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… Le probl!

me de la libert"

Une conférence de Mgr Marcel Lefebvre en 1965

Le problème de la liberté
Le 2 mai 1965, Mgr Marcel Lefebvre, alors Sup!rieur g!n!ral des P"res du Saint#Esprit, donnait une conf!-
rence $ des !tudiants parisiens sur le probl!me de la libert". La transcription de cet expos! a !t! imprim!e dans
une petite brochure de 16 pages, sans aucune indication ni sur les organisateurs de la r!union, ni sur le lieu exact
o% elle se tenait. Le texte prouve que l&orateur lui#m'me ne conna(t pas pr!cis!ment son auditoire, en particu-
lier quelles !tudes ces jeunes gens poursuivent. S&agit#il d!j$ des membres de ces mouvements dont l&ancien ar-
chev'que de Dakar admirait l&enthousiasme en 1968 : ) Nous voyons se lever une jeunesse nouvelle, *…+ jeunes
passionn!s de leur d!couverte. *…+ Ils s&aper,oivent que la vraie richesse de leur intelligence et de leur c-ur leur
a !t! cach!e, alors que c&est elle qui a transform" le monde. Ils d!couvrent *…+ la v!ritable histoire de la civilisation
chr!tienne et cela d!sormais, c&est leur vie, leur vie int!rieure, leur vie en soci!t!, leur id!al. Ils ne l#abandonne-
ront plus. . *Itin"raires, n° 127, pp ; 227#228 ; cit! dans Marcel Lefebvre, une vie, Clovis, pp. 410#411+ ?

L&int!r't de cette conf!rence est dans son contenu, le probl"me de la libert!, et dans sa date, mai 1965, soit
quelques mois avant la reprise des travaux du Concile Vatican II o% il sera question de la libert! religieuse.
Le Sup!rieur g!n!ral des Spiritains a divis! son propos en deux parties : apr"s le rappel des principes, il trai-
te des applications de la libert!, et il en vient tout naturellement $ la libert! religieuse dont il aura $ d!battre
dans l&aula conciliaire, $ l&automne suivant. Cette deuxi"me partie sera publi!e dans le prochain Nouvelles de
Chr"tient".

A la lecture de ce document dont on appr!ciera la grande clart! p!dagogique, on peut a/rmer l&opposition
invariable du fondateur de la Fraternit! Saint#Pie X $ la doctrine moderne de la libert! religieuse, avant, pen-
dant et apr"s le concile.

O n m&a demand! de venir


vous parler de ce sujet si
d!licat de la libert!. Si j&ai h!sit! un
diez vraiment les principes chr!-
tiens, les principes catholiques, $
leur source la plus vraie, la plus s3-
L!on XIII dans son Encyclique
Libertas Praestantissimum, je pr"f$-
re commencer par la synth"se, par-
peu, ce n&est pas que je ne sois pas re. Vous pouvez certainement fai- ce que j&ai peur que, cette analyse
tr"s heureux de venir vous en par- re beaucoup de bien, $ vous#m'- !tant longue et di/cile $ faire, il
ler et surtout de prendre contact mes d&abord, et aussi beaucoup n&y ait des notions qui ne soient pas
avec vous et de vous encourager. autour de vous. C&est pourquoi je tr"s bien !clair!es sur la libert! el-
C&est plut0t parce que, pris par des n&ai pas h!sit! $ accepter, esp!rant le#m'me, et qu&il ne manque au ju-
t1ches nombreuses, je craignais de que vous serez un peu indulgents si gement sur la libert! la lumi"re qui
ne pas vous donner satisfaction et mon expos! n&est pas celui que vous est n!cessaire pour la prendre dans
de ne pas 'tre tout $ fait $ la hau- attendez exactement. Si $ la 4n de son ensemble.
teur de la t1che qui m&!tait deman- ce court expos! vous avez quelques
d!e. Aussi vous m&excuserez si mon questions # poser sur la libert" ou
expos! est un expos! tr"s sim- m'me sur d&autres sujets, j&essaierai
ORDRE DE L’UNIVERS
ple et en m'me temps convaincu.
J&essaierai de vous donner d&abord
d&y r!pondre dans la V!rit! et dans
la Charit!. ET LOIS NATURELLES
quelques principes et ensuite quel-
ques applications de cette libert!. Ce sujet de la libert! est un su- Pour bien situer la nature de no-
jet immense. C&est un sujet qui tou- tre libert!, la 4n de notre libert!, il
Je vous remercie d&avoir eu l&ama- che tellement au c-ur m'me de faut la voir dans l&ordre de l&univers.
bilit! de m&inviter, surtout parce ce que nous sommes, au c-ur m'- Je pense qu&il faut situer la place de
que je suis tr"s heureux de prendre me de l&homme et par cons!quent notre libert!, son r0le, en exami-
contact avec vous, heureux de pou- de la soci!t! humaine tout enti"- nant d&abord l&ordre universel que
voir vous dire de continuer votre re, qu&il est di/cile de l&embrasser le Bon Dieu a mis dans les choses.
e2ort, heureux de pouvoir vous di- d&une mani"re compl"te, totale. Et Je ne fais pas une p!tition de prin-
re que vous !tes dans la V"rit", que j&avoue que plut0t que de faire une cipe en disant cela. Je ne pars pas
vous y 'tes par le fait que vous !tu- analyse de la libert!, comme le Pape de principes pr!con,us pour en ar-
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Nouvelles de Chr!tient! N" 111
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river ! prouver la th"se que je d#si- vrir. Et nous serions encore beau- core que mal les lois. Le jour o+ l$on
re prouver, mais je pars de l$#viden- coup plus savants si nous arrivions arriverait ! d#couvrir toutes les lois
ce. En ouvrant les yeux de notre ! les conna(tre toutes. C$est ! ce- qui conditionnent la m#t#orologie,
esprit, de notre intelligence nous la que s$appliquent les hommes de il est #vident que, d$une mani"re
ne pouvons pas ne pas constater science. Qu$il s$agisse de la m#deci- absolue, on arriverait # dire : $ Tel
qu$il y a dans l$univers qui nous en- ne, qu$il s$agisse de n$importe quel- jour ! telle heure, il pleuvra ou il ne
toure un ordre magni%que. Cet or- le science physique ou chimique, pleuvra pas, il fera beau temps ou il
dre n$est autre que l$orientation de on "tudie toujours quelles sont les ne fera pas beau temps… ,. De tou-
toutes les activit#s de cette nature lois qui sont inscrites dans la natu- te mani"re donc, il faut rechercher
vers une %n, vers une %n utile, vers re. Et l$on s$aper)oit que bien sou- les lois et ces lois s$appliquent d$une
un but qui a #t# assign# par Dieu ! vent on croit 'tre arriv# au bout de mani"re fatale dans les choses na-
toute la Cr#ation. la science et que le Bon Dieu a en- turelles et sur les "l"ments qui ne
core cach# des secrets et des mys- sont pas vivants.
Vous-m!mes qui !tes "tudiants, t"res dans la nature que l$on ne d#-
& je ne connais pas les #tudes que couvre que peu ! peu. Si nous passons # la vie, les lois
vous faites d$une mani"re particu- des v#g#taux sont d#j! moins d#-
li"re &, mais d$une mani"re ou d$une Ces lois sont suivies par les 'tres termin#es. Il y a certains #l#ments
autre, vous "tudiez les lois qui se qui ne sont pas intelligents d#une dans les v#g#taux qui sont, d$une
trouvent inscrites dans la natu- mani$re fatale, c$est&!&dire qu$ils sui- certaine mani"re, laiss#s un peu
re ; ! plus forte raison si vous faites vent le cours de ces lois d$une ma- ! la libre d#termination des v#g#-
des sciences. L$homme ne peut pas ni"re n#cessaire et d#termin#e. taux eux&m'mes dans leur d#velop-
pement. Une plante grimpante, par
exemple, s$adaptera suivant les #l#-
ments qu$elle trouvera, elle s$atta-
chera et contournera les obstacles
qu$elle rencontrera. Il y a d#j! une
certaine adaptation qui vient de la
nature m'me du v#g#tal, qui ne lui
est pas impos#e de l$ext#rieur et qui
est d#j! un certain vestige de liber-
t#, un soup)on d$ind#termination
qui se trouve dans la vie v#g#tale.

Et si nous allons plus loin, nous


passons # la vie animale, # la vie
sensible. Dans ce domaine, la d#-
termination est encore moins gran-
de. Il y a une ind#termination dans
les sens, dans les facult#s sensibles
Il y a dans l’univers qui nous entoure un ordre magnifique qui fait que l$animal semble avoir
#galement une certaine libert#. Il y
s$emp'cher de rechercher les lois S$il s$agit des lois de la physi- a certainement, au moins dans une
de la nature, les lois qui conduisent que, il est #vident que ces lois, en certaine mesure, une ind#termina-
l$activit# des 'tres. Et nous nous g#n#ral, sont des lois qui s$exer- tion et une possibilit" de se d"ter-
apercevons que ces lois sont vrai- cent d$une mani"re absolue et sans miner, mais non pas de se d"ter-
ment inscrites dans la nature puis- d#faut. Si elles s$exercent avec d#- miner d$une mani"re absolument
que nous arrivons ! les retrouver. faut, c$est qu$il y a d$autres lois qui libre. L$animal est soumis ! des in-
Et nous %nissons par les #tablir en s$appliquent et que l$on ne conna(t -uences auxquelles il r#pond d$une
sciences. Tous nos livres de scien- pas encore, sinon on pourrait pr#- mani"re presqu$automatique. C$est
ces, tous les livres qui #tudient la voir vraiment tout ce qui est condi- ce qui fait que l$animal ne se d#ve-
nature, - qui "tudient aussi bien la tionn" par une loi dans la natu- loppe pas, ne progresse pas ou peu,
nature v#g#tale que la nature ani- re et en pr#voir jusqu$aux e*ets les ! moins qu$il ne soit dress# par
male, la nature humaine et la na- plus extr'mes. Et s$il y a quelque- un homme ; mais sinon, de sa na-
ture de l$homme dans la soci#t# &, fois des d#fauts, par exemple dans ture, l$animal ne progresse pas. Il
recherchent les lois qui sont inti- la m#t#orologie, si la m#t#orologie reste toujours dans les m!mes li-
mement inscrites dans la nature. se trompe si souvent, c$est pr#cis#- gnes car il n$a pas cette conscien-
Et l$on arrive tr"s bien ! les d#cou- ment parce qu$on n$en conna(t en- ce de ses actes, ou, du moins, on ne
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… Le probl!me de la libert"

peut pas dire qu!il en ait une v"ri- ner lui'm(me % des actes dont il a pas agir directement sur la racine
table conscience comme nous. Si conscience, et que, psychologique- m(me de la libert" humaine. C!est
bien que l!on voit une certaine in- ment, personne ne peut, int!rieu- ce qui fait que l!homme est libre.
d!termination dans les plantes et rement, rien % cette d"termination, Et il l!est parce qu!il est une cr"atu-
les animaux et ce soup#on de libert" cela peut (tre appliqu" au domai- re intelligente.
que ces derniers ont, nous l!appe- ne de l!homme dans son ensemble.
lons # instinct $. Il est donc libre de faire ce qu!il Car on n!imagine pas quelqu!un
veut. Cette simple libert" psycho- qui soit libre sans intelligence.
Cet instinct des animaux est logique, on l!applique % l!homme Comment se dirigerait cette liber-
le centre de toutes leurs sensa- dans son ensemble. C!est comme si t" ? Comment l!homme pourrait'
tions, ce qui fait que, par les sensa- l!on disait en analysant son intelli- il se diriger dans sa vie si l!on pre-
tions qu!ils "prouvent, ils arrivent gence : # l!homme peut conna,tre, nait comme premier postulat de la
% se diriger d!une mani&re absolu- l!homme a la possibilit" de conna,- vie humaine la libert" ? La liber-
ment admirable, mais selon les lois tre. Donc il peut conna,tre tout ce t" seule n!est pas concevable. Elle
qui ont "t" inscrites dans la natu- qu!il veut et il n!est oblig" de s!atta- n!est concevable qu&avec l&intelligence
re par le Cr"ateur. Cet instinct a cher % aucune connaissance parti- et la volont". L!intelligence qui nous
quelque chose qui nous "merveille culi&re $. On fait abstraction de la montre la loi que le Bon Dieu veut
et qui d"passe souvent tout ce que V"rit" pour laquelle l!intelligence que l!on applique / et qu!Il exprime
nous pouvons faire nous'm(mes. est faite. Alors on d"-nit une facul- et qu!Il manifeste ', et la volont"
Ces propri"t"s de l!instinct des ani- t" sans tenir compte de sa -n. C!est qui y adh&re de son propre mouve-
maux sont donc de v"ritables mer- absolument absurde. Il ne faut pas ment, de sa propre d!termination,
veilles, mais ils restent cependant seulement faire l!analyse de cet- de sa propre autod"termination.
d"termin"s dans leurs actes d!une te facult" abstraitement, il faut la
mani&re interne. La d"termination voir dans l!homme complet, dans C!est cela qui fait pr"cis"ment
de leurs actions, de leur activit" est les lois que le Bon Dieu lui impose. toute la grandeur de l!homme :
soumise % des lois internes. Ils ne Alors nous verrons tr#s bien que la conna,tre la loi qui est inscrite dans
sont pas libres. Ils ne sont pas li- libert" que le Bon Dieu a donn"e % la nature et y appliquer sa volont".
bres de cette libert" dont jouit l!homme n!est pas autre chose que
l!homme. de permettre % l&homme de se d"termi- Mais voyez'vous, on ne peut
ner lui!m"me en vue de la #n que le Bon vraiment concevoir la libert" et on
Dieu veut lui donner. ne peut vraiment la comprendre
LA LIBERTÉ HUMAINE que si on la place dans cet ordre
ET SES LOIS Et c!est cela qui fait toute la
grandeur de l!homme, toute sa
universel. Si on commence par ana-
lyser la libert" elle'm(me, on risque
noblesse. Tandis que l!animal est de faire la confusion entre la libert"
Passons maintenant de la vie conditionn" int"rieurement, d"- psychologique et la libert" morale.
animale % la vie humaine. La di)"- termin" int"rieurement, l!homme, Le Pape L"on XIII marque bien la
rence est consid"rable, car l!hom- tout au contraire, peut se d"ter- di)"rence entre la libert" naturelle
me est libre. Pourquoi ? Parce qu!il miner lui-m"me, sans que person- 0ou psychologique1 et la libert" mo-
a en lui une facult" de se d"terminer ne ne puisse l!in.uencer dans la rale. La libert" naturelle, c!est la li-
lui-m$me sans que, dans sa nature cause m(me de sa libert". On aura bert" dans son (tre physique. La li-
int!rieure, il puisse "tre d!termin! beau le martyriser, personne n!ar- bert" morale, c!est l!application de
par qui que ce soit. Il s!agit de la li- rivera % lui faire croire dans l!inti- cette libert" % la -n de l!homme qui
bert" psychologique, cette facult" qu!a me de sa libert", une chose qu!il ne est d"termin"e par les lois que l!in-
l!homme de pouvoir se d"terminer veut pas croire, ou % lui faire vou- telligence conna,t. Par cons"quent,
lui'm(me. Mais pr"cis"ment, si les loir une chose qu!il ne veut pas vou- la libert" morale n!est pas compl&te
animaux, les v"g"taux, les min"- loir. Evidemment, sa volont" peut parce que les lois limitent cette li-
raux suivent des lois et par cons"- (tre in.uenc"e, peut -nir par c"der bert" morale. Il y a des choses qui
quent se conforment % l!ordre de d!une certaine mani&re. Il pour- sont bonnes et il y a des choses qui
l!univers, si Dieu a donn" la libert" ra m(me exprimer, dans le cas des sont mauvaises, il y a des choses
% l!homme, il est inconcevable que pers"cutions, quelque chose qui que nous ne pouvons pas faire.
cette libert" n!ob"isse pas % des lois est conforme % ce que pensent les
"galement. Et c!est l% que se tient bourreaux, mais intimement, il n!y Mais direz'vous peut'(tre, cette
tout le n*ud et la di+cult" pour adh"rera pas. Par cons"quent, sa li- libert! morale limite notre libert!
ceux qui ont une fausse notion de bert" reste totale malgr" toutes les psychologique ? Pas du tout ! Parce
la libert". C!est de croire que, par- in.uences ext"rieures qui peuvent qu!elle se pr"sente comme objet %
ce que l!homme peut se d"termi- s!exercer en tous sens. On ne peut notre libert", % notre intelligence
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et n!in"ue pas sur le sujet lui#m$- sonnables, nous dirons que l!e+et une volont% libre. De m$me que les
me. Elle in!ue sur notre esprit par l"in- de la morale est de les rendre ver- $tres inintelligents ne connaissent
telligence, comme objet de notre facult! tueux. Ce n!est que par la vertu que la loi que d!une mani)re non intel-
et non pas sur le sujet lui-m#me. Si la l!homme se pr%pare & l!obtention ligente et la suivent d!une mani)re
libert% morale in"uait sur la facul- du Souverain Bien : tel est l!e+et instinctive, fatale, nous devons re-
t% m$me d!$tre libre, & ce moment %loign% de la loi. La loi a des e+ets chercher de toute notre *me quel-
nous ne serions plus libres, !videm- imm%diats : sa (n prochaine est de le est la loi de notre activit%, la loi
ment. Mais elle se pr%sente & nous cr%er dans le sujet de la loi une obli- de notre nature qui nous conduira
comme une loi & laquelle nous de- gation d!agir. Chez les $tres inintel- vers notre (n.
vons nous soumettre librement, de ligents, cette n%cessit% est fatale et
nous#m$mes. irr%sistible. Chez les $tres raison- La loi naturelle a %t% inscri-
nables, elle est de nature morale et te dans notre propre conscience,
Donc la grandeur de l!homme, re,oit le nom d!obligation et de de- dans nos propres c/urs, dans nos
certainement, r%side dans cette li- voir. Il s!agit bien ici encore d!une propres *mes. Elle est compl%t%e
bert%. Mais dans cette libert% qui n!cessit!, f-t#ce malgr% la volont% du par la loi positive : loi humaine et
doit s!appliquer encore une fois & sujet de la loi, mais elle est morale et loi divine, loi de l!Eglise que Notre
exercer son activit% selon ces lois non physique, c!est#&#dire qu!elle ne Seigneur a fond%e pour le salut de
qui sont dans la nature. Il serait proc)de pas d!une d%termination tous les hommes. Car aucun hom-
d!ailleurs bien malheureux de pen- intrins)que de la nature ni d!une me n!est en dehors de l!ordre sur-
ser que des hommes intelligents, contrainte externe : elle s!adresse & naturel. Jamais n!a exist% un hom-
capables de conna'tre les lois qui la raison mais elle respecte la liber- me en dehors de l!ordre surnaturel.
doivent les mener & leur (n, sont t% du sujet de la loi. Comme vous le Adam et Eve %taient dans l!ordre
au fond moins (d)les & la loi que voyez, l!obligation morale s!adresse surnaturel. Par leur p%ch% ils ont
ne le sont les "tres irraisonnables : & l!homme comme une obligation. !t! priv!s des biens surnaturels et
les oiseaux, les "eurs des champs, Mais non pas une obligation qui ont subi de graves dommages dans
les "tres inanim!s qui doivent sui- fasse que l!homme ne soit plus li- l!ordre de la nature. Depuis lors
vre la loi de Dieu d!une mani)re bre. Le sujet reste libre, mais le su- tout homme a besoin de restaurer
absolument parfaite, sans d%r)gle- jet doit se soumettre. Cette loi qu!il l!ordre surnaturel pour restaurer
ment. Tandis que l!homme qui est con,oit comme son bien, comme sa aussi l!ordre naturel et retrouver
intelligent, l!homme auquel le Bon (n, le sujet doit s!y soumettre mo- l!application des lois qui le dirigent
Dieu a donn% une intelligence ex- ralement. C!est l& que r%side la dif- vers sa (n, (n naturelle et surna-
pr)s pour qu!il se soumette & ces (cult% du lib%ralisme qui a.rme turelle. On a trop tendance & s%pa-
lois de lui#m$me et que, compre- que l!obligation morale supprime rer ces ordres naturel et surnatu-
nant la beaut% et la grandeur de ses notre libert%. Ce n!est pas exact. rel. Dieu a donn% & Adam et & Eve,
lois et de sa (n, il se soumette li- L!obligation morale ne supprime d%j&, l!ordre surnaturel. Pourquoi,
brement, et que par cons%quent, il pas notre libert%. Il n!y a pas de li- nous disons#nous, Dieu a#t#il don-
adh)re de toute son *me & la gran- bert% de faire ce que l!on veut. Il n% ces lois d!ordre surnaturel qui
deur de l!ordre de l!univers et & la n!y a pas d!homme sans loi ni sans compliquent notre vie ? Pourquoi
grandeur de l!ordre voulu par Dieu, but, sans (n ni sans raison. Nous ne pas nous avoir donn! tout sim-
pour m%riter de participer & cet or- ne pouvons pas "tre libres sans
dre de l!univers et & ce but qui est avoir une direction & donner & no-
la gloire de Dieu, l!homme recher- tre libert% et ce choix n%cessaire-
cherait des voies contraires & ces ment nous conduit & une (n, nous
lois ! C!est donc dans cette optique conduit & un but. Par cons%quent,
que j!essaie de consid%rer en quoi l$obligation morale ne diminue pas no-
consiste la libert% et quelles sont tre libert! mais la dirige et nous mon-
les limites de cette libert%. tre quel est son but, quelle est son
utilit%. Sa (n est la raison m$me du
On pourrait dire peut#$tre que don que le Bon Dieu nous a fait de
la loi est une limite de notre liber- cette libert%.
t%. Or la loi, en tant qu!ordonnan-
ce de la raison destin%e & orienter Je crois que nous devons nous
vers leur (n l!activit% des di+%rents attacher de toute notre *me, de
$tres, tend par d%(nition m$me au tout notre c/ur, & conna'tre ces
bien de ces $tres, puisque la (n et le lois si nous voulons atteindre notre
bien, mat%riellement ne font qu!un. (n. C!est pour cela que le Bon Dieu
S!agit#il sp%cialement des $tres rai- nous a donn% une intelligence et
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… Le probl!me de la libert"

plement une loi naturelle ? Le Bon en dehors de l'ordre surnaturel. Je cons!quences se font sentir aussi
Dieu, dans sa lib!ralit!, sa bont!, crois que c'est une erreur assez fr!- dans l'ordre de la nature. Et notre
sa grandeur, sa magni"cence vis# quente que de croire que, quand on libert! est moins capable de s'exer-
$#vis des hommes a voulu ajouter $ n'a pas la Gr)ce, on est en dehors cer que lorsqu'Adam et Eve avaient
ce qui aurait pu %tre su&sant pour de l'ordre surnaturel, on est sim- la perfection de la nature et de la
un certain bonheur naturel, a vou- plement dans l'ordre de la nature. surnature.
lu leur donner un bonheur encore Or, on a perdu l'ordre de la natu-
plus grand. Est#ce que nous devons re quand on n'est plus dans l'ordre
reprocher $ Dieu d'avoir voulu nous de la Gr)ce parce que l'ordre de la Dans le prochain Nouvelles de
donner un bien encore plus grand gr)ce est n!cessaire pour la per- Chr"tient" $ para(tre en juillet#
que celui que nous aurions eu par fection de l'ordre naturel. Nous ne ao*t :
notre simple nature ? Mais on peut le voyons plus maintenant. Par la
dire en v!rit! que cette surnatu- perte de l'ordre surnaturel, Adam 2e partie de la conf!rence de
re que le Bon Dieu nous a donn!e et Eve ont perdu !galement l'or- Mgr Lefebvre sur la libert!
pour mieux le conna(tre, mieux dre naturel, en ce sens que vis#$#
l'aimer, mieux jouir de sa grandeur vis des lois de l'ordre de la nature, • Quelques applications : li-
dans l'!ternit!, fait partie mainte- ils se trouvent en d!"cience. C'est bert! et autorit!, libert! et pouvoir
nant en quelque sorte de la natu- pourquoi notre libert! se trouve at- de faire le mal, la libert! religieu-
re humaine. Parce que, encore une teinte aussi, touch!e non mortelle- se.
fois, il n'existe pas d'homme, il n'a ment, mais bless"e par le p"ch", par la • Conclusion : pi!t!, !tude,
jamais exist! d'homme qui ait !t! perte des biens surnaturels dont les action
'

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… Du Sacré Collège au C onclave

Une conférence de Mgr Marcel Lefebvre en 1965

Le problème de la liberté 2e partie © DICI

Nous publions la deuxième et dernière partie d’une conférence inédite donnée par Mgr Marcel Lefebvre, le 2 mai 1965,
à des étudiants parisiens. La première partie est parue dans le précédent numéro de Nouvelles de Chrétienté (n° 111, mai-
juin 2008).

L’évêque missionnaire qui est encore à cette date Supérieur général des Spiritains, traite ici de la liberté religieuse quelques
mois seulement avant la session du Concile Vatican II où sera promulguée la déclaration Dignitatis humanae (7 décembre
1965!, et il a"rme devant son auditoire : « Est#ce que la dignité de l’homme ne consiste pas dans sa fin, dans ces lois dont je vous
ai parlé, dans cet ordre universel qui nous est donné par l’Eglise, qui nous est enseigné par Notre Seigneur qui parle par l’Egli-
se ? Alors $aujourd’hui! il n’y a plus d’ordre possible. Nous ne savons plus quel est l’ordre vrai, quel est l’ordre qui n’est pas vrai.
Je crois qu’il y aura encore des discussions très vives à ce sujet#là au Concile ».

Mgr Lefebvre rappelle, avec la fermeté sereine qui le caractérise, l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur la liberté qu’il
reçut de Rome, pendant ses études dans la Ville Sainte, et auquel il est demeuré indéfectiblement attaché toute sa vie durant.

tre nature par le fait que nous per- donne et par l’exécution même de
26&-26&4"11-*$"5*0/4 dons l’ordre surnaturel. Donc no- ces lois.
%&-"-*#&35c tre nature n’est plus parfaite. Saint
Thomas insiste sur ces faiblesses Evidemment certains diront :
de la nature qui touchent égale- « il y a une contrainte » mais la
ment indirectement à notre liber- contrainte est nécessaire quelquefois,
té, qui l’amenuisent, pour dire que justement à cause de notre faibles-
-*#&35c&5"6503*5c l’autorité est nécessaire. se. Et c’est pourquoi existent le
pouvoir exécutif, le pouvoir législa-

V
ous avez pu voir peut- Je voudrais à ce sujet corriger tif et le pouvoir judiciaire de ceux
être que dans l’En- une erreur qui pourrait être assez qui ont autorité. Le pouvoir législa-
cyclique Libertas commune : penser que l’autorité tif consiste précisément à faire des
Praestantissimum, le Pape Léon XIII ne nous est donnée que pour cela ; lois, à préciser les lois qui sont dans
parle également de cette diminu- que l’autorité ici-bas, que toutes les la nature. L’autorité les formule,
tion de notre liberté, pour l’appli- autorités ne nous ont été données les promulgue et les fait exécuter.
cation de l’autorité. Et il insiste par Dieu qu’à cause du péché origi- Ensuite le pouvoir judiciaire consis-
surtout sur le fait de notre faibles- nel. Ce serait évidemment une er- te à punir les délinquants, ceux qui
se, de la faiblesse de nos facultés reur. L’autorité est une perfection. ne veulent pas se soumettre à ces
qui nous vient d’une manière plus Elle existera toujours. L’autorité de lois. Tel est le pouvoir même de
particulière des conséquences du Dieu vis-à-vis de nous existera tou- l’autorité qui est faite pour le bien.
péché originel. jours. Si en conséquence l’autorité
n’était donnée qu’à cause de notre Bien sûr, si ces lois sont des lois
Saint Thomas parle des quatre faiblesse, de nos déficiences, l’auto- injustes, des lois illégitimes, des lois
blessures qui sont faites à la natu- rité n’existerait que pendant l’exis- qui ne sont pas conformes à l’ordre
re par la perte de l’ordre surnatu- tence humaine ici-bas ; après cet- naturel ni conformes à la loi positi-
rel : l’ignorance dans l’intelligence, te vie, normalement, dans le ciel ve de Dieu, alors ces lois n’ont pas
la malice dans la volonté, la fai- et au paradis, l’autorité ne devrait de valeur. Une loi ne peut avoir de
blesse et la plus exister. Cela n’est pas exact. valeur que quand elle est conforme
concupis- D’ailleurs le mot lui-même l’in- à la loi de la nature, à la loi positive
cence. dique : autorité veut dire auteur ; divine et aux lois positives humai-
Voilà les l’autorité est donc auteur de la vie, nes que sont, par exemple, les lois
quatre elle doit continuer à garder cette de l’Eglise, les commandements de
ble s s u r e s vie, à protéger cette vie, à continuer l’Eglise qui sont des lois humaines,
qui sont de donner cette vie. Ainsi l’autorité des lois ecclésiastiques, mais qui
© DICI faites à no- est source de vie et par les lois qu’elle correspondent à la loi divine.
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Nouvelles de Chrétienté Nº 112
Juillet - août 2008
…

Vous voyez donc que l’autori- des biens apparents, auxquels nous bien des di!cultés à la prochaine
té par rapport à la liberté a un très risquons de nous attacher si nous session du Concile, celui de la liber-
grand rôle à jouer. ne faisons pas attention ; nous pou- té religieuse. Pouvons-nous envisa-
vons quelquefois nous y attacher ger justement que l’homme, com-
sans mauvaise conscience, mais me il est dit et comme on l’a dit,
nous pouvons aussi nous y attacher l’homme, à cause de sa dignité hu-
-*#&35c&510670*3 avec mauvaise conscience. Nous maine est moralement libre d’ad-
%&'"*3&-&."- pouvons nous attacher à des biens hérer et de mettre en pratique pu-
trompeurs, de même que nous pou- bliquement la religion qu’il conçoit
Le Pape Léon XIII a dit explici- vons nous attacher aussi à des véri- dans sa conscience ?
tement qu’il est évident que le pou- tés apparentes, qui en réalité sont
voir de faire le mal ne fait pas par- des erreurs. Parce que maintenant, Voilà à peu près l’énoncé de ce
tie de l’essence de la liberté. Sinon actuellement encore, nous n’avons que voudraient un certain nom-
le Bon Dieu ne serait plus libre, pas le bien total de notre intelli- bre de Pères du Concile, pour dire
parce qu’Il ne peut pas faire le mal. gence et de notre volonté. les choses comme elles sont, de ce
Et je pense que Dieu est souverai- qu’ils voudraient nous faire adop-
nement libre. Et les élus qui sont Alors si nous sommes libres du ter. L’homme est libre, a le droit par
dans le Ciel ne peuvent plus faire le choix, on comprend très bien que conséquent, - vous voyez que c’est
mal non plus, mais pourtant ils ad- le Bon Dieu ne pouvait pas nous grave -, a le droit, je ne dis pas le
hèrent librement et d’une manière empêcher, étant donné la natu- pouvoir (cela est autre chose : hé-
infaillible, au bien qu’ils conçoivent re de pèlerins qu’Il nous a don- las ! nous avons le pouvoir de pé-
dans leur intelligence, parce que née, dans laquelle nous sommes cher), mais le droit de pécher. Ainsi
cette fois le bien se présente à eux à de nombreuses croisées de che- l’homme aurait le droit, de par sa
totalement et directement à leur mins et avons de nombreux choix à dignité humaine, - expliquez cela
intelligence ; ils ne peuvent pas ne faire, - le Bon Dieu ne pouvait pas comme vous l’entendez -, d’adhé-
pas le voir, ils ne peuvent pas ne pas nous empêcher de faire de mauvais rer et de pratiquer publiquement
en jouir, ils ne peuvent pas, dans choix. Alors nous n’aurions plus la religion qu’il conçoit dans sa
leur volonté, ne pas désirer ce bien la liberté humaine, qui s’attache à conscience !
qu’ils aperçoivent d’une manière des biens particuliers, à des biens
parfaite, c’est inconcevable ; ils s’y contingents, que nous pouvons C’est e"rayant une a!rmation
portent de tout leur cœur, de tou- choisir, et c’est là que nous pou- comme celle#là, e"rayant de consé-
te leur âme, parce qu’il est impossi- vons errer, parce que nos intelli- quences ! C’est épouvantable ; je
ble que, ce bien leur étant présenté gences ne sont pas parfaites, parce suppose que ceux qui énoncent des
par la vision béatifique d’une ma- que nos volontés ne sont pas par- principes comme ceux-là ne voient
nière directe, ils ne voient ce bien faites non plus et à plus forte rai- pas les conséquences qu’ils peuvent
qui est leur bien, leur propre bien, son depuis que nous sommes sou- provoquer. « Mais enfin, dira#t#on,
leur propre fin ; ils ne peuvent pas mis au péché originel. Comme je vous ne pouvez pas empêcher les
ne pas y adhérer, et ils y adhèrent vous le disais tout à l’heure, l’igno- Protestants de manifester publique-
librement, infailliblement. Donc rance et la malice font malheureu- ment et o!ciellement leur foi ! ».
dire de la liberté qu’elle serait le sement partie des défauts que nous Evidemment, cela paraît extrême
pouvoir de faire le mal, ce serait di- avons d’une manière encore beau- de dire le contraire. Mais autre cho-
re qu’il n’y aurait plus de liberté, ni coup plus grande que ne pouvaient se est une foi qui n’est pas confor-
chez les élus, ni en Dieu. l’avoir nos premiers parents. me à la Foi telle que Notre Seigneur
nous l’a enseignée, autre chose
C’est un défaut de notre liberté que sont les conséquences de cette foi.
le pouvoir de faire le mal. Et pour-
quoi ce défaut ? Parce que les biens -"-*#&35c3&-*(*&64& Si l’erreur n’était que dans le do-
qui se présentent à nous ne sont pas maine du dogme, ce serait déjà très
des biens nécessaires. Il y a un bien Voici une autre vérité importan- grave. Supposons que dans une fa-
nécessaire qui est notre fin, le bon- te à connaître et à a!rmer : autre mille catholique par exemple, on
heur, le désir de toutes les âmes. chose est de pouvoir faire le mal et autre fasse venir régulièrement une per-
Mais entre ce bien final vers le- chose le droit de faire le mal. sonne qui professe une foi di"éren-
quel nous marchons, et ce que nous te et qu’on dise : « il faut que les en-
sommes maintenant, il y a une in- Seulement là j’en viens mainte- fants connaissent tout, il faut de
finité de biens qui se présentent à nant à une conclusion que vous de- l’ouverture au monde, il faut de
nous et parmi eux, il y a des biens vinez, et à ce chapitre qui va nous l’ouverture aux idées ». On laisse-
réels et des biens trompeurs. Il y a donner encore bien des soucis et rait cette personne exposer sa foi
4
… Le problème de la liberté

l’on admette… » ; enfin qu’il y ait


une certaine tolérance par les Etats
Catholiques, par exemple de la pra-
tique du culte, d’une certaine liber-
té religieuse, cela est laissé au juge-
ment des chefs d’Etat qui doivent
être conscients de leurs devoirs et
de leurs responsabilités. Par exem-
ple, pour éviter un plus grand mal
qui serait des oppositions violentes
entre citoyens, pour éviter des dif-
ficultés graves, on pourrait tolérer
que les édifices de culte des di!é-
rentes religions soient ouverts.

De là à dire ensuite que ceux qui


© DICI demandent aux Etats cette liber-
té la demandent par égard à un droit,
Mgr Lefebvre au Concile Vatican II, assis à côté de lui, Mgr O’Donnel d’Australie, de- ah, non ! Cela jamais ! Est-ce que
bout derrière lui, Mgr Hoyer de Madagascar le Bon Dieu, maintenant, donne-
rait le droit aux hommes d’adhérer
et montrer aux enfants la foi qu’elle donne, par égard à la dignité hu- à l’erreur ? Est-ce que le Bon Dieu
professe ; ce serait déjà très grave. maine, le droit de pratiquer publi- donnerait le droit aux hommes de
Car si ce n’est pas la vraie foi, c’est quement la religion conforme à sa faire le mal ? Le droit, car c’est bien
une erreur. Cela revient à exposer conscience et de pratiquer la mora- de cela qu’il s’agit. Et c’est là que
des erreurs devant des enfants qui le qui en découle. toute la di"culté gît : le ‘jus habent’
sont plus ou moins capables de se par égard à la dignité humaine.
défendre devant ces erreurs. Il est Ce sont des principes qui sont Est-ce que la dignité de l’homme
toujours grave d’accepter le scan- absolument contraires à toutes les ne consiste pas dans sa fin, dans ces
dale de l’erreur. Encycliques des Papes jusqu’à pré- lois dont je vous ai parlé, dans cet
sent ; c’est clair. C’est pourquoi les ordre universel qui nous est donné
Mais, logiquement, il faut arri- libéraux concluent que les Etats, par l’Eglise, qui nous est enseigné
ver à la morale. On ne peut pas sé- les gouvernements ne sont pas ca- par Notre Seigneur qui parle par
parer le dogme de la morale. On di- pables de connaître la vraie reli- l’Eglise ? Alors il n’y a plus d’ordre
ra : « Ah ! cela c’est di!érent, ne nous gion. Il faut en arriver là pour met- possible. Nous ne savons plus quel
parlez pas de morale. Il s’agit seule- tre ensuite toutes les religions sur le est l’ordre vrai, quel est l’ordre qui
ment de la religion pratiquée pu- même pied : tous les cultes et tou- n’est pas vrai. Je crois qu’il y aura
bliquement, par exemple les o"ces tes les morales sur le même pied. Il encore des discussions très vives à
du culte ». Je réponds : vous ne pou- faut en arriver logiquement à dire ce sujet-là au Concile.
vez pas dire : « Nous autorisons les que les Etats n’étant pas capables
autres religions à faire les o"ces du de connaître quelle est la vraie reli- On se demande même comment
culte » et ne pas les autoriser aussi gion, ils sont obligés d’admettre la on a pu en arriver à exprimer des
à pratiquer leurs lois morales et par liberté de tous les cultes qui peu- choses semblables. Que ceux qui
conséquent, ne pas demander aux vent s’imposer à eux. La seule li- professent le libéralisme ou le mo-
Etats et aux gouvernements d’enté- mite sera soi-disant l’ordre public. dernisme explicitement aient des
riner leurs lois morales. La religion Mais comment définir l’ordre pu- idées de ce genre, passe, c’est nor-
et la morale ne font qu’un ; le dogme blic ? Car il faut le définir, cet or- mal peut-être pour eux, mais que
et la morale ne font qu’un. Il faut dre public. On peut dire par exem- des théologiens aient cette auda-
donc être logique complètement. ple, que la polygamie est l’ordre ce, c’est vraiment grave, très gra-
Par conséquent, il faudrait conclu- public pour les Musulmans… Eux ve, je vous assure, vous en voyez les
re qu’il faut désormais dans tous aussi vont venir avec leur culte, eux conséquences.
les Etats accepter le birth-control aussi vont venir avec leur morale.
et le divorce et qu’il ne doit plus y Et pourquoi pas ? Alors on ne peut Encore une fois, si on admet que
avoir aucun Etat qui n’accepte pas plus en sortir. les hommes ont le droit de prati-
le divorce. C’est logique, si c’est un quer publiquement la religion qu’ils
droit. Et s’ils ont le droit, c’est que Que l’on dise que : « On tolère, conçoivent dans leur conscience, ils
Dieu le donne. C’est donc que Dieu on accepte, la prudence veut que ont droit aussi à leur morale. On ne
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Nouvelles de Chrétienté Nº 112
Juillet - août 2008
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peut pas dire : « Vous n’avez droit me des êtres qui seraient chacun il n’y a plus de justice. Chacun se
uniquement qu’à la pratique du un monde à part ? Tous seraient fait sa loi à soi et tout est dit. On ne
culte, vous n’avez pas droit à la mo- des êtres d’ordre di"érent, ayant voit pas où l’on peut s’arrêter. Dire :
rale ». C’est une conséquence abso- chacun une finalité di"érente ! « il y a une limite » ? Quelle limi-
lument inévitable. D’ailleurs, ceux On se demande comment on peut te ? Quand on part des principes, il
qui veulent cette liberté du culte, imaginer des choses pareilles… faut être logique jusqu’au bout. Si
certains du moins, désirent aussi on applique cette idée de la liber-
cette liberté de la morale, poussés Voilà ce que je voulais vous ex- té totale en dehors d’une fin, en de-
qu’ils sont par je ne sais quel esprit, primer. Je m’excuse si je n’ai pas hors des lois que le Bon Dieu nous
mais enfin ils la désirent égale- été clair. Je voudrais tellement que donne, il n’y a plus aucune possibi-
ment parce que, il n’y a pas de dou- vous ayez conscience de l’impor- lité de justifier une action en justi-
te, malheureusement il faut bien le tance d’une claire définition de la ce et plus de responsabilité et plus de pé-
dire, que certains esprits sont ab- liberté, dans notre être et dans no- ché et plus de mal.
solument mécontents, chagrins, de tre vie, parce qu’elle a des consé-
penser qu’il y a encore des Etats, quences non seulement pour nous, De là viennent également toutes
des gouvernements qui peuvent in- mais dans toute la vie sociale. Et les fausses libertés contre lesquelles
terdire le divorce. Cela leur paraît sur la liberté, sur une bonne liberté, s’élève le Pape Léon XIII : liberté
inimaginable. s’échafaude, vous le savez bien, tou- de la presse, liberté de la conscien-
te la responsabilité, les lois, l’auto- ce, toutes ces erreurs modernes
Ainsi vous voyez combien cet- rité, la justice, enfin tout ce qui fait qui paraissent aujourd’hui norma-
te notion de la liberté est faussée, au fond une vie humaine, une vie les. Mais nous dit-on : « Vous retar-
et même complètement faussée. sociale. Parce que sans cela, pour- dez, parler de la liberté de la pres-
Comme si on pouvait séparer la li- quoi les tribunaux, pourquoi les se… Comme si la presse n’était pas
berté de ce qui fait l’homme tout magistrats, pourquoi la justice ? Si libre ! Les hommes d’aujourd’hui ne
entier. On ne peut pas séparer la nous sommes libres de faire ce que sont tout de même plus les hommes
liberté, pas plus qu’on ne peut sé- nous voulons, il y a là une inconsé- de 1888 ! Les hommes sont bien ca-
parer l’intelligence, de l’homme et quence invraisemblable. Sur le plan pables maintenant de juger ce qui
définir l’intelligence en dehors de spéculatif, on nous dit : « Vous êtes est bien et ce qui est mal ! Pourquoi
l’homme tout entier, en dehors de libres de faire ce que vous voulez ». voulez-vous limiter la liberté de la
sa finalité ; pas plus qu’on ne peut Puis, tout d’un coup, un gendarme presse ? Chacun est libre de faire et
définir la volonté de l’homme sans vient nous prendre et nous met en de publier ce qu’il veut ! ». Donc li-
considérer la finalité de l’homme prison en nous disant : « Vous avez berté du scandale, du scandale de
total, on ne peut non plus définir mal fait ». « Mal fait ? Moi je fais l’erreur, du scandale des mœurs…
la liberté en dehors de l’homme. Il ce que ma conscience me dit ! Cela
faut la définir donc en vue de la fina- ne vous regarde pas ! Je fais ce que Il n’y a pas moyen d’en sor-
lité de l’homme. La liberté nous est je veux. Je suis libre ! ». Que faire ? tir. Si on commence à vouloir di-
donnée pour cela. Toutes nos fa- Il n’y a plus de péché, il n’y a plus re qu’il faut une liberté, il faut la
cultés nous sont données pour que de mal, il n’y a plus de tribunaux, liberté de la presse, il faut la liber-
nous atteignions notre fin. Et cet-
te fin est inscrite dans une loi in-
diquée par l’autorité. Ce n’est pas
tellement compliqué. Mais il exis-
te une telle obsession du danger
d’avoir une liberté un peu limitée
io,
que l’on voudrait appliquer cette li- ad
la r
berté d’une manière complète, to-
fa ire
tale, en dehors de toute loi, en de- e nt
hors de toute finalité. L’homme est e uv
ep
qu
libre, absolument libre. Il peut fai-
e nt
re tout ce qu’il veut ; cela regarde em !
i o nn se
sa conscience. C’est sa conscien-
n d it Pre s
o la
ce qui est le critère final, le critè- le c
nt,
re définitif de tout ce que l’hom- ya
ffra
st e
me peut faire. Chaque homme
peut se faire sa loi, chaque homme C’e
peut se faire sa fin… Mais est!ce
que le Bon Dieu nous a créés com-
6
… Le problème de la liberté

té des mœurs, il faut la liberté de première condition à réaliser est les-mêmes, l’union des volontés et
tout. Il n’y a pas de limite possible. de professer les mêmes sentiments. l’uniformité dans la conduite.
Qu’il y ait une certaine tolérance, Avec quel zèle ardent et avec quelle
d’accord. Mais on ne peut tout de singulière autorité de langage saint « 29 – Mais, ainsi que l’ordonne
même pas dire que la presse n’ait Paul, exhortant les Corinthiens, l’apôtre saint Paul, cette unanimité
pas une influence considérable. La leur recommande cette concor- doit être parfaite.
presse, la télévision, la radio, le ci- de ! Mes frères, je vous en conjure par
néma ont une influence énorme sur le nom de Notre!Seigneur Jésus!Christ, « 30 – La foi chrétienne ne re-
le conditionnement des esprits hu- dites tous la même chose ; qu’il n’y ait pose pas sur l’autorité de la raison
mains. Nous allons vers un esprit pas de divisions parmi vous ; ayez entre humaine, mais sur celle de la rai-
standard. On va standardiser les vous le plus parfait accord de pensées et son divine ; car, ce que Dieu nous
esprits en les amenant sous le joug de sentiments. a révélé, « nous ne le croyons pas à
de visions de l’humanité absolu- cause de l’évidence intrinsèque de
ment diminuées : visions matéria- « 27 – La sagesse de ce précepte la vérité, perçue par la lumière na-
listes, sensuelles, que sais-je ? C’est est d’une évidence immédiate. En turelle de notre raison, mais à cau-
e!rayant, le conditionnement que e!et, la pensée est le principe de se de l’autorité de Dieu, qui révè-
peuvent faire la radio, la Presse ! l’action, d’où il suit que l’accord ne le et qui ne peut ni se tromper ni
Alors je pense que des Etats comme peut se trouver dans les volontés, ni nous tromper ». Il résulte de là que,
le Portugal, l’Espagne et d’autres l’ensemble dans la conduite, si cha- quelles que soient les choses mani-
ont parfaitement raison de disci- que esprit pense di!éremment des festement contenues dans la révéla-
pliner la presse et tous les moyens autres. Chez ceux qui font profes- tion de Dieu, nous devons donner à
d’information. sion de prendre la raison seule pour chacune d’elles un égal et entier as-
guide, on trouverait di"cilement # sentiment. Refuser de croire à une
Liberté de la presse, liberté d’en- si tant est qu’on la trouve jamais – seule d’entre elles équivaut, en soi,
seignement, liberté de conscience : l’unité de doctrine. En e!et, l’art à les rejeter toutes. Car ceux-là dé-
autant de libertés contre lesquelles de connaître le vrai est plein de dif- truisent également le fondement
s’élève le Pape Léon XIII. Je ne sau- ficultés ; de plus, l’intelligence de de la foi, qui nient que Dieu ait par-
rais trop vous conseiller de lire l’En- l’homme est faible par nature et ti- lé aux hommes, ou qui mettent en
cyclique Libertas Praestantissimum rée en sens divers par la variété des doute sa vérité et sa sagesse infinie.
qui est vraiment le plus beau résu- opinions ; elle est souvent le jouet
mé qu’on ait pu faire sur la liberté des impressions venues du dehors, « 31 – Quant à déterminer quel-
et en même temps sur l’application il faut joindre à cela l’influence des les doctrines sont renfermées dans
des principes aux « erreurs moder- passions, qui, souvent, ou enlèvent cette révélation divine, c’est la mis-
nes » qui sont toujours actuelles. complètement, ou diminuent dans sion de l’Eglise enseignante, à la-
de notables proportions la capacité quelle Dieu a confié la garde et
de saisir la vérité. Voilà pourquoi, l’interprétation de sa parole ; dans
dans le gouvernement politique, l’Eglise, le docteur suprême est le
on est souvent obligé de recourir à Pontife Romain. L’union des es-
$0/$-64*0/ la force, afin d’opérer une certaine prits réclame donc, avec un par-
union parmi ceux dont les esprits fait accord dans la même foi, une
sont en désaccord. parfaite soumission et obéissance
des volontés à l’Eglise et au Pontife
6/*0/%&4Å.&4 « 28 – Il en est tout autrement Romain, comme à Dieu Lui-mê-
1"3-"%0$53*/& des chrétiens : ils reçoivent de me. »
&/4&*(/c&1"3-µc(-*4& l’Eglise la règle de leur foi ; ils sa-
vent avec certitude qu’en obéissant Et c’est très important, juste-
à son autorité et en se laissant gui- ment parce qu’actuellement on par-
Je voudrais terminer par un petit der par elle, ils seront mis en pos- le beaucoup d’union. Ceux qui ne
passage de l’Encyclique Sapientiae session de la vérité. Aussi, de mê- veulent pas se conformer aux opi-
Christianae du Pape Léon XIII. Il me qu’il n’y a qu’une Eglise, parce nions des autres, à l’opinion publi-
y demande justement l’union des qu’il n’y a qu’un seul Jésus-Christ, que, on les accuse de diviser. « Vous
âmes : il n’y a et il ne doit y avoir entre les êtes des gens qui sont toujours mé-
chrétiens du monde entier qu’une contents, qui ne sont jamais satis-
« 26 – Pour réaliser cette union seule doctrine, un seul Seigneur, une faits. Vous divisez… ».
des esprits et cette uniformité dans seule foi. Ayant entre eux le même esprit
la conduite, si justement redoutées de foi, ils possèdent le principe tu- Je pense que c’est là ce qui doit
des adversaires du catholicisme, la télaire d’où découlent, comme d’el- nous guider et nous unir : la doctrine
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Nouvelles de Chrétienté Nº 112
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de l’Eglise enseignée par les Papes.


Etudiez la doctrine des Papes !

1*c5c c56%& "$5*0/


Vous connaissez ces principes
que l’on a quelquefois dans certains
mouvements d’Action Catholique
et qui sont en soi des principes
tout à fait élémentaires : « Voir, ju-
ger, agir » ?
Eh ! voir, juger, agir… enco-
re faut-il juger selon la Vérité, en-
core faut-il agir selon la Vérité.
« Voir, juger, agir » tout le monde
fait cela ; les communistes font ce-
la ; tout homme sensé fait cela. On
voit, on juge, on agit, mais on peut
Que le Règne de Notre Seigneur arrive sur la terre comme au Ciel.
voir, juger agir déraisonnablement.
Il faut donc voir, il faut donc étu- Je vous félicite aussi de tout ral, du désordre philosophique et
dier. Je trouve que les consignes cœur de vous réunir comme cela, du désordre qui règne dans les es-
du Pape saint Pie X à ce propos- en petits groupes, pour étudier la prits. Alors il faut d’abord mettre
là étaient beaucoup plus justes : Vérité. Surtout à votre âge, dans de l’ordre dans les esprits. Puis vien-
« Piété, Etude, Action ». Voilà quel- les conditions où vous êtes, dans dra ensuite l’ordre dans l’action et
le était la consigne que donnait le les milieux où vous vous trouvez, dans tous les domaines. Car il ne
Pape saint Pie X aux membres de étant donné l’ambiance, il est ab- faut pas exclure le domaine politique.
l’Action Catholique ; « Piété, Etude, solument indispensable que vous étu- Ce serait encore une erreur que
Action », c’est beaucoup plus réalis- diiez les principes afin que vous ayez l’on voudrait maintenant incul-
te. Là au moins il y a des principes une vue claire, un esprit qui adhè- quer dans les esprits, les esprits des
auxquels on s’attache. Piété : prier re vraiment à la Vérité. Alors vous catholiques, les esprits des chré-
d’abord, donc s’unir à Dieu ; puis agirez dans toutes les circonstan- tiens, que l’on ne doit pas recher-
étude : étudier la Vérité. Alors on ces de votre vie d’une manière qui cher pour les Etats une législation
agit avec succès. Et même s’il n’y sera vraiment conforme aux lois catholique et un gouvernement ca-
a pas de succès apparent, on a au du Bon Dieu, à l’ordre de l’univers. tholique. Aujourd’hui, c’est pros-
moins l’espérance d’un succès à ve- Vous serez dans l’ordre. Et l’ordre crit ! ! ! C’était bon pour le temps
nir. produit la justice et la justice pro- des Croisades ! ! ! Mais maintenant
duit la paix. il ne s’agit pas de vouloir remet-
tre un gouvernement catholique à
Ce sont des principes fonda- la tête d’un Etat, ou des catholique
mentaux sur lesquels on ne doit ja- à la tête d’un gouvernement ! Alors
mais transiger : il y a un ordre dans que ce doit être l’un des buts essentiels
le monde, le Bon Dieu nous a or- que se propose tout citoyen catho-
donnés vers une fin. Si nous sor- lique.
tons de cet ordre, c’est fini, nous
sommes dans le désordre. Si c’est Nous sommes absolument dans
un désordre moral, nous sommes une atmosphère de folie : le premier
dans le péché. Si c’est un désor- désir de tout catholique devrait
dre politique ou économique, si on être que sa commune soit catholi-
sort de l’ordre qui est inscrit dans que, que sa région soit catholique,
les lois de la nature, on va vers des que l’Etat devienne catholique,
catastrophes pour la société. Et pour le bien de sa famille, pour le
© DICI Dieu sait si on le voit maintenant bien de ses concitoyens, pour que le
depuis quelques années. Toutes ces Règne de Notre Seigneur arrive sur la
1965 : Mgr Lefebvre prêche une récol-
lection à un groupe de jeunes à Porto
guerres que nous déplorons sont le terre comme au Ciel.
Rico fruit du désordre, du désordre mo-
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