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Evaluation des Plans de Sauvegarde de l’Emploi

Août 2007
Abstract

1. Contexte et objectifs

Les « restructurations » d’entreprises sont fréquentes et affectent les personnels qui perdent leur
emploi et les territoires qui perdent de la richesse. L’Etat, devant la gravité du phénomène, a mis en
place des mesures renforçant le rôle du service public dans la mise en œuvre des « Plans de
Sauvegarde pour l’Emploi ».Ces plans sont engagés lorsqu’une entreprise de plus de 50 salariés
licencie plus de 10 personnes par mois. Le reclassement est en général confié à une cellule de
reclassement qui a charge d’accompagner les salariés et de mobiliser les différentes ressources à sa
disposition pour faciliter leur retour à l’emploi (aide à la formation, aide à la mobilité, aide à la création
d’entreprise…)

Entre 2004 et 2005, plus de 100 Plans de Sauvegarde ont été engagés en région des Pays de la
Loire. La DRTEFP a souhaité en évaluer les effets et s’assurer de leur efficacité.

La démarche d’évaluation s’est appuyée sur cinq phases successives :

1. Analyse de l’ensemble des dossiers PSE


2. Etude monographique de 17 PSE conduits en Pays de la Loire (79 entretiens ont été
réalisés durant cette phase).
3. Interrogation de 31 chefs d’entreprises ayant engagé un PSE
4. Interrogation de 42 salariés ayant adhéré aux cellules de reclassement
5. Interrogation des partenaires

Cette note n’a pas pour objet de restituer l’ensemble des constats d’étude. Elle se centre
essentiellement sur les enseignements de l’évaluation et sur les préconisations qui en découlent.

2. L’engagement d’un PSE ne résout pas la crise

Les entreprises ayant mis en œuvre un PSE sont pour la plupart des industries de production à forte
main d’œuvre. Elles s’inscrivent toutes dans un contexte global de mise en tension des sites de
production dont les caractéristiques ne sont pas sans conséquence sur les recommandations qui
peuvent être proposées pour optimiser l’efficacité des PSE. Ces tensions ont partie liée avec : la
mondialisation des marchés, l’accélération des cycles économiques, l’évolution des rapports entre
donneurs d’ordre et sous-traitants, l’intégration mondialisée des systèmes de production.

Les entreprises monographiées parviennent difficilement à résoudre les problèmes posés par la
nécessaire diversification de leurs produits et de leur portefeuille clients, par la modernisation de leur
process et de leurs modes de management. Les chefs d’entreprise sont conscients de ces difficultés
mais ne font paradoxalement que rarement appel à des compétences extérieures pour les conseiller
sur le plan managérial, organisationnel ou commercial. Cette incapacité à « régler » les problèmes à
l’origine des difficultés économiques explique pour partie que 12 des 17 entreprises monographiées
aient connu plusieurs PSE.

Cette succession de PSE ne peut qu’interroger la puissance publique sur l’opportunité de développer
des mesures d’accompagnement stratégiques pour les entreprises engageant ou envisageant un
PSE. Cet accompagnement pourrait prendre plusieurs formes (aide à la diversification, à la
performance…) et permettrait de pallier l’isolement des chefs d’entreprise qui pris dans l’urgence du
marché ont toutes les peines à anticiper, à innover et à ré-organiser leur entreprise. On peut sur ce
point souligner l’adhésion de principe d’un certain nombre de chefs d’entreprise pour ce type de
démarche d’appui conseil.

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3. L’élaboration des plans de sauvegarde
Au-delà de l’efficacité des cellules de reclassement, l’efficience du PSE en terme de sauvegarde de
l’emploi dépend en grande partie de la pertinence des mesures et des moyens (enveloppes formation,
mobilité…) alloués aux reclassements internes et externes des salariés. Ces budgets et enveloppes
sont définis entre l’entreprise et les représentants du personnel au moment de la phase d’élaboration
du PSE. Cette phase amont est de ce point de vue essentielle puisqu’elle préfigure les actions qui
pourront être engagées pour optimiser les reclassements. Elle devrait en toute logique associer
l’ensemble des acteurs dans le cadre d’une réflexion à la fois constructive et éclairée (adoption des
meilleures mesures en regard, d’une part, des possibilités de reclassement offertes par le marché de
l’emploi local, d’autre part du profil des salariés).

Sur la base des entretiens conduits, on constatera que cette réflexion collégiale est difficile, souvent
stérile, parce qu’elle se fait dans l’urgence et dans la suite directe de l’annonce du plan de
licenciement. On pourra ainsi regretter que les PSE s’élaborent dans un climat de tension expliquant
que les réflexions sur les actions favorisant le reclassement des salariés soient souvent inabouties (le
livre IV s’écrit en même temps que le livre III et ne sert qu’à justifier les licenciements). Les raisons de
cette « urgence » sont multiples. La plus évidente est liée à la tendance des chefs d’entreprise à
différer autant que faire se peut l’engagement du PSE, ce bien après que la nécessité d’un plan social
se soit imposée dans leur esprit. On pourrait en toute logique souhaiter davantage d’anticipation de
manière à laisser le temps aux partenaires sociaux de mettre en œuvre une stratégie efficiente
mobilisant l’ensemble des compétences disponibles (en particulier celles du SPE).

Cette anticipation n’est pas totalement impossible dans le sens où les entreprises prennent en général
avant le PSE une série de mesures laissant entendre qu’elles risquent à terme de mettre en œuvre un
plan social (par exemple mesures de chômage partiel). Il serait alors possible, dès le repérage des
premiers signes de difficultés, d’amorcer un dialogue avec l’entreprise, puis avec les IRP.

L’engagement de ce type de démarche nécessite, premièrement, une maturité du dialogue entre


entreprises et partenaires sociaux, deuxièmement, une médiation permettant de pacifier les débats,
troisièmement, un apport de compétences externes permettant d’étudier les différentes solutions qui
peuvent être mises en œuvre tant du point de vue du reclassement que de l’appui conseil aux
entreprises.

4. La mobilisation du SPE en phase d’élaboration du plan de sauvegarde

L’une des principales faiblesses des PSE tient à l’insuffisance de diagnostic emploi formation au
moment où s’élaborent les grandes orientations du plan de sauvegarde. Le SPE n’est à l’évidence pas
suffisamment sollicité lors de cette phase. Du fait de cette insuffisance, la question du reclassement
est de manière regrettable celle qui apparaît la moins débattue entre les partenaires. Ceux-ci
consacrent l’essentiel de leur investissement à la négociation des primes de licenciement et au choix
des profils de salariés licenciés. Cette négociation est certes nécessaire, mais elle occulte trop
souvent les réflexions sur le reclassement lui-même.

L’implication plus active du SPE lors de cette phase paraît à bien des égards indispensable, en
particulier :

 Pour éviter qu’un certain nombre de décisions limitant la pertinence et l’efficacité du dispositif
soient prises par les partenaires (notamment l’individualisation des enveloppes).

 Pour sortir d’une logique de maximisation ou de minimisation des aides et adapter les
financements aux besoins réels.

 Pour encourager les partenaires à privilégier le financement des actions de reclassement sur
les indemnités supra-légales.

 Pour informer les partenaires sur les possibilités de reclassement en local et les mesures
efficaces à promouvoir (formation, VAE…).

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 Pour guider les partenaires dans le choix du cabinet de reclassement compte tenu des
contextes et de la réalité du marché de l’emploi local.

5. La performance des cellules de reclassement

En sortie de cellule, 38% des salariés 28%


retrouvent un emploi stable, 20 % un
23%
emploi précaire (selon que l’on considère 20%
ou non les CDD de plus de six mois
comme des emplois précaires). Le
pourcentage de salariés sans solutions 10% 10%
identifiées est de 30%. 7%

L’analyse des taux de reclassement par


bassins, filières et types de PSE montre Reclassement CDD de 6 mois Reclassement Formation Sans solution Situations
toutefois qu’une lecture « sèche » des durable et plus précaire particulières
bilans ne permet pas d’évaluer l’efficacité
des cellules de reclassement.

Leur évaluation doit se faire en regard d’une quadruple dimension, malheureusement très peu prise
en compte dans les bilans de cellule :

1. Premièrement, en regard de la sauvegarde effective de l’emploi


2. Deuxièmement, en regard de l’employabilité en local des personnes à reclasser
3. Troisièmement, en fonction des contextes spécifiques liés à la santé économique des filières
et des bassins d’emploi
4. Quatrièmement en fonction du niveau d’intervention et d’implication de l’Etat

La plus-value des cellules de reclassement tient essentiellement au soutien psychologique qu’elles


sont en mesure d’apporter aux salariés. Cet accompagnement est particulièrement utile pour les
salariés les plus fragilisés. Ceci étant, il prend trop souvent le pas sur le travail de reclassement et
l’engagement d’un certain nombre d’actions de nature à favoriser le retour à l’emploi (out-placement,
démarchage auprès des entreprises, bilan de compétences…).

Par ailleurs, la plupart des salariés n’a pas réellement besoin d’un accompagnement psychologique
au-delà de quelques séances. Ils se placent majoritairement dans une logique d’urgence de retour à
l’emploi et attendent essentiellement de la cellule l’engagement d’actions concrètes leur permettant de
retrouver un travail. Par ailleurs, compte tenu du faible crédit qu’ils portent à la performance de la
cellule, ils tendent à rapidement rechercher par eux-mêmes un emploi fut-il précaire et mal rémunéré.
Cette acceptation peut dans une certaine mesure obérer les chances d’un reclassement durable. On
peut en effet supposer qu’ils auraient pu accéder à un meilleur emploi s’ils étaient parvenus à
construire et à mettre en œuvre un véritable projet de reconversion au sein de la cellule.

Il semble en conséquence important de rééquilibrer les « prestations » de soutien psychologique et le


travail de reclassement. Pour ce faire, il pourrait être envisagé :

 De travailler dès le démarrage de la cellule à la construction d’un projet de reclassement


prenant en compte les aspirations de l’adhérent et les possibilités ouvertes par le marché de
l’emploi local. L’implication du SPE parait ici nécessaire pour appuyer le cabinet.

 De développer la mobilisation des outils de positionnement professionnel (bilans de


compétences, VAE,…) et l’offre de formations qualifiantes en lien avec le marché de l’emploi
local. Cela permettrait dans une certaine mesure d’éviter que les salariés acceptent des offres
d’emploi peu pérennes. Les compétences de l’AFPA doivent être ici systématiquement
mobilisées.

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 d’orienter les salariés les plus fragiles (dont on peut présumer qu’ils représentent un volume
restreint) vers des structures mieux en mesure de les prendre en charge et de les inscrire
dans une logique de redynamisation. Cela permettrait de recentrer l’intervention de la cellule
sur le reclassement. Par ailleurs, compte tenu du nombre d’adhérents se plaçant dans une
situation d’attente, il pourrait être envisagé de demander aux salariés souhaitant intégrer la
cellule de s’engager sur une dynamique de retour à l’emploi (signature d’une charte ou
contractualisation, par exemple)

 d’augmenter les budgets accordés aux cabinets de reclassement pour optimiser leurs
prestations. Les cabinets interviennent parfois en limite de rentabilité et, pris dans un jeu de
concurrence, sont parfois conduits à recruter des intervenants peu qualifiés et peu
expérimentés en matière de reclassement. En contrepartie, il pourrait être exigé des cabinets
une information précise sur les compétences des intervenants.

6. Promouvoir une approche plus collective du reclassement


L’approche du reclassement reste essentiellement individuelle. Chaque salarié est accompagné sur la
construction d’un projet professionnel censé lui permettre un retour à l’emploi en phase avec ses
aspirations et les possibilités d’emploi local. Cette approche donne dans quelques cas des résultats
tangibles, dont on ne sait toutefois s’ils n’auraient pas pu être atteints en mobilisant les dispositifs de
droit commun et les compétences de l’ALE.

Quoi qu’il en soit, compte tenu de la relative homogénéité des salariés, on peut s’interroger sur
l’opportunité de promouvoir plus fortement les approches collectives en particulier sur le volet
formation / reconversion. Plutôt que de proposer des contenus de formation standards, dont on peut
questionner l’efficacité, ne serait-il pas préférable d’envisager, lorsque le contexte local s’y prête, le
montage de formations collectives en lien avec le marché de l’emploi local ? La mise en œuvre de ces
formations collectives nécessiterait :

 d’accroître des partenariats avec les secteurs en tension de main d’œuvre et les branches
professionnelles. Ces partenariats offriraient une visibilité accrue sur les possibilités d’emploi
en sortie de formation et seraient de nature à encourager les salariés à investir ce type de
programme.

 de mobiliser les compétences de l’AFPA en matière d’ingénierie de formation

 de mutualiser les différents financements (sur le modèle des plateformes de reconversion)

 d’opérer un traitement différencié des groupes de salariés en fonction de leur parcours


professionnel

 de promouvoir au sein du bassin d’emploi la GPEC

7. Mutualiser les enveloppes


L’accès aux formations est limité par les possibilités de financement. Certains salariés, malgré la
cohérence de leur projet de formation, ne peuvent bénéficier des financements nécessaires. Il y a là
paradoxe dans le sens où les enveloppes de formation ne sont pas consommées. Ce paradoxe
s’explique par la répartition égalitaire des budgets de formation entre les adhérents. Chaque adhérent,
qu’il décide ou non de se former, bénéficie d’une enveloppe de formation équivalente. De fait on se
trouve d’un côté avec des salariés ne souhaitant pas utiliser leur enveloppe (les fonds alloués
reviennent alors à l’entreprise et ne sont pas redistribués), de l’autre, avec des salariés qui ont un
besoin de financement allant au-delà de l’enveloppe disponible et qui ne peuvent financer leur
formation. La mutualisation des enveloppes (formation, mobilité et aides à la création d’entreprise)
constitue en ce sens l’une des pistes d’optimisation du dispositif.

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