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Singh c.

Canada (Ministre de la
Citoyenneté et de l'Immigration), 2004
CF 835 (CanLII)
Date : 2004-06-10
Dossier : IMM-2842-03
URL : http://www.canlii.org/fr/ca/cfpi/doc/2004/2004cf835/2004cf835.html
Suivi : Recherche de décisions citant cette décision
Fiche Reflex (suivi et décisions citées)

Législation citée (disponible sur CanLII)


• Immigration et la protection des réfugiés, Loi sur l', L.C., 2001, c. 27

Décisions citées
• Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), reflex — [1989] 2
C.F. 680 • (1989), 57 D.L.R. (4th) 153
• Adjei v. Canada (Minister of Employment & Immigration), reflex — [1989] 2
F.C. 680 • (1989), 57 D.L.R. (4th) 153
• Balogh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI
809 (CanLII)
• Stanculescu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001
CFPI 101 (CanLII)

Date : 20040610

Dossier : IMM-2842-03

Référence : 2004 CF 835

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

SANDEEP SINGH

demandeur
et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 7 mars


2003 dans laquelle M. Cliff Berry de la Section de la protection des réfugiés de la
Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a conclu que le
demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger aux
termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C.
2001, ch. 27.

QUESTION EN LITIGE

[2] Il y a une question déterminante en l'espèce, savoir si le tribunal a commis


une erreur de droit en utilisant une norme de preuve plus exigeante que celle qui consiste
à établir qu'il existe une possibilité raisonnable que le demandeur soit persécuté s'il est
renvoyé dans son pays d'origine.

[3] Pour les motifs qui suivent, je réponds à cette question par l'affirmative et je
vais donc faire droit à la demande.

FAITS

[4] Le demandeur est un Sikh du Penjab en Inde, âgé de 18 ans. Il prétend


craindre avec raison d'être persécuté et/ou de subir d'autres formes de préjudice grave du
fait de sa religion sikhe et de ses antécédents familiaux.

[5] Plus particulièrement, le demandeur a mentionné dans son Formulaire de


renseignements personnels (FRP) que son père avait été arrêté à Amritsar parce que le
frère de ce dernier

était soupçonné d'avoir eu des liens avec des militants. Son père a eu par la suite d'autres
problèmes avec les autorités à un certain nombre de reprises. Le demandeur a été arrêté et
battu lors de l'un de ces incidents, au mois d'août 2000.

[6] Le demandeur affirme que peu après cet incident, soit en septembre 2000,
son père a disparu, de sorte que la police a soupçonné celui-ci de s'être joint aux
militants. Le demandeur ajoute que le 14 décembre 2001, sa mère et lui ont été arrêtés.
Le demandeur dit avoir été battu par les policiers qui souhaitaient obtenir des preuves au
sujet des activités des militants dans la région. Les policiers auraient libéré le demandeur
après l'avoir photographié et avoir pris ses empreintes digitales, et ils lui auraient
demandé de se présenter au poste de police une fois par mois.

[7] Le demandeur soutient qu'en janvier 2002, il s'est caché chez son oncle à
Tedi Pulian. En février 2002, la mère du demandeur aurait été battue jusqu'à ce qu'elle
révèle où se trouvait le demandeur.

[8] Le demandeur est resté chez un agent à Delhi jusqu'à sa fuite de l'Inde le 18
juin 2002. Il est arrivé au Canada le même jour et a présenté sa demande d'asile le 20 juin
2002.

DÉCISION FAISANT L'OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[9] Le tribunal a rejeté la demande du demandeur en se fondant principalement


sur le fait que certaines parties de son récit n'étaient, à son avis, pas crédibles. Le tribunal
a également jugé que la preuve documentaire objective dont il était saisi n'étayait pas le
fondement de la demande.

[10] Le tribunal a noté que la demande du demandeur était fondée sur le fait que la
police le soupçonnait de savoir où se trouvait son père et d'être au courant des activités
des militants dans sa région d'origine du Penjab. Le tribunal a conclu que rien dans les
observations ne prouvait que la police soupçonnait le demandeur d'appuyer directement
le mouvement des militants. Le tribunal avait des réserves quant à la crédibilité du récit
du demandeur en ce qui touchait la disparation de son père. Le tribunal avait également
des réserves quant à la crédibilité d'un certain nombre d'aspects du récit du demandeur
relativement à la période pendant laquelle il s'était caché.

[11] Après avoir examiné la preuve documentaire, le tribunal a conclu que la


situation au Penjab n'était pas parfaite, mais qu'elle était maîtrisée. Il a également conclu
qu'aucun rapport récent ne faisait état de Sikhs dont la situation était semblable à celle du
demandeur et qui étaient victimes de préjudices causés par les policiers parce qu'ils
étaient soupçonnés d'être liés à des militants ou de faire partie d'une famille soupçonnée
d'être liée à des militants.

ANALYSE

[12] Le demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en disant
qu'il fallait « davantage » qu'une possibilité raisonnable que le demandeur soit exposé à
un préjudice grave, en cas de renvoi en Inde, pour qu'il puisse avoir droit à la protection.
Le tribunal a dit ce qui suit à la page 7 de sa décision :
Fondement objectif

La conclusion négative relative à la crédibilité concernant le fait qu'il s'est caché des
policiers ne serait pas fatale si des éléments de preuve objectifs démontraient qu'il existe
davantage qu'une possibilité raisonnable que demandeur d'asile soit exposé à un préjudice
grave advenant son retour en Inde.

[Non souligné dans l'original.]

[13] Dans l'arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),


reflex, [1989] 2 C.F. 680 (C.A.F.), le juge MacGuigan a dit :

¶5 Il n'est pas contesté que le critère objectif ne va pas jusqu'à exiger qu'il y ait
probabilité de persécution. En d'autres termes, bien que le requérant soit tenu d'établir ses
prétentions selon la prépondérance des probabilités, il n'a tout de même pas à prouver
qu'il serait plus probable qu'il soit persécuté que le contraire. [...]

¶6 Les parties ont convenu que l'on peut correctement décrire le critère applicable
en parlant de [traduction] « possibilité raisonnable » : existe-t-il une possibilité
raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine?

[...]

¶8 Les expressions telles que « [craint] avec raison » et « possibilité raisonnable


» signifient d'une part qu'il n'y a pas à y avoir une possibilité supérieure à 50 % (c'est-à-
dire une probabilité), et d'autre part, qu'il doit exister davantage qu'une possibilité
minime. Nous croyons qu'on pourrait aussi parler de possibilité « raisonnable » ou même
de « possibilité sérieuse » , par opposition à une simple possibilité. [Non souligné dans
l'original.]

[14] Dans la décision Stanculescu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de


l'Immigration), 2001 CFPI 101 (CanLII), 2001 CFPI 101, [2001] A.C.F. no 244 (1re inst.)
(QL), le juge Campbell a affirmé ce qui suit au paragraphe 5 :

Deuxièmement, les parties conviennent que le demandeur a le fardeau de prouver qu'il


existe une possibilitéraisonnable qu'il soit persécutédu fait d'un motif prévu par la
Convention s'il retourne en Roumanie. Toutefois, la SSR décrit ce fardeau comme plus
exigeant qu'il ne l'est et commet ainsi une erreur de droit. [Non souligné dans l'original.]

[15] Il ressort en l'espèce que le tribunal a soumis le demandeur a une norme de


preuve trop exigeante, mais est-ce que cela constitue une erreur de droit qui vicie la
décision dans son ensemble? Dans l'arrêt Madelat c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), [1991] A.C.F. no 49 (C.A.F.), le juge MacGuigan, au nom de la Cour, a
affirmé :
Outre ce qui précède, il y a la remarque de la Commission selon laquelle
[TRADUCTION] « elle doit être convaincue que la personne en cause a raison de
craindre d'être persécutée » (Dossier d'appel II, p. 226, soulignement ajouté), qui soulève
la question de savoir si la Commission a compris que l'appelante avait un fardeau de
preuve limité, comme on l'a statué dans l'arrêt Adjei c. M.E.I. reflex, (1989), 57 D.L.R.
(4th) 153.

[16] Il est assez évident en l'espèce que le tribunal était convaincu que les
problèmes de crédibilité du demandeur ne constituaient pas un motif suffisant pour rejeter
la demande. Le tribunal semble également s'être fondé sur sa conclusion suivant laquelle
on n'avait pas réussi à démontrer qu'au retour du demandeur en Inde, il y avait «
davantage » qu'une possibilité raisonnable que celui-ci subisse un préjudice grave. Le
tribunal a appliqué le mauvais critère. Une lecture de la décision dans son ensemble ne
change rien à ce fait. Le tribunal serait peut-être parvenu à la même conclusion s'il avait
appliqué le bon critère, mais il est impossible d'en conclure ainsi compte tenu de la
décision telle qu'elle a été formulée.

[17] Le défendeur prétend que le tribunal essaie de dire ce qui suit : [traduction] «
Si la preuve documentaire objective avait appuyé les allégations du demandeur, le
tribunal aurait été disposé à accorder au demandeur le bénéfice du doute. Si la preuve
documentaire avait montré qu'il y avait davantage qu'une possibilité raisonnable qu'une
personne dans la même situation que le demandeur subisse un préjudice grave, cela aurait
été suffisant pour l'emporter sur ses conclusions défavorables quant à la crédibilité » . Cet
argument n'est d'aucune utilité au défendeur. Le tribunal a appliqué le mauvais critère. Ce
faisant, il a commis une erreur de droit qui vicie sa décision.

[18] Je n'ai pas besoin de me pencher sur le traitement accordé par le tribunal à la
preuve documentaire. Je note toutefois que le tribunal s'est fondé à tort sur l'aide et la
protection que le demandeur aurait dû aller chercher de la Commission des droits de la
personne du Penjab (la CDPP) (Balogh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration), 2002 CFPI 809 (CanLII), 2002 CFPI 809, [2002] A.C.F. no 1080 (1re
inst.) (QL), au paragraphe 44).

[19] Ni l'un ni l'autre des avocats n'a proposé de question de portée générale à
certifier. Aucune question ne sera certifiée.

[20] La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La présente affaire


est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il procède à un nouvel examen.

ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie.
La présente affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il procède à
un nouvel examen. Aucune question n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER : IMM-2842-03

INTITULÉ : SANDEEP SINGH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE : LE 2 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE : LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS : LE 10 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Jean-François Bertrand POUR LE DEMANDEUR

Ian Demers POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Bertrand, Deslauriers POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris A. Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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