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Résumé
REB 63, 2005, p. 97-126.
Jean-Claude Riedinger, Remarques sur ία Chronographie de Michel Psellos. - La Chronographie de Michel Psellos constitue l'un
des chefs-d'œuvre de l'historiographie byzantine. Le texte dont nous disposons, notamment celui édité par Emile Renauld,
comporte de nombreuses obscurités dues tant au grec subtil et fin de Psellos qu'à l'état du manuscrit unique qui nous a conservé
la Chronographie. Pour offrir de nouvelles suggestions, nous nous sommes appuyés sur les autres écrits de Psellos pour tenir
compte des usages de l'écrivain. Nous n'avons retenu pour cet article que les modifications qui améliorent sensiblement la
compréhension du texte et modifient la traduction. [Compte tenu de l'ampleur des notes de lecture, les éditeurs ont séparé cette
contribution en deux parties, la seconde - qui commence au règne de Constantin Monomaque - sera publiée dans le prochain
numéro de la revue].
Abstract
Michael Psellos's Chronographia is one of the masterworks of Byzantine historiography. As we know it today, especially through
the edition by Emile Renauld, the text is often obscure, partly because of Psellos's subtle and sophisticated language and partly
because of the state of the Chronographia' s unique manuscript. Some new suggestions are made here on the basis of the
author's writing-habits as they emerge from his other writings. In this article, only the changes that considerably improve
comprehension of the text have been retained. [Considering the length of the contribution, the editors have separated this article
into two parts, keeping the second one - which begins with the reign of Constantine Monomachos - for the next issue of the
journal ].
Riedinger Jean-Claude. Remarques sur le texte de la Chronographie de Michel Psellos. In: Revue des études byzantines, tome
63, 2005. pp. 97-126.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_2005_num_63_1_2307
REMARQUES SUR LE TEXTE
Jean-Claude RIEDINGER
2. Nous avons constamment utilisé É. Renauld. Étude sur la langue et le stxle de M. Psellos,
Fans 1920 (= Renauld) et aussi G. Böhlig. Untersuchungen zum rhetorischen Sprachgebrauch der
Byzantiner, mit besonderer Berücksichtigung der Schriften des M. Psellos. Berlin 1956 (= Böhlig).
Revue des Études Byzantines 63. 2005. p. 97-126.
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D'un autre côté, le travail des éditeurs, et des critiques comme Kurtz, Pantazidis
et Sykutris, a fait apparaître, par les corrections qu'ils ont établies et qu'on peut
considérer comme sûres, un certain nombre de fautes caractéristiques du copiste.
Nous avons toujours tenu compte de ces caractéristiques, en demeurant aussi tou
jours conscient de l'incertitude que comporte toute correction, incertitude cependant
inégale selon les cas.
Préciser la nature et la gravité des fautes permet d'indiquer dans quelles limites
une correction peut être considérée comme plausible : il est possible en effet de
mettre un certain ordre dans l'accumulation d'erreurs de toute sorte qui déparent le
texte de l'ouvrage. Nous sommes partis de l'apparat de Renauld, à la fois parce
qu'il est le plus minutieux (il note les plus légères modifications qu'il a apportées
au manuscrit), et parce qu'il est le plus exact (quand il y a divergence entre Sathas
et lui, nous avons toujours constaté que Renauld avait raison). Nous n'avons pas
tenu compte évidemment des corrections inacceptables qu'il a parfois apportées au
texte, mais pris inversement en compte les corrections à notre avis indispensables
qu'il n'a pas acceptées.
On distingue nettement quatre types de fautes :
1) Les plus nombreuses sont dues à la prononciation, et ont donc un caractère
orthographique. Toutes les sortes en sont représentées. Pour les voyelles, le iota-
cisme, sous toutes ses formes ; l'échange, dans les deux sens, entre ai et ε et entre
ο et ω ; υ pour β ou l'inverse ; ευφ- écrit εφ-, parfois l'inverse.
Pour les consonnes : la consonne simple remplace souvent la consonne gémi
née(avec par ex. λ, τ, ν, π...) ; le v final est très souvent omis (pour cette raison
peut-être il arrive qu'il soit présent alors qu'il ne devrait pas) ; νγ (rarement νκ, γχ)
est pour γγ... On peut attribuer peut-être à la même cause la simplification d'un
groupe de consonnes (χ, ξ pour γχ, γξ ; αδρ pour ανδρ ; αφ pour αμφ... ; on trouve
chaque fois les cas inverses).
Ces fautes sont si nombreuses qu'on peut considérer comme certain que, à un
stade de la transmission, l'ouvrage a été dicté. Peut-être remontent-elles à l'arché
type : Psellos nous apprend qu'il a dicté son ouvrage : ύπαγορεΰσας (R I, 152,
lxxiii 12). Ce verbe ne signifie chez lui que « dicter », et on a traduit à tort par
« mentionner, relater ».
2) La seconde série par ordre de fréquence est celle des fautes sur les désinenc
es, nominales comme verbales (nombre de fautes d'orthographe se situent aussi
dans les désinences). À première vue, on ne trouve ici que confusion. Du point de
vue grammatical, en effet, toutes les sortes de glissement sont représentées : du
singulier au pluriel, du masculin au féminin ou au neutre, chaque fois dans les deux
sens ; glissement d'un cas à un autre, et, pour les verbes, d'une personne à l'autre,
sans oublier les passages d'un temps à l'autre ou d'un mode à l'autre. Envisagées
du point de vue formel, elles présentent la même confusion : on trouve un nombre
très élevé de remplacement de toute voyelle, ou diphtongue, par une autre voyelle,
ou diphtongue. Certes, certains types d'erreurs plus fréquents se laissent parfois
distinguer, mais il paraît vain de chercher des « règles » dans un tel désordre. En
revanche, la forme même de ces fautes impose quelques remarques de grande
importance :
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE 99
a) Dans la presque totalité des cas, le copiste passe de la forme correcte à une
autre qui existe également. Les formes barbares sont exceptionnelles. Autrement
dit, ce qui est en œuvre, c'est l'attraction par une forme analogue (même dans les
cas d'une forme barbare, on note d'ailleurs qu'elles sont faites, en général, avec
une désinence réellement existante, mais qui est celle, par ex., d'un autre temps : par
ex. - όμενος pour un participe parfait ou - οντος pour un participe aoriste passif).
b) Une autre remarque n'est pas moins importante. La quasi-totalité de ces
fautes ne porte que sur une lettre (voyelle ou consonne), ou un son (dans les cas de
diphtongue). Dans de rares cas, une lettre en remplace deux (a pour ος). Même
chose pour les omissions (le ς, outre le v, final : ται, το pour νται, ντο ou σται,
στο ; l'inverse existe parfois). Les seules consonnes concernées sont d'ailleurs ν, σ.
Ces deux remarques sont donc une incitation à une grande prudence dans l'emploi
des corrections.
c) Enfin on peut se demander quelle cause déclenche le mécanisme de l'erreur,
pour une terminaison écrite dans les autres cas de manière correcte. On admettra
que cette altération est due probablement au contexte. On peut même, dans un cas
par ailleurs très fréquent, préciser davantage : en effet un nombre très élevé de
fautes de désinences a pour origine celle d'un mot voisin, qui « contamine » pour
ainsi dire celle qui devient fautive.
3) En dehors des désinences, les fautes sont nettement moins nombreuses.
Certaines sont sans doute dues à des fautes de lecture, pour des lettres de forme
voisine (τ pour π, γ, ou inversement ; ν pour ρ ou inversement).
Mais, pour expliquer une grande partie d'entre elles, on retrouve un autre
effet de l'analogie. En effet, le copiste n'écrit pas non plus ici de barbarismes : il
remplace le mot du texte par un autre, de forme voisine, que, pour une raison ou
une autre, il a dans l'esprit. Voici des exemples qui concernent des modifications
légères : τελευτήν (τελετήν), καιρόν (κόρον), σΰμβολος (σύμβουλος), συμμάχων
(συμμαθών), άκουσας (άρκούσας), διεσώσατο (διεσείσατο). Si l'altération for
melle est mince, le sens peut être, comme on voit, totalement déformé. On trouve
aussi, relativement souvent, des altérations plus importantes : διαλυθέντος (διελ-
θόντος), μόνον (μέλλον), φλεγόμενος (φθεγγόμενος), βάσανοι (βάναυσοι),
πραγμάτων (χρημάτων), χρώματος (χρώμενος)...
Il convient de rattacher à ce type d'erreurs ce qu'on pourrait appeler des cas
« d'attraction interne », où une voyelle dans un mot s'assimile une voyelle voisine,
du type άνθημαλλάτο (pour άνθημιλλατο). On en trouve un assez grand nombre
d'exemples (λιγισμο"ΐς, ξιφοφόρος...).
Ce troisième type de fautes trace assez précisément les cas où il peut être permis
de toucher un peu plus au texte : l'analogie peut jouer ici avec plus de liberté, ou de
fantaisie. Nous envisageons avec plus de détails les cas où l'attraction est faite par
un mot qui n'est pas dans l'esprit du copiste, mais se trouve dans le texte même, à
proximité.
4) La dernière catégorie de fautes est celle des omissions (la dittographie est
bien plus rare). Celles-ci peuvent prendre toutes les formes, lettre isolée, syllabe,
un ou plusieurs mots. Ces dernières, qui nous sont apparues plus nombreuses que
celles admises par les éditeurs, sont envisagées selon l'ordre du texte : on verra
qu'il n'est guère possible d'expliquer la lacune à cet endroit précis. Il en est de
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même pour une autre catégorie, très souvent représentée, celle de l'omission d'une
syllabe. On les trouve à toutes les places, début, milieu ou fin de mot : mais l'omis
sion à l'intérieur du mot est incontestablement la plus fréquente (il peut s'agir
ou non d'une haplographie). Cette omission peut commencer aussi bien par une
consonne que, moins souvent, par une voyelle. Enfin, il n'est pas rare de constater
la chute d'une seule lettre, et surtout des « petits mots », comme article, particule
ou parfois préposition monosyllabiques (δε, τε, γάρ, καί, εν).
Au total, la faute la plus caractéristique dans Ρ (que le copiste en soit responsab
le ou qu'il le doive à son modèle) est celle due à l'analogie, sous n'importe quelle
forme. Mais une telle étude invite aussi à user de la correction avec discernement,
ce qu'ont fait d'ailleurs le plus souvent les éditeurs. Il existe indiscutablement des
points « faibles », où les chances d'erreur sont plus grandes. Mais en dehors de
certains cas dus à l'analogie, les altérations sont d'importance réduite. Le copiste
semble avoir souvent manqué de concentration, mais sa vue l'a préservé de grands
écarts.
Livre I (Basile)
1) RI, 2 (n, 9) :
La première difficulté se rencontre dès les premières lignes de l'ouvrage. Ps
termine ainsi le récit de l'accession de Basile au pouvoir :
έπει ούδ' αν άλλως ή της βασιλείας αύτοις αρχή διεκυβερνήθη εί μη τω
πρώτω και άκριβεστάτω ή αυτοκράτωρ άπεκληρώθη διοίκησις.
Ούδ' (άν) άλλως εί μη est effectivement une construction usuelle chez Ps, mais
qui signifie toujours : « seulement si, ne... que si » (R I, 17, xxvn, 17 ; 80, xlvi, 4 ;
147, lxiii, 9...). On aboutit donc réellement au sens de : « la direction de l'empir
e n'aurait été exercée par eux que si le gouvernement impérial avait été le lot
du premier d'entre eux et du plus compétent ». L'irréel est inintelligible, puisque
Basile, qui est ainsi désigné, a effectivement régné. Aussi les traductions non seule
ment suppriment la valeur particulière de άλλως, mais modifient le sens de âv
διεκυβερνήθη (ex : « l'empire n'aurait pas pu être bien conduit », R).
Précisons d'abord le sens de πρώτω, qui ne saurait signifier « aîné », comme
on traduit, ce qui se dit πρεσβύτερος (deux fois dans le contexte). Ici l'adjectif
exprime probablement la supériorité : il est précisé par άκριβεστάτω. Puis il faut
considérer la suite des idées. Ps vient de développer successivement les trois
thèmes suivants :
i, 1-5 : Basile et Constantin accèdent ensemble à l'empire : il y a deux emper
eurs (cf. par ex. xv, 4 τους βασιλείς) ;
n, 1-6 : mais il existe une grande inégalité entre les deux, Basile étant nettement
supérieur à l'autre, qui recherche une existence dans la mollesse ;
n, 6-9 : par suite d'un arrangement, Basile prend en mains tous les pouvoirs,
Constantin se contentant du titre. Pour proposer une solution nous remarquerons
d'abord que κλήρος est la notion essentielle (έκληρώσατο, άπεκληρώθη, κλήρον).
Or ce mot désigne le « lot », reçu en toute « légitimité », en particulier par héritage.
Il se dit ici du pouvoir, et ce terme contient comme l'embryon de l'idée d'un droit
de succession par héritage, qui apparaît bien dans la question de la légitimité de
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE 101
Zoé face aux parvenus paphlagoniens (R I, 67, xxn, 15 ; 99, xxn, 6 ; 116, li, 9). Sur
la situation complexe à Byzance, nous renvoyons à G. Dagron, Empereur et Prêtre,
Paris 1996, p. 52 sq. On retrouve alors une suite naturelle des idées : en supprimant
la négation (ou en lisant peut-être ε'ί πη qu'on trouve en R II, 98, xxvi, 5 au lieu
de ει μη) : « car la direction de l'empire n'aurait pas été exercée autrement, si le
gouvernement impérial était échu au premier d'entre eux, le plus compétent » (au
contraire évidemment de toute la tradition byzantine, d'où peut-être ε'ί πη). Il y a
opposition entre μόνου του ονόματος εκληρώσατο κοινωνόν et ή αυτοκράτωρ
άπεκληρώθη διοίκησις. Autrement dit : tout se passe en fait comme si Basile exer
çaitle pouvoir de droit (« le gouvernement de l'empire n'aurait pas été différent si
Basile avait été le seul à en hériter ») ; άλλως a ici tout son sens (comme en 65, xx,
17 : ουκ αν άλλως εχοις ειπείν). La connexion des idées est parfaite avec la suite :
Ps félicite Constantin d'avoir renoncé à un pouvoir qui était son « héritage pater
nel», qu'il détenait « à égalité » (1 1 sq.)· De fait, on note que dans la « première
Chronographie » Constantin n'est même pas nommé comme empereur (MB V, 119,
20 sq).
Καϊ τα πρώτα γένη των τότε δυναμένων άναρτησάμενος και εις άντίπαλον
μοΐραν αποκριθείς...
« s'étant attaché les plus importantes des familles puissantes à cette époque, et
en ayant formé un corps capable de se mesurer » (avec Basile).
L'expression άποκρίνεσθαι εις « former (par séparation) » est chez Thuc. I, 3,
le verbe ayant normalement le sens actif. Ps la reprend à propos de l'armée du
« tyran » Isaac Comnène (MB IV. 362. 5) εις μίαν άντίπαλον μοίραν αποκρι-
:
θέντες κα\ της ετέρας ημών καθαρώς άποστάντες. Cf. aussi 29.
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8) R 1,15 (xxiv, 8 sq.) : Sklèros mène avec intelligence sa guerre contre Basile :
ου μέχρι δε τούτου κατεστρατήγει τον αυτοκράτορα, άλλα και τας ναΰς
απέχων όπόσαι ές το πομπείαν έτύγχανον Ίκαναί, ετι γε μην και τας των οδών
άποτειχίζων ελευθερίας, τα μεν οσα εκείθεν ές τα βασίλεια ήγετο δαψιλώς
άπεθησαύριζε τω στρατω...
Tout est très clair, à la réserve de deux mots du début, qui sont inintelligibles :
απέχων, et surtout το πομπείαν, pour quoi on a proposé soit το πομπεΤον (déjà
Ducange, s.v. δρόμων), soit την πομπείαν (R). Mais ces solutions sont inaccepta
bles : πομπεία est la « procession » (K-D I, 268, 26 ; 270, 10), ou les « invectives »
échangées au cours de certaines d'entre elles, πομπείον est le « vase » pour de
telles processions. Nous n'avons pas trouvé trace d'une autre acception (aucun des
deux termes ne se retrouve dans la Chro.) : il est donc probable que la traduction
adoptée, « convoi », n'est qu'un expédient (d'ailleurs « des bateaux appropriés
pour des convois » manque de clarté).
Il faut tenir compte du contexte, qui montre que Sklèros « mettait en réserve »
pour son armée ce qui était transporté vers la capitale, et aussi de l'étonnant τό
devant un féminin, qui pourrait être non une faute, mais la trace de la bonne leçon.
Nous supposons que Ps a écrit όπόσαι ές <σι>τοπομπείαν. Nous n'avons pas
retrouvé ce terme dans la Chro., mais il est bien attesté jusqu'à Thémistius au
moins ( 1 8, 22 1 B). On trouve une faute très semblable en R II, 87. vin, 5 (έκάστο)ς
τηρέσιον corrigé par Sa en έκάστω σιτηρέσιον). Avec la correction en επέχων
( Κ. puis les éditeurs), on aboutit à un sens satisfaisant « comme il retenait tous les
:
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10) R 1,16 (xxvi, 8) : Sklèros reçoit les envoyés de Basile qui lui proposent de
faire la paix :
ό δε τα μεν πρώτα ούκ ευμενώς τοις πραγμασιν άγαν ώμίλησε.
Ni πραγμασιν ni όμιλείν ne semblent possibles dans ce contexte. On cite en
effet (Crise) : καινοίς πραγμασιν όμιλείν (Ar., Nu. 1399), mais là il s'agit de la
sophistique, et sont justifiés à la fois l'emploi du pluriel πράγματα et celui du
verbe au sens de « s'occuper habituellement de », « vivre dans » (une situation ou
un mode de vie, avec πολεμώ, φιλοσοφία, ευτυχία...). Cela n'est nullement le
cas ici : le substantif, pour désigner une proposition de paix, devrait être au sing.
(« cette affaire »), et l'emploi du verbe est tout aussi impropre (on peut noter aussi
que ευμενώς ne s'emploie dans la Chro. que pour des sentiments à l'égard de
personnes : R I, 116, li, 8 ; 126, xvn, 5 ; R II, 16, ci, 16 etc.). L'usage de Ps est
d'autre part d'accompagner régulièrement le verbe όμιλείν, quand il signifie
« converser », d'un adverbe (R I, 63, xvn, 13 ; 145, lviii, 5 ; R II, 74, vu 5) : on le
retrouve s 'agissant d'ambassadeurs dans από δε του κρείττονος πάσαις (πρεσ-
βείαις) ώμίλει σχήματος (R II, 1 14, l, 2). H nous paraît donc vraisemblable que
πραγμασιν a pris la place de πρεσβεσιν en raison de l'attraction par πραγμάτων
(1. 6), par un phénomène qui se rencontre souvent. Cf. remarque 46. Dans le
contexte il n'est question que d'ambassade.
αλλ'
MB V, 380, 2 : έπαφεις αύθις επεχε. Les traducteurs s'écartent donc délibé
rément du texte (par ex. « revêtu », R ; « arrogating », Se). Il conviendrait de lire
ετι άφείς (pour la même faute en sens inverse R II, 65, cxci, 3 οτι ώς pour όπως) :
« comme s'il se laissait encore à lui-même une partie de son usurpation ». Pour ce
sens de άφίημι, par ex. R I, 80, xlvi, 16 : ου τα μεν αφελών τα δ' άφεις τω σώ
ματι της αρχαίας περιβολής.
3. Si la faute est due à la répétition fautive de καί après les trois καί qui précèdent le relatif (... και
όπόσα και) on peut noter que cette faute se retrouve assez souvent dans P. Voici les exemples concer
nant les « petits mots » On en trouve d'abord un cas très semblable en (R II, 167, xxxmi. 4 και... και....
.
γνώναί τε κα\ δέοντα κα\ έρμηνεΰσαι avec κα\ δέοντα au lieu de τα δέοντα (Sa). Autres cas R 1. 61 .
:
xi.vm, 3 ov μάλλον ôv : öv μάλλον (Sa) : R II. 62 .clxxxvi, 1 1 ό μεν γαρ ναός... μάλλον μεν το μεν
αίθέριον σώμα μάλλον μεν μάλλον δέ ; Sy ; R II, 75. vu, 10 θαυμάζω μεν, α'ιώσι μεν αλλ' ού
:
:
:
χρόνοις αιώσι μεν αίώσι μέντοι Sy. Mais αίώσι δέ est tout aussi vraisemblable. R II. 88. ix. 5
:
επ\ τας εκείνων συντάξεις εκείνος εκείνος εκίνουν Sa. R II. 148. xxii. 1 sq. βουλή παρά του
:
:
106 JEAN-CLAUDE RIEDINGER
pas « il ne confiait pas à d'autres la place qui leur revenait », mais « il ne laissait à
aucun autre le soin de les disposer » (pour cette construction et ce sens de τίθε-
σθαι, cf. R II, 177, x, 8 ; R I, 27, iv, 12).
Livre II (Constantin)
14) R I, 36 (vin, 12 sqq.) : dans leur message à Romain Argyre, les Syriens
déclarent qu'ils ne veulent pas la guerre, qu'ils respectent les traités, mais que :
δ'
τοιαύτης άπηωρημένης αύτοίς χειρός, ει απαραιτήτως εχοι, νυν πρώτως
παρασκευάζονται τη του πολέμου τύχη εαυτούς έπιτρέψαντες.
« ... ils se préparent aujourd'hui pour la première fois, s'étant remis à la fortune
de la guerre » (pour la valeur de l'expression cf. R I, 10, xv, 7 : τω της τύχης
εαυτόν επέτρεψε πνεύματι avant la bataille).
Ces mots sont en contradiction flagrante avec le contexte, puisqu'ils viennent
de déclarer qu'ils ne veulent pas la guerre (ούτε πολεμείν βούλοιντο), et que
l'empereur renvoie leur délégation parce que « pacifique » (les traducteurs ne
sont pas à l'aise pour ce passage, introduisant par ex. un conditionnel pour rendre
παρασκευάζονται : Se, Ro). Le texte souligne en contraste les préparatifs de
longue date du belliqueux Romain (vu, vin, 5 et 16). On ne peut faire l'économie
d'une correction, et nous proposerions έπιτρέψοντες. La confusion est fréquente
dans Ρ entre futur et aoriste, lorsqu'il y a simplement la différence d'une voyelle
(ο/α), et on a souvent corrigé, le plus souvent dans le sens aoriste-futur (R I, 82,
XLix, 13 etc.). Pour la construction, rare, du part. fut. sans ώς avec un verbe signi
fiant « se préparer », on dispose d'au moins un ex. de Ps : εύτρεπίσμεθα άμφω έγώ
μεν άσων, ό δε έπάσων (K-D Π, 62, 20 sq). On rapprochera aussi de ήτοι-
μάσθητι... ποιησόμενος (Alex. 10, vu, 3). Nous comprenons donc : « ils se prépa
rentaujourd'hui, pour la première fois, à s'en remettre à la fortune de la guerre ».
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE \ 07
Notons que cette interprétation est confirmée par les mots qui précèdent, car il
faut rattacher la conditionnelle au gén. abs. « sous la menace d'une aussi nombreuse
troupe - pour le cas où il se montrerait inexorable ». C'est ce dernier point que les
Syriens veulent éclaircir.
Pour la même confusion, voir remarques 16, 30, 63.
19) R Ι, 52 (xxvi, 43) : Ps décrit les derniers instants de Romain. Bien qu'il s'en
défende, il penche visiblement vers la thèse de l'empoisonnement (cf. xxiv sq. et
surtout 55, iv, 8 : έωκει τοις έκ φαρμακοποσίας άνοιδήσασι ; en 51, χχνί, 5-9, il
semble admettre l'idée de poison, mais faire des réserves sur la culpabilité des deux
amants) :
είτα δη άθρόον άναρραγέντος ύπεκχείται δια του στόματος μελάντερόν τι
την χρόαν και πεπηγός, εφ' ω δη δις και τρις άσθμάνας την ζωήν απολείπει.
άναρραγέντος : άνερυγέντος (Charitonidis) ; του πνεύματος άναρραγέντος
(Sa) ; άναρραγέν (Κ).
Cette dernière conjecture nous semble devoir être préférée (malgré έρΰγειν την
ψυχήν : Or. Pan. 4, 369). En effet, Ps signale, entre autres explications de la mort
subite de Bardas Phocas, celle de l'empoisonnement (RI, 11, xvi, 19-23) : και
φάρμακον... πόθεν περί την κίνησιν άθρόον άναρραγέν τόν τε φρονοΰντα του
εγκεφάλου τόπου κατέλαβε.
La formulation est la même (άθρόον άναρραγέν), les circonstances sont les
mêmes (l'empoisonnement), le phénomène physiologique aussi est identique : une
brusque « irruption vers le haut » (tel est le sens de άθρόον άναρραγέν) du poison,
qui ici s'évacue par la bouche, et là atteint le cerveau. Sur ce sens de άναρρήγνυ-
σθαι, cf. aussi R 1, 104, xxix, 7 : « surgir » de terre. C'est aussi ce que lisait Zonaras
(III, 85, 6, cité par K) : είτα και μελάντερόν τι άναγαγών δια του στόματος
άφήκε το πνεύμα. Pour la même faute, qui est l'assimilation des désinences
(άναρραγέντος... του στόματος), cf. remarques 36, 100, 116, 132.
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE 109
23) R I, 64 (xvm, 15) : malgré toutes les précautions prises pour dissimuler les
crises d'épilepsie de Michel IV :
ώπτο δε και πολλάκις του ίππου ριφείς.
« Souvent » est inintelligible dans le contexte car cet adverbe est illustré ensuite
par un événement présenté sans aucune ambiguïté comme ne s 'étant produit qu'une
seule fois : cf. τηνικαΰτα et les temps des verbes κατέλαβε, ώπτο. La correction
la plus simple est de lire πολλοίς : cette annonce du récit forme alors une structure
circulaire parfaite avec sa conclusion : της έδρας έκκυλισθεις... ώπτο τοις πολλοίς
σπαρασσόμενος (1. 19).
24) R Ι, 64 (χΐχ,12) : Ps fait la liste des pays qui se sont abstenus d'attaquer
l'empire durant le règne de Michel IV; elle s'achève ainsi :
οΰτ' αλλ'
άλλος τις τών βαθύτερων εθνών την εαυτών άπεγύμνουν (Sy pour
έπεγύμνουν) δυσμένειαν.
Deux remarques ici :
a) Les éditeurs ont accepté la correction de Sathas : αλλ' άλλως τι qui crée des
difficultés insurmontables : άλλως n'est jamais séparé ni de εϊτε (ex. RI, 17, xxvii,
12 ; 68, xxiv, 10) ni de οΰτε (ex. R I, 150, lxvii, 8), et de plus il sépare ici à son tour
άλλο de τι, alors que ces mots sont partout ailleurs juxtaposés (ex. R I, 28, vi, 6).
Enfin il y a cumul de άλλος et άλλως, qui, en dehors du redoublement du type
άλλος άλλο, ne sont jamais utilisés ensemble, parce qu'ils ont des fonctions diffé
rentes, le premier ajoutant un nouvel article à une série, le second une nouvelle
détermination au même objet. Nous conclurons qu'il ne peut s'agir que d'une ditto-
graphie, et qu'il faut lire simplement οΰτ' άλλο τι.
a) L'adjectif βαθύς indique toujours la profondeur, autrement dit la position à
l'intérieur d'un tout (c'est le cas également en R II, 19, cv, 12 : τα βαθύτερα της
Ιβηρίας). Pour lui trouver une justification, il faut imaginer le sens de « lointain »
(R ; aussi Se, Ro), dont l'existence n'est pas attestée. Mais surtout l'adjectif est en
contradiction avec l'expression qui désigne ces peuples ici (1. 9), et ailleurs : τα
πέριξ έθνη : car l'éloignement n'a rien à voir à l'affaire, et c'est au contraire la
proximité avec les frontières qui importe. Nous croyons nécessaire de corriger en
βαρύτερων qui, chez Ps comme dans la langue classique, indique l'hostilité redou
tabled'un ennemi (cf. ici δυσμένειαν). Autres références : R 1,15, xxiv, 7 ; II, 4,
lxxxiii, 7 (un τύραννος) ; R I, 7, xi, 4.
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE \ \\
26) R I, 67 (xxn, 15) : Jean expose à son frère son plan pour conserver le
pouvoir dans leur famille ; le point de départ en est la légitimité de celui de Zoé :
οϊσθα... οτι κατά κλήρον ή βασιλεία τη βασιλίδι προήκται
La confusion entre les préverbes προ- et προσ- est fréquente dans P, et nous
pensons qu'il s'agit ici d'un de ces cas. En effet προάγω signifie « pousser quel
qu'un, l'amener à », ou bien « promouvoir, élever à une charge », ce qui, au pass
if, aboutirait à la construction inverse de celle du texte (ή βασιλις τη βασιλεία
προήκται : cf. R I, 123, xii, 21). En revanche, προσάγω signifie normalement
« présenter quelque chose à quelqu'un, le lui offrir » (R 1,73, xxxiv, 13 : ποίαν
τούτοις ου προσήγε τιμήν). Il convient de lire προσήκται : « le pouvoir impérial
a été offert, par héritage, à l'impératrice ». Même erreur : remarques 38, 71, 139.
28) R I, 75 (xxxvi, 20) : Michel crée un monastère pour les prostituées, les
invitant à changer de vie :
και μη έπι τω δεδιέναι του βίου έλλείματι.
Avec l'article l'ordre des mots est étrange : Maas voulait transposer του βίου
avant δεδιέναι, mais Ρ porte τω et on a affaire à l'indéfini : « et à ne pas craindre
(pour) un manque de ressources ».
33) R I, 82 (l, 6) :
το δε πρόσωπον ούδ "ίχνος τι της αρχαίας αύτω εσωζεν όμοιότητος
όμοιότητος avec αρχαίας ne donne guère de sens. En fait l'adjectif correspond,
comme souvent chez Ps, à αρχή au sens de « commencement », et est un rappel du
Michel du début, lors de sa première apparition (R I, 45, xvm 13) : κατεσκεΰαστο
το πρόσωπον ές ακριβή ωραιότητα... Nous lisons ώραιότητος.
36) R I, 93 (xi, 1 1 sqq.) : Michel V nourrit des soupçons sur les machinations
de l'Orphanotrophe, soupçons qui lui viennent en partie de lui-même, en partie de
ses conseillers :
τα δε των περί αυτόν την οίκείαν γνώμην έξαγγελλόντων, ώς ουκ ετι την
ΰφεσιν καρτερησουσαν άλλα πάντα πράξουσαν ώστε δυοιν θάτερον ή έαυτω
διαφυλάξασθαι το αξίωμα ή συναπολεΐσθαι τοις πράγμασι.
Les deux part, futurs n'ont évidemment pas de sens ; les éditeurs adoptent
καρτερήσουσιν, πράξουσιν (Sa), qui ont pour sujet les conseillers (dont la phrase
reproduit la pensée). Cette interprétation semble impossible, le cas décrit étant
clairement celui de Jean : l'abaissement (ΰφεσιν) dont il est question est bien celui
qu'il subit, au moment où, au contraire, Michel affirme de plus en plus son pouvoir
(x) ; la dignité (αξίωμα) dont il est question est celle dont il jouissait jusqu'à pré
sent (x, 10 : δεινόν ηγούμενος ει καταλυθείη αύτω το αξίωμα) ; de plus, « garder
son rang ou périr avec l'État » est une alternative qui ne peut se poser pour les
fidèles du basileus qui détient tous les pouvoirs, tandis qu'elle évoque le risque
énorme que prend l'Orphanotrophe ; et enfin, le réfléchi au sing, έαυτω ne peut
désigner que Jean et est inintelligible s'il s'agit des conseillers. On peut au moins
déterminer l'origine de l'erreur : l'assimilation mécanique des deux désinences au
féminin ΰφεσιν qui précède. Ce type d'erreur, d'ordre intellectuel plus que visuel,
rend admissible une déformation un peu plus importante que la « norme »4.
On pourrait penser à καρτερήσοι άν, πράξοι αν (pour cet emploi de l'opt. fut. avec
αν, cf. Renauld p. 102) : l'allure générale de la phrase se retrouverait en R II, 60,
clxxx, 5 sqq : ώς ουκ αν εκών είναι διαφθείροι τον βασιλέα, όπηνίκα δε... ουκ
αν αύτω φθονήσοι της δλης μεταθέσεως. Cette solution pourrait se heurter au
fait que Ps joint usuellement άν à la négation en début de proposition (cf. outre
l'exemple cité à l'instant, R I, 82, xux, 3 ; 1 1 1, xli, 18, etc.) : mais cette règle n'est
pas absolue : cf. MB IV, 360 : οΰτε... έξαλλαγείη άν ; V, 88 ουκ άγαίμην άν. De
plus, le redoublement de l'erreur pose un nouveau problème. L'explication paléo
graphique reste sans doute à trouver, mais le sens général n'est pas douteux.
4. L'assimilation fautive des désinences est la faute la plus fréquente du copiste de P. On la trouve
pour des substantifs ou adjectifs : par ex. ολβίους και εύδαίμονας, pour ευδαιμονίας (R II, 46, cliii,
10) ; πασιν πραξιν pour πάσαν (R Π, 60, clxxxi, 5) ; avec une corruption plus importante (R II, 76,
ix 2sq) : φιλόσοφον ενδοξον (pour εδοξε) ; cf. aussi R I, 102, xxxu, 1 1 etc.. (on la trouve une fois
répétée pas moins de trois fois en trois lignes : R I, 82, xlix 21-23). Des participes sont très souvent
concernés, par ex. : κατά νώτου τούτοις συνεισπεσόντος (pour συνεισπεσόντες R I, 8, xi, 22) ; ό
πάντα έλπίσας κατασείσας (pour κατασεισαι R I, 38, ix, 29). Cf. encore R I, 129, χχιν, 5 ; 140, xlvi,
:
18 ; R II, 14, xcvm, 7 ; 51, clxi 20. Toutes ces corrections ont été faites par Sathas. Comme exemple
d'une corruption plus grave, cf. R I, 32, 1, 10 sq. : ή δε εντεύθεν της ιστορίας γραφή ακριβεστέρα της
προλαβοΰσης γενήσεως (pour γενήσεται, Pant). Cf. aussi remarque 19 et plus loin 100, 1 16, 132.
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE \ \5
Ce texte est accepté par les éditeurs. « Ses projets se trouvaient ainsi réalisés »
est pourtant une expression dépourvue de sens : le contenu du paragraphe qui
précède n'a aucun rapport avec cette affirmation. Il faut assurément lire οΰπω :
« ses projets n'étaient pas encore réalisés ». Cette phrase est en fait la charnière
entre les débuts du règne absolu de Michel, résumés en quelques lignes parce que
n'intéressant pas Ps, et le long développement sur l'essentiel à ses yeux, la déposi
tion de Zoé : τα βουλεύματα est la première allusion à ce grand projet, ces mots
lancent ce nouveau thème. Le motif déjà signalé de sa recherche de la faveur du
peuple (xv, 9-11) revient maintenant sous une forme plus explicite : cet appui est
recherché en vue de sa « machination » (xvi, 5). Ce thème du βούλευμα revient
plusieurs fois dans la suite (xvi, 1 1 ; xvm, 1 et 8). Cf. aussi το βεβουλευμένον
(xviii, 13) ; επιτελές se retrouve avec τόλμημα toujours à propos du même projet
(xvii, 18).
38) R I, 98 (XX, 3) : Michel V consulte les astrologues avant son coup d'État :
Τοΰτο μόνον προσθεις ει τω μεγάλα τολμήσαντι ουκ έμπόδιον τα ουράνια
καθεστήκοι σχήματα.
« Ayant ajouté seulement ceci » est suspect pour deux raisons : il n'est pas
question d'autres paroles de l'empereur, et la construction par ει est obscure (condi
tionnelle ? interrogative indirecte ?). Les difficultés disparaissent si on lit προθείς :
« leur ayant proposé seulement cette question, si... ». Même faute : remarques 26,
71, 139.
42) R I, 1 1 1 (xliii, 3) :
μόγισμον και δάκρυον των οφθαλμών έπαφείς
μόγισμον : μόγις που (Pant, R) ; μόγισμον (Sa, Im). La correction retrouve une
expression très fréquente chez Ps : μόγις ou μόλις που : cf. Renauld, p. 398. En
outre le sens est excellent : le basileus, enfin, verse - avec peine - la larme du
repentir. En revanche μόγισμος est absent des dictionnaires et son existence et à
plus forte raison son sens sont douteux.
44) RI, 118 (m, 14) : c'est la liste des affaires traitées par Theodora :
Δικών διαλύσεις, δημοσίων αμφισβητήσεις, ή συνεισφοραί, χρηματισμοί
πρέσβεων, αντιλογίαι ή συνομολογίαι.
On est frappé par le fait que l'asyndète est rompue en deux endroits. Le second
ne fait pas problème, άντιλογίαι ή συνομολογίαι formant un couple d'opposés
(R : « controverses ou accords »). En revanche, συνεισφοραί est traduit isolément
de δημοσίων αμφισβητήσεις, ce qui introduit une unique exception à l'asyndète.
En réalité, il s'agit d'un premier couple d'opposés, et δημοσίων est à rattacher aux
deux substantifs : "contestations ou versements de contributions". Pour l'emploi de
ή συνεισφορά των δημοσίων, cf. 17. On note qu'ainsi la symétrie de la phrase
devient parfaite. Cf. remarques 53, 54, 60.
5. La faute qui consiste dans la répétition fautive d'un mot ressemblant est fréquente dans Ρ : nous
l'avons déjà rencontrée (voir remarque 12). Pour donner une idée de son extension, nous rappelons
brièvement tous les cas corrigés par les éditeurs (on se reportera aux textes) ; il s'agit des neuf cas
suivants
:
4) R I, 111, XLiii. 3 αλλ' ουκ ήδίκη ό θεός. καί με ή δίκη lire la première fois άδικος (Sa).
:
5) R I. 132. xxix, 25sqq. συνέσεως... σύνεσιν lire συγχύσεως : nous renvoyons à Ronchey.
:
op. rit., p, 23 sqq. qui supprime ainsi un inintelligible αισθανόμενον της συνέσεως.
118 JEAN-CLAUDE RIEDINGER
concerne « le canon » de la beauté du nez selon Ps, qu'on peut tirer de certains
textes : il est à distance égale du nez camus (σιμός) et de l'aquilin (έπίγρυπος).
Nous renvoyons aux passages : R II, 178, XII, 13 (τι του γρυπού) ; Or. Min.,
Littlewood 9, 67. Cf. aussi K-D I, 461, 9 et 463, 25, et aussi ρις οΰτε σιμή οΰτε
κάμπτουσα προς το γρύπον (Alex. VI, vin, 5).
Pour une conjecture plausible, seul conviendrait un terme qui ait quelque re
ssemblance avec καμπτεσθαι. Mais ni γρυποΰσθαι ni κυρτοΰσθαι ne conviennent
(ils forment des clausules irrégulières). On pourrait peut-être proposer : έπι-
κάμπτεσθαι. Ce verbe signifie « former un angle », et non simplement « être
recourbé » ; cf. à propos de sourcils : έπικαμπτόμεναι, έπικαμπτεί atténués par
μικρόν, βραχΰ (MB V, 69, 2). Cette conjecture peut s'appuyer sur un texte
récemment publié (Theol. II, 5, 150 sqq.) : άμφοτέροις ή ρις μεσιτεΰουσα, οΰτε
τοις χείλεσι έπικέκαμπται, οΰτε άνω μετεωρίζεται.
47) R Ι, 121 (vu, 12) : Selon Ps, c'est aux dépenses ruineuses de Zoé qu'il faut
attribuer le commencement de la décadence de l'empire.
άλλα τοΰτο μεν oiov έν μαντείαις και των συνετότερων τάίς γνώμαις
« cela était comme dans des oracles et dans les opinions des sages » (R).
Le texte n'est évidemment pas satisfaisant : il faut se rappeler le tour très usuel
chez Ps aussi, lorsque sont comparés deux termes introduits par la même préposit
ion, du type : ώσπερ ύπό βροντής τής εκείνου φωνής (R Ι, 38, IX, 21). Le tertium
comparationis précède, accompagné de la préposition, qui n'est pas répétée devant
le terme comparé : « par sa voix semblable au tonnerre ». De même ici, nous n'hési
terions pas à supprimer καί : « tout cela demeurait dans les jugements des gens
lucides, semblables à des prophéties » (comme dotés d'un pouvoir prophétique).
6) R Ι, 148, Lxiv, 3 : έπεβάλλετο... έπεβάλλετο. On a proposé pour le second emploi έπελάβετο (Κ),
qui ne convient pas, car avec le gén. ce verbe signifie « mettre la main sur » (ex. R I, 1 10, xl, 5) ou
« se saisir de » (ex. R I, 12, xix, 12). Il s'agit des occupations de Zoé : έπεμέλετο semble seul convenir
(cf. RI, 43, xv, 27; 140, xlvii, 10...).
7) R II, 40, cxuii, 9 sqq. : τήν ύπόκρισιν... τήν ύπόκρισιν... ΰποκρίσεως : lire pour le second emploi
τον ΰποκριτήν (Sa). En revanche, pour le troisième emploi, παρακροΰσεως (Sy) est à rejeter : l'idée est
celle de l'hypocrisie, non de la tromperie, et une erreur ainsi redoublée serait un cas unique.
8) R II, 47, clv, 3 (sur la carrière amoureuse manquée de Boïlas avec la princesse d'Alanie) : ταύτης
τοιγαρουν ό υποκριτής εκείνος άνήρ και προτερον ήρα και μή τυχών κα\ δια ταΰτα επιβεβουλευκως
κα\ τυχών, επειδή τής ύπερορίας έπανεληλύθει, αύτις ήρα σφοδρότερον. Les conjectures divergent
fortement : transposition (peu intelligible) de μή τυχών et τυχών (R) ; <συγγνώμης> τυχών (Sy), ou
lacune simplement indiquée {Imperatori) ; αποτυχών (Sa). Cette dernière est sans doute la meilleure,
car elle suppose une erreur typique du scribe (φυγών serait pourtant bien en situation avec ύπερορίας,
mais Ps n'utilise pas ce verbe pour le bannissement : on trouve une seule fois φυγή au sens d'exil dans
un contexte pénal : MB V, 235, 1). La solution reste donc à découvrir.
9) R II, 99, xxvn, 13 : φανείη... φαινόμενος lire βουλόμενος (Sa). Autres cas remarques 56, 98,
125.
:
:
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE \\9
La coupure que Sathas a établie entre les deux paragraphes (en se fiant au titre
du ms.) rend la seconde phrase inintelligible : celle-ci en effet ne se rapporte pas à
la suite (ce qui supposerait que Ps n'a pas été « véridique »jusqu'à présent !), mais
complète ce qui vient d'être dit : « je ne vais pas encore parler de cela, je le ferai
dans la suite de la façon la plus véridique et la plus intelligible ». Cette insistan
ce sur le vrai renvoie sans doute à la préface de l'histoire de Monomaque, où il
annonce à plusieurs reprises son intention de dire toute la vérité sur l'empereur,
quoi qu'il en coûte (xxn sqq.)
49) R I, 122 (x, 2 sq.) : C'est le portrait de l'empereur idéal nécessaire à Zoé :
έδει... ανδρός και κατά χείρα γενναίου και δοκιμωτάτου τοις πράγμασι, μη
το ένεστως μόνον όρώντος άλλα και ει τι άλόγιστον παρεληλυθεν και ο τι
άναφυήσεται, και προσεπιχειρείν του μέλλοντος κα\ πόρρωθεν ίστασθαι και
προς πασαν έμβολήν τε και εφοδον.
Le portrait est constitué par une série de déterminations accordées au gén.
ανδρός. Elles sont réparties en trois couples : capacité politique (γενναίου, δοκι
μωτάτου), don de prévoyance (όρώντος μη μόνον... αλλά καί) ; mais la surprise
vient du troisième, qui concerne les qualités d'action : un inf. (προσεπιχειρείν)
vient subitement rompre la construction. Corriger en προεπιχειρείν (Sy) est un
progrès, mais insuffisant, car l'infinitif ne dépend de rien. Soit on supprime l'arti
cleτου devant μέλλοντος (« qui devait attaquer le premier »), soit on suppose au
contraire une lacune ou bien après του (le gén. complément du verbe ayant disparu :
« qui devait attaquer le. . . ») ou bien après μέλλοντος, le sens étant alors : (capable)
d'attaquer à l'avance celui qui est sur le point de le faire (nous devons ces dernières
suggestions à M. B. Flusin).
50) R I, 126 (xvm, 13sq.) : Monomaque est rappelé d'exil : μετακαλείται της
ύπερορίας ό Κωνσταντίνος. Le récit se poursuit alors ainsi : εκείθεν μεν οΰπω
λαμπρώς, xix έπει δε εγγύς έγεγόνει της πόλεως, πολυτελεστέρα τε αύτω κατα
γωγή εύτρεπίζεται...
Ce texte est accepté malgré l'absence surprenante d'un verbe dans la première
phrase (Imperatori a rattaché les premiers mots au paragraphe suivant, mais le
problème se complique alors par l'absence d'une liaison). On peut cependant
rapprocher du récit du même épisode dans Y Éloge de Michel Cérulaire, qui reprend
presque mot-à-mot ce même retour (MB IV, 323, 25) : έπανήει μεν πόρρωθεν μεν
'ιδιωτικώς τε και αφελώς- έπει δε τη πόλει έγγίσειε, μεγαλοπρεπής έκδέχεται
κατασκήνωσις.
On ne voit pas pourquoi Ps aurait omis - sans qu'on puisse en découvrir une
raison - dans la Chro le verbe qu'il exprime dans Γ Éloge. La chute d'un mot est un
phénomène assez fréquent dans Ρ pour qu'il ne soit pas hardi à l'excès de la suppos
er ici : il est possible que la phrase débutait aussi par έπανήει δέ, la particule de
liaison qui manque aussi ayant disparu avec le verbe.
120 JEAN-CLAUDE RIEDINGER
52) RI, 128 (xxm, 5 sqq.) : Ps exprime ses scrupules à l'idée d'écrire une his
toire de Monomaque qui comporterait nécessairement des critiques :
άγνώμων αν ε'ίην και πάντη αλόγιστος, ει μη ών εκείθεν τα μεν έν αύτοις
εργοις, τα δε εις άφορμήν κρειττόνων εσχηκα, πολλοστδν άντιδοίην μέρος, την
δια τών λόγων εύγνωμοσΰνην.
Tous les éditeurs acceptent ce texte, qui contient cependant une très grave
difficulté. Tout en effet dépend du sens de εις άφορμήν κρειττόνων. On entend :
« (tant en actes matériels) qu'en moyens d'augmenter ma fortune encore » (R), ou
bien « bienfaits indirects » (Se, Ro), ce qui n'est pas très clair. Mais il s'agit en fait
d'une expression récurrente chez Ps dans tout ce passage (avec son synonyme ύπό-
θεσις) : τας τών κρειττόνων άφορμάς (xxiv, 9) ; ον ύπόθεσιν εις λόγους εσχηκα
κρείττονας... είς χείρονας άφορμήν (xxm, 12sq.) ; έν τοις κρείττοσι λόγοις... ει
από της κρείττονος ώρμηνται υποθέσεως (χχΐν, 6 sqq.). On la retrouve en préface
de la dernière partie de l'histoire de Monomaque (R II, 50, clxi, 5 : καλών λόγων...
ών εκείνος δαψιλείς έδίδου τας άφορμάς ; ib. 1 1 : είς ευφημίας... άφορμήν). En
tous les cas, le sens est le même : « matière à discours élogieux », ou inversement,
et ce sens s'impose donc ici également.
Il en résulte que les deux compl. de εσχηκα n'ont aucun rapport de sens qui
justifierait un balancement par μεν... δε. La seule façon de résoudre la difficulté est
à notre avis de reconnaître que le scribe a sauté le contenu du second élément, et de
retrouver l'opposition usuelle entre paroles et actions (cf. par ex. MB V, 169, 22),
avec quelque chose comme <έν λόγοις> (vont dans le même sens αύτοις qui
suggère une opposition, et aussi la différence des prépositions). Nous traduirions :
« je serais ingrat, et parfaitement déraisonnable, si, pour toute la matière qu'il m'a
fournie, soit par ses actions mêmes soit (par ses paroles), à des propos élogieux, je
ne lui en donnais en retour une toute petite partie, ma reconnaissance par mes écrits »
(pour l'emploi de πολλοστός, cf. par ex. MB IV, 421, 8 : του πολλοστού ΰμνου).
REMARQUES SUR LE TEXTE DE LA CHRONOGRAPHIE \ 21
53) RI, 134 (xxxm, 6 sqq.) : Monomaque avait de la répugnance envers ceux
qui voulaient l'entretenir d'affaires graves :
ει δε τις αύτω προσήει, σΰννουν έπιδεικνύς την ψυχήν, ώς δη τι πλέον των
άλλων όρων και ώς ήκοι φροντισων έκείνω κάϊ συνδιασκεψομενος περί των
συνόντων, τούτον δη κακοηθέεστερόν τε ωετο...
Nous avons reproduit la ponctuation de Renauld, qui coordonne ainsi un ώς
suivi du part, avec un second suivi de Γ opt., ce qui est impossible, et aboutit à une
traduction injustifiable (« comme quelqu'un qui viendrait »). Aussi a-t-on corrigé
en ος (Im). Mais la difficulté est créée seulement par la ponctuation : il faut mettre
entre virgules ώς δη τι.... όρων pour faire apparaître que έπιδεικνύς est construit
avec deux compl., d'abord un substantif, ψυχήν, puis une complétive, ώς ήκοι.
Renauld (p. 243) signale lui-même que cette construction « peu classique » se
rencontre « souvent » chez Ps. Nous renvoyons à ses exemples. Donc : « montrant
un cœur soucieux, et qu'il était là pour. . . ». Pour των συνόντων nous renvoyons à
la remarque 160. Autre cas de ponctuation discutable : remarques 54, 60, et déjà 44.
54) RI, 136 (xxxvn, 8 sqq.) : Ps situe la place de la mathématique dans son
ascension vers la philosophie première :
τοις... μαθήμασιν α δη μέσην τινά τετάχαται της τε περί τα σώματα φύσεως
και της άσχετου προς ταΰτα νοήσεως και αυτών δη των ουσιών, αις ή καθαρά
συμβαίνει νόησις.
La mathématique occupe donc une position intermédiaire : mais entre quels
termes ? Les éditeurs placent la virgule après νοήσεως, rattachant tout ce qui pré
cède au premier terme. Il s'agit certainement d'une erreur, causée par une traduction
erronée de ασχέτου : le rôle propédeutique de la mathématique est d'être l'intermé
diaire entre la physique et « Γ intellection sans relation avec les corps » (ασχέτου
προς ταΰτα). L'idée vient de Platon, mais par l'intermédiaire de Proclus, dont on
retrouve le vocabulaire (νόησις). Elle est fréquemment exprimée par Ps ; bornons-
nous à citer une formulation parfaitement nette : μεσαίτατον γοΰν έστι γένος
της νοεράς ουσίας και της έν τη φΰσει υπάρξεως (Boissonade, De Operatione
Daemonum, p. 61). Ces derniers mots distinguent donc, par rapport à l'intellection,
qui est le mode de perception opposé à la sensation, son objet qui est la substance,
entièrement étrangère à tout mélange avec la matière. Il faut supprimer la virgule
après ουσιών, le sens étant : « et les essences elles-mêmes auxquelles correspond
l'intellection pure ». Il ne s'agit pas toutefois de la connaissance intuitive, au-delà
du syllogisme (Crise), puisque celle-ci concerne « ce qui est au-delà de la subs
tance » (ύπεροΰσιον).
cf. aussi par ex. 453, 18 et 454, 20 ; K-D I, 213, 10. On notera que Ps vient d'utili
ser le mot θεωρία (R I, 136, xxxvm, 8 ; 137, xu, 10). Quant à θέμα, il est usuel,
mais pour désigner la circonscription territoriale (cf. MB V, Index).
56) R I, 140 (xlvii, 5 sqq.) : sur la conception erronée que se fait Monomaque
du pouvoir impérial :
ου την φύσιν της βασιλείας κατειλήφει, άλλα κόπων άνάπαυσιν και έφετοΰ
(Sa pour άφετοΰ) άποπλήρωσιν και συντονίας άνάπαυσιν την αρχήν ήγησά-
μενος.
Ce passage est écrit avec le plus grand soin (cf. le rythme ternaire, et le terme
positif encadré par les deux termes négatifs). On attendrait donc une recherche,
dans chaque couple, d'une exacte antithèse entre les substantifs, et non la répétition
de άνάπαυσιν employé ici deux fois de suite, alors que partout dans la Chro. c'est
ανάπαυλα qui est utilisé (et encore peu auparavant sur le même thème πάσης άνα-
παΰλης, πάσης αναψυχής xxxiv, 3). Le couple d'opposés : tension / relâchement,
se retrouve, avec la même acception psychologique, en deux endroits (R I, 4, iv, 6 :
του άνειμένου... το συντόνου ; R Π, 112, xlvi, 16 : συντονίας... άνέσεως). Et
enfin, le « relâchement » caractérise Monomaque (comme il est signalé encore juste
après R 1, 141 , xlix, 3 et R II, 34, cxxxn, 8). Il nous semble donc qu'il y a des raisons
sérieuses pour préférer la seconde fois άνεσιν (on note que dans Ρ le second άνά
παυσιν est écrit presque exactement en-dessous du premier, et qu'il a le même
tracé). Même type de faute : remarques 12, 46, 98, 125.
59) RI, 146 (lxi, 13) : l'anecdote qui suit appelle trois remarques. Au cours
d'une procession, un flatteur murmure à son passage ού νέμεσις. Elle le prend
ensuite à part, et l'interroge :
ώς δ' ούν προήεσαν, ήγε δε αύτας ή πομπή έπι θέατρον, και τότε ταΰτην οι
πολλοί πρώτως έθεάσαντο, ... τών τις περί τήν κολακείαν πολύς... άπεφθέγξατο.
(il faut faire une remarque préalable : l'ordre des mots τών τις, rare chez Ps, se
retrouve pourtant, par ex. en MB IV, 346, 1 3 sq. : τών τις του κατ' εκείνον γένους ;
cf. aussi Or. Hag. le, 290... Il n'est donc pas nécessaire de corriger).
ως ό ειρηκώς τήν ιστορίαν τω άκριβοΰντι κατέλεξε και οι πολλοί άμα τω
λόγω προς τήν έρμηνείαν κατένευσαν, φρονήματος αύτίκα πλησθείσα αμεί
βεται...
« lorsque celui qui avait prononcé ces mots eut raconté l'histoire en détail... ».
Mais que signifie τω άκριβοΰντι ? Renauld a renoncé à sa première idée (R II, 199),
mais ne la remplace pas, alors que « en détail » (Se, Ro) rend seulement κατέλεξε
(pour ce sens. cf. R I. 76. xxxvm. 1 3 ; 152. i.xxm. 3) : άκριβοΰν est « savoir ou faire
avec exactitude ».
1 24 JEAN-CLAUDE RIEDINGER
La solution est à chercher dans la syntaxe de Ps, dans l'emploi très fréquent
chez lui du part, neutre substantive. Renauld, qui étudie cette tournure (346 sqq.) n'a
pas distingué ses deux sens possibles : outre le sens concret, le sens abstrait, « le
fait que » (familier à Thucydide à l'époque classique), qui est patent dans certains
des exemples qu'il cite (το έλλειπον « l'insuffisance » ; το υπερβάλλον « la supér
iorité » etc.. ). Nous entendons donc ici : « grâce à sa connaissance précise de
l'histoire », le terme reprenant των άκριβοΰντων de lx, 10. Pour l'emploi, rare il
est vrai, au datif, cf. Renauld, p. 348 (on le trouve aussi chez Thucydide : Kühner
- Gerth I, 267).
άμα τφ λόγω ne peut signifier que (cf. Ro) : « en même temps qu'il parlait »
(la foule approuvait de la tête). On a ici un trait pittoresque, qui disparaît quand on
traduit par : (la foule approuvait) « à la fois. . . », comme s'il y avait άμα... καί.
60) RI, 147 (lxii, 9 sqq.) : (il s'agit de l'absence de jalousie de Zoé envers la
Sklèraina) :
ή μεν γαρ πρώτη βασιλις το ζηλότυπον ήδη δια της ηλικίας παρακμήν
καταλΰσασα, ουκ ετι προς αυτήν έμηνία, ουδέ δυσόργως είχε το πάθος της
βασκανίας ύποσυληθείσα τω χρόνω.
Les éditeurs coupent après βασκανίας, ce qui contraint à traduire la suite par
« minée par le temps », ce qui n'est pas le sens du verbe ύποσυλάν (en ce sens Ps
utilise δαπανάν). Il faut revenir à la coupure proposée par Kurtz, après δυσόργως
είχε = « elle ne ressentait plus de colère, dépouillée qu'elle était par l'âge de la
passion de la jalousie ». Pour ύποσυλαν au passif, cf. par ex. R II, 2, lxxviii, 1 ; 37,
cxxxvii, 6. Ps donne la même explication en termes voisins en R I, 141, xlix, 9 ;
143, lui, 1 sqq.
Un mot est ici nécessaire sur la première apparition du motif de la jalousie :
R I, 141, xlix, 6-9. (nous renvoyons au texte). Il faut comprendre selon nous :
« (l'empereur ne voulait en rien contrarier les impératrices), mais comme il en
existait auparavant un motif (allusion à la liaison avec la Sklèraina), il les offensa
immédiatement, même si ce ne fut pas l'avis de son épouse, soit qu'elle dissimulât
sa jalousie, soit qu'elle l'eût perdue avec l'âge ». Les traducteurs introduisent un
irréel qui n'est pas dans le texte.
Les remarques sur le texte du second volume de Ps édité par R. seront publiées dans le
prochain numéro de la REB.
1920.
Ro Ronchey. dans Imperatori.
:
Londres 1899.
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Jean-Claude Riedinger