το θείον.
Ailleurs, l'historien reprend une formule présente dans Œdipe roi (vers 1137), une
première fois sous sa forme authentique et une seconde fois de manière déformée,
mais l'expression est peut-être déjà détachée de son auteur :
n° 175 εξ ήρος ές άρκτοΰρον.
n° 882 εις ήρος έξ άρκτοΰρου.
Sophocle est donc manifestement présent sous la plume de l'historien, mais
c'est surtout Homère qui est la référence poétique dans l'Histoire, et les emprunts
à Platon, malgré leur importance et leur étendue, paraissent modestes en compar
aison. On peut classer les citations d'Homère en plusieurs catégories selon le
degré de fidélité au texte. Une première section est constituée par un ensemble de
15 passages d'une certaine étendue et cités littéralement ; de ces passages, 2 sont
mentionnés à deux reprises, 1 à trois reprises. Voici ces passages, qui appartiennent
pour la plupart à Y Iliade :
n° 49 άπαλόν ήτορ (Iliade, 11, 115).
n° 227 λϋσαν δ' αίψηράν άγορην, ποιητικώς φάναι (Iliade, 19, 276). Repris
deux fois (n° 328 825).
n° 344 δς τ' αίτιος, δς τε και ούκί (Iliade, 15, 137).
n° 350 σύν δε νεφεεσσι κάλυψε γαϊαν όμοϋ και πόντον · και νύξ μεν ούκ ούρα-
νόθεν όρώρει (Odyssée, 5, 293-294 ; 9, 68-69).
n° 355 λιτάς χωλάς τε ρυσσάς τε παραβλώπάς τ ' όφθαλμώ (Iliade, 9, 502-503).
n° 403 δώρα μεν δεκτό..., πόνον δ' άμέγαρτον ώφελλε (Iliade, 2, 420). Repris
une fois (n° 779).
n° 438 τυφλός άλατο, πάτον ανθρώπων ούκ άλεείνων (Iliade, 6, 201-202).
Repris une fois (n° 686).
n° 675 νώτοισι γαρ και 'Αγαμέμνων βοος διηνεκέεσσι τον άριστεύσαντα
γέραιρε (Iliade, Ί, 321).
η° 819 κηδε' έφήφθαι (Iliade, 2, 15, etc.).
172 ALBERT FAILLER

n° 827 άλλα ποιητοΰ τίνος ήν ειπείν ■ πασαι δ' ώίγνυντο πύλαι (Iliade, 2, 809)48.
n° 886 αλλά γε και μετόπισθεν κότον είχεν δφρα τελεσσοι (Iliade, 1, 82).
n° 921 έφύσα λιγεως (Iliade, 23, 218).
η« 922 φλοξ ωρτο (Iliade, 8, 135).
n° 923 πυρ θεσπιδαες ϊαχε, κατά ποίησιν (Iliade, 23, 216).
n° 1020 οία λόγος τον 'Αγαμέμνονα, ερρει, ελκετο δ εκ κεφαλής προθελύμνους
τας τρίχας (Iliade, 10, 15).
Dans une deuxième section, on rangera des passages plus brefs où l'allusion à
Homère est certaine, qu'elle soit explicite ou que la formule soit déjà entrée dans
le patrimoine littéraire commun. On peut relever à nouveau 15 cas, dont quelques-
uns sont déjà mentionnés dans le chapitre I de cet article en leur qualité d'adages
attestés comme tels49 :
n° 32 κρείσσων γαρ βασιλεύς, öY όργίζοιτο χείρονι (Iliade, 1, 8Ο)50.
n° 62 Άχιλλεύς ήν άλλος ό Ιωάννης μηνίσας (Iliade, 1, 1).
n° 77 του ομοίου γαρ έπι χειρίστοις λαμβανομένου παρά τω ποιητή (Iliade, 4,
315; 13, 358).
n° 109 κατά φρήτρας και φΰλα (Iliade, 2, 362).
n° 166 πίσυνοι τόξοις (Iliade, 5, 205). Repris une fois (n° 189).
n° 241 άνιπτόποδες και χαμαιεΰναι (Iliade, 16, 235).
n° 246 ώσεί τις ατίμητος μετανάστης (Iliade, 9, 648 ; 16, 59). Repris une fois
(no 1112).
n° 314 εθνησκον δ' έπασσύτεροι (Iliade, 1, 383). Repris deux fois (n° 412 537).
n° 315 πυραι δε νεκυων ου καίοντο κατατεθνηώτων (Iliade, 1, 52 ; 10, 343 ; 15, 565).
n° 398 έκ δρυός ή από πέτρης (Odyssée, 19, 163).
n° 579 άμφηκες ξίφος (Iliade, 21, 118 ; Odyssée, 16, 80 ; 21, 341).
n° 670 άγορήνδε καλεί (Iliade, l, 54).
n° 758 ένθα οί άκραι τα πρώτα τρίχες έμπεφΰασιν (Iliade, 8, 83-84).
n° 855 οσαι ήμέραι και οσαι νύκτες (Odyssée, 14, 93).
n° 1027 ίοίς τιτυσκόμενοι (Iliade, 3, 80).
À côté de ces 30 passages littéralement ou expressément cités, on peut ranger,
dans une troisième série, les allusions aux personnages et aux épisodes de Y Iliade
ou de Y Odyssée, ou encore à des points de la mythologie rapportés dans la double
épopée :
n° 9 αντιμαχομένου... του Έρμου τη Λητοι (Iliade, 20, 72).
n° 772 μιμείται Πάνδαρον (Iliade, 4, 86-147).
n° 776 και Όδυσσείους, ως εκείνος έπι την Σκΰλλαν (Odyssée, 12, 244-259).
n° 777 τα περί της Σκύλλης είκόνιζον, χείρας όρεγνΰντες τοις έξωθεν (Iliade,
1, 351 ; 22, 37 ; Odyssée, 12, 257). Plus allusivement au n° 287.
n° 795 το του Αινείου έσχεδιάζετο εϊδωλον (Iliade, 5, 449-450).

48. Cette citation mérite d'être relevée. Malgré son caractère banal, le demi-vers d'Homère a
acquis une valeur proverbiale et emblématique pour marquer l'ouverture d'une réunion solennelle.
49. Certains membres de phrase pourraient figurer en italique, mais la qualité de citation explicite
n'est pas avérée, dans la mesure où, contrairement au groupe précédent, les formes homériques ne sont pas
strictement respectées. On se reportera au répertoire des citations pour avoir le texte littéral d'Homère.
50. Voir ci-dessus, p. 164.
CITATIONS ET RÉMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÉRÈS 173

n° 847 κακόν υφαίνεται φάρος έντάφιον {Odyssée, 2, 94-110).


η° 907 τιμήν ταμιεΰων Κυκλώπειον (Odyssée, 9, 364-370).
n° 969 Στέντορος δίκην (Iliade, 5, 785).
n° 1028 κοινήν Έριννΰν (Iliade, 19, 87-88).
On peut encore ajouter une trentaine de références, qui concernent des rappels
plus vagues ou des formules plus générales51, si bien que, au total, le poème homér
ique ne fournit pas moins de 70 citations ou allusions. D'autres noms de l'apogée
littéraire des Grecs affleurent ici ou là, de manière plus épisodique. Quelques philo
sophes d'abord. Anaxagore est présenté comme le tenant du désordre universel :
n° 624 πάντα δ' άνέτρεπον και συνέχεον... κατά τα Άναξαγόρεια χρήματα.
De même, la doctrine d'Empédocle sur la rupture de l'ordre primitif est invoquée
pour marquer l'avènement du même désordre ; elle est exprimée de deux manières :
n° 171 κατά τον Έμπεδόκλειον σφαΐρον.
n° 1000 σφαιρος ήν άλλος ό Έμπεδόκλειος.
Ailleurs, c'est une expression du philosophe qui est citée de manière littérale :
n° 877 κόρσας άναύχενας.
Quant à Antisthène, l'historien lui emprunte un dit qui met en valeur la qualité
première du combattant :
n° 281 το του 'Αντισθένους άληθινόν · φησι γαρ εκείνος πάντ' εΰχεσθαι τα
καλά τοις έχθροις πλην συνέσεως.
Parmi les poètes, Georges Pachymérès mentionne aussi Hésiode, dont une
formule est citée littéralement et reconnue comme telle par l'historien :
n° 279 Έκλίνθη δ' ή μάχη, είπεν άν τις ποιητικός.
Hésiode est à nouveau mentionné plus loin, de manière encore plus précise, mais
sous son surnom de poète d' Askra, et cela à propos de l'exégèse du nom de mois
ληναιών :
n° 761 ôv oi τον "Ασκρηθεν ποιητήν έξηγούμενοι ληναιώνα... ελεγον.
C'est sans doute à Aristophane que pense l'historien en contemplant les ant
iunionistes « ornés de chaînes dans leur prison » :
n° 393 κοσμηθέντες, εϊποι τις ποιητής, βαρείαις άλΰσεσι.
Bien que le nom du poète soit mentionné à de nombreuses autres reprises dans le
répertoire des citations de l'Histoire, il n'est pas certain que l'historien soit direc
tement redevable d'aucune autre citation à l'auteur comique. Euripide est cité une
fois de manière claire (Phéniciennes, 524-525) :
n° 70 σοφόν τιν' είδώς λόγον και παλαιον έκ τραγωδίας είναι τον έξαιροΰντα
τον έπι τη δόξη της αδικίας μώμον, λέγοντα, εϊπερ άδικείν δέοι, ύπερ τυραν-
νίδος κάλλιστον άδικείν.
Les autres références à Euripide ne constituent pas des renvois sûrs à son œuvre.
L'historien est redevable à Eschyle pour au moins un cas52 :
n° 626 το γαρ της ανάγκης έστιν άδήριτον.

51. Voir les lemmes suivants du répertoire des citations : n° 29 114 177 262 316 318 330 346 466
472 510 525 536 569 605 606 694 755 766 778 824 866 917 941 994 1004 1017 1035 1051.
52. La phrase d'Eschyle a dû acquérir force de proverbe ; c'est à ce titre qu'elle est déjà citée plus
haut ; voir n. 29. On peut attribuer au poète deux autres expressions de l'Histoire (n° 277 439), mais,
comme la première, ces formules peuvent avoir déjà été considérées comme des proverbes.
174 ALBERT FAILLER

Pour finir, citons Théocrite {Idylles, 14, 43), auteur d'une expression devenue
proverbiale pour indiquer un départ définitif :
n° 980 όλος βοΰς άν ϋλαν έφαίνετο βαίνων.
Là s'arrête la liste des auteurs de l'Antiquité classique dont on peut déceler des
traces dans l'Histoire. D'autres auteurs sont cités dans le répertoire des citations
de l'Histoire, mais leur apport dans la rédaction de l'Histoire est plus diffus et ne
dépasse pas la simple éventualité. Voici les noms qui sont cités : Andocide, Antiphon,
Démocrite, Eschine, Ésope, Hérodote, Isocrate, Lysias, Ménandre, Théognis, Xénophon.
Concernant l'époque hellénistique ou l'Antiquité tardive, on peut citer un bon
nombre d'auteurs, mais on ne trouve qu'une seule citation littérale, empruntée à
Aristide ; un premier passage contient une citation partielle :
n° 249 ώδινεν ή θάλασσα πλέον.
Un second passage présente une citation plus étendue :
n° 349 ώδινε μεν ή θάλασσα, και κατέβαινεν Έλλησποντίας λαμπρός.
Pour le reste, on trouve une similitude de vocabulaire et de style avec les auteurs
de la Seconde Sophistique, que le nombre de références souligne clairement. On
voit simplement transparaître le style d'une époque, à travers les auteurs suivants
notamment : Diodore de Sicile (mentions dans le répertoire des citations : 7),
Flavius Josephe (7), Hérodien (7), Lucien (15), Plutarque (14), Synésios (7). Cela
conforte le rôle que les œuvres de la Seconde Sophistique ont joué dans l'appren
tissagedes lettres chez les écrivains byzantins, comme on l'a déjà noté plus haut.
On peut relever quelques formules courantes, quelques alliances adjectif-substantif
ou quelques idées identiques, sans que l'expression démontre toutefois l'emprunt
direct et conscient. Les renvois à Lucien, par exemple, sont nombreux, mais les
formules ne sont pas nécessairement employées par lui pour la première fois. On
ne trouve aucune citation littérale avérée. De même, Lucien et d'autres auteurs
rapportent des proverbes qui ne sont pas attestés dans les répertoires de E. L. von
Leutsch et de D. Karathanasis, mais qui ont néanmoins acquis ce statut dès
l'Antiquité. Voici quelques passages qu'on a rapprochés d'auteurs tardifs (dont les
noms sont placés entre parenthèses) :
n° 41 έφησθείη παθοΰσιν ή αγαθόν συνησθείη τοις άπολαύσασιν (Dion
Chrysostome).
n° 42 προ του παθείν δράσαντες (Hérodien).
n° 115 ώς μηδ' άγγελον των δρωμένων ύπολελειφθαι (Diodore de Sicile).
n° 320 πτερφ, το του λόγου, τα ωτα κνωμένοις έωκεσαν (Lucien).
n° 603 και οΰτω το του κολοιοΰ παθείν εκείνον, των αλλότριων έψιλωμένον
πτερών (Lucien).
n° 1066 της άγεννοΰς φιλοζωιας εύκλεή θάνατον άντηλλάξαντο (Diodore de
Sicile).
Flavius Josephe semble fournir quelques formules, surtout des couples adjectif-
substantif :
n° 129 ή παλίμπους Δίκη.
n° 738 ή άταμίευτος παρρησία.
n° 828 αϊ άταμίευτοι όρμαί.
η° 887 ή άκοσμος φυγή.
η° 1010 άναπαλαίειν την ήτταν.
CITATIONS ET REMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMERES 175

C'est à la même époque de la Seconde Sophistique que doit remonter une fo


rmule de conclusion et de transition que Georges Pachymérès n'emploie pas moins
de 12 fois dans l'Histoire et utilise également dans sa Philosophie d'Aristote :
n° 251 Άλλα ταΰτα μεν ές τοσούτον.
L'expression ne semble pas appartenir à une langue archaïque et recherchée,
puisqu'elle ne rebute pas le rédacteur de la Version brève, qui la reprend 9 fois et
l'emploie de sa propre initiative une dixième fois (n° 1167). La formule n'est pas
attestée chez les écrivains de l'âge classique, et les mentions les plus anciennes
remontent aux auteurs des 2e-3e siècles et à la Seconde Sophistique : Appien,
Aristide, Aristophane de Byzance, Dion Cassius, Élien, Pausanias. Le TLG signale,
en particulier, 4 mentions chez Aristide, que Georges Pachymérès, comme on l'a
vu plus haut, a cité ailleurs de manière littérale et à deux reprises. Par la suite, la
formule est abondamment utilisée par les Pères de l'Église du 4e siècle53 et encore
signalée à l'occasion au 5e siècle54. Mais la période byzantine semble avoir oublié
l'expression, qui apparaît seulement, et avec des variantes, chez Michel Psellos
(1 mention) et Eustathe de Thessalonique (3 mentions). Ajoutons que Georges
Pachymérès donne à l'expression une forme stéréotypée, précise et invariable, qui
ne se trouve nulle part ailleurs à l'identique : d'une part, il commence la phrase
par αλλά, alors que les autres utilisateurs emploient le plus souvent mi ou omett
entpurement et simplement la conjonction ; d'autre part, il connaît seulement la
forme ές de la préposition, qui, dans cette expression, est retenue à l'occasion par
les auteurs de la Seconde Sophistique, mais jamais par les Pères des 4e-5e siècles.
Concluons sur un point. Toutes les citations et réminiscences mentionnées
jusqu'ici, tant dans le chapitre I (Proverbes et locutions proverbiales) que dans le
présent chapitre Π (Littérature profane), appartiennent à la sphère païenne et profane
de l'écriture et du récit. Elles représentent les deux tiers du matériau rassemblé
dans le répertoire.

III. Littérature chrétienne

L'introduction de l'Histoire, dont le but premier est d'offrir le cadre général de


l'ouvrage et d'en esquisser le niveau littéraire, ne contient aucune référence chré
tienne. Comme on l'a vu, elle est riche, au contraire, de références à la littérature
grecque classique ou tardive, à ses canons et à ses textes. C'est une indication
éloquente du caractère général de l'œuvre. Il faut attendre le chapitre 11 du Livre I
pour trouver une première référence chrétienne, qui, de plus, n'est pas un orne
ment littéraire introduit dans le récit par l'auteur, mais qui fait partie intégrante de
l'épisode rapporté là par l'historien55. Ce sera d'ailleurs la caractéristique de la

53. Dans l'ordre décroissant : Basile de Césarée (14 mentions), Grégoire de Nysse (12), Grégoire
de Nazianze (1).
54. Citons Sévérien de Gabala, Théodoret de Cyr et Théodote d' Ancyre.
55. Dans le relevé des citations, cette référence porte le n° 22. Il s'agit de la phrase du tropaire
chanté par Chadènos pour soulager Michel Palaiologos, le prisonnier qu'il ramène enchaîné de
Thessalonique à Constantinople. Le tropaire est emprunté à Sophrone de Jérusalem. La première
référence biblique se trouve un peu plus loin (n° 25).
176 ALBERT FAILLER

plupart des citations de contenu chrétien qu'on peut relever dans l'Histoire : elles sont
amenées par le récit lui-même et n'obéissent pas aux choix littéraires de l'écrivain.
La première série des références à contenu chrétien concerne l'Écriture. On ne
relève qu'un petit nombre de citations littérales : 15. Le reste est fait d'allusions plus
ou moins explicites et précises. L'ensemble aboutit à un total de 125 passages.
L'Ancien Testament figure pour un tiers, le Nouveau Testament pour le reste.
Dans la plupart des cas, la source apparaît clairement et sans conteste. L'historien
n'est peut-être pas toujours conscient de sa propre réminiscence. L'éditeur des
Mélétai a ainsi relevé ce qu'il a considéré comme un anachronisme littéraire, lorsque,
dans des exercices qui se présentent comme un pur produit de la Grèce classique, le
rhéteur emprunte apparemment à la langue biblique. Voici ce passage : κώμοις και
μέθαις και πορνείαις όσημέραι σχολάζοντα56. L'éditeur écrit en note : « Videtur
homo ecclesiasticus meminisse Pauli Ad Rom. 13, 13 : εύσχημόνως περιπατήσωμεν
μη κώμοις και μέθαις, μη κοίταις και ασελγεί αις. » L'éditeur des Mélétai aurait
d'ailleurs pu relever un second cas : c'est aussi l'Ecriture qui, à n'en pas douter,
inspire le syntagme κάλαμος έστι συντετριμμένος57. Remarquons que, si la lettre
de ces citations peut avoir été empruntée à l'Écriture, la portée et le sens ne sont
nullement chrétiens, mais neutres, et ne présentent, sur ce plan, nul anachronisme.
Mais à part un nombre minime, les citations de l'Écriture ou les allusions
apparaissent comme telles dans l'Histoire. L'auteur ne s'interdit pas d'utiliser lui-
même le registre vétérotestamentaire ou néotestamentaire dans sa propre description
ou explication des faits, lorsque le contexte s'y prête. Il en est ainsi de la première
citation biblique de l'ouvrage, qui est une réminiscence de l'Évangile de Luc : la
disparition prématurée de Théodore II Laskaris fut accompagnée, écrit l'historien,
des mêmes phénomènes que la mort du Christ58. Mais l'essentiel des citations
bibliques concernent les discussions dogmatiques et théologiques rapportées par
l'auteur ou se trouvent précisément dans des documents recopiés par lui dans l'ou
vrage. C'est le cas, par exemple, des paroles mises dans la bouche du patriarche
recevant l'empereur à son retour d'Ainos en 1264 (n° 208-211), du mot d'ordre
des dissidents antiunionistes rapporté à trois reprises (n° 231 250 353), des discus
sionsdogmatiques (n°558 564 570 719 720) où les textes scripturaires se mêlent
naturellement aux extraits patristiques, de l'entretien de l'empereur avec les
dissidents (n° 597-601 934-936 938 939 943 951 952), de l'élection du patriarche
(n° 617-620), des lettres de démission de divers patriarches (n° 647-650 652 654-
658 660 728-730 732 799-804 837-840), de la lettre des archontes ecclésiastiques
au patriarche (n° 1102-1104 1266 1267 1269 1273). Il arrive aussi que l'historien

56. Mélétai, p. 217910. Un passage antérieur (ibidem, p. 2139) contient déjà la même terminologie :
κώμοις κοα μέθαις καΐ άσωτίαις σχολάζων ήν. Dans l'Histoire, Pachymérès reprend la même idée,
à propos du sultan ' Izz al-Dïn qui se prélasse dans son exil doré à Constantinople : κώμοις και μέθαις
άνα πασαν διημερεΰοντα άμφοδον (η° 142 dans le répertoire des citations).
57. Mélétai, p. 201 1415. 11 s'agit d'un passage de l'Évangile de Matthieu (12, 20 : κάλαμον συντε-
τριμμένον ού κατεάξει), inspiré lui-même du prophète Isaïe (42, 3 : κάλαμον τεθλασμένον ού συν
τρίψει). L'idée est reprise dans la lettre adressée par les archontes ecclésiastiques au patriarche et
reproduite à la fin de l'Histoire (n° 1266 du répertoire : κάλαμον συντετριμμένον κατεάγειν ούκ
άποκνείς).
58. Citation n° 25 dans le répertoire.
CITATIONS ET RÉMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÉRÈS 177

lui-même en appelle aux Écritures pour faire la leçon à ses personnages, au patri
arche Athanase tout particulièrement (n° 607 608 612). Parmi ces citations, une
vingtaine restent très proches de l'original, et la plupart se trouvent dans des docu
ments officiels que l'auteur se contente de recopier. Toutes les citations qui sortent
de la plume de l'auteur sont destinées à illustrer des passages de contenu chrétien.
Après les citations scripturaires viennent les citations patristiques, qui sont
au nombre de 60 et dont près de la moitié sont amenées par la controverse sur
la procession du Saint-Esprit59. Les textes de référence, habituellement repris de
manière littérale et souvent reproduits à plusieurs reprises, concernent quatre
moments différents de l'affaire :
- les tractations préparatoires au concile de Lyon II (V 16).
- les justifications apportées par Jean Bekkos après le concile, plus précisément
vers 1280, et présentées par l'historien à deux reprises, une première fois dans le
contexte chronologique (VI 23) et une seconde fois par manière de retour en
arrière (VII 9).
- le débat organisé en 1285 et conclu par la condamnation définitive de Jean
Bekkos (VII 35).
- le tomos de Grégoire de Chypre et sa formule trinitaire de conciliation (VIII 1).
Sont cités dans ces passages : Irénée de Lyon, le Pseudo-Athanase, Épiphane de
Salamine, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Cyrille
d'Alexandrie, Maxime le Confesseur, Jean Damascene. Sont également évoqués :
Phôtios, Nicétas de Maronée, Jean Kamatèros, Nicéphore Blemmydès.
En dehors des citations expresses et littérales produites dans la querelle sur la
procession du Saint-Esprit, on ne trouvera dans l'Histoire qu'un nombre réduit
d'allusions aux auteurs chrétiens. À la liste qui vient d'être mentionnée, il suffira
d'ajouter quelques noms : Ignace d'Antioche, Clément d'Alexandrie, Eusèbe de
Césarée, Jean Chrysostome, Sophrone de Jérusalem. Dans cette seconde série de
renvois à la littérature patristique ou byzantine, la plupart servent à identifier des
expressions qui sont attestées avant Georges Pachymérès et qui, de ce fait, ne doivent
pas lui être attribuées, plutôt que pour identifier de manière sûre les premiers
auteurs qui les auraient employées.
Grégoire de Nazianze, qui est, parmi les Pères, l'auteur le plus cité, ici comme
dans l'ensemble de la littérature byzantine, peut être attesté à diverses reprises, en
dehors des citations mentionnées plus haut concernant la doctrine de la procession
de l'Esprit. Deux formules sont citées littéralement, la première à deux reprises :
n° 323 et 574 παραπληκτίζειν και αμφω εις Θεοΰ μυστήρια παρακύπτοντας et
άμφω εις Θεού μυστήρια παρακύψαντες60.
η° 423 Θεοΰ γαρ... μνημονευτεον μάλλον ή άναπνευστέον^Κ

59. Soit les n° 336-338 395 417-419 430-435 489-493 495-503 507 554-557 561-563 565-567
576-578 580-585 587.
60. Voici le texte exact de Grégoire de Nazianze (PG 36, 141B) : και παραπληκτίσομεν αμφω
εις Θεοΰ μυστήρια παρακΰπτοντες.
61. Relevons que la phrase de Grégoire de Nazianze (PG 36, 16B : Μνημονευτεον γαρ Θεοΰ
μάλλον ή άναπνευστέον), que Pachymérès n'attribue d'ailleurs pas nommément à cet auteur, figure
aussi dans le florilège du Pseudo-Maxime (Sargologos, II, p. 576 n° 6). Passée dans la langue
religieuse commune, elle subsistait ainsi comme maxime et sortie de son contexte.
178 ALBERT FAILLER

Un autre passage rappelle d'assez près Grégoire de Nazianze :


n° 421 ταύτόν τ επασχεν τοις κακοσίτοις οι, χρησίμην τροφήν και τφ στομάχφ
ραδίαν κατασχειν προσφερόμενοι, ύστερον και τοις μη χρησίμοις έπιχήναντες,
έξέμεσαν συνάμ' έκείνοις και την συνοίσουσαν62.
De même, la distinction logique opérée par Jean Bekkos entre l'objet et son concept,
entre la chose et le nom, se trouve déjà chez Grégoire de Nazianze :
n° 327 Oi μεν έπί τινι και είσι και λέγονται, οί δε οΰτ' είσιν οΰτε λέγονται,
οί δε λέγονται μέν, ουκ είσι δέ, οί δ' ανάπαλιν είσι μέν, ου λέγονται δέ63.
Mais la distinction logique était sans doute familière aux philosophes. D'autres
références sont données dans le répertoire des citations de l'Histoire à des pas
sages de Grégoire de Nazianze :
n° 38 et 158 άναρχο ν γαρ το πολύαρχον et ατακτον το πολΰαρχον.
η° 40 άρπάσαντες τον καιρόν.
η° 92 την έκκλησίαν άποίμαντον.
η° 200 δίκην πυρός αγρίου.
η° 494 καί τι παθών άνθρώπινον.
η° 817 τίνα των της σαρκός δέσμιων.
Mais il s'agit d'idées ou d'expressions banales et communes, dont la paternité
appartient vraisemblablement à des auteurs antérieurs et dont le contenu n'est pas
exclusivement chrétien.
Le cas est à peu près le même pour Grégoire de Nysse. Comme Grégoire de
Nazianze, il est souvent cité dans les passages qui concernent la procession du
Saint-Esprit. Pour le reste, on ne peut être sûr que l'historien entende le citer ; on
peut tout juste suggérer qu'il lui emprunte cette idée que la lumière et l'obscurité
ne peuvent coexister :
n° 615 ως μηδ' άμα του αύτοΰ οϊκου και φως και σκότος χωροΰντος.
C'est en effet une métaphore familière à Grégoire de Nysse64, mais il manque la
similitude rigoureuse des termes qui autoriserait à lier les passages de manière
certaine. Les autres rapprochements sont encore plus lâches.
Quant à Jean Chrysostome, il n'est jamais cité dans la controverse sur la
procession du Saint-Esprit. Mais une de ses formules, d'allure sentencieuse, est
reprise littéralement par Georges Pachymérès65 :

62. Voici le texte de Grégoire de Nazianze (PG 36, 133e) : ταύτόν πάσχομεν τοις κακοσίτοις
οίί, έπειδαν προς τι των βρωμάτων άηδισθώσι, προς πάντα λόγον ομοίως, ώσπερ εκείνοι προς
τροφήν, δυσχεραίνομεν. On relève dans l'Histoire d'autres formules de même facture : ταύτό γε
πάσχων τοις άποροΰσιν (Ρ Π, 4893), ταύτόν τι πάσχει τοις άψικόροις (Ρ II, 52122), το τοΰ κολυμβητοΰ
πάσχουσιν (Ρ IV, 4871112). Voir aussi la formule de Lucien citée en référence (n° 603).
63. Voici le texte de Grégoire de Nazianze (PG 36, 157A) : Των πραγμάτων τα μέν ούκ εστί,
λέγεται δέ · τα δέ οντά ού λέγεται · τα δέ οΰτε εστίν, οΰτε λέγεται ■ τα δέ άμφω και εστί, καί
λέγεται. Remarquons que les textes de Grégoire de Nazianze qui viennent d'être cités appartiennent
tous aux Discours théologiques.
64. Les florilèges édités par É. Sargologos retiennent deux passages de Grégoire de Nysse sur ce
thème : και φωτός φανέντος ούχ υπολείπεται σκότος (PG 44, 1284BC = Sargologos, I, p. 813 n° 33 ;
II, p. 490 n° 8) ; Ούχ υπομένει το σκότος την τοΰ φωτός παρουσίαν (PG 44, 1157Α = Sargologos, Π,
ρ. 112 η° 20). Ajoutons que Pachymérès traite la même idée dans le Commentaire de Denys
l'Aréopagite (PG 3, 760A) : έπει ούκ έχει φΰσιν το φως τφ σκότει συνεΐναι, δια τοΰτο τοΰ φωτός
ύπεισερχομένου, το σκότος διώκεται.
65. La seule différence est une légère interversion des termes : ότι τον εαυτόν μη άδικοΰντα
ούδεις παραβλάψαι δύναται (PG 52, 459-460).
CITATIONS ET RÉMINISCENCES DANS L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMERES 179

n° 651 ότι τον μη εαυτόν άδικοϋντα ουδείς δύναται παραβλάψαι.


Une autre idée chère à Jean Chrysostome est également présente dans l'Histoire,
où elle revient même à deux reprises, à savoir que la punition infligée par Dieu
peut être un signe de son amour, dans la ligne du proverbe commun « qui aime
bien châtie bien » :
n° 613 τό, Χρίστου οντά, παρ' αύτοΰ και κολάζεσθαι φιλανθρωπίας ήγημαι
πέλαγος.
η° 949 Θεός, φιλάνθρωπος ων τα πλείστα, δικαίως κολάζει66.
Faute d'avoir trouvé une meilleure référence, j'ai cité Basile de Césarée
comme modèle possible d'une formule de Georges Pachymérès :
n° 217 καν τομαις καν καυστήρσιν.
Bien que l'expression remonte à la tradition médicale ancienne, c'est également
Basile de Césarée que mentionnent les florilèges67. Dans les Mélétai déjà,
Pachymérès cite la formule, et cela à trois reprises68.
Ainsi donc les écrits patristiques inspirent peu l'historien pour les parties
vraiment personnelles de son ouvrage. Les citations les plus manifestes, celles de
Grégoire de Nazianze, se trouvent d'ailleurs dans des passages où l'auteur traduit
ou rapporte directement des faits ou des réflexions qu'il ne prend pas à son
compte.
En résumé, moins d'un tiers des citations et réminiscences relevées dans le
répertoire peuvent être rattachées à la littérature chrétienne (Écriture et Pères de
l'Église). Encore convient-il d'ajouter que ces citations sont commandées par le
récit ou la reproduction de documents. La littérature profane, si l'on inclut
l'ensemble important des proverbes et des locutions proverbiales, couvre le reste,
c'est-à-dire plus des deux tiers des citations. De plus, les citations et réminis
cencesprofanes, contrairement aux citations et réminiscences de contenu chrétien,
reflètent le choix et la culture de l'historien et, insérées dans les parties les plus
originales de l'œuvre, elles accompagnent et illustrent ses réflexions les plus
personnelles.

Le relevé et le classement des citations et réminiscences contenues dans


l'Histoire permettent d'établir un parallélisme étroit entre celle-ci et les premiers
exercices rhétoriques de l'écrivain. Pour rendre la chose plus évidente, j'ai introduit
dans le répertoire des citations de l'Histoire certaines expressions caractéristiques
- une quarantaine précisément - qui sont présentes simultanément dans les deux

66. La terminologie de Jean Chrysostome est cependant différente : Ουκ ευεργετών μόνον, άλλα
και κολάζων αγαθός έστι και φιλάνθρωπος ό Θεός · και γαρ αί κολάσεις αΰτοΰ και αϊ τιμωρίαι
μέγιστον ευεργεσίας μέρος, μέγιστον προνοίας ειδός είσιν (PG 49, 2505254). Dans le Commentaire
de Denys l'Aréopagite (PG 3, 252e), Pachymérès a émis la même idée, en lui donnant là une forme
concise : ή γαρ του Θεοΰ τιμωρία φιλανθρωπία εστί.
67. Sargologos, Ι, ρ. 355 η° 42 ; II, ρ. 412 η° 6. Le premier florilège mentionne d'ailleurs la même
formule dans un écrit de Grégoire de Ναζιανζέ (PG 35, 428A) : και καύσεσιν και τομαις.
68. Mélétai, p. 12523 (τομής και καύσεως), p. 15624 (καΰσεσι και τομαις), p. 22212 (καυστήρσι
και τομαις). L'éditeur des Mélétai mentionne également en note l'extrait de Basile de Césarée (p. 156
n. 6), de même qu'un passage de Cicéron de même sens (p. 65 n. 4 : « un secarique patimur »).
180 ALBERT FAILLER

genres d'écrits de Georges Pachymérès69 et qui, dans l'Histoire, peuvent dès lors
être présentées comme des réminiscences d' œuvres antérieures du même auteur.
De même, une partie notable des proverbes et locutions proverbiales employés
dans les Relations historiques sont déjà présents dans les Progymnasmata et les
Mélétai10. Plus éclairant encore : une partie des citations littérales des grands
écrivains grecs sont identiques de part et d'autre. Voici quels sont ces auteurs71 :
Homère (no 350 398 855), Démosthène (n° 35 751), Pindare (n° 234), Sophocle
(n°718), Antisthène (n°281), Aristide (n° 249). Quelques autres citations, non
littérales cette fois, se retrouvent également de part et d'autre :
n° 8 ή διπλή αγνοία (Platon).
n° 1 1 χρήματα νεΰρα πολέμου (Biôn).
n° 142 κώμοις και μέθαις (Épître aux Romains).
n° 277 τέθνηκεν ούπερ τοις νέοις θνήσκειν καλόν (Eschyle).
Mais le parallélisme entre les exercices rhétoriques et l'Histoire ne se borne
pas à un semblable système de références aux grands auteurs de l'Antiquité grecque.
Le style lui-même est identique. Il est inspiré par les règles oratoires et les canons
de la rhétorique classique. La démonstration logique prend le pas sur la description
pittoresque. En ce sens, Nicétas Chômâtes et Georges Pachymérès s'opposent :
d'un côté, un style chatoyant, avec une surabondance d'adjectifs qualificatifs rares
et recherchés72 ; de l'autre côté, les périodes amples de l'exposé juridique et de la
démonstration logique, avec une abondance de verbes. Quant au rédacteur de la
Version brève, il opère une double transposition de l'original, du ton savant au ton
populaire, d'une tonalité profane et païenne à une tonalité religieuse et chrétienne,
dont le répertoire des citations constitue le meilleur indice à travers la multiplication
des références scripturaires.

Albert Failler
Institut français d'Études byzantines (IFEB)

69. On peut relever ainsi près de 40 cas. Il serait fastidieux de citer les textes, et il suffit de renvoyer
au répertoire : n<> 10 17 34 102 121 185 201 202 207 218 239 258 259 292 306 341 370 372 451 464
478 506 559 560 568 625 703 846 856 859 944 970 973 985 1018 1075 1093.
70. On peut relever 16 cas dans le répertoire : n« 15 131 141 180 191 217 262 266 316 319 362
375 527 626 733.
71. On trouvera plus haut, au chapitre II, le texte qui correspond à chacun des numéros indiqués
ici entre parenthèses.
72. Voir G. Fatouros, Die Autoren der Zweiten Sophistik im Geschichtswerk des Niketas Chômâtes,
JOB 29, 1980, p. 165-186.

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